L ART DES SONNEURS DE TROMPE, TRADITION et AVENIR Colloque tenu à l hôtel de ville de Tours le 26 Juin 2015

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1 Organisé par la Fédération Internationale des Trompes de France (FITF) en collaboration avec la Fondation pour le Rayonnement de la Trompe Musicale (FRTM). L ART DES SONNEURS DE TROMPE, TRADITION et AVENIR Colloque tenu à l hôtel de ville de Tours le 26 Juin 2015 Antoine de La ROCHEFOUCAULD, Président de la FITF Ouverture du colloque Paul DELATOUR, du comité d organisation Présentation de la journée I - La trompe dans l Histoire Pascale BOURGAIN, professeur à l Ecole Nationale des Chartes : La trompe et la tromperie, histoire des mots. Olivier CULLIN, professeur de musicologie à l Université de Tours : Sonneries médiévales, le regard de la musicologie. Michel ROUFFET, musicologue, docteur en histoire, président de la FAVS : La place de la trompe dans l histoire de la musique. II - La trompe orchestrée François PICARD, professeur d ethnomusicologie analytique à Université Paris Sorbonne : L art des sonneurs de trompe comme jeu d ensembles homogènes. Valérie GUILLEMOT, département sciences de l éducation à l Université d Aix-Marseille : Rencontre musicale, enjeux et perspectives Eric BRETON, compositeur, chef d orchestre, membre de la fondation Yéhudi Menuhin, membre honoraire de l Unesco : De la trompe au cor d harmonie, de la tradition à la création Table ronde Concert piano (E. Breton) et trompes (Ch.Comte, G. Bizieux, N. Dromer, Trompes Bourbon-Vendôme et Bien-Aller de Nantes) ; cantatrice : Sylvaine Bertrand. En l église ND La Riche de Tours (20 h 30) La présidence du colloque est assurée par Paul Delatour.

2 OUVERTURE DU COLLOQUE Antoine de LA ROCHEFOUCAULD Président de la Fédération Internationale des Trompes de France Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs Permettez-moi, tout d abord de remercier toutes les personnes grâce à qui ce colloque a pu être organisé : Messieurs Serge Barbaret maire de Tours, Jean-Michel Leniaud directeur de l Ecole Nationale des Chartes, Michel Colleu et Jean Pierre Bertrand de l Office du Patrimoine Culturel Immatériel (OPCI), Eric Peuchot délégué général de la Fondation pour le Rayonnement de la Trompe Musicale (FRTM), la DRAC, Jean François Bomard et Alain Beloué de la Fédération départementale des chasseurs d Indre et Loire, ainsi que Monceau Assurances notre partenaire. Enfin, au titre de la Fédération Internationale des Trompes de France (FITF), un grand merci est également adressé à Denis Raffaelli, Bernard Marquesteau, François Paul Decloquement, Doris Hentsch et Paul Delatour. Cette journée exceptionnelle marquera la FITF et le milieu des sonneurs et des passionnés de la trompe. Ce moment que nous allons vivre aujourd hui n est pas vraiment un aboutissement mais plutôt une étape majeure dans la quête et la connaissance de notre patrimoine. Pour débuter, j oserais si vous le permettez, un petit retour en arrière. En effet, notre culture n a été que trop rarement étudiée et mise en avant. En 1974, il fut décidé par les dirigeants de l époque de la Fédération de produire un ouvrage sur la trompe dont l écriture fut confiée à Joël Bouessée alors rédacteur en chef de la revue Vènerie. Ce livre fut achevé en fin d année 1979, soit une année après la célébration du cinquantenaire de la FITF. Pour la Fédération, la quête du patrimoine a commencé avec Gaston de Marolles qui fut le second président de la Fédération. Un peu plus de trente ans plus tard, soit en 2010, nous avons souhaité poursuivre cette quête au travers d un nouvel ouvrage qui a fédéré une vingtaine d auteurs, et dont Paul Delatour ici présent a été le maître d ouvrage principal. Ce livre : La Trompe : Tradition et Avenir, fut l élément déclencheur de l événement qui nous rassemble aujourd hui et est à l origine de la création de notre comité culturel. En effet, après de multiples recherches pour nourrir le contenu de ce livre, nous avons trouvé que s arrêter en si bon chemin n était pas possible. Un contact avec Jean Pierre Bertrand de l OPCI de Vendée incita toute notre équipe à répondre à l appel du Ministère de la Culture en vue de l inscription de l Art de la Trompe au patrimoine Immatériel. Nous pouvons remercier à cet effet Denis Raffaelli et Luc Avot d avoir bâti autour d eux une équipe solide depuis le premier jour pour porter ce projet malgré les nombreux obstacles rencontrés. Cette équipe,

