14-18, OU LA GÉOGRAPHIE DES DÉSASTRES

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1 N 74 AVRIL-MAI-JUIN 2014 ign.fr DOSSIER ZOOM 14-18, OU LA GÉOGRAPHIE DES DÉSASTRES DOSSIER SPÉCIAL : LA CARTOGRAPHIE DE LA GRANDE GUERRE LA POLLUTION LUMINEUSE TRAQUÉE DEPUIS LE CIEL GENEVOIS

2 TRIMESTRIEL DE L INSTITUT NATIONAL DE L INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET FORESTIÈRE Direction générale et siège social 73, avenue de Paris, Saint-Mandé. Tél. : ISSN : Directeur de la publication Pascal Berteaud. Directrice de la rédaction Bénédicte Dussert. Rédacteur en chef Bernard Bèzes. Rédacteur en chef adjoint Jean-Marc Bornarel. Comité de rédaction E. Aracheloff, M. Bacchus, S. Carvalheiro, C. Cecconi, S. Couturier, J.-E. David, X. Della Chiesa, M. Morand, J. Peron, A. Sandrin, J.-M. Viglino, S. Wurpillot. Ont participé à ce numéro Alain Puiseux, Marc Provot, Genevièvede Lacour, Fabienne Benest. Conception éditoriale et graphique Agence Cinquième Colonne, tél. : Couverture ECPAD / France / Boulay, Maurice Impression Dépôt légal Mai 2014 AGENDA AVRIL 1 er AU 3 Toulouse Centre des congrès Pierre-Baudis Congrès «Pléiades days». L fait la synthèse des expérimentations menées en 2012 et 2013 sur les images Pléiades et la mise à jour en continu. 8 AU 10 À l ENSG à Marne-la-Vallée Décryptagéo les rencontres. Ce rendez-vous des professionnels de l information géographique prend le relais des rencontres SIG la Lettre. LE 8 Paris 12 e. Espace du centenaire, maison de la RATP 11 es Assises géomarketing. Comment le géomarketing s intègre dans la stratégie des entreprises. MAI 22 ET 23 Niort, Conseil général 5 es assises nationales des randonnées. La randonnée à l heure du numérique. 27 ET 28 Marseille Rencontres de l'orme. «École numérique, une école augmentée?» JUIN 5 ET 6 Palais des congrès d Ajaccio 8 es rencontres dynamiques régionales Afigéo. La donnée géographique au service des territoires. DU 15 AU 30 JUIN L, l ONF, France Bois Forêt et la mairie de Paris présentent une exposition sur la forêt et l histoire, autour de deux cartes monumentales de l Ile-de-France en 1914 et DU 19 AU 20 Montpellier L association SIG L-R organise la 13 e édition de sa journée professionnelle sur le thème : «Et si je partageais mon SIG? L information géographique à l heure du collectif!» L'histoire est dans la géographie et aujourd'hui encore, en dépit des progrès exponentiels des engins terrestres, maritimes et aériens et des infrastructures qui permettent d'en gommer les aspérités ou d'en franchir les obstacles, on ne peut comprendre la marche du monde sans s'y référer. C'était encore plus vrai en Venus d'allemagne, des millions d'hommes déferlent sur la France, sans carte ni GPS mais ils savent très bien où ils vont et par où il faut passer pour toucher la France au cœur. Tout le monde sait bien qu'une fois franchie la Meuse à Liège, il n'y a ACTUALITÉ ÉDITORIAL MISSION DU CENTENAIRE: COMPRENDRE ET HONORER» DR plus qu'à s'enfoncer vers les Flandres, plein ouest, ou suivre la Sambre jusqu'à Maubeuge, l'une des portes traditionnelles de la France. C'est bien d'ailleurs pour cela que Vauban puis Serré de Rivières y ont construit d'imposantes fortifications. Une fois tournées ou écrasées, il suffit alors de retrouver la Sambre, de la suivre jusqu'au canal qui fait la jonction avec l'oise et vous voilà à Compiègne, Creil et bientôt Pontoise. Mais à Namur, on peut aussi descendre plein sud en longeant la Meuse et, passé Charleville-Mézières, il n'y plus qu'à filer sur Rethel puis Reims ou Châlons. La bataille de la Marne en décidera autrement. Par référence à L éditorial de Elrick Irastorza Général d armée, président du conseil d administration du GIP mission du Centenaire de la Première Guerre mondiale une histoire déjà vieille de presque 1500 ans, c'est dire si la route était connue, on proposera même au général Joffre de l'appeler «Bataille des champs Catalauniques»... Les Anglais appelaient bien les envahisseurs les Huns! La bataille de la Marne s'est gagnée de l'ourcq aux Vosges! A partir de la mi-septembre 1914, le front va se stabiliser un peu plus au nord, accroché aux buttes et aux crêtes qui jalonnent cette longue balafre de 700 kilomètres dont la Belgique et la France portent toujours les stigmates, de l'embouchure de l'yser au kilomètre zéro, dans le Sundgau. «Dis papa, il passait où le front?» Difficile de répondre sans être un expert ou un habitant de la région! La carte «Grande Guerre » éditée par l' est à cet égard un outil pédagogique tout à fait exceptionnel qui ravira l historien averti autant que le néophyte désireux de replacer le lieu visité, l'itinéraire suivi, dans son contexte géographique et historique. La Mission du Centenaire conduit son action en s'appuyant sur deux maîtres-mots : comprendre et honorer. L' nous offre là le remarquable moyen de faire l'un et l'autre sans s'y perdre... sans se perdre! AU SOMMAIRE DU NUMÉRO 74 AVRIL-MAI-JUIN 2014 DOSSIER , OU LA GÉOGRAPHIE DES DÉSASTRES La Première Guerre mondiale a amélioré la photo aérienne, la cartographie de précision, développé la balistique et la géodésie. Mais pas plus que d autres, ces avancées n ont changé le cours d un conflit qui fit dix millions de morts. Observations. Aérostier en reconnaissance dans la région de Mont-sans-Nom et Vadenay (Champagne-Ardenne) en mai ECPAD / FRANCE / PANSIER, PIERRE 2 // MAGAZINE MOIS-MOIS-MOIS AVRIL-MAI-JUIN

3 EN POINTE La Guyane à grande échelle sur le Géoportail La nouvelle carte de la Guyane à l échelle du 1:50000 couvre depuis 2012 l intégralité de ce département. Elle a été réalisée dans le cadre des travaux relatifs au référentiel géographique guyanais (RGG). Il s'agit d'une cartographie duale, c'est-à-dire apte à répondre aux besoins civils et militaires. Mais elle ne comporte pas d'informations confidentielles du point de vue de la défense nationale, et on peut la consulter sur le Géoportail comme toute cartographie de base du territoire national. La version papier destinée aux applications civiles est diffusée uniquement aux administrations et aux organismes publics nationaux ou territoriaux. L vient aussi d achever une carte au 1: de la Guyane, dérivée du 1: Cette carte, destinée également aux applications civiles, est imprimée à la demande sur papier classique ou indéchirable via le site loisirs.ign.fr. Contrairement au service Carte à la carte, le client ne peut pas choisir son emprise, car les fichiers sont précalculés en fonction du tableau d'assemblage, qui compte 21 feuilles. Enfin, une nouvelle carte au 1: vient d être éditée: le département de la Guyane est entièrement couvert par cette carte. Carte Extrait de la carte au 1 : sur la ville de Kourou et ses environs. ACTUS 3-5 QUESTIONS, RÉPONSES 21 Posez vos questions sur ign.fr ZOOM / DMO CARTES SUR TABLE 30 ACC FORÊTS Les habitats forestiers passés au peigne fin. Édugéo disponible sur tablettes Les journées de la recherche Les documents publics d urbanisme bientôt accessibles à tous GÉOPORTAIL À quelle altitude mon chalet est-il perché et combien vaut-il? Les traqueurs de lumières Quand l et le Canton de Genève inventorient la pollution lumineuse. Jean-François Gigand Le gagnant du concours Géoportail 2013 est un touche-à-tout. > POUR TÉLÉCHARGER GRATUITEMENT MAGAZINE, RENDEZ-VOUS SUR.FR MOIS-MOIS-MOIS AVRIL-MAI-JUIN MAGAZINE // 3

4 ACTUALITÉ PROSPECTIVE NOUVEAUTÉS CARTOGRAPHIQUES DÉCOUVERTE DU MONDE Dans la série «Découverte des Pays du Monde» l propose une gamme très complète de 72 cartes différentes, présentant un grand nombre d informations touristiques et routières que l on trouve très vite indispensables lors d un voyage à l étranger. Avec ces cartes, vos envies de découvertes ne connaîtront plus de frontières. L Afrique n offre pas moins de 25 destinations, l Asie en propose neuf, le continent américain présente 11 titres du Nord au Sud et l Europe en propose 27. La carte du Brésil vous permettra de situer tous les matchs de la coupe du monde de football qui se dérouleront entre le 12 juin et le 13 juillet 2014, de Belo Horizonte à Sao Paulo, en passant par Manaus, Natal et bien d autres villes encore. Prix carte Monde : 8,95. Prix carte Europe : 6,50. SIX NOUVELLES CARTES TOP 75 Basées sur le concept de carte multi-échelles, ces cartes sont taillées sur mesure pour les inconditionnels des activités de plein air et les amoureux du patrimoine culturel et touristique de nos régions. Elles sont centrées sur des sites d exception (parcs naturels, massifs réputés ) et proposent un riche contenu cartographique: Une carte générale de très grande lisibilité à l échelle du 1:75000 pour une zone couverte de 3000 à 4000 km 2 selon la carte. Cinq extraits de TOP 25 à l échelle du 1:25000 pour pratiquer des randonnées de un à deux jours. Le fond cartographique de base au 1:75000 est particulièrement adapté aux activités de pleine nature. En voiture, il permet d accéder facilement aux richesses culturelles et historiques locales grâce à une représentation intégrale du réseau routier. La présence des pistes cyclables en sites propres permet aux adeptes de la petite reine d organiser leurs parcours avec le maximum de sécurité. Pour les randonneurs, les nombreuses informations disponibles (GR, GR de pays, courbes de niveau, point cotés, zones rocheuses, glaciers, gîtes d étape, refuges, informations touristiques et culturelles, points de vue, édifices remarquables) permettent de bien planifier les randonnées et d optimiser la découverte d une région donnée. Les six nouvelles régions couvertes en 2014 sont: Chaîne des Aravis-massif des Bauges, Camargue-Alpilles, Luberon-Mont-Ventoux, Provence-Sainte-Victoire-Sainte Baume- Calanques, Baie de Somme-Cote d Albâtre-Fécamp-Étretat, Saint-Malo-Côte d Émeraude-Mont-Saint-Michel. Édugéo Interface graphique de l application Édugéo pour tablette tactile. Édugéo disponible sur tablettes Proposée par l avec le soutien du ministère de l éducation nationale, l'application Édugéo est une source exceptionnelle d informations géographiques issues du Géoportail. Disponible dès à présent sur les tablettes tactiles Android et prochainement sous d autres systèmes d exploitation, elle est destinée aux enseignants du primaire et du secondaire. Son riche contenu pédagogique est en adéquation avec les programmes scolaires. Facile d utilisation, intuitive, l application Édugéo propose des fonctionnalités innovantes sur les tablettes: naviguer dans les données géographiques, mesurer des distances et des surfaces, croiser des données; dessiner des croquis géographiques à l aide d outils dédiés (points, cercles, rectangles, polygones), créer des points d intérêt, associer des légendes; importer ou exporter des données, transférer et récupérer des données entre tablettes, ou de la tablette vers un PC; enregistrer un parcours, prendre une photo géolocalisée et l associer à un point d intérêt où à un croquis L application Édugéo fonctionne sur les tablettes Android (version 3.0 minimum) d au moins 7 pouces. Elle est disponible gratuitement sur GooglePlay. Les versions ipad et Windows seront disponibles prochainement sur l App Store et Windows Store. L au salon Destinations Nature DR Prix : 9,00. EN BIBLIOTHÈQUE ATLAS DES LIEUX MAUDITS Dans un étonnant ouvrage, Olivier Le Carrer nous présente, cartes à l'appui, les endroits les plus inquiétants de la planète. Les Baléares? Mille fois vues! Les Antilles? D un commun Les Seychelles? Bof Loin des lagons bleus et des plages de sable blanc, Olivier Le Carrer, journaliste et navigateur, a voulu casser les codes du genre en publiant un étonnant Atlas des lieux maudits. Répertoriés depuis la nuit des temps «Maudit soit le sol à cause de toi» (Genèse, 3.17) ces villes et pays où il ne fait pas bon vivre abondent aux quatre coins du globe. Ils sont mythiques ou historiques comme Charybde et Sylla dans le détroit de Messine, les ruines de Montségur, le château de Tiffauges ou Nuremberg; surnaturels et tinquiétants iét t comme Amityville, ill le triangle des Bermudes ou Eilean Mor, le phare des disparus au nord-est de l Écosse ou enfin, bien réels comme Tilafushi, lagon empoisonné par les ordures de tout l archipel des Maldives, Cap York en Australie où batifolent crocodiles de mer, serpents et méduses mortelles, ou enfin la très discrète Île de sable, au sud de Terre- Neuve, qui depuis des siècles piège avec subtilité tous les bateaux qui s en approchent Arthaud, 25. Du 28 au 30 mars 2014, l' était présent au 30 e salon Destinations Nature à Paris Expo- Porte de Versailles. Cinq villages thématiques avaient été installés: rando et destinations, vélo, éco-trail, bio-nature et montagne. Les visiteurs ont été vivement intéressés par les nouveautés : les cartes commémoratives, Grande Guerre et Normandie Jour J/6 juin 1944, réalisées pour accompagner le tourisme de mémoire (en partenariat avec la Mission du centenaire et l'association Normandie Mémoire), les cartes TOP 200, la collection des 48 cartes TOP 25R résistantes, les cartes TOP 75 et tous les autres produits particulièrement adaptés aux activités de plein-air.les animations autour du Géoportail, orientées vers la préparation et le partage des randonnées, et les démonstrations du service «Carte à la carte», ont séduit les plus curieux. 4 / MAGAZINE AVRIL-MAI-JUIN 2014

