QU EST-CE QUE LE FÉMINISME ET QUELS DÉFIS LANCE-T-IL? (*)

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1 Vers la pleine citoyenneté des femmes Barcelona, le avril QU EST-CE QUE LE FÉMINISME ET QUELS DÉFIS LANCE-T-IL? (*) Par Amelia Valcárcel Philosophe (*) Ce document, dans sa version française, est un extrait du texte présenté intégralement dans la version espagnole.

2 SOMMAIRE 1. INTRODUCTION 1.1. Qu est-ce que le féminisme 1.2. Féminisme et Lumières 1.3. Les trois grandes étapes du féminisme 2. LE FÉMINISME DES LUMIÈRES. LA PREMIÈRE VAGUE 3. LE FÉMINISME LIBÉRAL SUFFRAGISTE. LA DEUXIÈME VAGUE 3.1. La misogynie romantique 3.2. La déclaration de Seneca Falls 3.3. Les droits à l éducation 3.4. La lutte pour le droit de vote 4. L INTERRÈGNE. LA MYSTIQUE DE LA FÉMINITÉ 5. LE FÉMINISME DE SOIXANTE-HUIT. LA TROISIÈME VAGUE 6. LE PRÉSENT ET LES ENJEUX DE DEMAIN 6.1. Les enjeux du XXI e siècle 7. BIBLIOGRAPHIE RECOMMANDÉE 2

3 1. INTRODUCTION 1.1. Qu est-ce que le féminisme Le féminisme est une tradition politique moderne, égalitaire et démocratique, qui soutient qu aucun individu de l espèce humaine ne doit être exclu d un bien ou d un droit à cause de son sexe. Le féminisme, c est penser sans complexe comme si le sexe n existait pas. Donc, le féminisme n est pas un machisme inversé, mais quelque chose de très différent : l une des fortes traditions politiques égalitaires modernes, probablement la plus difficile de surcroît, car elle s oppose à la hiérarchie la plus ancestrale de toutes. Quand bien même toutes les hiérarchies ont été remises en question, la hiérarchie entre hommes et femmes s est toujours maintenue. Mais, puisque le féminisme s oppose à l utilisation du sexe comme mesure, il s oppose aux abus en fonction du sexe : ce n est pas un machisme inversé, mais c est le contraire absolu du machisme. La véritable raison d être du machisme est la hiérarchie sexuelle en elle-même, et non l une de ses indésirables conséquences. Le fait que les femmes doivent être soumises aux hommes a été difficile à remettre en cause au cours de l histoire. Quelques-unes des conséquences ont pu être mises en question, mais s opposer de manière concrète à la hiérarchie en soi, la déclarer illégitime, s interroger sur sa raison d être et son avenir était impossible avant que n émerge le contexte idéologique adéquat. Il aura fallu attendre le XVII e siècle et l apparition de la nouvelle notion d individu proposée par la philosophie politique baroque : l individu abstrait, absolument pas déterminé. Alors, seulement, il a été possible de dire que de tels individus abstraits devaient exister dans la législation, être aussi incarnés dans les pratiques morales, dans les corps civils, dans les coutumes C est le fondement idéologique de la démocratie et du féminisme : le concept d individu abstrait de la philosophie politique libérale. Cet individu qui est essentiellement libre et qui, en cette qualité, est égal à tous les autres individus Féminisme et Lumières Le féminisme est l un des piliers les plus solides d une démocratie, et une démocratie, quand elle fonctionne, est féministe, et quand elle ne l est pas, on peut et on doit le lui reprocher. Quelle est l origine du féminisme en tant que philosophie politique? Le féminisme vient de l esprit philosophique du siècle des Lumières en Europe, bien qu il naisse avant cela de la philosophie baroque. Mais c est au siècle des Lumières qu il prend vraiment son élan pour la première fois. Ce siècle, qui est une longue polémique autour des thèmes les plus variés (le luxe, le goût, les arts et les sciences, la superstition, les textes sacrés, les formes d État, les tempéraments et tant d autres), inaugure la polémique sur l égalité intellectuel et l égalité de traitement pour les femmes. Le XVIII e siècle, qui est l origine de notre monde d idées, 3

4 d une grande partie de notre cadre institutionnel et d une bonne part des modes de vie actuels, est aussi la source de notre horizon politique et même de l horizon de réformes sociales et morales dans lequel nous vivons encore. Ce siècle singulier présente le premier féminisme comme l un des éléments controversés du programme des Lumières Les trois grandes étapes du féminisme Le féminisme, en tant que philosophie politique et aussi en tant que pratique, a connu trois grandes étapes : féminisme des Lumières, féminisme libéral suffragiste et féminisme contemporain. La première étape a duré jusqu à la Révolution française ; la deuxième s étend du manifeste de Seneca Falls (1848) jusqu à la fin de la Seconde guerre mondiale, et nous vivons encore dans la troisième, qui a commencé en 68, maintenant que nous entrons dans le XXI e siècle. Le féminisme des Lumières se présente comme une polémique, comme un débat, surtout à propos de l égalité d intelligence et de la réclamation du droit à l éducation. Le féminisme libéral continue la lutte pour l éducation, à laquelle il ajoute les droits politiques, élire et être élue, et se concentre donc sur l accès à tous les niveaux d enseignement, aux professions et au vote. Le féminisme contemporain commence comme une lutte pour les droits civils, pour se concentrer ensuite sur les droits en matière de reproduction, la parité politique et le rôle des femmes dans le processus de mondialisation. Les trois grandes étapes du féminisme : Le féminisme des Lumières Le féminisme libéral suffragiste Le féminisme contemporain Reconnaissance de l égalité intellectuelle Réclamation du droit à l éducation Accès à tous les niveaux d enseignement, aux professions et au vote Droits civils, droits en matière de reproduction, parité politique, rôle des femmes dans la mondialisation Souligner l origine du féminisme dans les Lumières sert à distinguer la pensée féministe d une série de pensées, aussi controversées, qui apparaissent de manière récurrente dans la tradition européenne depuis le XIII e siècle. À l aube du Bas Moyen Âge naissent toute une série de nouvelles modes et idées qui se résument d habitude sous le nom d «amour courtois». Dans ce contexte surgit une littérature particulière que j appellerai «discours de l excellence des femmes de la noblesse», qui a ses cultivatrices et ses cultivateurs ainsi que des usages sociaux non équivoques. Elle sert à fournir des modèles d estime de soi et de conduite aux femmes de la noblesse. Elle 4