3 ainsi que tous les adhérents et sympathisants de la fédération qui nous ont aidé se sont mobilisés pour établir un inventaire sur l art du sonneur et de la trompe. Comme certains d entre nous le savent déjà, le 20 avril 2015 le Ministère de la Culture a inscrit l Art des sonneurs de trompe au patrimoine immatériel national français. Le chemin vers la reconnaissance internationale est encore long, mais motivant. En effet, les dossiers entrepris en Belgique, Suisse, Allemagne et Italie prouvent que notre secret espoir de reconnaissance internationale pourrait bien devenir une réalité d ici quelques temps. Sans plus tarder, je vais passer la parole à Paul Delatour qui nous présentera le programme de cette journée, et avec François Le Mercier, nos intervenants et leurs qualités. A n en pas douter, cette journée sera passionnante. Elle se terminera par un concert de musiciens et sonneurs illustres donné ce soir en l église ND La Riche de Tours. Nos remerciements vont encore une fois à toutes les personnes grâce à qui ce colloque a pu être organisé. Les générations futures s inspireront j espère des travaux effectués. C est grâce à ce travail et à vous tous que notre pratique sera pérennisée. Soyezen remerciés

4 PRESENTATION Paul DELATOUR pour le Comité d Organisation Lorsqu il s est agi de mettre sur pied le programme du présent colloque, le Comité d Organisation s est demandé quelle était la signification profonde de la récente inscription de l Art du sonneur de Trompe au patrimoine culturel immatériel national. Une sommaire rétrospective historique allait nous montrer qu il ne s agit pas d un événement aléatoire, mais au contraire de la reconnaissance d une évolution musicale dont le prolongement pourrait inspirer l avenir. Après les cors antiques et médiévaux au timbre monotonal, est née de la chasse à la fin du XVII siècle la trompe moderne à la tessiture de 12 notes pour une longueur d environ 4,50 mètres. Elle n est pas chromatique mais se prête néanmoins à l exécution de fanfares simples. Il reste que la trompe vènerie solo est née et répond aux besoins rustiques de la chasse à courre. Divers événements survenus depuis : invention des notes bouchées, la partition de seconde, puis de basse et création du radouci, autorisent une harmonisation qui ouvre la voie à la trompe musicale de groupe. Cette pratique prospère rapidement, dans les villes au cours du XIX siècle, y compris parmi les exécutants non veneurs. Lors de la fondation de la FTF (1928), deux familles de sonneurs - les «veneurs» et les «musiciens» - se disputent la présidence : elle sera temporairement bicéphale jusqu à l éviction précoce de Tyndar Gruyer, porte-étendard des musiciens. Dès lors, les groupes vont se sentir mal aimés au sein de la FTF. Cependant, cet état d esprit va changer avec la création plus tardive des premiers concours officiels de sociétés (dont Laval, 1967). Dès lors, la trompe musicale est reconnue. Elle se développe au point qu aujourd hui dans les manifestations, la trompe solo vènerie réjouit les pratiquants mais, grâce au talent des compositeurs contemporains, c est surtout la trompe de groupe qui enthousiasme le grand public. La trompe a sa discographie et sa musicologie, son iconographie et sa peinture, sa bibliographie et sa littérature, sa sémiotique et son symbolisme, el le appartient aux métiers de l artisanat et de l art. Nul doute que c est à ses vertus musicales qu elle doit de figurer aujourd hui au patrimoine culturel français. Quant à demain, nul ne sait ce que sera la sociologie des sonneurs et surtout la résonance de la chasse dans l esprit de la population. Il est cependant certain

5 que l audience de la trompe ne se développera qu au prix d une évolution musicale qui sera au-delà de la maîtrise de sonneurs à la formation musicale embryonnaire. A la demande de la FITF désireuse d anticiper l avenir, le Comité d Organisation a sollicité plusieurs universitaires du monde de la musicologie, familiers de la trompe mais non sonneurs, pour nous faire part sans contraintes de leur vision des évolutions souhaitables. Nous sommes heureux de les accueillir aujourd hui pour recevoir leurs analyses et leurs suggestions. Qu elles soient cordialement remerciées pour leur disponibilité au service de la trompe. Il ne nous reste plus qu à souhaiter la bienvenue au public et une enrichissante journée à toutes et à tous.