5 POINTS DE REPERES Des excursions en terre de mémoire L'Institut national de l'information géographique et forestière () vient de publier une carte intitulée «Grande Guerre » [ ] dans la collection Tourisme et découverte, elle est réalisée en partenariat avec la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale et les comités régionaux de tourisme. Dépliable, réalisée au 1: (un cm représente 4,1 km), elle couvre le nord et l'est de la France, de la mer du Nord à la frontière suisse, en passant par la région parisienne. Un bon outil pour visiter en famille les hauts lieux de la Grande Guerre, en particulier à travers des idées de circuits mis en avant par des encadrés autour de Verdun, de la Marne, de la Somme [ ]. Cette grande carte offre une parfaite vue d'ensemble de l'avancée et du recul de la zone de front et d'arrière-front; des codes couleur pour chaque année de guerre, et les principales batailles, permettent aussi une vision chronologique du conflit. Surtout, chaque lieu ou itinéraire renvoie aux sites Internet correspondants et à des applications mobiles, avec quinze parcours thématiques accessibles par des flashcodes: par exemple «La guerre de mouvement» ou «La reconstruction des territoires dévastés» dans la région Nord-Pas-de-Calais, ou bien «Un Américain dans la Grande Guerre» au départ de Château-Thierry, ou encore «Les villages détruits» dans la Meuse, et «La route Joffre» Où l'on découvre aussi, dans la grande histoire, une multitude d histoires particulières. Celle d'ann Morgan, infirmière américaine, celle des 25 «héros» britanniques... ( ) L'idée de la Mission du centenaire, ce «tourisme de mémoire» peut ainsi prendre pour les enfants, à partir de 7 ou 8 ans, au-delà du poids du tragique et de la réflexion sur les dévastations et les souffrances de la guerre, une dimension incarnée et active. Le tout est symboliquement présenté à la fois en français, anglais et allemand, et relève d'une démarche commune de mémoire. LA CROIX Janvier 2014 Guillemette de La Bore Les journées de la recherche plus ouvertes que jamais En ouverture, le 20 mars dernier, des 23 es journées Recherche, Jean-Philippe Grelot, directeur général adjoint, a présenté la récente réorganisation de l institut national de l information géographique et forestière. Cette présentation fut suivie d un séminaire consacré à la biodiversité organisé par des chercheurs de l avec le soutien du Pôle Theia. Il a associé des intervenants issus de l à des acteurs venus de l IRSTEA ou du Muséum national d Histoire naturel, pour parler de politiques publiques, du projet Car-Hab, des potentialités de l imagerie radar, de cartographie et d écologie de la conservation, d occupation Le 18 décembre 2013, l ordonnance relative à l amélioration des conditions d accès aux documents d urbanisme et aux servitudes d utilité publique (SUP) a été présentée en Conseil des ministres. La convention cadre signée par le ministère de l égalité des territoires et du logement et l, en conformité avec l ordonnance, permet la création du géoportail de l urbanisme. Celui-ci sera le point d entrée unique et la référence, accessible à tous et gratuitement, des documents d urbanisme. Le géoportail de l urbanisme se présentera sous la forme d un du sol et de caractérisation des mobilités animales. L après-midi a été consacré aux systèmes d information géographique et à la cartographie. Ont été présentés des travaux sur les représentations intermédiaires entre photoréalisme et stylisation cartographique, sur la prise en compte des déficiences visuelles, sur l exploitation du texte, sur les projets Datalift (Web sémantique géographique) et Géopeuple (référentiel historisé pour étudier le passé). ZONES FORESTIÈRES ET SOUS-RÉSEAUX Le 21 mars les exposés ont porté sur la photogrammétrie Les documents d urbanisme bientôt accessibles à tous portail cartographique dédié, faisant appel à l infrastructure du Géoportail de l institut et à ses API. Celles-ci permettront la consultation des documents d urbanisme ainsi que la consultation des servitudes d utilité publique (SUP) dans leurs parties graphiques et écrites, en particulier les textes des arrêtés. Laser Levé laser de la place Saint-Sulpice (Paris 6 e ) réalisé par Stéréopolis, le véhicule imageur de l. et le traitement d images, la localisation 3D de véhicules mobiles, la détection de changement, la saisie 3D, la reconstruction et l interprétation sémantique. En fin de matinée a été abordée l analyse multisources de zones forestières. La dernière demi-journée fut consacrée à la géodésie avec des travaux sur les séismes et le calcul de l ITRF, sur l orbitographie forces de frottement, calcul de sous-réseaux et la gradiométrie mobile. Elle s est terminée par la présentation de travaux d étudiants sur la géologie et la gravité, et les fermetures de l expérience ATLAS. ACCESSIBILITÉ TOTALE EN 2020 La direction de l habitat, de l urbanisme et des paysages est chargée de la mise en œuvre de la convention cadre et du pilotage des projets pour le compte de l État. Les collectivités publiques peuvent désormais procéder à la transmission des documents d urbanisme par voie électronique. À partir du 1 er janvier 2016, elles devront mettre en ligne les documents d urbanisme couvrant leur territoire. À partir du 1 er janvier 2020, l obligation de publication dans un recueil administratif rendant le document d urbanisme exécutoire sera remplacée par la publication électronique sur le géoportail de l urbanisme afin que les documents d urbanisme deviennent publics et accessibles à tous les citoyens et aux acteurs du secteur. AVRIL-MAI-JUIN 2014 MAGAZINE / 5

6 DOSSIER 14-18, OU LA GÉOGRAPHIE DES DÉSASTRES CARTOTHÈQUE La Première Guerre mondiale a amélioré la photo aérienne, la géodésie, la cartographie et l optique, mises au service de l artillerie. Mais, pas plus que d autres, ces sciences nouvelles n ont réellement pesé sur le cours d une guerre qui fixa elle-même ses règles, en déséquilibre permanent entre cauchemar et modernité. C est peut-être l histoire d un malentendu à dix millions de morts. L histoire d une guerre qui déjoua elle-même tous les plans de bataille, tous les schémas, tous les calculs, pour les pousser au-delà des cauchemars. Une guerre «ordinaire» devenue une guerre monstre. La guerre? En 1914, les étatsmajors savent la faire du moins ils le pensent. Ils ont des références : elles remontent souvent à Napoléon. Ils ont une culture. Elle est souvent dépassée, mais ils n en savent rien. Ils s intéressent à Déclaration Juillet 1914 : la course à la mobilisation commence en Europe. Le Tour de France suivant n aura lieu qu en 1919 COLLEC. BDIC l aviation, mais dessinent des mouvements de cavalerie. Dès l automne 1914, la guerre cessa d être une guerre de mouvement pour devenir cette guerre d enlisement, de boue et de tranchées que presque aucun stratège n avait vu venir. Elle dura ensuite plus longtemps que n avait duré aucune guerre récente. Elle fit plus de morts, redessina mal l Europe, et engendra la Seconde Guerre mondiale vingt ans plus tard. Elle balafra la carte de France au long de 600 km de ligne de front, le temps que repousse la forêt, mais meurtrit les mémoires pour bien plus longtemps. Elle fit deux millions de morts français soit, selon le grand historien militaire anglais John Keegan, «deux hommes pour neuf qui y sont partis». Elle en blessa au moins autant. Elle fut réellement mondiale, s exporta jusqu en Afrique, faillit le faire en Amérique l Allemagne envisageait de s allier au Mexique pour attaquer les États-Unis. Elle marqua la littérature, les mémoires. Son souvenir depuis est planté sur chaque place de village français où s allongent en capitales les listes de 6 / MAGAZINE AVRIL-MAI-JUIN 2014

7 ECPAD / FRANCE / BOULAY, MAURICE Louis, d Antonin, de Côme, d Alfred, de Jules ou d Émile et si souvent deux, trois ou quatre prénoms pour un même nom de famille. AUCUNE STRATÉGIE Tout au long du XIX e siècle la guerre reste «un moyen de régler les conflits internationaux» rappelle l historien militaire et spécialiste de la Première Guerre mondiale Rémy Porte (lire interview en page 14). La guerre de 1870 coûta à Napoléon III son trône, son régime, un traité, l Alsace et une partie de la Lorraine. Mais elle fut rapide déclenchée en juillet, elle était de facto perdue début septembre, à Sedan. La guerre de 1914 aurait dû être la répétition, côté allemand, ou la revanche, côté français, de cette souveraine humiliation des armées françaises. Le plan Schlieffen, élaboré en 1905, prévoit de déborder les armées françaises pour parvenir à Paris en une quarantaine de jours. Le plan français aussi dessine une guerre de mouvement, qui doit vite être portée sur le sol allemand. Les cartes sont prêtes y compris les cartes de l Allemagne. Mais aucun plan ne tiendra. Aucune stratégie : les alliés gagneront en 1918, sur le front ouest, par épuisement et grâce au renfort de deux millions d Américains. Aucune technologie, si nouvelle soit-elle, n aura fait la différence. QUELLE MODERNITÉ? Au déclenchement du conflit, en août 1914, l armée française s appuie sur ses cartes d état-major au 1 : Elle a aussi pris soin de faire confectionner des cartes au 1 : , plus aptes selon elle aux vastes manœuvres des corps d armées, aux mouvements de troupes aux encerclements qu inlassablement, un œil sur Iéna, un autre sur Waterloo, on répète dans les écoles militaires : on voit la guerre en grand, à l échelle des divisions. Très vite, la guerre va changer de nature et obliger (lire pages 10 et 11) le Service géographique de l armée à revoir sa copie. Ce qu il fera, très rapidement. Très vite, il changera d échelle. Comme la guerre marque «l invention de la guerre moderne» note, en soustitre de son livre La Chair et l acier, l historien et écrivain militaire Michel Goya. Mais en matière de cartographie et de renseignement géographique, comme dans d autres, moderne n a pas un sens absolu. Moderne ne veut pas dire abouti : la guerre marque l apparition des chars d assaut, mais les engins et leur mode d emploi sont à peine au point à la fin du conflit. Moderne veut souvent dire «industrielle» : les canons parfois rationnés en 1914 tirent ensuite, en quelques jours ou quelques heures pour les Allemands, de un à quatre millions d obus sur la même zone pour préparer une offensive. Moderne ne veut pas dire parfait : Michel Goya, Consultation Examen de la carte sur la zone de Dommier (Aisne) avant le départ d un convoi, en avril Le e doit s étendre dans nos lignes à une distance d environ 6 kilomètres (au moins), de façon que la plupart des batteries lourdes puissent y reporter leur position, et à 10 kilomètres (ou même davantage) dans les lignes ennemies, afin que les objectifs habituels de l artillerie s y trouvent indiqués.» Instruction du 20 novembre 1917 sur les Plans directeurs AVRIL-MAI-JUIN 2014 MAGAZINE / 7