5 fait le panégyrique des reines, héroïnes, saintes et grandes dames du passé, et, à travers elles, offre des modèles de féminité qui contribuent à l apparition de la courtoisie dans le groupe de pouvoir. Ce discours de l excellence ne s élève pas sans opinions contraires : il a comme parallèle continu une littérature misogyne, habituellement cléricale mais aussi laïque, qui, à son tour, a des origines lointaines. 2. LE FÉMINISME DES LUMIÈRES. LA PREMIÈRE VAGUE Le féminisme se différencie radicalement de ces lieux communs. C est une pensée politique typique des Lumières : dans le contexte du développement de la philosophie politique moderne, le féminisme surgit comme la plus grande et la plus profonde correction apportée au démocratisme primitif. Ce n est pas un discours de l excellence, mais un discours de l égalité qui articule la polémique autour de cette catégorie politique. Le féminisme trouve son œuvre fondatrice dans A Vindication of the Rights of Women (Défense des droits de la femme) de Mary Wollstonecraft, un plaidoyer détaillé contre l exclusion des femmes du champ complet des biens et droits que dessine la théorie politique de Rousseau. Cette œuvre décante la polémique féministe des Lumières, synthétise ses arguments et, grâce à l articulation de son projet, devient le premier classique du féminisme au sens strict. La pensée des Lumières est profondément pratique. Elle se propose de changer le monde : face à ce qui existe, elle préfère imaginer le monde tel qu il devrait être et chercher les moyens de le mettre en exécution. Pourtant, il ne faut pas en déduire que les Lumières sont par nature féministes. Je pense même que le féminisme est un enfant non désiré des Lumières. Rousseau, l un de leurs principaux théoriciens, qui n admet même pas la force comme critère d inégalité dans l État présocial, qui considère injuste tout privilège postérieur, qui, dans le même texte, affirme aussi qu il «est difficile de démontrer la validité d un contrat qui n oblige pas plus d une des parties, qui met tout d un côté et rien de l autre», qui considère que la liberté est une sorte de bien telle que personne n est autorisé à la retirer, affirme pourtant que l assujettissement et l exclusion des femmes est en tous points désirable. La démocratie de Rousseau est exclusive. L égalité entre les hommes est cimentée par leur supériorité sur les femmes. L État idéal est une république dans laquelle chaque homme est chef de famille et citoyen. Toutes les femmes, indépendamment de leur situation sociale ou de leurs qualités particulières, sont privées d une sphère propre de citoyenneté et de liberté. Le Rousseau pédagogue écrira dans le livre V d Émile : «Une femme parfaite et un homme parfait ne doivent pas plus se ressembler d'esprit que de visage. L un doit être actif et fort, l autre passif et faible. Il faut nécessairement 5

6 que l'un veuille et puisse, il suffit que l'autre résiste peu. Ce principe établi, il s'ensuit que la femme est faite spécialement pour plaire à l'homme [ ] le mérite de l homme est dans sa puissance ; il plaît par cela seul qu'il est fort.» L homme, dans sa relation à la femme, est mari et a sur elle une prééminence naturelle. Quand j affirme que le féminisme est né des Lumières et qu il en est un enfant non désiré, je ne fais rien de plus que souligner que, né de la polémique des Lumières sur l égalité et la différence entre les sexes, un nouveau discours politique utilise les catégories universelles de sa philosophie politique contemporaine. Un discours, donc, qui ne compare déjà plus les hommes et les femmes, mais qui compare la situation de privation de biens et de droits des femmes avec les déclarations universelles mêmes. A Vindication of the Rights of Women ne naissait pas seule. Elle était soutenue par le sentiment égalitaire diffus qui irriguait la société dans la période précédant la Révolution, et que les Lumières avaient cultivé. Elle transmettait aussi les activités de nombre de femmes qui, généralement grâce à leur origine et à leur entourage social, avaient obtenu l accès à des niveaux parfois élevés de culture. Elle cherchait un public attentif dans les élites politiques et intellectuelles qui, occasionnellement, avaient déjà manifesté leur opinion favorable. En 1790, Condorcet avait répété ce qu il avait déjà écrit en 87 : «N'est-ce pas en qualité d'êtres sensibles, capables de raison, ayant des idées morales, que les hommes ont des droits? Les femmes doivent donc avoir absolument les mêmes, et cependant jamais, dans aucune constitution appelée libre, les femmes n ont exercé le droit de citoyens.» Pourtant, A Vindication of the Rights of Women, malgré les nombreuses éditions apparues immédiatement après sa première parution en 1792, et malgré une utilisation du langage contrastée et adaptée à sa politique d origine, n a pu transmettre ses idées qu à quelques cercles intellectuels restreints. Il en est advenu de même de la beaucoup plus brève Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne rédigée par Olympe de Gouges, qui avait paru en Deux ans après, son auteur fut guillotinée pour prix de l habileté de sa plume et de sa renommée, de la même manière que Wollstonecraft a été l objet de diffamations et de sarcasmes. Nous avons une preuve révélatrice de l accueil glacial des cercles politiques proches de ces opinions : le pamphlet Projet de loi pour interdire aux femmes d apprendre à lire vient de l un des groupes les plus radicaux présents sur la scène révolutionnaire. Des inventions et propositions qui pullulaient dans cette atmosphère politique, le féminisme était l une des plus hasardeuses. L unique chose en sa faveur était l article XI de la Déclaration des 6