6 TROMPE ET TROMPERIE, A PARTIR DE L HISTOIRE DES MOTS. Pascale BOURGAIN Archiviste-Paléographe Professeur à l Ecole Nationale des Chartes L histoire des mots, que je propose en préambule de cette rencontre, vous décevra sans doute, car la trompe y apparaît peu musicale ; elle peut cependant éclairer l usage des instruments et de leur utilisation, et reposer le problème de la forme de la trompe aux origines. Parmi les mots qui désignent des instruments à vent capables de porter au loin, sur le territoire de la langue romane devenue française, le vocable trompe, seul mot d origine germanique, est un terme surtout français : la distinction entre la trompe et la trompette n est pas aussi nette dans les autres langues, ce qui cause d ailleurs des difficultés d intercompréhension. Il nous faut donc voir dans quelle condition ce mot germanique vient remplacer les mots venus directement du latin, que nous allons envisager d abord. Il est pourtant délicat de comprendre, d après les textes, comment ces noms se rattachent aux instruments figurés sur la statuaire ou la peinture antique, qui ont à peu près toutes les formes, droites, incurvées longues ou courtes, et même formant un cercle quasi complet. En latin, il existe au moins cinq termes pour désigner des instruments à vent non percés de trous et à tuyau unique. Un terme générique est la bucina, terme qui viendrait du fait soit qu on les porte à la bouche, soit qu on s en sert pour appeler les bœufs ; les dénominations peuvent aussi se référer à leur matière, c est le cornu, fait d une corne d animal ; il se trouve que cette matière infère une forme, celles que l on utilise (des cornes de bovins le plus souvent) étant généralement incurvées. Ou se référer à leur forme, et c est la tuba, qui est droite, en forme de tube. - Existent encore le terme lituus, qui désigne un instrument droit au bout recourbé, ce qui lui donne la forme d un bâton d augure (lituus) : probablement à l origine une tuba avec un cornu au bout. Il produit un son aigu, plus que la tuba. Le mot, souvent utilisé comme équivalent poétique de tuba, n a pas de postérité. Le terme classicum, à l origine une fanfare ou un signal sonore de la vie des camps, a aussi servi à désigner un instrument, identifié au IV e siècle (Servius, sur En. 7,637) comme une trompette (tuba) courbe. Il n a pas de postérité non plus. Tous ces mots renvoient à un contexte pastoral et surtout guerrier. La bucina, mot composé de bos bœuf et cano chanter, avec le sens originel de cornet de bouvier, lequel utilisait vraisemblablement une corne de bœuf, a été rapproché du mot bucca, bouche, par exemple par Isidore de Séville qui utilise probablement des

7 sources antiques antérieures 1 ; cela semble d ailleurs un mot générique, qui peut convenir au mode d emploi d un instrument dont on joue avec la bouche et non avec les doigts. Il est utilisé par Cicéron et Virgile, au sens de trompette qui annonce les manœuvres et donne les ordres, mais souvent pour indiquer les relèves de garde la nuit et, dans le civil, les heures (Pétrone, Satyricon 26,9). Des gloses tardoantiques, qui présentent le lituus comme fait d une corne recourbée et appelé également bucina, tendraient à faire supposer que la bucina avait, ou pouvait avoir, une forme courbe. Végèce (Epitome rei militaris, 3,5, fin IVe siècle) semble dire qu elle est recourbée sur elle-même en un cercle de bronze (mais le texte est peu sûr, on peut ponctuer différemment, elle serait alors droite...). La forme de la bucina reste un problème 2. Dans les traductions de la Bible, le mot traduit l hébreu shofar, qui est un instrument fait d une corne de bélier. La bucina peut donc être un instrument recourbé, mais alors plutôt en métal pour se distinguer du cornu ; et bucinator devient le terme générique pour les joueurs d instruments à vent au moins au IV e siècle de notre ère, sinon avant. Le mot vit au cours du Moyen Âge, en français, sous des formes multiples, bussine, buisine, où il n est pas sûr, à cause de l évolution phonétique, qu un utilisateur qui ne connaissait pas le latin rapprochait le mot du radical de la bouche. La buisine peut être d airain (chez Jean de Meung par exemple) ; mais elle peut aussi être de corne. On rencontre le mot dès la Chanson de Roland à la fin du XI e siècle. Il est rare dans les textes de la pratique, inventaire ou comptes, et à peu près absent des traités sur la chasse. Dans les textes littéraires, il est souvent accompagné du mot cor 3. On peut conclure qu il est devenu un mot un peu littéraire ou savant, qui sera repoussé justement par le développement du mot trompe. Il reprend vie aux XV e -XVI e siècles, sous une forme beaucoup plus proche du latin, buccine : c est alors une forme savante, un calque érudit, qui sortira de l usage au XVII e siècle 4. La tuba, elle, est un instrument droit, issu sans doute des roseaux qui furent les premières flûtes, mais désormais en métal, mince et assez long ; son usage est surtout militaire chez les Romains. On peut la décrire comme en forme de tube, mais en fait, c est peut-être le tube qui est en forme de tuba, le sens de conduit, tube n apparaissant qu assez tard. L origine serait plutôt une onomatopée, une sorte de tut-tut ou taratata. Mais contrairement à la bucina, la tuba n est pas accompagnée en latin classique par un verbe d action ni par un nom désignant celui qui en joue 5. Au Moyen Âge le mot a remarquablement peu de postérité dans les langues romanes, et est peu attesté même en latin, sauf justement lorsqu il retranspose en latin le mot trompe et dans les traductions latines de la Bible. Reste le cor : cornu, neutre, ou cornum, qui désigne à l origine en latin tout objet en corne ou en forme de corne (c est la même racine indoeuropéenne que le horn 1 Isidore, Etym. 18, 4, 1, repris au XII e siècle par le lexicographe Huguccio de Pise : Uguccione da Pisa, Derivationes, ed. Ezio Cecchini, II, Firenze, 2004, B 86 8, p. 136 : Item a bucca hec bucina, vel dicitur a boo quia sonat (c est de boare, sonner, résonner, que Huguccio fait venir bucca, la bouche) vel dicitur bucina quasi vocina a voce (= Vient aussi de bucca bucine, nom féminin, ou bien le mot vient de boare puisque cela résonne, ou bien on dit bucina comme on dit vocina, petite voix, dérivant de vox, la voix). Huguccio dit encore que la bucine, d usage originellement champêtre, sert à donner l alerte, alors que la trompette annonce le combat et est d usage plus militaire, mais il faut se méfier de ces reconstitutions a posteriori des lexicographes. 2 John Ziolkowski, «The Roman bucina : a distinct musical instrument?», Historic brass society Journal, 14, 2002, p «Si fait sonner ses cors et ses buisines», Roland, v ; «cors et buisines», Menestrel de Reims, 43. On pourrait croire que cette distinction vient de ce que la buisine désigne à l époque l instrument droit, puisque tuba n a pas de postérité romane ; mais ce n est qu une hypothèse, discutable. 4 Le verbe dénominal buisiner existe, au sens de sonner de la buisine : «et de trompettes buisinoient», mi-xiv e siècle, Guillaume de Digulleville, Pèlerinage, cité par Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l ancienne langue française, 1889, I, p Le tubarius attesté au Bas Empire est un fabricant de trompette ; tubator est tardif (fin XIII e ) et attesté surtout en Italie, tubare de même semble une recomposition : Du Cange, d après la Vie de saint Pardoux, comme tubinare, attesté avec la glose bouesiner dans un glossaire.