8 DOSSIER 14-18, OU LA GÉOGRAPHIE DES DÉSASTRES LOUIS HURAULT encore, analyse clairement la manière dont les initiatives, inventions, trouvailles tactiques ou technologiques se sont diffusées (ou non) au sein de l armée française, comme dans les autres, procurant un avantage certain mais toujours provisoire à l un ou l autre camp. Elles sont très souvent le fruit de l expérience, du tâtonnement, de l échec, ou de la curiosité d un officier atypique. En matière de tactique, le prix d un tâtonnement, s il pouvait être fixé, serait sans doute de plusieurs dizaines de milliers de vies. Moderne veut dire adaptation, aussi souvent qu invention. La photographie aérienne n est que le mariage de deux technologies d avant-guerre. Son utilité est presque instantanément reconnue, et l exploitation des images progresse très vite. Et pourtant UNE GUERRE EN DÉSÉQUILIBRE Moderne, surtout, ne signifie pas que les armes communiquent entre elles. La radio, sans doute, aurait pu changer le cours de la guerre. Mais la TSF balbutie, elle est Lunaire Un soldat s abrite dans un trou d obus. Sur un à deux kilomètres de profondeur, de part et d autres de la ligne de front, la défoliation est totale. Pour mémoire La carte de la Grande Guerre, éditée en 2014, recense tous les musées, sites et lieux de mémoire du front nord-est de la France. très difficilement embarquée. Les premiers chars communiquent par pigeons voyageurs avec le quartier général. Une offensive ordinaire, précédée de son bombardement massif qui à la fin de la guerre deviendra feu roulant et mobile, est vouée à l échec au bout de quelques heures; dès que les schémas d avancement (cent mètres en deux ou trois minutes, suivant le terrain) se rompent, que les fils téléphoniques, même enterrés, sont coupés. Puis une contre-attaque annule les gains, ou les réduit à presque rien. Ce mouvement de flux et reflux auquel est rompue l armée allemande peut faire de à morts en une journée. Il se reproduira tout au long de la guerre, dans les Flandres, dans la Somme, dans l Aisne, à Verdun. Technologiquement, la guerre est un déséquilibre que résume très bien John Keegan, analysant les massacres en ligne de la Somme, des Flandres, du Chemin des Dames. Un modernisme imparfait. «Dans les guerres plus anciennes, les artilleurs voyaient leurs cibles à l œil nu. Plus tard, les observateurs de l artillerie, équipés de la radio et se déplaçant avec l infanterie, dirigeront le tir des canons de vive voix et en s appuyant sur des cartes. Mais au cours de la Première Guerre mondiale, même si le front est minutieusement représenté sur les cartes, elles-mêmes remaniées presque quotidiennement, la radio qui aurait pu permettre de diriger ce feu en temps réel, selon les besoins réels, n existe pas.» Sur le front Ouest, et sauf celles de 1918, presque toutes les offensives seront de terrifiants échecs. «Les généraux sont entravés par une technologie ô combien apte à la destruction massive de la vie, mais tout à fait inapte à leur donner la flexibilité de contrôle qui pourrait maintenir ces massacres dans les limites du supportable.» Les progrès de l observation géographique observation directe des tirs d artillerie, photo aérienne, cartographie d urgence permettront durant toutes les années de la guerre de position de bâtir des plans d attaque, mais jamais de les suivre. «Ayant pour mission principale la contrebatterie, qui nécessite des tirs précis à grande distance, l artillerie lourde fait œuvre pionnière en ma- 8 / MAGAZINE AVRIL-MAI-JUIN 2014

9 LOUIS HURAULT LOUIS HURAULT Témoignages De haut en bas et de gauche à droite: Désastres de la guerre. Canons à fumée. Autour d un trou d obus, des débris de batteries. Batterie et lunette de visée. LOUIS HURAULT LOUIS HURAULT DR tière de préparation scientifique des tirs (application des méthodes topographiques, lotissement des munitions, calculs aérologiques et balistiques, etc.) et de réglage aérien. Après les expériences de 1914, ce type de réglage devient rapidement indispensable mais on tâtonne pour trouver des méthodes de liaison efficaces, jusqu à l installation de la TSF à bord (premier essai le 13 décembre 1914). Le réglage aérien se perfectionne considérablement par la suite pour atteindre un maximum d efficacité à la fin de 1916», écrit Michel Goya. Mais au sol, l infanterie reste sans informations, et les artilleurs ne savent où elle se trouve. Pour comprendre ce qu elle y a vécu, lire Genevoix, Giono, Barbusse, et tant d autres. LA GRÂCE ET L HORREUR Étonnamment, la guerre marqua peu les paysages, ou pour peu de temps. Sauf les monuments, musées, cimetières et sites commémoratifs, le conflit de est aujourd hui presque invisible. Rapportée à la taille de la France, la ligne de front ne fut qu un trait de crayon, certes mouvant. «Le principal effet de deux ans de bombardements et de combats à travers le no man s land, écrit John Keegan, est d avoir créé une zone dévastée d une longueur immense (plus de 600 km de la mer du Nord à la Suisse) mais de peu de profondeur : défoliation sur un kilomètre ou deux de part et d autre du no man s land, destruction complète des zones habitées sur un ou deux autres kilomètres, démolitions éparses au-delà ( ).» Ypres, Armentières, Lens, Arras, Reims, rasées, ont été reconstruites dans les années vingt. L on n y voit plus de cicatrices puisqu elles sont des cités neuves. En campagne, la guerre n est plus visible qu à l état de traces et via cet étrange paradoxe : les combats les plus furieux eurent lieu dans les plus beaux endroits, puisque l on se battait pour les hauteurs. L Argonne est magnifique, les forêts de Meuse, où zigzaguent des boyaux presque invisibles, ont un silence poignant. «Parmi les endroits d où l on peut voir un paysage, celui dont la vue est la plus belle est presque toujours celui qui est le plus intéressant dans un raisonnement de tactique militaire», disait en 2011 le géographe français Yves Lacoste, inventeur de la géopolitique, dans une conférence à l université de Toulouse. Au «point X» des Éparges, deux cents mètres au-dessus de la plaine, on le comprend. Hors la zone de Verdun, les collines martyres les Éparges, Vauquoy, Vimy et les lieux de mémoire, la disproportion est énorme entre le poids de la Première Guerre mondiale dans les mémoires françaises et les traces qu elle a laissées dans le paysage. Qui lit quelques récits de guerre, quelques ouvrages documentaires, finit par comprendre, avec cette douce sidération de l horreur, qu elles sont cependant là, à nos pieds, invisibles soldats britanniques sont enterrés sur les sols français et belge, dans ces cimetières du Commonwealth dont la grâce et la simplicité sont une réponse à l horreur autres ne le seront jamais, la même proportion vaut bien sûr pour les armées française et allemande : ils ont été pulvérisés par les obus, engloutis, noyés par la terre. Ils sont, d une certaine manière, le paysage. Ce que l on peut difficilement représenter sur les cartes. J ai vu, çà et là, des formes tournoyer, s enlever et se coucher, éclairées d un brusque reflet d au-delà. J ai entrevu des faces étranges qui poussaient des espèces de cris, qu on apercevait sans les entendre dans l anéantissement du vacarme. Un brasier avec d immenses et furieuses masses rouges et noires tombait autour de moi, creusant la terre, l ôtant de dessous mes pieds, et me jetant de côté comme un jouet rebondissant. Je me rappelle avoir enjambé un cadavre qui brûlait, tout noir, avec une nappe de sang vermeil qui grésillait sur lui, et je me souviens aussi que les flancs de la capote qui se déplaçait près de moi avaient pris feu et laissaient un sillon de fumée.» Henri Barbusse Le Feu AVRIL-MAI-JUIN 2014 MAGAZINE / 9

10 DOSSIER 14-18, OU LA GÉOGRAPHIE DES DÉSASTRES SERVICE GÉOGRAPHIQUE DE L ARMÉE / RAPPORT SUR LES TRAVAUX EXÉCUTÉS (RAPPORT DE GUERRE), 1924 LES CARTES DE LA GUERRE À l été 1914, les cartes militaires ressemblent à celles dont disposait Napoléon. En quelques mois, pour les besoins de l artillerie, elles se muent en relevés topographiques au 1 : remis à jour par observation aérienne et calés sur une projection Lambert. La couverture d un pays à grande échelle est née. En 400 pages aujourd hui jaunies et 25 planches en couleurs, le Rapport sur les travaux exécutés par le Service géographique de l armée fait en 1924 le point sur ses activités durant la guerre exactement du 1 er août 1915 au 31 décembre Le ton est d époque. Le texte est écrit au clairon, mais il est lucide. S il célèbre la formidable accélération de la science géographique et topographique pendant la guerre, c est au prix Plan directeur L outil de base des artilleurs, au 1: Les tranchées ennemies sont en bleu : plans directeurs sont imprimés par le SGA d un aveu : au début de la guerre, les cartes dont dispose l armée française et les autres ne sont guère différentes de celle que déroulait Bonaparte. En août 1914, sauf les zones de fortifications, l armée ne dispose que de deux outils : la carte de l étatmajor au 1 : , révisée en 1913 de Lille à Pontarlier, et une autre au 1 : , en couleurs. Ce «modèle 1912» couvre aussi l Allemagne et la Belgique. Encore les grands généraux ne s embarrassent-ils pas de la carte de l état-major, destinée «aux exécutants, aux officiers des corps de troupe et aux états-majors des unités subordonnées ( ). Bien que la carte de l état-major fût à une échelle relativement petite, le commandement n avait pas cru devoir en introduire, dans les lots de mobilisation, une autre à échelle plus grande, estimant qu une lutte entre la France et l Allemagne consisterait presque uniquement en une guerre de mouvement», dit la préface. 10 / MAGAZINE AVRIL-MAI-JUIN 2014