7 droits de l Homme et du citoyen : certaines et certains pouvaient défendre et exprimer librement leurs opinions, «un des droits les plus précieux de l homme», mais guère plus. Une solide barrière de préjugés bien installés dans les pratiques sociales et politiques s opposait à ces opinions. Rousseau avait donné une nouvelle solidité et une nouvelle respectabilité à cette inertie, parce que sa pensée ne s était pas limitée à justifier l exclusion sociale des femmes de sa vision géniale et anticipatrice du nouveau domaine du public, mais offrait des modèles de féminité qui avaient du succès. Dans la négation rousseauiste de la citoyenneté des femmes et dans son instrumentation de la part de la politique révolutionnaire, plusieurs lignes de force coexistaient qui, ensemble, permettaient de séculariser le traitement inégal dispensé au sexe féminin en se libérant des arguments mythico-religieux obsolètes. Le moule de Rousseau produit aussi le nouveau modèle de féminité, que la division des rôles politiques sacralise. Si les femmes n appartiennent pas à l ordre du public-politique, c est parce qu elles appartiennent à l ordre du domestiqueprivé. Cette répartition et cette seconde sphère doivent être maintenues comme fondement et condition de toute politique. Les femmes, ni par leurs qualités spirituelles, c'est-à-dire la vigueur morale qui exige intelligence, honorabilité, impartialité, ni par leurs qualités physiques, étant donné leur manifeste faiblesse physique, ne peuvent payer le prix de la citoyenneté. Les femmes sont, considérées dans leur ensemble, la masse pré-civique qui reproduit à l intérieur de l État l ordre naturel. Elles ne sont pas citoyennes, parce qu elles sont mères et épouses. L État est formé par les hommes, qui ont des responsabilités et des droits, et qui collaborent à l édification de la volonté générale et aux objectifs de l intérêt commun. Les femmes, liées comme elles le sont à un ordre antérieur, ne peuvent même pas penser cet ordre. La différence entre hommes et femmes est infime, écrit Rousseau dans d autres textes, mais significative : «Par plusieurs raisons tirées de la nature de la chose, le père doit commander dans la famille. Premièrement, l'autorité ne doit pas être égale entre le père et la mère ; mais il faut que le gouvernement soit un, et que dans les partages d'avis il y ait une voix prépondérante qui décide. Quelque légères qu'on veuille supposer les incommodités particulières à la femme ; comme elles font toujours pour elle un intervalle d'inaction, c'est une raison suffisante pour l'exclure de cette primauté : car quand la balance est parfaitement égale, une paille suffit pour la faire pencher. De plus, le mari doit avoir inspection sur la conduite de sa femme ; parce qu'il lui importe de s'assurer que les enfants, qu'il est forcé de reconnaître et de nourrir, n'appartiennent pas à d'autres qu'à lui. La femme, qui n'a rien de semblable à craindre, n'a pas le même droit sur le mari.» 7

8 Ce paragraphe, ainsi que d autres de semblable teneur mènent Wollstonecraft au bord de la fureur. Parfois, sa prose serre le cœur ; surtout quand elle se lamente sur le sort amer des femmes que personne ne protège et qui n ont pas de moyens de se défendre. Des femmes à qui l on nie l utilisation de leurs capacités, qu on rend dépendantes ou victimes, qu on pousse vers une dépendance qui les expose à l arbitraire de la bonne ou mauvaise volonté d un individu qui a sur elle des droits quasiabsolus. Cela attriste sans doute, mais ce qui est encore plus affligeant, c est que ceux dont les pensées offrent des moyens de rompre les chaînes de toutes les servitudes immémoriales soient pourtant prêts à assurer l oppression féminine. Ceux qui, comme Rousseau, rêvent de meilleurs desseins pour l Humanité sont décidés à laisser les femmes impuissantes face à leur destin imposé. Wollstonecraft décante la polémique des Lumières sur les sexes en utilisant des catégories politiques universelles dont la source se trouve dans le droit naturel rationnel. Mais, en même temps, elle inaugure la critique de la condition féminine. Elle suppose qu une grande partie des caractéristiques de tempérament et de conduite qui sont considérés comme propres aux femmes sont, en réalité, le produit de leur manque de moyens et de liberté. Dans sa vision «éclairée», elle nie que la hiérarchie masculine soit autre chose qu un privilège injuste cautionné par des préjugés immémoriaux. «Je ne veux pas écrit-elle faire allusion à tous les auteurs qui ont écrit au sujet des manières féminines de fait je ne ferais que ressasser ce que d autres ont, en général, déjà écrit dans le même style, mais attaquer la prérogative tellement vantée de l homme ; la prérogative qu on pourrait avec emphase appeler le sceptre de fer de la tyrannie, le péché originel des tyrans. Je me déclare contre tout pouvoir construit sur des préjugés, aussi anciens soient-ils.» La situation des femmes n a pas d autre origine que l abus de pouvoir sur lequel se fonde l ordre à abattre de la noblesse de sang. Les deux dominations, de classe et de sexe, sont politiques et l on ne peut être contre l une d elles et laisser l autre intacte. Ce que les hommes exercent sur les femmes n est pas une autorité naturelle il n y en a aucune de ce type mais un privilège injuste : «S il était prouvé que ce trône de prérogatives repose seulement sur une masse chaotique de préjugés, sans principe d ordre inhérent qui les maintienne ensemble on pourrait les éluder sans pécher contre l ordre des choses.» Donner le nom moderne de privilège à la hiérarchie ancestrale entre les sexes était la radicale nouveauté théorique du premier féminisme des Lumières. Cela était possible grâce à l emploi des catégories conceptuelles et discursives de la Modernité, mais dépassait l usage pour lequel elles avaient été conçues. Le féminisme 8