8 germanique). Il s agit donc d une métonymie, la matière pour l objet. La corne préparée pour en faire un instrument devient un cor chez Cicéron ou Virgile, donc en prose comme en poésie 6. L instrument garde son nom lorsqu il est fait en métal, comme c était le cas dès l antiquité puisque les sonneurs de cor sont classés avec les aeneatores, joueurs de bronze ; ce qui permet les formes en cercle quasiment complet que montrent les sculptures, comme sur la colonne Trajane : en forme de G, avec une barre sur le diamètre, qui sert à le tenir d une main tandis que l autre tient l embouchure ; il est toujours placé près des étendards et n est plus attesté dans l iconographie après l époque romaine. Mais remarquons que c est nous qui identifions l instrument presque circulaire avec le cornu, sans être absolument sûrs que c est le même mot qui désigne l instrument qui est simplement incurvé comme une corne et cet objet en métal quasi circulaire, qui pourrait aussi bien être désigné par le terme classicum, dont nous savons seulement que c est une trompette courbe à usage militaire. Car rien n indique comment étaient appelés les instruments courbes mais plus longs qu une corne d animal domestique que l on voit tant dans la sculpture antique que dans les miniatures médiévales. Le mot apparaît en français sous la forme corn dès la Chanson de Roland 7. C est un mot masculin, alors que la corne de l animal va passer au féminin après le XIV e siècle. Et le -n final du cor se perd, tandis qu il est encore prononcé selon les lois de la phonétique dans les formes qui passent au féminin : la corne de l animal ; ou dans la corne du bois, qui était un des sens du mot cornu en latin, ou dans la corne de brume. C est alors un instrument pour appeler, en soufflant, pour signaler un épisode de la journée de cour, ou de la chasse : le verbe dénominatif corner, utilisé depuis le XI e siècle, qui demeure dans corner aux oreilles, peut être utilisé absolument ou recevoir un complément : on corne l eau, ou le réveil 8. Si ce cor est en ivoire, on l appelle olifant, dès la Chanson de Roland 9, ce qui est la forme médiévale d éléphant. Là aussi donc il y a métonymie, en partant cette fois de l animal et non de son appendice (corné ou dentaire). L ivoire étant rare et chère, l utilisation d olifant au lieu de cor est une façon de suggérer la puissance et le luxe. On le trouve donc dans les textes littéraires, et dans certains inventaires de grands seigneurs, à la fin du Moyen Âge. Le mot de pibole, lui, n apparaît qu à la fin XV e et au XVI e siècle, dans le centreouest, et désigne alors plutôt une musette ou une cornemuse. Il est petit à petit venu remplacer le cornet, à l origine un petit cor, qui sort d usage (il reste le cornet à piston, et le cornet de papier, qui ne nous fait plus penser à un instrument de musique) 10. On rencontre aussi, mais pas avant le XVI e siècle, le huchet, qui sert uniquement à appeler chiens et oiseaux (hucher, crier, appeler, publier ) ; ce nom renvoie donc à la fonction de l instrument, probablement un cornet, et disparaît avec le verbe hucher, après le XVI e siècle, après avoir désigné l instrument du postillon qui lui sert à prévenir de l arrivée de 6 Cicéron, Sull. 17 ; Virgile, En. 7, Éd. J. Bédier, v W. von Wartburg, Franzözisches etymologisches Wörterbuch (désormais FEW),2,2, p. 1193s. 9 Roland, v D après Michel Pastoureau, «Le cor médiéval, histoire d un objet symbolique», dans Les signes et les songes. Études sur la symbolique et la sensibilité médiévales, Firenze 2013, p , Olifant serait le nom propre du cor de Roland, comme Durandal est le nom de son épée. Il ne serait qu ensuite devenu un nom commun. 10 L histoire de ce mot, qui apparaît à la fin du XV e et au XVI e siècle (Édmond Huguet, Dictionnaire de la langue française du XVI e siècle, Paris 1925, V, p. 769), désignant alors plutôt une musette ou cornemuse, et qui reste usité dans les pays du centre-ouest de la France, demeure obscure. De façon surprenante, il est absent du Robert, du Grand Larousse universel (1984) et du Trésor de la langue française du XIX e et XX e siècle, et même du Dictionnaire des mots rares et précieux (Seghers 1965, Union générale d éditions 1996), bien que l ambition de cet ouvrage soit d engranger, entre autres, «une très grande partie des termes et expressions propres au langage de la mer, de la pêche, de la vénerie et de la fauconnerie, de l héraldique et de la numismatique».