11 ECPAD / FRANCE / QUESTE, PAUL Mais en octobre de la même année, le front se fige. L artillerie réclame des cartes à grande échelle au moins le 1 : pour des tirs à longue portée ou sur des objectifs cachés. Le Service géographique de l armée (SGA) va les fournir en s aidant d un modèle ancien, d une arme nouvelle, et d une nouvelle infrastructure. LES TRANCHÉES EN DÉTAIL Le modèle existe : ce sont les «plans directeurs de canevas de tir», abrégés plus tard en «canevas de tir», réalisés après la guerre de 1870 autour des places fortes des frontières de l est, dans un rayon de 10 km. Ils vont être étendus à toute la ligne de front. Avec une difficulté de taille : les zones à lever sont occupées par l armée allemande, et les lignes de défense y sont souvent camouflées. Le problème «va être résolu, aussi bien qu il est possible, par un judicieux emploi des plans cadastraux et le recours aux merveilleux procédés de la photographie aérienne, dont la première apparition sur le champ de bataille se signale par des services exceptionnels», poursuit le rapport. Les officiers du SGA utilisent toutes les ressources disponibles : la photo aérienne, les plans cadastraux lorsqu ils sont encore accessibles, les levés au 1 : de la carte de l état-major (que l on a commencé à remplacer par une nouvelle carte au 1 : ), des plans de villes parfois. En dernier recours, on agrandit la carte de l état-major. Le SGA s est réorganisé et décentralisé. Des sections topographiques sont constituées dans chaque corps d armée à la fin de 1915 puis, au début de 1917, dans chaque division d infanterie. Dans chaque armée naît un «Groupe de canevas de tir» chargé d établir le canevas d ensemble de la zone qu elle défend, et un canevas particulier pour chaque batterie lourde. Ces canevas au 1 : reprennent les cotes d altitude noires issues de la carte de l état-major, une mention en marge indiquant leur manque de précision. Elles sont complétées par des courbes de niveau et des indications géodésiques en bistre. Aussi souvent que possible y figurent les batteries ennemies, muettes ou en activité. On y note aussi des points de repère naturels (un arbre, un pan de mur encore debout) ou artificiels : des piquets servant de mires. Chacun d eux est imprimé à plusieurs milliers d exemplaires. Des plans au 1 : 5 000, destinés à l infanterie, et des plans d étude au 1 : en sont extrapolés. Les lignes alliées, en rouge, n y occupent qu un quart de la carte, souvent le quart inférieur : l ennemi est au nord. Les lignes allemandes sont dessinées en bleu avec un ahurissant sens du détail, à l aide de photos aériennes, jusqu au moindre trou d obus. Autour de Douaumont (voir en page 16), on comprend qu il n existe qu un réseau de tranchées : les lignes rouges et bleues sont connectées, ou se poursuivent. Chaque tranchée ou boyau, comme une rue, a un nom. Chaque coude est dessiné. «Les méthodes évoluent également très vite», écrit l historien militaire et officier Michel Goya (La Chair et l acier, l invention de la guerre moderne, 2003). «Elles s organisent d abord autour du perfectionnement d une séquence de tir qu il faut faire passer du tir direct à vue au tir indirect. Le premier problème est celui du repérage d objectifs de plus en plus lointains et cachés. Pour le résoudre, en novembre 1915, on crée un Service de renseignements de l artillerie (SRA) au niveau des corps d armée, puis des armées. Son rôle est de trier, centraliser, diffuser les renseignements recueillis. Il dispose pour cela de moyens aériens spécialisés (avions-photos, ballons), de sections de repérage par le son (SRS) et des sections de renseignements par observation terrestre (SROT) ( ) En 1917, le Groupe de canevas de tir d armées (GCTA) dispose de deux trains spéciaux capables de suivre les armées en opérations puis à la fin de la guerre de camions spécialement équipés qui permettent d imprimer plus de quatre millions de plans par an.» Le SGA se diversifie, aussi. A côté des sections de géodésie et de topographie apparaît un bureau mé- Stratégie La carte au service des stratèges (QG du général Fayolle) lors de la victoire du Monte Tomba (Italie), le 30 décembre DR J ai revu tous les hommes du peloton, dans cette heure qui vient de passer entre notre arrivée à l aube et l instant où les mines sauteront. Pourquoi? Qu est-ce que je cherchais? Je me suis battu autrefois : j étais à Rembercourt, à Sommaisne. Je me rappelle les grands bois de Septsarges emplis de soleil lourd et d ombre, les obus qui fracassaient les arbres, les chaudrons, comme nous les appelions alors Ce sont de lointains souvenirs, fragmentaires, détachés de moi ; autant que cette pierre des Éparges contre laquelle vient de buter mon pied. Encore puis-je ramasser cette pierre, en sentir sous mes doigts la rudesse, froide et mouillée de boue jaunâtre.» Maurice Genevoix Ceux de 14 (Les Éparges) AVRIL-MAI-JUIN 2014 MAGAZINE / 11

12 Toile Saillard, Panorama de Verdun, du fort de Belrupt, 10 mars DOSSIER 14-18, OU LA GÉOGRAPHIE DES DÉSASTRES téorologique : les conditions météo, et surtout le vent, affectent la trajectoire des obus, et celle des gaz asphyxiants. PROJECTIONS ET CORRECTIONS Les calculs de correction de tir, de géodésie, sont affinés. En 1915, la projection conique Lambert remplace la projection de Bonne, qui remontait au XVIII e siècle. La projection de Bonne est plus simple à utiliser mais «comporte des déformations de longueurs, et surtout d angles, tout à fait inadmissibles pour l artillerie dès qu on s éloigne Perspective En complément des photos aériennes, les artilleurs utilisent des vues panoramiques. Les arbres et les ruines sont utilisés comme repères. de l axe des coordonnées». La seule altération des longueurs peut atteindre «0, 17 m pour 100 mètres». Celle des angles est encore plus importante. Un service des fabrications d optique supervise l industrialisation, sous-traitée, de jumelles, viseurs, théodolites et autres instruments, parmi lesquels, indique un inventaire de 1919, on compte notamment « boussoles, paires de jumelles de Galilée, lunettes de pointage pour char d assaut, objectifs d aviation, planchettes d artillerie et loupes à manche ( )». Sous les bombardements, des artilleurs courent ramasser les fusées des obus ennemis pour essayer d en déduire la position des batteries. Les ingénieurs testent des procédés d identification par le son, par les lueurs. On perfectionne surtout (lire en pages suivantes) la photo aérienne. Les plaques de verre sont développées dès l atterrissage de l avion, les informations utiles reportées dans la foulée sur les canevas, dont certains compteront 40 éditions. Le mot n existe pas encore, pas plus que l ordinateur mais on vient d inventer les bases de données. SERVICE GÉOGRAPHIQUE DE L ARMÉE / RAPPORT SUR LES TRAVAUX EXÉCUTÉS (RAPPORT DE GUERRE), : LE SERVICE GÉOGRAPHIQUE DE L ARMÉE (SGA) DESSINE LA NOUVELLE CARTE DE L EUROPE En novembre 1918, le SGA forme un «bureau spécial», à la mission pacifique, mais lourde de responsabilités : préparer le fond de carte qui sera utilisé à Versailles lors de la Conférence de la Paix (janvier août 1920). Le SGA réalise les croquis d étude au 1 : nécessaires aux différentes commissions, une carte au 1 : de l Europe, et une autre au 1 : de l Europe centrale. Il y reporte, traité après traité, ce qui deviendra l Europe d entre deux guerres, et les nouvelles frontières issues de la disparition des empires allemand, austro-hongrois et ottoman. Naissent une nouvelle Pologne, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie. Les documents sont annexés aux différents traités de paix signés à Paris, du Traité de Versailles (28 juin 1919) à celui de Sèvres (10 août 1920, entre les alliés et la Turquie). Le SGA tient ses comptes. De janvier à décembre 1919, il imprime 195 tirages «comportant exemplaires à 5 couleurs en moyenne, dont de format grand-aigle», soit 75 X 106 cm. En 1938, Hitler commence à les raturer. 12 / MAGAZINE AVRIL-MAI-JUIN 2014

13 COLL. BDIC LA PHOTO MASQUE LE SOL, ELLE EST UNE SORTE DE LINCEUL» DR En quoi votre travail sur avec le site Édugéo consiste-t-il? Je suis le principal rédacteur des cahiers pédagogiques qui accompagnent Édugéo. Dans le cadre du Centenaire, il a semblé tout indiqué à l et à Edugéo de lui donner des ressources complémentaires : des cartes, évidemment, des photos aériennes, et des documents provenant d autres partenaires. Et toujours avec l idée de pouvoir superposer des couches de données. Le cahier pédagogique de comprend des développements pédagogiques pour les collèges, des enrichissements des ressources, particulièrement sur la zone de Verdun, qui est abordée dans les programmes du primaire, des collèges et des lycées. Une version.pdf devrait être disponible pour la rentrée prochaine. 3 questions à... Jackie Pouzin Chargé de mission Édugéo pour l Éducation nationale, professeur d histoiregéographie au lycée d Évron (Mayenne). Comment peut-on montrer en 2014 l impact de la guerre de 14-18? L impact reste parfois visible. Autour de Reims, le tracé de certaines tranchées est visible dans les champs sur des photos des années soixante-dix. Sur la zone de Verdun, avec les élèves, on peut identifier le système de défense de la ville, localiser les fortifications, et comparer avec les cartes ou les photos actuelles. Aujourd hui, les lieux de bataille les plus emblématiques sont masqués par la végétation, quand les bombes en avaient fait des paysages de type lunaire. Ils sont recouverts d une forêt très dense, qui en fait des lieux très paisibles. C est JACKIE POUZIN un vrai paradoxe : la photo masque le sol, elle en est une sorte de linceul, quand au sol les boyaux, les tranchées restent perceptibles. La végétation est un indice. Dans la Somme, on voit des tirs de mines Dans le Nord, il y a encore des remontées d obus. Mais souvent, on ne voit plus les traces de la guerre. Ce qui est étonnant, c est qu une génération s est préoccupée de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale. Et là, avec le centenaire, on voit un mouvement de redécouverte de l étendue, de la violence de la Première Guerre mondiale. Quel sens le conflit, pour des adolescents en 2014, peut-il avoir? On redécouvre le côté mondial de la Première Guerre. Les programmes aujourd hui sont écrits d une façon particulière. On n étudie plus la chronologie : un collégien aujourd hui connaît quelques grands événements : la Somme, Verdun, le traité de Versailles. Les acteurs politiques Clemenceau ou les chefs militaires ne sont plus identifiés. En revanche, il sera très informé sur la violence de la guerre, les tranchées ou le vécu des soldats. On travaille aussi sur la question de la guerre à l arrière : le travail des femmes, l évolution de la société, l économie de guerre, les empires, le rationnement, la création d hôpitaux On touche moins à la chose militaire, on s attache plus à la société. On essaie de montrer que la Première Guerre mondiale a été un prototype des guerres modernes. C est un changement de civilisation qui annonce toutes les guerres du XX e siècle, jusqu à la Yougoslavie, et peut-être celle de Syrie aujourd hui. Éducation La Grande Guerre vue depuis l application Édugéo dédiée aux enseignants du primaire et du secondaire. Les chevaux hennissent ; la jument blanche d Olivier, folle et libre, galope toute nue derrière les dragons. Un grand éventail de batteries de canons se déploie à perte de vue, embarrassé d arbres et de fermes jusqu au fin fond de la plaine. L infanterie anglaise monte épaisse comme un ruisseau de boue, et le troupeau bleu des soldats français glisse à la crête des herbes, vers les collines et la fumée. À l abattoir! dit La Poule. Au fond de l horizon, dans cet endroit où le ciel se mélange avec la terre, les mitrailleuses commencent à grésiller comme de l huile à la poêle.» Jean Giono Le grand troupeau / MEN AVRIL-MAI-JUIN 2014 MAGAZINE / 13