9 apparaissait comme un enfant non désiré des Lumières. Il impliquait la subversion d un ordre que très peu désiraient voir subverti. Il semblait menacer les piliers mêmes de la nouvelle respectabilité bourgeoise. Le refus d accepter le lignage, duquel provenait le privilège d ordre de la noblesse de sang, impliquait une nouvelle forme de famille dans laquelle la hiérarchie sexuelle était fondamentale. Cela impliquait la redéfinition des nouveaux rôles masculin et féminin. J ai affirmé que le nouveau modèle de féminité trouve aussi son origine chez Rousseau. Dans La Nouvelle Héloïse et dans Émile se forge un moule de femme chez laquelle la sensibilité et la maternité vont de pair. Élisabeth Badinter a examiné la fabrication de ce modèle de femme-mère et l abrogation des pratiques antérieures éducation mercenaire, nourrices et hospices qui en a résulté. Chaque individu masculin est conçu comme un pater familias virtuel dont la plus haute fin est, en parité avec les autres, de donner forme à la volonté générale qu est l État. Chaque femme doit exister et être formée pour être une épouse. À eux correspond le domaine public, à elles le domaine privé. «Indépendamment des qualités et capacités particulières», comme l écrira Hegel dans sa Philosophie du droit, chaque genre a un destin déterminé par sa naissance. La complémentarité se transforme en mot clef et la justice symétrique en est exclue. Il n est ni convenable ni désirable que les sexes neutralisent leurs caractéristiques, mais, au contraire, il conviendrait qu ils les exagèrent. C est la garantie de l ordre. Ils ne sont pas égaux, mais complémentaires. Mais sous la prétendue complémentarité se trouve la véritable division : dans notre monde humain, une partie est culture, c'est-à-dire des idées, des habitudes, des concepts, des institutions, des rites, une rationalité, tout ce qui nous différencie des autres espèces naturelles, et une autre partie est nature, identité absolue qui se reproduit elle-même et se maintient en elle-même. Dans cette division fondamentale, les hommes sont culture et les femmes sont nature. Le destin des femmes est de reproduire l espèce et cela doit rester ainsi. Récapitulons : bien que le premier féminisme, qui surgissait de la décantation de la politique des Lumières, a réussi à formuler ses demandes en termes politiques, la démocratie exclusive a commencé à se construire sur deux piliers, le concept viril de la citoyenneté et la nouvelle définition de la féminité. Une fois le moment révolutionnaire passé, ses deux grandes étapes ont eu pour objets la nouvelle législation civile et pénale napoléonienne et l institutionnalisation du modèle éducatif bourgeois. Dans les nouveaux codes civils, avec l aide fondamentale du modèle du droit romain, la minorité d âge perpétuelle pour les femmes était consacrée. Les filles ou mères étaient considérées comme relevant du pouvoir de leurs pères, de leurs époux et, même, de leurs fils. Elles n avaient pas le droit d administrer leurs propriétés, d élire ou 9

10 d abandonner leur domicile, d exercer l autorité paternelle, d exercer une profession ou d être employées sans permission, ou de rejeter un père ou un mari violent. L obéissance, le respect, l abnégation et le sacrifice constituaient leurs vertus obligatoires. Le nouveau droit pénal a défini pour elles des délits spécifiques, comme l adultère et l avortement, qui entérinaient le fait que leur corps ne leur appartenait pas. En tout sens, une femme n était pas maîtresse d elle-même, et toutes les femmes manquaient de ce que la citoyenneté assurait : la liberté. D autre part, l institutionnalisation du programme éducatif de la nouvelle société les excluait aussi. Le nouvel État libéral avait pris sur lui la responsabilité de l éducation et avait établi les niveaux d enseignement courants que nous connaissons : éducation primaire, secondaire et supérieure. Le programme éducatif devenait la clef qui permettait d accéder à l exercice des professions. Les femmes furent formellement exclues des niveaux d enseignement secondaire et supérieur et leur éducation primaire fut déclarée facultative. Sans capacité de citoyenneté et hors du système d enseignement normal, les femmes restaient complètement en dehors du domaine des droits et des biens libéraux. C est pour cela qu obtenir le vote et l accès à l enseignement supérieur est devenu l objectif du féminisme suffragiste. 3. LE FÉMINISME LIBÉRAL SUFFRAGISTE. LA DEUXIÈME VAGUE Le modèle socio-politique libéral s est graduellement consolidé au cours du XIX e siècle, non sans revers et cahots. Le premier libéralisme concevait le citoyen comme un pater familias et utilisait les idées de contrat social et de volonté générale. La famille est garante de l ordre, et en son sein la séparation des sexes et de leurs fonctions est le fondement ultime et inamovible de l éthique La misogynie romantique Les conceptions de Rousseau à propos de ce que les hommes et les femmes avaient le droit d espérer de la politique furent décisives pour comprendre les clefs du XIX e siècle. Le Rousseau du contrat social était attaqué, et coexistait avec le Rousseau inattaqué, celui qui avait déclaré l existence de deux territoires qui ne pouvaient pas se mélanger, le politique spirituel pour les hommes et le naturel pour les femmes. Cette division du monde avait été dictée par la philosophie, et cela requiert une explication. 10

11 Dans notre monde actuel, le féminisme a une certaine tendance à s allier à la philosophie, mais cette tendance n est pas différente de celle qui a lié la philosophie à la misogynie. Je veux dire que la philosophie n est pas libératrice en soi. Ainsi, la philosophie prenait la relève de la religion pour valider le monde qui existait, et même pour lui donner des aspects plus durs. Ce furent les principaux esprits du XIX e siècle qui théorisèrent les raisons pour lesquelles les femmes devaient être exclues. Hegel, Schopenhauer, Kierkegaard ou Nietzsche sont des figures dont le nom est immédiatement reconnu par qui n est pas expert en la matière. Et ces noms se prononcent avec respect. Ces penseurs ont eu une influence indiscutable sur la formation des nouveaux discours scientifiques, techniques et humanistes. Le premier à aborder la reconceptualisation des sexes fut Hegel, mais il ne fut pas le plus influent : il était un philosophe obscur, sa terminologie était compliquée et, même, il travaillait avec trop de finesse! Dans la Phénoménologie de l esprit, il explique la raison d être des sexes : ils sont des réalités de la vie, du milieu naturel, mais, dans l espèce humaine, ils sont affublés de normes. Chacun a un destin différent. Le destin des femmes est la famille, le destin des hommes est l État. Ce destin ne peut pas être contesté. Ce que nous entendons par histoire et dynamique des communautés humaines est la façon dont les deux sexes sont en rapport. Dans tous les cas, le sexe est de l ordre du public pour les hommes, de l ordre du privé pour les femmes et les tentatives de ces dernières à perturber cet ordre sont la ruine des communautés. Mais, comme je l ai dit, Hegel était trop compliqué. Le philosophe dont la misogynie évidente a marqué le XIX e siècle est Schopenhauer. À l inverse de Hegel, il s exprimait avec une grande fluidité et en des termes que n importe qui pouvait comprendre, raisons pour lesquelles il fut très influent. Toute personne qui, dans la seconde moitié du XIX e siècle, se considérait raisonnablement cultivée comptait une de ses œuvres parmi ses lectures de chevet. Il ajoutait aux théories de Rousseau et de Hegel quelque chose de significatif : non seulement le sexe masculin incarne l esprit alors que la nature est le sexe féminin, mais, de plus, la continuité dans la nature est la caractéristique fondamentale de la nature. Et cela est assez efficace. Le féminin en général est une stratégie de la nature afin de reproduire l être. En fait, nous appelons féminin, à cause d une tergiversation spiritualiste, ce qu il faudrait appeler en termes propres «l essence femelle». La nature est elle-même femelle, et elle veut se perpétuer, parce que cela est son unique fin et qu il n y a pas d autre téléologie. La nature est en soi inconsciente et inconsciente d elle-même. Cette inconscience dans laquelle évolue la nature est la même inconscience de l essence femelle et est présente dans l espèce humaine à travers les femmes qui ont chacune 11