9 son véhicule. A l époque moderne, lorsque le cor (ou la trompe) s allonge et s enroule, la pibole incurvée le remplace pour les appels simples, mais uniquement dans le vocabulaire de la chasse et du folklore, car il reste à peu près inconnu des dictionnaires généraux du français comme du grand public. En somme, au Moyen Age, le mot cor reste en usage, avec son diminutif cornet, alors que tuba disparaît de la langue romane et que bucina recule vers des utilisations plutôt littéraires avant de disparaître. La place laissée libre notamment par tuba est occupée par un mot nouveau : la trompe. Le mot est d origine germanique (ancien haut allemand, ou franc et frison) 11. C est probablement à l origine une onomatopée, ce qui laisse supposer un son fort et grave. On le voit apparaître dans des glossaires de germanique ou du saxon, sous des formes diverses (drumbon, triumbon), avec toujours pour équivalent latin tuba (convoquer au son de la cloche et à la voix de la tuba, Registres de Marseille, 1348). Il apparaît dans toutes les langues européennes, plutôt sous la forme tromba en italien et dans le sud de la France, trompa en espagnol, et en français trompe dès le XII e siècle (il est absent du Roland d Oxford et des premières chansons de geste). Le mot passe en latin sous la forme trumpa. Le dictionnaire de latin médiéval de Du Cange, au XVII e siècle, donne pour définition buccinae species (une sorte de buisine), le traduit en français par guimbarde, et cite tuba, quam vulgo trumpam vocant (la tuba, qu on appelle en langue courante trompe) 12. Les textes de la pratique administrative lui donnent, en latin, toute une famille, trumpare, et trumpatio pour la promulgation qui se fait à son de trompe. Capable de rassembler les foules, la trompe est de toute façon un instrument qui s entend de loin. Mais à l origine il occupe le champ lexical d un instrument droit. Les formes en p (trompe, trompel) sont plutôt françaises. Les formes en b apparaissent en France lorsque l influence de l Italie se fait sentir, à partir de la Renaissance et des guerres d Italie : trombon (notre tromblon) est emprunté à l italien ou au provençal vers 1580, et trombone (fréquentatif de tromba ) vient de l italien 13. Au XVI e siècle en français on trouve plus souvent trombe, les trombes estoient de corne. Enfin le diminutif trompette, attesté dès mais relativement rare avant l époque moderne, de nos jours désigne un instrument droit et a donc pris la place de la tuba latine. Ce diminutif peut contribuer à faire douter que la trompe ait été dès l origine un instrument courbe et non droit. Le nom de trompe fait plutôt référence au son qu à la forme. Les miniatures ne nous renseignent guère, car les identifications comme cor ou trompe ou trompette sont le fait des index iconographiques, donc de dénominations modernes d après les habitudes (et la langue) de celui qui indexe. Ces différences linguistiques (dans les langues où le mot trompe n existe pas, il est généralement traduit par trumpet 15 ) expliquent les difficultés de classification des instruments, dans lesquelles je me garderai de me lancer. Comme pour l antiquité, nous disposons de mots dans les 11 FEW, t. 17, 375b-379a ; E. Gamillscheg, Etymologisches Wörterbuch der französischen Sprache, 1969, s. v. 872b ; Tobler-Lommatzsh, Altfranzösische Worterbuch, t. X, On ne peut envisager un rapprochement avec le mot grec strombos qu en passant par l indoeuropéen pour expliquer un cousinage lointain avec les formes germaniques. 12 La formule indique que trumpa est le mot utilisé dans la langue quotidienne, vulgo, que l on traduit en latin sous forme du mot classique, connu par les textes antiques, tuba. 13 A. Hatzfeld A. Darmesteter A. Thomas, Dictionnaire général de la langue française du commencement du XVIIe siècle à nos jours, Paris , s. v. 14 «et de trompettes buisinoient», Guillaume de Digulleville, Pèlerinage, cité par Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l ancienne langue française, 1889, I, p Trompe est ainsi traduit trumpet, FEW XVII, 376A. Le mot horn, cor ou trompe en anglais, peut désigner tout instrument à vent en Amérique.