14 DOSSIER 14-18, OU LA GÉOGRAPHIE DES DÉSASTRES L ÉTAT-MAJOR ALLEMAND AURAIT FAIT IMPRIMER 800 MILLIONS DE CARTES!» De quelles cartes et de quelles connaissances du terrain les états-majors disposent-ils au début de la guerre? En ce qui concerne la carte, on a, en 1914, de nombreux jeux de cartes qui couvrent la France et l Allemagne. La cartographie générale est bien faite. Les jeunes officiers participent tous les ans à des exercices de cartographie. Tout au long de la III e République, on a étendu le champ et la précision des cartes. Au début de la campagne en 1914, la zone d affrontements est parfaitement cartographiée, essentiellement au 1: sur la carte de l état-major. C est une échelle adaptée aux mouvements de troupe d une grande unité. On est dans une logique de guerre de mouvement et de guerre de masse. L unité de base pour la manœuvre, c est la division. Et lorsqu apparaissent les tranchées? À l automne 1914, le front se stabilise. D autres besoins apparaissent. Il devient indispensable de savoir comment s organise l ennemi. Il est tout aussi indispensable de préparer les feux de l artillerie. Enfin, pour les troupes amies, il est tout aussi nécessaire de connaître la topographie du secteur où l on va envoyer une RÉMY PORTE DU SGA À L 4 questions à... Rémy Porte Historien militaire, affecté au service de santé des armées. Au commencement était le Dépôt de la Guerre, créé par Louvois en 1688 pour recueillir les archives et les cartes militaires. Il survivra à tous les changements de régime jusqu en Il est alors scindé en deux : apparaissent le Service historique de l armée, aujourd hui Service historique de la défense, basé au château de Vincennes, et le Service géographique de l armée (SGA), qui œuvrera durant la guerre de En 1940, le SGA devient l Institut géographique national (). unité. Ce qui va faire évoluer la carte, ce sont les besoins de l artillerie, et l aviation. L artillerie a besoin de savoir où elle va tirer, et quels sont les résultats. Il faut établir des canevas de tir qui vont préparer les séquences de bombardement et qui doivent être exacts à la dizaine de mètres près. Les cartes permettent de tirer plus loin que ne porte le regard. Mais en réalité, les batteries arrosent moins un objectif qu une zone, qui doit être aussi réduite que possible. L artillerie lourde a de 6 à 15 km de portée utile. La grosse Bertha tire sur Paris à 100 km de distance, mais de manière aléatoire. Entre 1914 et 1917, on note une inflation du nombre d échelles, qui répondent à tous les besoins. C est exactement la même chose du côté allemand : l état-major allemand aurait fait imprimer 800 millions de cartes! L évolution est la même côté britannique. En 1918, le corps expéditionnaire américain, qui vient de débarquer, travaille avec des cartes françaises, puis crée un service géographique. Apparaissent des jeux de cartes réalisées en fonction des besoins, du 1 : au 1 : En fonction des besoins militaires, on prend et on adapte. Puis au deuxième semestre 1917, on réduit le nombre d échelles en conservant celles qui correspondent à un besoin avéré. On va aussi créer des cartes spécialisées : géologiques, météorologiques. Géologiques, car on ne peut passer sur les terres avec des camions de cinq tonnes comme on le faisait avec des chevaux. Les cartes météorologiques sont à l usage des aviateurs et des artilleurs, car la puissance et la portée des canons dépendent de la météo. Lors des grandes offensives, les cartes sont actualisées tous les jours : il y a des bois à Verdun qui ont changé trois ou quatre fois de camp. Sinon, la mise à jour est hebdomadaire. Est-ce que les cartes ont influé sur la guerre, ou changé la manière de la faire? Non. La carte reste un outil, un appui. Mais elle devient un auxiliaire indispensable de la prise de décision. Du GQG, le grand quartier général, au QG de la division, à chaque échelon un officier de liaison spécialisé contribue à faire mettre à jour la carte. L imprimerie est au GQG, qui sera longtemps installé à Chantilly. L armée française a une tendance à la centralisation, quand l armée allemande laisse plus d autonomie aux échelons inférieurs. Que change l apparition de la photo aérienne? Le colonel Estienne, un artilleur, dit «le père des chars», commande en août 1914 un régiment d artillerie et part en campagne avec un avion démontable. C est une initiative personnelle. La maîtrise du ciel devient une étape très importante dans la conception de la bataille. Il faut à la fois interdire aux avions ennemis de prendre des photos, et permettre aux avions alliés de le faire. Cela explique la spécialisation de l aviation en différentes subdivisions. À partir de 1915 apparaissent une aviation de chasse, une autre d observation, et une de bombardement. Chacun veut avoir son escadrille. Dans ce domaine comme dans tous les domaines techniques, les trois ou quatre premiers mois de guerre, jusqu au printemps 1915, vont amener à formaliser des réponses, des procédures pour que lors de la même mission ou avec le même armement, chacun parle un même langage. Les progrès dans l exploitation des photos aériennes se font sur le tas, grâce à quelques types qui ont un peu de génie. À partir de 1917, les procédures sont formalisées et en 1918, tout est encadré. Des cabines de développement mobiles des photos aériennes sont installées sur les terrains d atterrissage. Le développement du camouflage vient aussi de la photo aérienne. Les vrais canons sont camouflés, des faux apparaissent. Comme ce faux Paris construit pour leurrer les aviateurs allemands. 14 / MAGAZINE AVRIL-MAI-JUIN 2014

15 Levé Un levé à la planchette, en Niveau Un levé géodésique par une équipe du SGA. Exploitation Machine à calculer à manivelle. L ŒIL ET L OREILLE Les batteries ne sont pas toujours localisables par photographie aérienne. Dès le début de la guerre, le SGA, en collaboration avec le corps expéditionnaire britannique, élabore des appareils de repérage par le son, soit l enregistrement des ondes de bouche et de choc d un coup de canon, décalées et qui n ont pas la même fréquence. Les calculs des Sections de repérage par le son doivent être pondérés par le vent, la température, l hygrométrie et l altitude. Les Sections de repérage par les lueurs effectuent des calculs de trigonométrie : l observation d une lueur de départ d un tir par trois positions différentes, communiquant de préférence par TSF, permet d en calculer l emplacement. Louis Hurault, le père fondateur de l Né à Attray, dans le Loiret, le 8 août 1886, Louis Hurault intègre l École polytechnique à 20 ans. Artilleur pendant la Grande Guerre, il est blessé à Verdun. Passionné de photographie stéréoscopique, il nous a laissé des milliers de clichés en 3D sur plaques de verre dont certains illustrent ce dossier. Affecté en 1919 au Service géographique de l Armée (SGA), il en devient directeur en 1937 et passe général de brigade en Par une ruse de guerre, en 1940, il transforme le SGA, militaire, en Institut géographique national, civil, pour que la cartographie française échappe à l envahisseur nazi. Cette véritable opération de camouflage limite les dégâts et permet de couvrir de nombreuses actions de résistance, qui valent une 3 e étoile au général Hurault en octobre Il dirige l Institut jusqu en 1956, où il est atteint par la limite d âge. AVRIL-MAI-JUIN 2014 MAGAZINE / 15

16 DOSSIER 14-18, OU LA GÉOGRAPHIE DES DÉSASTRES LA NAISSANCE DE LA PHOTOGRAPHIE AÉRIENNE ECPAD / FRANCE / PHOTOGRAPHE INCONNU Dès le début de la guerre, la photographie aérienne s impose comme un irremplaçable outil d observation des positions ennemies. Rectifiée, redressée, analysée, elle renseigne les cartes, corrige le tir des batteries, et prépare les offensives. En 1914, l observation aérienne n est pas une nouveauté. Mais elle est presque exclusivement le fait de ballons captifs. S inspirant des modèles allemands, les militaires français remplacent vite leurs ballons sphériques par les emblématiques «saucisses». Elles embarquent à ou mètres d altitude 800 kg de lest et un observateur, muni de jumelles et d un parachute, qui communique par téléphone des indications sur les batteries ennemies. Mais il ne peut ni les surplomber, ni les photographier autrement qu à l oblique. L avion s impose très vite. Réseau Photographie aérienne de tranchées. En 1909, Blériot traverse la Manche. L armée entrevoit le potentiel des aéroplanes. Certains officiers plus que d autres. Le colonel Estienne, mathématicien hors pair, polytechnicien, esprit curieux, artilleur, inventeur, est nommé la même année commandant du tout nouveau service de l aviation militaire. Quelques années plus tôt, il avait encouragé le recours au téléphone pour la transmission des informations à l artillerie. Cette fois, il fait construire un prototype d avion démontable, transporté en caisse. En août 1914, il l utilisera pour régler son artillerie à la bataille de Charleroi, freinant les armées allemandes qui déboulent à travers la Belgique. Dans les mois et les années qui suivront le colonel Estienne, non sans mal, se consacrera au développement d une autre intuition : le char d assaut, penset-il, peut être à même d éviter d autres massacres à la mitrailleuse. DES PHOTOS EN CERF-VOLANT L avion peut guider les batteries durant la bataille, à condition de pouvoir communiquer avec elles. Il peut aider à préparer l offensive. «Au moment où la guerre éclate, le problème de l utilisation des photographies aériennes c est-à-dire 16 / MAGAZINE AVRIL-MAI-JUIN 2014

17 ECPAD / FRANCE / PANSIER, PIERRE des photographies qui ont été prises en ballon-captif, en cerf-volant ou en avion pour l établissement des cartes, a été à peine effleuré ; en tout cas, il n a guère été envisagé que pour des travaux exécutés dans les conditions du temps de paix», note avec franchise le Rapport de guerre du SGA. Le retard va être rattrapé dès les premiers mois de guerre CLICHÉS DURANT LA GUERRE L aviation naissante est d abord au service des artilleurs. Chaque corps d armée reçoit une escadrille puis, en 1917, une deuxième, ainsi que les régiments d artillerie lourde. En 1918, on descend au niveau des divisions. Les premiers avions d observation ne sont pas armés : on les fait protéger par des chasseurs, qui s en prennent aussi aux observateurs ennemis. L aviation de chasse, puis de bombardement, est née. Les premières photos sont prises avec des appareils du commerce, tenus à la main. Ils fournissent des plaques au format cm. À partir de 1915, les Sections de photographies aériennes font développer des appareils tout exprès. Les focales sont de 25 et 50 mm, pour des images en cm. L objectif de 50 mm devient un standard. L appareil reste tenu à la main, mais il est doté de niveaux à bulles. Des appareils à longue focale (120 mm) fixés à la carlingue par une suspension, fournissent des images de cm à très grande échelle, l équivalent du 1 : Les chambres utilisent des magasins d une douzaine de plaques. Les avions volent jusqu à ou mètres d altitude pour les plans larges, et sans dépasser 130 km/h. Les chambres ne sont pas à obturateur, mais à rideau. La plupart des images sont verticales. Des photos prises volontairement à l oblique, de préférence à revers des lignes ennemies, révèlent «les détails du nivellement ( ), les talus, chemins creux, Captif Les ballons captifs apparaissent dès le début de la guerre. L observateur communique avec le sol par téléphone. Son regard peut porter à des dizaines de kilomètres. Mais seuls les avions pourront photographier à la verticale. La lecture des photographies, on le conçoit, exige une certaine expérience, d autant qu elle se trouve contrariée par le camouflage ; on désigne sous ce nom un ensemble de précautions, souvent très habiles, prises par l ennemi pour que ses positions (surtout ses batteries) n apparaissent pas sur les clichés. D autre part, l ennemi multiplie les travaux visibles et a recours à des travaux simulés de manière à égarer les investigations de ses adversaires.» Rapport de guerre du Service géographique de l Armée les créneaux, embrasures et autres travaux qui échappent aux vues verticales. Elles sont particulièrement précieuses pour l infanterie chargée d une attaque.» Les photographies prises par temps de neige sont les plus précieuses : elles révèlent les pistes, les camouflages, et leur propre souffle y trahit la position des batteries. FILS BARBELÉS ET TROUS D OBUS En même temps que les techniques, et aussi vite, se mettent en place les procédures de classement, d identification et d interprétation des photos. De correction également : l appareil et le sol ne sont ni plans ni parallèles. Comment mesurer les distances au sol quand on ne connaît que grossièrement l altitude à laquelle la photographie a été prise? Comment caler la photo sur une carte? La correction se fait par la corrélation de quatre puis cinq points de repères avec leurs équivalents sur la carte, par la recherche d alignements, ou la superposition de plusieurs photographies. Le capitaine Vavon perfectionne à cet usage la «chambre claire» des dessinateurs. Les photos sont aussi utilisées en stéréoscopie, pour le dessin des reliefs. Les plus détaillées, celles réalisées à la chambre de 120 qui exige une bonne météo sont examinées à la loupe. Elle permet d y relever les abris, les nids de mitrailleuses, les trous d obus organisés, de mesurer la largeur des tranchées, de noter l emplacement des réseaux de fils barbelés, chevaux de frise et abattis des arbres couchés face à l assaillant, pour en freiner la progression. Jusqu aux lignes et centraux téléphoniques. «Les photographies aériennes, déjà si précieuses pendant la période d une offensive, le sont bien davantage encore au cours même de la bataille, car elles assurent un contrôle continu des destructions», note le rapport du SGA. «L étude [en] est faite d heure en heure, au fur et à mesure de la réception des épreuves», et les plaques sont développées en bord de piste, dès que l avion s est posé. À la fin de la guerre, le SGA aura accumulé plus de épreuves. AVRIL-MAI-JUIN 2014 MAGAZINE / 17