12 des caractéristiques générales de l essence femelle. Cela revient à dire que l essence femelle est inconsciente, inintelligente, sans perspective, incapable de former des représentations ou des concepts, incapable de prévoir le futur, incapable de réfléchir sur le passé ; enfin : un pur être sans conscience de soi-même... Et, comme l essence femelle est une constante dans la nature, il s ensuit qu une vache, une chienne, une poule et une femme se ressemblent beaucoup plus entre elles qu une femme et un homme, qui seulement en apparence sont de la même espèce. Ce qui éloigne les femmes de l espèce humaine, c est que, précisément, elles sont femelles. Alors que les hommes ont la maturité, les femmes s épanouissent et se fanent. La nature, qui les utilise, se venge d elles. Schopenhauer décante la misogynie populaire et ses lieux communs, et la dote d une apparence imposante et respectable. Toutes les femmes sont la femme, au fond la femelle, et aucune d elles n a droit à un traitement autre que celui convenant à un deuxième sexe. Ce qui fait honte aux cultures européennes face à des cultures plus sages comme celles de l Orient ou de l islam, c est l apparence d individualité qu une galanterie stupide concède aux femmes. Elle en arrive à affirmer que la nature veut, par stratégie, que les femmes cherchent constamment un homme qui se charge légalement d elles. La misogynie romantique fut utilisée contre la deuxième grande vague du féminisme, le féminisme suffragiste La Déclaration de Seneca Falls Les protestations contre ce nouvel ordre étaient rares et provenaient d individus «divergents». Sans formation ni pouvoir, peu de femmes pouvaient prétendre se faire les porte-drapeaux de la défense politique ou morale de leur sexe, et la même chose arrivait aux hommes engagés dans la querelle politique, sans préparation pour attirer l attention sur un autre modèle de femme que celui décrit dans les fictions du premier romantisme. George Sand, Stendhal et quelques autres se situaient d un côté, et de l autre se trouvaient les figures féminines de la parfaite innocence. En 1848, l Europe fut secouée par un nouveau processus révolutionnaire qui germa dans plusieurs pays à la fois fut une année d agitations et de manifestes. On se rappelle habituellement du Manifeste communiste, et l on prête moins d attention à la Déclaration de Seneca Falls. Il est vrai qu elle a été produite de l autre côté de l Atlantique, mais ses répercussions ont atteint toutes les sociétés industrielles. En 1848, soixante-dix femmes et trente hommes de divers mouvements et associations politiques 12

13 d orientation libérale se réunirent dans le Hall de Seneca Falls et signèrent ce qu ils appelèrent la «Déclaration des sentiments». Le modèle de la Déclaration de Seneca Falls était la Déclaration d indépendance. La Déclaration consiste en douze décisions et inclut deux grandes parties : d un côté, les exigences pour atteindre la citoyenneté civile pour les femmes et, de l autre, les principes qui doivent modifier les coutumes et la morale. Le groupe qui s était réuni à Seneca Falls venait essentiellement des cercles abolitionnistes. Des hommes et des femmes qui avaient consacré leurs vies à l abolition de l esclavage étaient arrivés à la conclusion qu entre l esclavage et la situation des femmes, apparemment libres, il y avait plus qu un parallélisme. Dans la lignée des postulats du droit naturel et de Locke, et de l idée selon laquelle les êtres humains naissent libres et égaux, ils signent : «Nous décidons que toutes les lois qui empêchent la femme d occuper dans la société la position que sa conscience lui dicte, ou qui la placent dans une position inférieure à celle de l homme, sont contraires au grand précepte de la nature, et donc n ont ni force ni autorité.» Le grand précepte de la nature qu ils invoquent est la somme de l égalité, de la liberté et de la poursuite du bonheur. C était le même précepte qui avait été invoqué contre le maintien du trafic, de la vente et de la possession d esclaves. E. Cady et L. Mott qui avaient commandé de facto la Déclaration de Seneca Falls formaient le fer de lance de ce qui vint à être connu comme le mouvement suffragiste. Celles qui, plus tard, seraient éditrices et compilatrices d un texte classique du féminisme suffragiste, La Bible de la Femme, avaient débuté dans leurs joutes publiques avec cette Déclaration. Le féminisme suffragiste fut un mouvement d agitation internationale, présent dans toutes les sociétés industrielles, et qui avait deux objectifs concrets, le droit de vote et le droit à l éducation. Il obtint les deux dans une période de quatre-vingts ans, ce qui suppose au moins trois générations de militantes engagées dans le même projet, desquelles, c est une évidence, au moins deux n en virent jamais aucun résultat. Le droit de vote et les droits à l éducation allaient de pair, et se soutenaient mutuellement. Dans un premier temps, quelques femmes réclamèrent que l enseignement primaire officiel soit ouvert aux filles. La raison alléguée pour l obtenir était conforme au canon domestique : pour remplir correctement les fonctions d épouse et de mère, la connaissance de la lecture, de l écriture et du calcul paraissait nécessaire. Une telle demande, si conforme à la soumission domestique, ne pouvait être rejetée, de sorte 13