10 textes, sans représentation, et de représentations dans les miniatures, sans indication de nom 16. Les ouvrages cynégétiques de la fin du Moyen Âge donnent en outre de nombreux noms d instruments qui sont des sortes de cors ou trompes ou instruments d appel, mais qui ne nous renseignent guère sur leur apparence, sauf par exemple la grêle qui est un petit cor qui donne un ton grêle. Indubitablement, il existait des instruments droits et des instruments courbes ; ceux qui font l objet d une représentation, hors des marges et drôleries, sont par exemple les trompettes des anges de l Apocalypse ou du Jugement, et bien que le mot latin soit tuba, elles sont aussi souvent représentées comme incurvées que comme droites. L instrument droit et long que l on voit dans ces représentations de l Apocalypse ou lors de solennités d entrées de ville pourrait être ce qu on désigne en français comme buisine, puisque le mot n indique pas la forme incurvée. Ou trompe? Ou déjà trompette? Ce sont en tout cas des instruments de représentation, réservés aux anges et aux hérauts d armes. Longs et courbes, ce sont probablement des trompes, car les instruments représentés semblent trop grands pour être des cors, même s ils ne sont plus en corne. Inversement, dans les drôleries des marges, un instrument courbe, plus court, accompagne les thèmes de chasse ou de dérision. Un instrument long suggère la solennité, un instrument court la vie pratique. Dans les miniatures des traités de chasse, les instruments sont d ordinaire incurvés, selon la forme traditionnelle des cors. La forme incurvée permet de diriger le son vers le haut et l arrière. Or, comme d après les textes on se servait à la chasse de cors et de trompes, alors que les miniatures ne représentent pas d instruments droits, il faut conclure que les trompes sont désormais (au XIV e siècle et à la chasse en tout cas) de forme incurvée, comme les cors issus des cornes. Les utilisateurs, d après les textes de la pratique plus que d après les textes littéraires, faisaient la différence entre cor et trompe, sans que nous ayons toujours les moyens de savoir comment ils répartissaient ces dénominations. Ainsi les habitants de Dijon obtiennent du duc de Bourgogne l autorisation de remplacer le cor, dont ils trouvent le son déplaisant, par la trompe, pour les annonces publiques 17. Il y a donc une différence sonore, le cor est peut-être plus strident. Il semble aussi être plus petit que la trompe 18. Il est également possible que le cor soit destiné aux veneurs et valets à pied, et la trompe uniquement réservée aux veneurs à cheval (mais dans les miniatures il n y a guère de différence de taille). La trompe serait de plus grande taille, avec un son qui porte davantage, ce qui peut se révéler utile lorsque les veneurs à cheval, qui suivent souvent la chasse de plus près, se trouvent, de ce fait, à plus grande distance des autres veneurs à pied 19. Mais ce n est pas absolument évident. Les trompes sont souvent citées en compagnie d autres instruments à bruit puissant, tambours et timbres : La oïst-on trompes bondir / Tambours sonner, timbres tentir, dans 16 Dans la base iconographique musiconis.paris-sorbonne.fr, sans appui dans les textes, les instruments sont indexés selon les a-priori des bases préexistantes, sans une totale homogénéité. Les trompes (dix occurrences), sont plutôt droites, mais parfois aussi incurvées. Les 33 trompettes sont droites (sauf l une, coudée en forme de s) et souvent très longues, mais identifiées comme busine. Le cor (41 occurrences), parfois bien proche de forme de la trompe, englobe ce que les indexateurs ont identifié comme olifant, trompette, corne, corne torsadée, huchet, et n est le plus souvent identifié comme cor que dans les scènes de chasse. A part l habitude d identifier comme trompettes les instruments des anges du Jugement dernier et celles de Jéricho, qui sont le plus souvent droites, on ne peut totalement inférer de l indexation la façon dont l instrument aurait été désigné à l époque. La base Liber floridus, plus précise, distingue cor courbe et trompette droite, mais hésite entre trompe et trompette, et appelle ainsi trompe des instruments droits. Voir aussi Michel Pastoureau, «Le cor médiéval...», art. cité. 17 En Cité par Michel Pastoureau, «Le cor médiéval», art. cité, p. 347 n Dans les comptes du duc de Berry, en 1377, on trouve par exemple : «A Huguenin Dronet de Paris pour VI trompes à veneurs et III petis cores achaptés de luy au commandement de monseigneur pour Denisot son vanneure», A.N. KK 252 fol. 145 v. Il est vrai que ce n est pas une preuve absolue. 19 Mémoire de Clothilde Courty, soutenu à l Université de Clermont II en 2003, sous la direction de Josiane Teyssot.