18 DOSSIER 14-18, OU LA GÉOGRAPHIE DES DÉSASTRES LE FORT DE DOUAUMONT EN IMAGES 2011 Dans la vallée, Verdun. Sur les hauteurs, au nord, une ceinture de forts (Vaux, Douaumont ) du XIX e siècle, renforcés par des blindages et du béton. Le 21 février 1916, l état major allemand déclenche une attaque d artillerie massive sur ce front réduit (13 kilomètres). Elle est moins destinée à prendre Verdun qu à épuiser l armée française, à la saigner, en la forçant à défendre des positions indéfendables. Les bombardements sont inouïs : 20 millions d obus sont tirés de février à juin Les forts tombent. L armée allemande piétinne. En juillet, elle renonce. Deux tiers des soldats français combattront à Verdun. La bataille fait morts. L ossuaire de Douaumont, nécropole nationale, est inauguré en 1932, à proximité du fort. Cent ans après la bataille, la forêt a repoussé. Mais le sol reste grêlé de trous d obus Sur ces vues obliques, l ossuaire de Douaumont, fraîchement inauguré. Le cimetière, en contrebas, contient les tombes de soldats français. Le fort de Douaumont est visible sur la vue de droite. 18 / MAGAZINE AVRIL-MAI-JUIN 2014

19 Focus Le fort en 1916, 1951 et La forêt repousse progressivement. En bas,un plan directeur au 1 : 5000 du 18 mai 1916, destiné à l infanterie. La bataille de Verdun fait rage. Les Allemands ont pris le fort, que les Français assiègent à leur tour. Chaque trou d obus est dessiné. ECPAD / FRANCE / PHOTOGRAPHE INCONNU SERVICE GÉOGRAPHIQUE DE L ARMÉE / RAPPORT SUR LES TRAVAUX EXÉCUTÉS (RAPPORT DE GUERRE), 1924 AVRIL-MAI-JUIN 2014 MAGAZINE / 19

20 SUR INTERNET DES DEUX CÔTÉS, IL Y A EU DES VOLONTÉS D ANNEXION» De 1914 à 1918, s est-on battu pour agrandir les cartes des nations? La guerre a-t-elle été une guerre de territoires? Au départ, les motifs du conflit ne sont pas précisément territoriaux. L Alsace-Lorraine est un vieux contentieux entre la France et l Allemagne, mais n est plus un motif de guerre; une fois le conflit déclenché, elle fixe en revanche les revendications. La question des territoires se joue en réalité surtout à un niveau plus élevé. Même si cela peut nous sembler étrange, l Allemagne mène une guerre défensive. Elle est enserrée entre la France et la Russie, tandis que l Angleterre domine sur les mers. Les plans militaires sont des plans d invasion, mais il ne faut pas perdre de vue qu ils ont été conçus comme des réponses, en cas de déclenchement du conflit. Les plans offensifs comme le plan Schlieffen peuvent donc faire partie d une stratégie qui se présente comme défensive. Il reste que les buts de guerre évoluent. Des deux côtés, quoi qu on en ait dit après le conflit, il existe des volontés d annexion. En septembre 1914, les pangermanistes voudraient annexer le Luxembourg, la Belgique, le Nord de la France et pour certains, cela veut dire jusqu à Lyon sous un statut particulier. Quand le vent tourne, les ambitions se restreignent. Côté français, les velléités annexionnistes se portent sur l Alsace- Lorraine, mais aussi sur la rive gauche du Rhin. On retrouve l idée de Gaulle la développera plus tard qu il faut fragmenter cet empire allemand trop puissant. On en a un DR aperçu à la fin de la guerre : Poincaré voulait aller plus loin dans l occupation de l Allemagne, qui a duré jusqu aux années vingt. Les Alliés l ont freiné. Les soldats français se battent pour défendre le «sol national». Quelle vision en ont-ils? Et les soldats allemands? Les cartes postales qui montrent DOSSIER 14-18, OU LA GÉOGRAPHIE DES DÉSASTRES ÉLISE JULIEN 3 questions à... Élise Julien Agrégée d histoire, maître de conférences à l Institut d études politiques de Lille, membre du conseil scientifique de la mission du Centenaire. Un site personnel recensant les sites consacrés à la Grande Guerre. Le site officiel de la mission du Centenaire, dont l est l un des partenaires. En liaison avec la mission du Centenaire, un excellent site du quotidien le Monde. des destructions sont utilisées côté français pour montrer les ravages causés par les Allemands, et côté allemand pour montrer ce que serait la guerre en Allemagne : dans les esprits, l armée allemande défend le territoire allemand, même s il faut pour cela porter la guerre à l extérieur des frontières. Pour cette raison, les Allemands ont moins de scrupules à creuser des tranchées, sortes de forteresses inversées, que les Alliés. Pour les Français, la situation est différente : s enterrer dans les tranchées, c est valider le statu quo de l occupation, renoncer. D où l admiration des soldats français qui prennent des tranchées allemandes et les trouvent mieux aménagées, mieux fortifiées. Pour y couler autant de béton, il faut se faire à l idée qu on s installe dans cette situation. Enfin, de part et d autre, les soldats défendent un territoire national, mais ils défendent aussi leur «petite patrie». Des Bretons se battent dans le Pas-de-Calais pour éviter une invasion qui irait jusqu à leur village, pour préserver leur famille. Il y a une imbrication de la petite patrie dans la grande. Ce qui frappe lors des offensives, c est la disproportion comme s il y avait une proportion acceptable entre le nombre de morts et les surfaces en jeu. D où ce culte du sol vient-il? Les batailles de Verdun, la Somme, l Artois ont été des carnages pour des avancées mineures. Mais les étatsmajors ont été formés dans la culture de l offensive. Les généraux cherchent à sortir de la guerre de position par la percée, le débordement. Quand une offensive est lancée, ce n est pas pour gagner une colline : c est pour rompre le front, lancer l attaque décisive qui va permettre d emporter la décision. Quand l offensive échoue, et elle échoue presque chaque fois, elle se traduit dans les rapports par un nombre de morts élevé pour un faible gain de territoire. Élise Julien est notamment l auteure de la thèse Paris, Berlin, la mémoire de la guerre, , publiée aux Presses universitaires de Rennes. Le blog d un journaliste du Monde. Quatre itinéraires au long du front, illustrés et commentés, par la Région Nord-Pas de Calais. Le site lauréat du concours Géoportail Bibliographie indicative Michel Goya La Chair et l Acier, l invention de la guerre moderne (Tallandier, 2003). Comment l armée française est passée en quelques années de la baïonnette au char d assaut, et du XVIII e au XX e siècle. Directeur du bureau Recherche du Centre de doctrine d'emploi des forces de l'armée de Terre, Michel Goya enseigne également l'histoire de la guerre à Sciences-Po Paris. Lieutenant-colonel Rémy Porte Chronologie illustrée de la Première Guerre mondiale (Perrin, 2010) et Les Secrets de la Grande Guerre, Paris, Librairie Vuibert, Un ouvrage de référence et un autre plus «grand public». L auteur, aujourd hui en poste au Service de santé des armées, est l ancien chef du bureau Recherche du Centre de doctrine d'emploi des forces de l'armée de Terre, où lui a succédé Michel Goya. John Keegan La Première Guerre mondiale (Perrin, 2003 pour la traduction française). Une somme de 500 pages, d une concision et d une érudition absolues, d une grande humanité, par le plus grand historien militaire britannique. Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker La Grande Guerre, Collection Découvertes Gallimard. Un petit volume abondamment illustré, par deux des plus grands spécialistes français de l histoire de la Première Guerre mondiale. Stéphane Audoin-Rouzeau, directeur d études à l EHESS, est membre du comité scientifique de la mission du Centenaire. 20 / MAGAZINE AVRIL-MAI-JUIN 2014

21 QUESTIONS RÉPONSES 1. Quelle est la plus haute commune de France? Plusieurs produits fournissent une réponse à cette question plus complexe qu il n y paraît. D abord le répertoire géographique des communes, ou RGC ( ign.fr/rgc), qui est en licence ouverte. On y trouve une évaluation des altitudes minimale et maximale en mètres de chaque territoire communal. Si l on s intéresse aux communes dont les points les plus bas ont l altitude la plus élevée, le tiercé gagnant se compose de Val-d Isère (Savoie) avec 1 785m, Bonneval-sur-Arc (Savoie) avec 1 759m et enfin Saint-Véran (Hautes-Alpes) avec 1 756m. Si l on se focalise sur les communes dont les points culminants sont les plus élevés, Chamonix-Mont-Blanc (Haute-Savoie) et Saint-Gervais-les-Bains (Haute-Savoie), qui se partagent le mont- Blanc, sont évidemment à égalité (4810m), loin devant Les Houches (Haute-Savoie). Par ailleurs, si l on considère maintenant non plus les extrêmes mais la valeur moyenne de l altitude des communes, GEOFLA ( professionnels.ign.fr/geofla), gratuit également, fournit pour chaque commune, grâce à sa géométrie issue de la BD CARTO, une altitude 2. Pourquoi six communes françaises ne comptent-elles aucun habitant? XBDM/FOTOLIA.COM Sommet La mairie de Tignes est la plus haute de France. moyenne calculée à partir d un maillage BD ALTI au pas de 50 m. Voici le quarté de l édition 2012 de ce jeu de données: 2 713m pour Bonneval-sur-Arc (Savoie), suivie de Bessans (Savoie) avec 2649m et de Termignon (Savoie) avec 2 584m, à quasi-égalité avec Val-d Isère (Savoie) et ses m (écart non significatif). Enfin dans la base de données BD TOPO de l ( professionnels.ign.fr/bdtopo), la plupart des mairies (bâtiments) sont cotées en altimétrie à la base de la toiture avec une précision métrique. Selon ce critère, le top des mairies serait Tignes (Savoie) avec m, devant Saint-Véran (Hautes-Alpes) avec m et Montgenèvre (Hautes-Alpes) avec m. On a donc l embarras du choix au moment d attribuer ce titre de «commune la plus haute de France». Tout est question de définition! Ces communes, qui se situent dans le département de La Meuse, ont été complètement détruites lors de la bataille de Verdun en Trois villages ont été reconstruits. Six autres ne l ont jamais été. Mais pour garder une trace de leur mémoire, il a été décidé de ne pas les rattacher à d autres communes. Il s agit des communes de Beaumont-en-Verdunois, Bezonvaux, Cumières-le-Mort-Homme, Fleury-devant-Douaumont, Haumont-près-Samogneux et Louvemont-Côte-du-Poivre. Ces communes sont administrées par un conseil municipal de trois membres nommés par le préfet de la Meuse, composé d un maire et deux adjoints. Elles apparaissent sur la carte au 1: Le symbole de chef-lieu de commune y est également représenté, mais sans nombres d habitants, et avec la mention (village détruit). Michaël Georges Expert chargé de l'unification des limites administratives. Joël Peron Chargé de mission à la direction de la production des référentiels. AVRIL-MAI-JUIN 2014 MAGAZINE / 21