14 que des écoles primaires pour filles furent créées afin de répondre comme il se devait à cette bonne disposition féminine... Peu de temps après, quelques groupes de femmes réclamèrent leur entrée dans les niveaux de l enseignement secondaire. La raison alléguée se justifiait aussi par le respect du modèle en vigueur : il pouvait arriver que certaines femmes, bien que sachant assurément que leur destin était le mariage et la maternité, ne pouvaient cependant pas l accomplir à cause de circonstances adverses. Pour garantir la vertu et le bon ordre, on demanda des écoles pour institutrices en premier lieu, et pour infirmières ensuite, et de nouveau il fallut accepter. Elles étaient les premières à ouvrir, et permettaient une existence relativement libre aux femmes des classes moyennes. Mais il restait un niveau, le plus difficile, celui de l enseignement supérieur Les droits à l éducation Une fois l accès à l éducation primaire et à certaines professions intermédiaires assuré, un groupe restreint de femmes avait réussi à remplir les critères d entrée aux universités. Leur resteraient-elles fermées? Prenons l exemple des relations de Concepción Arenal avec l université espagnole. Cette femme, qui est, sans aucun doute, l une de nos meilleurs juristes, avait sollicité son admission à la faculté de droit, avalisée par son talent exceptionnel et une famille d universitaires et de recteurs qui croyait en elle. Les dispositions et les pressions étaient telles que l on décida de l admettre. Pourtant, les modalités de cette admission en disent long sur les barrières qui s opposaient à la formation universitaire des femmes. Concepción Arenal fut admise en droit comme auditrice libre, à condition que sa présence dans les assemblées universitaires ne soit pas indécente. Dans la pratique, cela s est traduit par l obligation de venir en classe habillée en homme. Or, poursuivre des études données impliquait dans le cas des femmes qu elles les avaient simplement suivies, mais elles n avaient pas le droit d obtenir le diplôme ni bien moins encore d exercer la profession pour laquelle ces études préparaient. De sorte que beaucoup de femmes qui avaient poursuivi des études tout au long de la seconde moitié du XIX e siècle et jusqu aux années vingt du siècle suivant, et qui apparaissaient citées dans les actes de fin d études, n obtinrent jamais les diplômes. Elles furent parfois obligées à y renoncer explicitement. À partir de 1880, quelques rares universités européennes commencèrent à admettre les femmes dans leurs classes. Une femme possédant une formation supérieure n est pas et ne peut pas être une femme courante, et donc ses capacités ou son travail n appartiennent qu à elle-même et ne changent en rien l opinion que l on doit maintenir sur le reste. Elle est une exception et les autres sont ce qu elles sont. Sous 14

15 cette «dynamique des exceptions», certaines femmes obtinrent pour la première fois de se ménager une place au sein de la culture formelle. Lou Andreas Salomé, Marie Curie et d autres de semblable envergure appartiennent à cette génération des exceptions La lutte pour le droit de vote L épineux chemin de l éducation était connecté directement à celui des droits politiques. À mesure que la formation de certains groupes de femmes restreints avançait, il devenait de plus en plus difficile d ignorer la revendication du droit de vote. Le mouvement suffragiste profita internationalement de cette tension. Tout au long de la deuxième moitié du XIX e siècle et au début du XX e, il multiplia ses conventions, réunions, meetings et manifestations. La politique démocratique doit au mouvement suffragiste deux grandes contributions. L une est le mot «solidarité». L autre est l ensemble des méthodes et modes de lutte civique actuelle. Le mot fut choisi pour remplacer le terme fraternité, parce que sa racine, frater («frère masculin»), possédait d évidentes connotations masculines. De fait, maintenant, nous ne disons plus liberté, égalité, fraternité que pour nous référer au triptyque historique de la Révolution française. La solidarité, ce terme forgé par le féminisme suffragiste, est passée dans le langage courant. La contribution aux méthodes de lutte est de plus grande envergure encore. Le féminisme suffragiste inaugura les formes d agitation et inventa la lutte pacifique. Les défilés suffragistes se transformèrent en processions dans lesquelles les femmes, vêtues de leurs toges académiques et portant dans la main leurs diplômes, suivaient les étendards réclamant le vote. Harriet Taylor et son mari John Stuart Mill établirent les bases de la théorie politique dans laquelle le féminisme suffragiste se développa. La profonde réforme du premier libéralisme menée par John Stuart Mill est le cadre théorique qui servit à penser la citoyenneté non exclusive. Muni de la solide doctrine du second libéralisme, le féminisme suffragiste réclama et obtint les droits libéraux : vote et éducation. Le féminisme n a jusqu à maintenant perdu aucune des batailles dans lesquelles il s était engagé. Dans certains pays de l Union, les femmes avaient obtenu le droit de vote aux abords de la Première Guerre mondiale. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, tous les États qui n étaient pas des dictatures avaient reconnu ce droit à leur population féminine. L effort de guerre n a pas été étranger à cette victoire. Quand les grandes guerres se déclaraient dans la première moitié agitée du XX e siècle, les hommes étaient appelés sous les drapeaux et envoyés au front. Les pays belligérants devaient donc recourir aux femmes pour soutenir l économie manufacturière, l industrie de l armement, ainsi que de grandes parties de l administration publique et des sous-systèmes de l État. L économie ne céda pas, la production ne descendit pas, et l administration de l État 15