11 le Roman du Châtelain de Coucy 20. Bondir, retentir, résonner s utilise à propos de cor, olifants, trompettes, tambours, cloches et canons, ce qui indique un son fort et retentissant. Un environnement sonore bruyant fait partie des réjouissances, en tout cas des solennités (les superbes pages de Hizinga sur l automne du Moyen Age montrent la sensibilité toute spéciale de la fin du Moyen Age à l ouïe). La puissance de ces instruments semble plus importante que leur musicalité ; les différentes sonneries médiévales notées dans les traités de chasse comme celui de Hardouin de Fontaine-Guérin sont des cornures qui reposent sur le rythme plutôt que sur une différence de hauteur. On les trouve aussi associées au verbe braire 21. Là encore le verbe suggère un bruit, et assez fort, plus qu une musicalité 22. Ces instruments, d après ceux qui subsistent et les représentations, sont d abord de taille moyenne et légèrement courbés, comme la corne dont ils sont issus, mais au XV e siècle plus allongés, et plus souvent en bois, ivoire, or ou argent ciselé (ceci d après les inventaires et livres de compte). L abandon de la corne pour le bois ou le métal, et pour des instruments qui de ce fait peuvent être un peu plus grands, peut aussi avoir été la cause de l utilisation plus large du mot trompe 23. Mais il faut bien avouer que rien n indique à coup sûr si la trompe était à l origine obligatoirement incurvée, puisqu elle a hérité des usages de la tuba droite, et que la trompette, petite trompe, est droite. A moins justement que la trompette, droite, ne se soit spécialisée pour se distinguer de formes de trompes courbes, plus utilisées en chasse et pour les annonces publiques. L utilisation du mot pour les trombes d eau (forme venue de l italien) plaide en faveur d une forme évasée. Le verbe dénominal tromper est, de tous les verbes liés à ces noms d instrument, celui qui a l éventail d usages le plus riche, ce qui nous renseigne en partie sur l utilisation de l instrument lui-même. Certes, on a tromper, sonner de la trompe, comme on rencontre corner ou buisiner 24. Tromper, intransitif, sonner de la trompe, demeure jusqu au XVI e siècle (souvent à cette époque sous la forme trombe et tromber, sous influence italienne) 25. Mais les emplois transitifs sont variés. On a non seulement des compléments d objet interne ( Sonnent tabors, o trompes ont trompé 26 ), mais des compléments directs de l événement qui est annoncé à son de trompe. Comme on corne le réveil, on trompe l eau, par exemple. Cette sonnerie annonce que l eau est apportée pour qu on se lave les mains avant de passer à table, elle est donc comme une annonce du repas : On trompe l eau, et ont lavé 27, dans le Roman de Ham; Li trompeëur l iauwe tromperent, dans Jehan et Blonde de Philippe de Beaumanoir. Un trompeur, jusqu au XIV e siècle, est donc sans hésitation un sonneur de trompe, une sorte de héraut. Ils promulguent à son de trompe les ordonnances, comme l indiquent au XV e siècle les Ordonnances des forcetiers et trompeurs de la Ville de Paris éd. Crapelet 1829, v ou Guillaume Guiart, La branche des royaux lignages, v Ce verbe n est pas encore associé à la voix désagréable de l âne, et peut exprimer les lamentations d une héroïne en détresse. 22 La trompe de l éléphant est une métaphore descriptive : les barrissements émis par cet appendice ont fait apparaître celui-ci comme un instrument à vent intégré, capable d émettre les sons puissants qui sont caractéristiques de la trompe. 23 Mainte trompe d airain i fu ce jour bondie, Chevalier au cygne, v qui tabourent, timbrent et trompent / tant que les nues s en desrompent = qui sonnent du tambour, du timbre et de la trompe, dans le Roman de la Rose, éd. Lecoy, v Edmond Huguet, Dictionnaire de la langue française du XVI e siècle, Paris 1925, s. v. 26 Aymery de Narbonne, v Roman de Ham, v C. du Cange, Glossarium mediae et infimae latinitatis, éd. 1883, t. VI, p. 680.

12 Les veneurs contemporains sonnent de la trompe, les non veneurs ne comprennent que le terme cor. Nous avons vu qu au Moyen Âge ce sont deux instruments différents, l un probablement (la trompe) de plus grande taille que l autre ; ils sont incurvés mais pas encore enroulés. On les utilise à l église, probablement aussi au théâtre pour les intermèdes musicaux, et à la chasse. On ne commencera à les enrouler qu au début du XVII e siècle. Ils étaient alors appelés en français plutôt des trompes, comme il est amplement documenté par les autres communications de ce colloque. Et c est au XVIII e siècle, avec le marquis de Dampierre et sa modification du cor d harmonie allemand, que la valse-hésitation entre les termes de cor et de trompe s instaure. On a de nos jours réparti les usages, la trompe à la chasse, le cor de chasse, un peu différent, dans les orchestres. Mais l usage courant ignore le plus souvent ces précisions. Le mot cor reste utilisé plus volontiers en poésie, comme chez Vigny : J aime le son du cor le soir au fond des bois, peut-être à cause du cor de Roland et de la mode troubadour. Ainsi l instrument du veneur est une trompe pour le chasseur, un cor pour le grand public. Et, tandis que le veneur, depuis le Moyen Age, chasse à cor et à cri, la malleposte, et tous les transports rapides qui s annoncent en prévenant de libérer la voie, se signalent à coups de trompe. Dans l