22 FORÊTS LES FORÊTS NATURA 2000 SOUS SURVEILLANCE Comment les forêts françaises d intérêt européen évoluent-elles? L a entrepris en 2011 de caractériser scientifiquement les habitats forestiers pour en surveiller l évolution, conformément à la réglementation communautaire. / SERGE LATHERRADE Biotope Forêt de bouleaux en vallée d Ossau, dans les Pyrénées- Atlantiques. En 1992, l Union européenne se dotait d une directive Habitats-Faune-Flore. Complétée par la directive Oiseaux, elle a donné naissance au réseau d espaces naturels Natura 2000, qui englobe les habitats naturels les plus remarquables et les plus représentatifs d Europe, ainsi que les espèces les plus rares et menacées. Ce réseau a été définitivement installé en France en Il comprend aujourd hui sites terrestres et marins, qui couvrent 12% du territoire métropolitain. La mise en œuvre de cette directive a également vulgarisé la notion d habitat dans les politiques de préservation de la nature, et spécialement forestières. Un habitat est le lieu où vit une espèce sauvage, animale ou végétale. Il correspond aux composantes biotiques et abiotiques de son environnement immédiat. Par extension, ce terme d habitat est devenu synonyme de milieu naturel, d écosystème. Un habitat est un espace homogène par ses conditions écologiques (climat, sol ), par sa végétation, et qui héberge une certaine faune. La végétation témoigne directement des conditions du milieu : c est donc l observation des espèces présentes et de leur abondance relative qui permet d identifier sur le terrain les différents types d habitats. Et c est à cette tâche que s est attelé l. UNE PREMIÈRE EN FRANCE La directive prévoit, tous les six ans, une évaluation de l état de conservation de ces habitats naturels d intérêt communautaire, et des mesures prises pour leur préservation, à l intérieur et à l extérieur du réseau Natura Ces «rapportages» comprennent une ap- Biotope Groupe lors d une session de démarrage sur la GRECO A (grande région écologique du grand ouest cristallin et océanique). / FABIENNE BENEST 22 / MAGAZINE AVRIL-MAI-JUIN 2014

23 / SERGE LATHERRADE préciation locale des habitats présents dans chaque zone de conservation, et une estimation plus quantitative de l habitat (répartition, fréquence, critères de structure et de fonctionnement ) à l échelle nationale. Le dispositif statistique de l contribue à ces évaluations pour les forêts à travers le projet «suivi temporel des habitats forestiers», lancé en 2011 dans le Massif Central. Le projet est lié à l inventaire statistique réalisé par les agents de l. Lors de l examen de chaque placette, les équipes chargées des levers collectent aussi des données sur les habitats forestiers. C est la première fois en France qu un tel dispositif standardisé de surveillance des écosystèmes est mis en place. tanique forestière, ce travail d identification des habitats forestiers nécessite une formation spécifique à l utilisation d une clé de détermination régionale basée sur des critères floristiques et écologiques. Les sessions de démarrage ont lieu en saison de végétation, sous forme d une tournée de présentation itinérante des différents types d habitats existant sur un territoire. Aujourd hui, 247 types d habitats différents sont susceptibles d être identifiés par les équipes chargées des opérations d inventaire! Des cartes de répartition des types d habitats ont déjà été dressées à partir de données constatées, quand les cartes qui prévalaient dans la littérature scientifique étaient réalisées à dire d experts. Le projet permet également d obtenir des résultats chiffrés sur la fréquence relative des types d habitats : c est le début d une information quantitative dans ce domaine. La caractérisation du type d habitat étant réalisée sur les mêmes points que le recueil des données dendrométriques, il sera possible de mettre les données en relation pour mieux caractériser les états de conservation. C est ce qui est at- Vulgaire Le polypode vulgaire (Polypodium vulgare) est une fougère commune en France jusqu à 2200 mètres d altitude. Déploiement du suivi temporel des habitats forestiers DES DONNÉES DE TERRAIN Depuis 2011 et en trois campagnes, 8016 points ont pu être caractérisés par leur type d habitat dans les Greco (les grandes régions écologiques ) de la moitié nord de la France. Le déploiement s étendra chaque année au printemps. En 2017, il couvrira toute la France. Au-delà des connaissances en botendu par le ministère chargé de la protection de la nature pour le prochain rapportage européen, en AVRIL-MAI-JUIN 2014 MAGAZINE / 23

24 GÉOPORTAIL L ALTIMÉTRIE ET L IMMOBILIER POUR LES PROS ET LES PARTICULIERS À quelle altitude votre chalet se trouve-t-il, et combien vaut-il? Deux nouveautés ce trimestre sur le Géoportail: un service de calcul altimétrique et une aide à l estimation de la valeur de vos biens immobiliers, mise au point par la DGFiP. DGFIP Patrimoine Page de recherche (à gauche) et d affichage des résultats (à droite) du service en ligne Patrim. ESTIMEZ LA VALEUR DE VOS BIENS Le service Patrim de recherche des transactions immobilières est un nouveau service en ligne de la direction générale des finances publiques (DGFiP), ouvert depuis le 2 janvier 2014, et destiné comme d autres à simplifier les démarches administratives. Il met à disposition des particuliers des informations sur les transactions immobilières qui les aideront à estimer la valeur vénale de leurs biens immobiliers pour des utilisations administratives et fiscales. Cette estimation leur permettra de satisfaire à leurs obligations déclaratives d impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ou de succession ou pour effectuer une donation. Elle permettra aussi de répondre à l administration dans le cadre d une procédure de contrôle fiscal ou d expropriation. Accessible sur l'espace personnel du site impots.gouv.fr, le service Patrim permet de visualiser les cessions d immeubles bâtis à titre onéreux et usage non professionnel, réalisées dans un périmètre géographique donné. Le service «Rechercher des transactions immobilières» utilise l infrastructure de l API Géoportail pour couvrir l'ensemble des besoins de cartographie et de géolocalisation. Il propose d abord le positionnement sur une carte de l'adresse saisie et la visualisation d'un rayon de recherche paramétrable autour de ce point. Puis il restitue le résultat de la recherche sous forme de vignettes géolocalisées sur la carte et contenant un résumé de chaque bien. Une restriction : il ne permet pas de consulter les ventes réalisées dans les départements du Haut- Rhin, du Bas-Rhin, de Moselle et de Mayotte. 24 / MAGAZINE AVRIL-MAI-JUIN 2014

25 1. PROFILS ALTIMÉTRIQUES SUR MESURE POUR TOUS Mode d emploi Il est possible d afficher les profils altimétriques depuis l interface de visualisation 2D ou 3D du Géoportail. Pour activer cette fonctionnalité, cliquer sur l icône Mesurer puis choisissez Profil altimétrique. Tracez votre parcours sur la carte, puis double-cliquez pour finaliser le tracé : le profil s affiche. Le modèle numérique de terrain utilisé pour l outil de profil altimétrique a une précision moyenne de 2,5 m. 2. UN SERVICE ALTIMÉTRIQUE ÉLABORÉ Le site geoportail.gouv.fr intègre un service de calcul altimétrique. Ce service s appuie sur un protocole de communication standard (Web Map Service) et un modèle numérique de terrain (MNT) issu de la BD Alti V1 au pas de 25 mètres. Les détenteurs d une clé API Géoportail peuvent l utiliser sur leurs propres sites en ligne. Le service de calcul altimétrique lit une source de données et renvoie les valeurs des altitudes de chaque point. Il en est de même pour déterminer un profil altimétrique le long d une courbe. Le nombre maximal de points autorisé est de Ce service couvre la France métropolitaine et les départements d outre-mer. AVRIL-MAI-JUIN 2014 MAGAZINE / 25

26 ZOOM LES TRAQUEURS DE LUMIÈRE Avril 2013: un avion de l survole Genève et effectue les premières photographies aériennes nocturnes de la ville et de ses alentours. Objectif : évaluer la pollution lumineuse du canton et le gaspillage qu elle engendre. En cette belle soirée du mois d avril, le Beechcraft 200 King Air de l se prépare sur l aéroport de Lyon. Il est 22 heures, et l équipage a sagement attendu la tombée de la nuit pour s envoler. Les demandes d autorisation ont été déposées, l espace aérien genevois est réservé pour quelques heures. L avion de l va pouvoir mener sa mission à bien. À bord, deux commandants, un photographe navigant et un journaliste de la radio télévision suisse. 23 heures : l avion est sur zone, à mètres d altitude, paré à photographier la ville et ses lumières artificielles. Il va lui falloir 3 h 45 pour remplir sa mission et couvrir la totalité du territoire genevois. Les 979 clichés capturés par la caméra mise spécialement au point par le laboratoire d optoélectronique, métrologie et instrumentation (Loemi) de l permettront d expérimenter une nouvelle technique de lutte contre la pollution lumineuse. CONDITIONS ANTICYCLONIQUES OBLIGATOIRES Mais d abord, il a fallu réaliser une prouesse technique. Plus la lumière au sol est faible, et plus le temps de pose est long. Pour cette En vol Le Beechcraft 200 King Air de l dans les turbulences. Flashcode: reportage télévisé sur le vol de nuit. campagne, il atteint la demi-seconde ; une durée durant laquelle la caméra doit nécessairement rester stable. Un défi dans un avion qui vole à 80 mètres par seconde Des conditions anticycloniques et une absence totale de vent sont requises. L allure ne doit être ni trop rapide, ni trop lente. «Si la vitesse est trop lente, le Beechcraft commence à vibrer, ce qui nuit à la prise de vues», explique Sylvain Airault, chef du service des activités aériennes de l et coordinateur de la campagne. «La nuit, on fait la chasse aux vibrations.» La caméra mise au point par le Loemi de l possède un dispositif de compensation électronique. Elle peut intégrer la vitesse de Une convention de partenariat scientifique > Une convention de partenariat scientifique a été signée par l et la direction de la mensuration officielle du Canton de Genève, qui appartient au département de l aménagement, du logement et de l environnement (DALE). Le programme d expérimentation propose de diagnostiquer l éclairage public, d évaluer la pollution lumineuse et les économies possibles, et de prendre en compte l impact de la pollution lumineuse sur la biodiversité. Le coût de la campagne de photographies aériennes est endossé par le canton de Genève, tandis que le calibrage de l instrument et le traitement des images sont pris en charge par l. 26 / MAGAZINE AVRIL-MAI-JUIN 2014

27 / DMO Espion Les avions stationnés sur l aéroport de Genève, et largement éclairés. / DMO Décollage Le Beechcraft 200 King Air de l sur l aérodrome d Annemasse. AVRIL-MAI-JUIN 2014 MAGAZINE / 27