16 put affronter sans lacunes quelques moments très critiques. Il était donc démontré que les femmes pouvaient faire marcher un pays. Dans de telles conditions, leur exclusion de la citoyenneté n avait plus aucun sens. La lutte obstinée et l agitation suffragiste de presque un siècle, une lutte avec l opinion pour le changement de la position des femmes dans l éducation et l emploi, touchaient à leur fin. Les droits libéraux avaient été obtenus et tant le féminisme suffragiste que la misogynie romantique étaient devenus obsolètes. Les choses étaient maintenant différentes. Mais, l étaient-elles vraiment? 4. L INTERRÈGNE : LA MYSTIQUE DE LA FÉMINITÉ Dans les démocraties surgies après la Seconde Guerre mondiale, le suffrage universel s obtenait pour la première fois, et aussi pour la première fois, les droits à l éducation étaient garantis pour toute la population. Cela signifiait pour les femmes qu une nouvelle ère commençait, issue des conquêtes suffragistes. Un notable contingent de citoyennes avaient devant elles des opportunités inconnues dans le passé. Le conglomérat qui fut alors conçu reçut le nom de «mystique de la féminité». Il permettait d atteindre un double objectif : éloigner les femmes des emplois obtenus durant la période de guerre en les renvoyant au foyer, et diversifier la production manufacturière. Betty Friedam, dans l ouvrage qui servit de point de départ au féminisme des années soixante-dix, La Mystique de la féminité, analysa de manière magistrale les divers axes de cette période. Dans les années cinquante, les femmes disposant du droit de vote et d opportunités d éducation devaient être reconduites au foyer et l on voulait leur faire accepter la division traditionnelle des fonctions. Cela exigeait qu elles renoncent à exercer véritablement leurs nouveaux droits. Les hommes qui revenaient du front réclamaient leurs anciens emplois, ce qui impliquait que les femmes devaient les abandonner et retourner au foyer, et sousentendait qu elles ne l avaient abandonné que provisoirement, pour des raisons de force majeure. Pour rendre cela possible, le foyer lui-même devait se renouveler et le rôle féminin traditionnel devait s adapter au nouveau contexte. Les femmes, avec leurs droits citoyens récemment acquis et une formation élémentaire ou secondaire, devaient pouvoir trouver dans le rôle de femme au foyer un destin confortable. Elles furent tout simplement expulsées des postes obtenus en remplacement des hommes. On essaya de les déloger des postes qu elles s étaient assurés elles-mêmes au moyen d une dissuasion optimiste, dans laquelle les magazines féminins ont joué un rôle important. 16

17 Les magazines féminins étaient apparus dans la décade insouciante des années vingt, mais la distribution et le tirage qu on leur connaît aujourd hui date des années cinquante. Ils proposèrent tous un modèle de femme nouvelle à opposer à la grand-mère ignorante et obsolète. «Avant» et «après» devinrent des mots clefs. «Avant», les grands-mères faisaient inconsciemment, et en général mal, une longue série de choses, par manque d éducation et d opportunités : elles n élevaient pas bien leurs enfants, ne connaissaient pas les bonnes règles de l hygiène, ne savaient pas que tenir une maison nécessitait une licence en sciences domestiques. «Maintenant», les «femmes modernes», qui étaient citoyennes et avaient une formation, étaient libres et compétentes. Une «femme moderne» non seulement entretenait son foyer technicisé dans les meilleures conditions, mais en plus établissait les relations grâce auxquelles son mari allait pouvoir progresser : réunions, associations, dîners, fêtes, qui gonfleraient les voiles de la prospérité familiale. Les modèles de femme changèrent, tant au cinéma que dans la publicité ou dans les magazines. Après la célibataire indépendante des années trente apparut la sympathique mère de quatre enfants des années cinquante, Catherine Hepburn ou Doris Day. À la télévision, dont l influence s étendait toujours plus, le modèle de femme qui, pouvant tout faire, décide quand même d être femme au foyer, a été illustré par des exemples remarquables dans des séries à grand succès. Donc, «la mystique de la féminité» continuait d opérer à l intérieur de la «dynamique des exceptions». Le nouveau modèle domestique prévoyait que les femmes retournent massivement à l ancienne division public/privé, cette fois non naturalisée, mais conçue de manière complémentaire. La mystique de la féminité coïncida avec la guerre froide et fut l un des moments normatifs. On exigeait des «femmes modernes» un dévouement au travail et à l agrément souvent incompatibles. D autre part, l unique mécanisme d encadrement politique prévu était les associations de femmes au foyer, dont les champs d intervention au sein de la collectivité étaient restreints. Maintenir occupée une femme avec une formation moyenne et certaines attentes professionnelles dans un foyer technicisé et occuper son esprit avec une hygiène et des soins personnels et domestiques compulsifs, ainsi que combler ses désir de participation avec des réunions sur la meilleure méthode de conservation des aliments, ou diriger sa vie sociale de consommation vers l achat de produits cosmétiques à domicile, tout cela devait avoir des conséquences désastreuses sur le plan personnel. Sans indépendance économique, sans tâches domestiques importantes, sans horizons de relation ou de culture autres que ceux traités dans les magazines féminins, le relatif loisir domestique offert par l électroménager et même 17

18 par l existence d aides ménagères dans les hautes strates de la population commençait par s utiliser de manière erratique travaux manuels, consommation de sous-littérature, télévision et finissait par produire de la solitude, des dépressions et des symptômes médicaux qui furent qualifiés de «typiquement féminins». Au milieu des années soixante, les filles de cette génération s étaient rendu compte très clairement que les conquêtes suffragistes n avaient pas réussi à produire de véritable changement dans la hiérarchie masculine. Le mal-être augmentait et l on ne distinguait pas les voies individuelles permettant d en sortir. Un nouveau mouvement collectif était sur le point d apparaître. 5. LE FÉMINISME DE SOIXANTE-HUIT. LA TROISIÈME VAGUE La mystique de la féminité de Friedam était une description magistrale du modèle féminin cautionné par la politique des époques d après-guerre et avait contribué de façon décisive à ouvrir les yeux des femmes de la nouvelle génération. À partir de cet ouvrage, on pouvait donner un nom au «malaise qui n a pas de nom», une expression des féministes des années soixante pour désigner l état mental et émotionnel d étroitesse et de mécontentement, de manque d air et d horizons en quoi paraissait consister le monde dont elles héritaient. Les premières féministes des années soixantedix firent un diagnostic rapide : l ordre patriarcal se maintenait intact. La niche politique qui servit de berceau à la troisième vague du féminisme était la gauche alternative de soixante-huit. De la même manière que le féminisme des Lumières avait utilisé les catégories politiques contemporaines et que le féminisme suffragiste avait utilisé et rénové les catégories libérales, le féminisme de la troisième vague a fait la même chose avec ses concepts contemporains. Le féminisme des années soixante-dix a sonné la fin de la mystique de la féminité et a ouvert la voie à une série de changements dans les valeurs et les styles de vie qui sont toujours d actualité. Il a d abord fait une constatation : bien que les droits politiques résumés au vote soient acquis, que les droits à l éducation soient exercés et que les professions soient peu à peu occupées non sans prohibitions explicites pour certaines encore, les femmes n avaient pas obtenu une position de parité par rapport aux hommes. On diagnostiqua, avec justesse, que d une part l obtention du vote n avait supposé aucun changement dans les schémas législatifs hérités en ce qui concernait de grandes parties du droit civil et de la famille. D autre part, les normes non législatives morale, us et coutumes avaient à peine changé. Une révision de la législation se faisait impérieuse, afin de la rendre égalitaire et juste. L égalité des droits était seulement apparente, tant qu on ne la figeait pas dans de nouveaux textes. Le 18