28 ZOOM l avion et compenser ses potentielles vibrations pour enregistrer une image nette. UN PARAMÉTRAGE DÉLICAT «Pour la nuit, le paramétrage de la caméra est particulier. On est obligé d ouvrir le diaphragme au maximum», complète Sylvain Airault. Le déclenchement de la caméra est programmé à l avance et calé sur les axes du plan de vol. Au retour, il faut passer au traitement des images. Chaque cliché est l assemblage de huit petites images, quatre en noir et blanc et quatre en couleurs (une rouge, une verte, une bleue et une infrarouge). «L image d une ville la nuit, c est 99 % de noir. Les parties non éclairées sont donc ultra-majoritaires. Ce qui fait qu il est / DMO Avec cette campagne, nous avons appris beaucoup de choses très intéressantes sur la manière de paramétrer les prises de vues. Ce partenariat a été très fructueux.» Espion (bis) Le centre de la ville de Genève, et les rives du lac. plus difficile de détecter les dysfonctionnements. Alors que sur les images de jour toute erreur saute aux yeux, sur les photos de nuit, les détecter est un véritable défi», précise le responsable des activités aériennes de l. Puis vient le travail d orthorectification. Les clichés sont assemblés pour former une grande image continue, qui peut être superposée à une carte. «Avec cette campagne, nous avons appris beaucoup de choses très intéressantes sur la manière de paramétrer les prises de vues», explique François Perrussel-Morin, directeur interrégional Centre-Est de l et coordinateur du partenariat scientifique. «Ce partenariat a été très fructueux. Nous n avions jamais eu un retour aussi rapide sur des prises de vues aériennes.» L a mené de premiers tests de photographies aériennes nocturnes en 2007, sur des zones restreintes. Ils ont été complétés en 2010 et 2012 sur des villes entières. «Avec le Canton de Genève, nous avons changé d échelle en passant d une étape artisanale à une production industrielle», précise François Perrussel-Morin. Différents traitements d images ont été testés et validés par la direction de la mensuration officielle genevoise (DMO). «Le but était de voir si nos chaînes de traitement très automatisées résistent aux images de nuit. Or, aucune reprise manuelle n a été nécessaire. Du coup le traitement des images de nuit fut également très automatique», complète Sylvain Airault. ÉCONOMIE, ÉCOLOGIE, SÉCURITÉ Les photographies aériennes nocturnes ont des applications variées. Elles vont permettre de définir les zones où l efficacité énergétique peut être améliorée, l éclairage public optimisé. «À quoi bon éclairer une station d épuration toute la nuit?», s interroge Laurent Niggeler, directeur de la DMO. De plus, le Canton de Genève astreint ses communes à réaliser tous les quatre ans un diagnostic du gaspillage d éclairage, pour que les gestionnaires de réseaux puissent le réduire. Le canton est également sensible aux questions de pollution lumineuse. En France, on connaît les trames verte et bleue, cet outil d aménagement qui permet de créer des corridors écologiques et de limiter la fragmentation des écosystèmes. La Suisse a développé le concept de trame noire : des couloirs sans lumière où les animaux qui y sont sensibles (comme les chauves-souris, la grande faune par exemple) peuvent circuler en toute discrétion. ANALYSE SPECTRALE ET FUTURES APPPLICATIONS Pour économiser l énergie, il faut avoir une très bonne connaissance des éclairages urbains. Floriane Flis, étudiante à l ENSG, a pendant trois mois réalisé une analyse spectrale des images qui a permis de déterminer des catégories d intensité lumineuse de l éclairage et d identifier trois types de source lumineuse utilisés dans le canton. «On peut très bien éclairer en faisant des économies d énergie. Mais améliorer l efficacité des éclairages oblige à s interroger sur leur pertinence», explique Laurent Niggeler, qui a dirigé l étudiante pendant son stage. 28 / MAGAZINE AVRIL-MAI-JUIN 2014

29 NOUS RÉALISONS UNE CARTE DES SOURCES LUMINEUSES» Compensation La caméra élaborée pour la mission comporte un dispositif de compensation électronique de la vitesse de l avion, et des vibrations. Comment faire des images recueillies un outil d aide à la décision au service des gestionnaires de l éclairage public? Le premier traitement a consisté à étaler leur histogramme pour en faire ressortir les détails de l image. Puis les orthophotos ont été classifiées en fonction des différentes luminosités. Un troisième traitement a permis de détecter les sources lumineuses à partir de la classification par intensité. Enfin, un quatrième les a classifiées par types de lampes, distinguant l éclairage au sodium de celui au mercure ou à l halogénure métallique. La campagne aérienne a été financée par Genève. Le traitement des images, le calibrage des caméras, le support technique ont été pris en charge par l. «La République et Canton de Genève ne possède pas d'avions pour faire des photos aériennes», explique Laurent Niggeler. «Les travaux de cartographie sont souvent mandatés à des entreprises spécialisées. Bien sûr, Swisstopo l' suisse possède des avions, mais ne les emploie que pour sa mission de service public.» Et «pour ce genre de prises de vues nocturnes, il faut une caméra spécifique et de l'expérience, que seul l' possède.» Comment le projet de photographies aériennes nocturne est-il né? Tout a commencé en 2009 quand l est venu présenter à Genève ses premières expérimentations de photographies aériennes nocturnes. Le Canton de Genève a l habitude de travailler à partir de photographies aériennes pour étudier, projeter et communiquer sur les aménagements futurs de l espace urbain. Et comme l est un partenaire du Système d'information du territoire genevois (SITG), il était donc naturel qu il le soit également dans ce genre d'opération très spécifique. Mes collègues ont tout de suite été intéressés par cette expérience. C est à ce moment que l idée de monter un partenariat scientifique a germé. Bel-Air 1 Photo de base. LAURENT NIGGELER 3 questions à... Laurent Niggeler Directeur de la mensuration officielle du canton de Genève et géomètre cantonal. Bel-Air 2 Classement par intensité lumineuse. Pourquoi traquer la lumière? Notre objectif était d utiliser ces photos nocturnes pour mener à bien un diagnostic de l éclairage public. La loi sur l énergie entrée en vigueur en 2010 oblige les communes à réaliser tous les quatre ans un diagnostic de l efficacité énergétique des installations du canton, mais aussi un diagnostic de la pollution lumineuse. Nous avons ainsi voulu tester, grâce à ces prises de vues nocturnes, s il était possible de déterminer, en fonction du type de lampes, la manière dont elles éclairent, et si elles éclairent plus le sol que le ciel par exemple. La loi sur l énergie prévoit que les éclairages et illuminations publics soient conçus, réalisés et exploités de manière à garantir une utilisation économe et rationnelle de l énergie. Genève envisage également de modifier sa réglementation en matière d utilisation des enseignes lumineuses. Elle prévoit d éteindre ces enseignes entre une heure et six heures si l activité a cessé dans le bâtiment. En quoi la pollution lumineuse fait-elle du tort aux animaux? C est une autre application intéressante : il s agit, avec ces clichés nocturnes, de connaître l impact de la pollution lumineuse sur la biodiversité. De nombreuses espèces animales nocturnes, ou migrant sur le territoire, peuvent être dérangées par des sources lumineuses intempestives, mal situées, mal orientées, ou trop fortes. Nous souhaitons réaliser une carte des sources lumineuses précisant les sites restant dans l obscurité toute la nuit et recouper ces informations géoréférencées avec celles sur la faune, comme les insectes, les chauvessouris. Ces données permettront d améliorer les connaissances sur les habitats et les voies de migration à préserver ou à reconstituer, donc nécessaires à la conservation de la biodiversité. Les autorités du canton souhaitent exploiter ces informations pour établir des trames noires, des couloirs sans lumière limitant l impact de la pollution sur la faune. Bel-Air 3 Détection des sources lumineuses (en rouge). DMO AVRIL-MAI-JUIN 2014 MAGAZINE / 29

30 CARTES SUR TABLE Lignes de vie 1986 Naissance à Versailles Obtient un baccalauréat scientifique à 2008 Etudiant à Epitech, école d ingénierie en informatique Fonde Geonef, société d innovation cartographique. Depuis 2013 Enseignant-vacataire à l'école nationale des sciences géographiques (ENSG) et à l'université Paris-Est Marne-la-Vallée Lauréat du concours Géoportail avec Terres de Guerre. 30 / MAGAZINE AVRIL-MAI-JUIN 2014

31 ACC Jean-François Gigand Fondateur de la société Geonef, Jean-François Gigand fut d abord le créateur de l'expédition, un carnet de voyages géolocalisé. Touche-à-tout, il a remporté le concours Géoportail 2013 avec Terres de Guerre, une application commémorant le centenaire de la guerre de Qu est-ce que Terres de Guerre? En cette année de commémoration du centenaire de la Grande Guerre, cette application invite l utilisateur à revisiter les moments forts de la Première Guerre mondiale, au plus près du terrain, et à revivre la vie des soldats dans les tranchées. Terres de Guerre permet à travers les témoignages des soldats de comprendre ce qu ils ont vécu sur le front, de localiser les batailles en suivant des itinéraires virtuels. Avec «La terre s en souvient», on peut par exemple visualiser sur des photographies aériennes les traces laissées par les combats. Le Géoportail permet en effet de remonter le temps grâce à des photographies aériennes historiques. «Paroles de poilus» donne la part belle aux témoignages des appelés. Ce site très épuré a remporté le prix spécial du jury du Concours Géoportail Comment en êtes-vous arrivé à concevoir ce type d applications? Ma première application fut l'expédition, un carnet de voyage géolocalisé. Il permet de raconter ses périples sur une carte et de partager les étapes sur Internet. Avec Carthistoire, développé dans la foulée, il s agit de répondre aux besoins de représentation d une période de l'histoire, en donnant à l'utilisateur la possibilité de changer l'échelle, et de filtrer les informations historiques qu'il souhaite voir. C est un usage très pertinent de la cartographie. Une application qui m a valu d être lauréat du concours Géoportail 2010, dans la catégorie «tourisme et culture». D où cet intérêt pour les cartes vient-il? Je ne sais pas vraiment. En fait, je suis très curieux de tout. La cartographie et l innovation répondent à cette curiosité, à mon besoin de compréhension et de créativité. J ai grandi près d Étampes, à Ormoy-la-Rivière. Enfant, je ne tenais pas en place, j aimais construire des cabanes dans les arbres. Je faisais la tournée des encombrants et restais pendant des heures à réparer tous ces objets trouvés dans ma cabane perchée. Puis j ai commencé à coder avec une calculette à l âge de 8 ans. Un ami possédait un Apple 2 dans son garage, qui nous a valu de longs week-ends à coder. C est ainsi que je me suis passionné pour la programmation. Mon premier ordinateur, je ne l ai eu qu à 13 ans. Je suis plutôt scientifique. Ma sensibilité littéraire s est développée plus tardivement, au lycée. Et l exploration des catacombes? Il existe un autre Paris sous Paris. Un terrain d exploration extraordinaire avec un réseau de 300 kilomètres de galeries sous la ville lumière et davantage en banlieue. La construction du périphérique a fragmenté ce monde. J ai commencé à y descendre en 2007, pour explorer et passer du temps avec mes amis. Sous terre, on est en total décalage avec la vie réelle, on perd la notion du temps, entouré de pierres, de bougies. Les codes sociaux disparaissent. Nous explorons des zones qui n ont pas été explorées depuis des dizaines d années. Ce monde nouveau donne un sentiment de liberté. J aime explorer sans carte, me perdre. Ainsi pendant deux ans, je suis descendu plusieurs fois par semaine. Et à la fin, je connaissais tellement bien ces galeries que j ai pu dessiner ma carte du XIII e arrondissement. Le projet Catapatate, est une cartographie collaborative, mais confidentielle, des catacombes et carrières souterraines de Paris. Depuis 2008, il a permis de répertorier 168 carrières et 352 accès aux catacombes. À quoi les cartes du futur ressembleront-elles? Elles seront spatio-temporelles, déformables et interactives. Plus subtiles, elles apprendront à parler à notre psychologie en s'adaptant à notre personnalité. C'est en prenant de la distance par rapport au terrain qu'elles gagneront en pertinence : le référentiel est souvent subjectif. Je pense aux plans de la RATP où la topologie prime sur le respect des distances, aux cartes touristiques artistiques où l'imaginaire prime sur l'exhaustivité des renseignements en usant de dessins, croquis et autres monstres marins propres aux cartes de jadis. Le logo de la RATP est ma carte préférée de Paris! Elle rappelle étrangement les premières cartes de l'histoire de l'humanité, dessinées par les aborigènes d'australie pour situer les points d'eau. Mi-géographiques, mi-mentales, ces cartes schématiques brillent par leur simplicité. Le logo de la RATP est ma carte préférée de Paris! Elle rappelle étrangement les premières cartes de l Histoire, dessinées par les aborigènes d Australie pour situer les points d eau» RATP - REPRODUITS AVEC AUTORISATION AVRIL-MAI-JUIN 2014 MAGAZINE / 31

32 L IMAGE Vol de nuit Photographie aérienne nocturne sur la ville de Genève (Suisse) prise par l un des avions photographes de l pour traquer la pollution lumineuse. / DMO /CINQUIEMECOLONNE/2014/REF.14/MAG74

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