19 féminisme de la troisième vague ne pouvait se contenter du seul droit de vote, il commença aussi la tâche de révision systématique de chacun des codes afin d y détecter, puis d en éliminer, les racines juridiques de la discrimination encore en vigueur. Dans tous les pays avancés, pendant les années soixante-dix, coïncidant avec les moments les plus agités des protestations féministes, se produisirent des révisions et des réformes juridiques qui permirent aux femmes l usage effectif de leur liberté, qui, jusqu alors, leur avait été concédée seulement de manière abstraite. Mais la volonté du féminisme des années soixante-dix n était pas de s en tenir là. Depuis le début, il avait projeté la subversion de l ordre normatif hérité, qui ne se limitait pas au domaine strictement juridique. Par cette voie, les réformes législatives furent complétées par l entrée dans la sphère juridique de domaines jusqu alors considérés comme privés. Le féminisme était en train d effacer les limites entre le privé et le public. Sur le terrain législatif, le travail principal fut réalisé en une décennie, celle des années soixante-dix et du début des années quatre-vingt. Mais la troisième vague féministe avait aussi prévu que les règles, qu elles soient explicites ou qu elles soient dictées par la loi, devaient être modifiées. La révolution dans la morale, dans les us et les coutumes en somme, dans l ensemble de ce que nous avons l habitude d appeler les mœurs était en train de se produire parallèlement à la réforme législative. Ce qui était le plus notoire et produisait le plus grand scandale était les nouvelles opinions sur leur sexualité des femmes «libérées» et leurs nouvelles libertés sexuelles. Une partie de la révolution des mœurs se produisait indépendamment du noyau militant. «Abolition du patriarcat» et «Ce qui est personnel est politique» en étaient les deux grands slogans. Les nouvelles informations et contributions de la psychanalyse, de l anthropologie culturelle, de la sociologie et, enfin, la panoplie courante de la culture politique alternative permettaient des diagnostics autrefois impossibles. La nouvelle philosophie féministe était en train de se former selon le conseil de Kant d élever le particulier en catégorie. Kate Millet, S. Firestone, J. Mittchell, C. Lonzi, chacune à leur manière, étaient les réceptrices d un minutieux travail préalable, celui des groupes de femmes qui, partout, avaient surgi à l appel du «Ce qui est personnel est politique» déjà cité. De ce terreau préalable, mis en forme par le langage politique prévalant dans la gauche alternative, surgirent les livres de chevet de cette période : La Politique sexuelle de Kate Millet et la Dialectique du sexe de Sulamith Firestone. À mesure que les analyses se détaillaient et embrassaient peu à peu les champs du juridique, de l emploi, des médias, de l éducation, de la santé, de la sexualité, du 19

20 couple, Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, sur lequel plus de vingt ans d oubli s étaient déposés, redevenait pertinent. Il est vrai qu il n était pas articulé dans un langage immédiatement politique, mais il donnait dans son style des explications convaincantes de certains phénomènes globaux. Il avait marqué en solitaire l entrée du féminisme dans «la philosophie du doute». Non sans certaines réserves, elle fut ajoutée aux philosophies antérieures. Ces réserves étaient plus grandes dans les groupes les plus radicalisés, qui préférèrent adopter le Manifeste SCUM de Valérie Solanas. En tout cas, la totalité du mouvement était contemplée de l extérieur comme une protestation radicale parfois incompréhensible, autant pour la nature de ses demandes que pour sa manière de les présenter. En tant qu héritier direct de l égalitarisme, le féminisme a toujours comporté une tension propre : celle qui s établit entre la filia et les dirigeants. Cela a souvent fait verser le mouvement dans ce que l on appela «la tyrannie du manque de structures». En effet, le féminisme est en soi un égalitarisme tellement fondamental que cela même, si l on considère le mouvement dans toute son ampleur, entrave parfois son action collective. Le féminisme des années soixante-dix pouvait avoir confiance en la nouveauté de ses demandes et en sa capacité d agitation, alors étonnante en termes de quantité. Mais il n avait presque pas de dirigeants et la plupart du temps n en voulait pas. Les groupes se formaient par affinité militante et amicale et fonctionnaient précisément grâce à cette amitié éthique et politique pour laquelle le terme grec filia est approprié. Cette sorte de formation était très adéquate, étant donné le genre de discours et d expériences qu il fallait aborder dans la première phase : élever l anecdote en catégorie impliquait parfois de révéler des choses personnelles et même intimes, ce qui était facilité par le soutien de la filia. Mais c est que le féminisme cherchait aussi la transformation de chaque militante en une femme différente, libérée. Dans les lices de la hiérarchie, qui ne tardèrent pas à apparaître, se forma une petite élite de femmes qui n avaient pas été validées par leurs homologues masculins ni ne provenaient des réseaux relationnels masculins, et qui prétendaient à des «interlocutions» politiques directes. Elles voulaient mener à bien par elles-mêmes les changements désirés, en tout ce que la politique en vigueur était disposée à céder. Dans ces circonstances, le féminisme dut reconsidérer le thème du pouvoir. Ces tensions ne doivent néanmoins pas nous tromper sur la question principale : malgré elles, la sélection de symptômes, le diagnostic et la localisation d objectifs continuèrent de fonctionner à bon rythme. Dans les années quatre-vingt, le féminisme, bien que de manière fort timide, commença à s immiscer dans la politique formelle. Dans tous les pays occidentaux, des organismes spécifiques furent créés pour la 20

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