histoire du mot trompe, il reste un développement qui n existe qu en français, et qui explique sans doute pourquoi les trompeurs s appellent désormais sonneurs de trompe et ne trompent plus, alors qu on peut piboler, trompetter, flûter, harper : c est l homophonie avec tromper au sens de jouer un tour ou trahir. Cette signification donnée à ce radical n existe que dans notre langue, et le terme nous semble si courant que nous ne percevons même plus que c est le même mot. Un trompeur, jusque vers 1400, ne peut être qu un joueur de trompe, jamais un escroc ou un mauvais plaisant, sens qui n apparaît qu au XV e siècle. On trouve cependant en latin un trompator au sens de moqueur, railleur, dans une lettre de rémission de 1356, donc dans un calque du français au latin qui montre, avant les premières attestations conservées en français (vers 1400 ou un peu avant), que ce sens était déjà utilisé dans la langue usuelle 29. Malgré les réticences du dictionnaire étymologique de Hatzfeld-Darmesteter, les autres linguistes pensent que la filiation est très probable, en passant par se tromper de quelqu un, au sens de se jouer de quelqu un, qui apparaît dès la fin du XIV e siècle (1388). Il semble en fait que le sens initial soit se moquer de. On rencontre l expression dans les textes de la pratique judiciaire, lettres de rémission ou interrogatoires, qui relèvent les propres mots des témoins, et qui sont donc un témoignage de la langue parlée et quotidienne, avant qu elle n apparaisse dans des textes ayant un certain niveau littéraire, avec des attestations de tromper utilisé transitivement 30. Tromperie apparaît au dernier quart du XIV e siècle (avant 1388). Il est probable que ce sens provient de l habitude de pratiques de moquerie publique, que l on connaît de mieux en mieux. On peut peut-être le faire remonter à des rites très anciens, démêlés par les anthropologues, des rejets rituels, très lointains héritiers de la pratique du bouc émissaire qui fait chasser un être personnifiant l échec pour retrouver l équilibre. D après Michel Rouche, au moins deux rois sont ainsi poursuivis dans la forêt 29 On trouve aussi Certes le monde n est qu une trompe au XIV e siècle dans les Lamentations de Matheolus de Jean Le Fèvre, IV, 230, mais la forme trompe pour tromperie n est pas la plus fréquente et peut venir des besoins de la rime. 30 D abord au passif : Ainsy se fussent les seigneurs trouvés trompez et desgarnis de leurs gens, dans la Chronique de Jean le Bel, vers

13 au son des cors avant d être mis à mort quasi sacralement, Childéric II en 672, Dagobert II en 679 : les rois vaincus sont supprimés, dans la tradition gothique, germanique et irlandaise, pour rétablir l équilibre et la prospérité 31. On peut se demander si la poursuite bruyante, à travers la forêt de préférence, qui assimile le souverain déchu parce que vaincu à une bête de chasse, n est pas à l origine lointaine des coutumes de dérision publique, le bruit des instruments solennisant la réprobation ou le rejet général. Suivre quelqu un en sonnant d instruments de musique bruyants (et pas forcément en harmonie) faisait partie des rituels de dérision, par exemple dans les charivaris attestés dès la fin du XIII e siècle. Malheureusement, parmi les instruments représentés dans les miniatures du célèbre charivari du Roman de Fauvel, dans le fameux manuscrit de la Bibliothèque nationale de France, au début du XIV e siècle, il y a nombre d instruments de préférence bruyants et peu harmonieux, sistres, tambourins, casseroles et pots, mais pas de trompe, et pas d attestation dans le texte non plus. Cependant on s en est probablement servi en de semblables occurrences, au point que le sens a fini par l emporter dans la langue quotidienne : Se tromper de a le sens de se moquer de, jusqu au XVI e siècle. Mais très vite, peut-être par le dénominal tromperie, apparu vers , le verbe perd son usage pronominal, devient transitif, et, glissant de la raillerie à la tromperie, le sens actuel l emporte, au point qu ont disparu les autres mots qui servaient au Moyen Age à désigner la tromperie, barat, engin, truffe 33. Philippe de Commynes utilise même l adjectif tromperesse au sens de trompeuse. Bailler la trompe a le sens de tromper, dans des fabliaux tardifs, et n a peut-être pas perdu totalement ses connotations sonores 34. La même aventure est arrivée d ailleurs à tympanizer, à l origine jouer du tambour, du grec tympanon, devenu assourdir, bafouer, ridiculiser, berner, qui d après Vaugelas, l arbitre du beau langage au XVII e siècle, ne doit être utilisé que dans un contexte de raillerie. De la même façon corner aux oreilles implique une attitude pour le moins narquoise ou irrespectueuse envers le destinataire des sons. Ce qui atteste l utilisation d instruments bruyants, tambours, cors ou cornets, trompes, dans un contexte de dérision, propre à justifier cette étymologie, et un usage fortement ancré dans la langue parlée, qui a fini par s imposer. Dans se tromper, faire une erreur, l origine musicale du mot est totalement oblitérée. Curieusement, le développement de ce sens dérivé a fait sortir d usage, après le XVI e siècle, tromper au sens de sonner de la trompe. C est pourquoi nos sonneurs, qui ne sont plus des trompeurs comme au Moyen Âge, cornent, sonnent, peuvent même se tromper en sonnant, mais ne trompent plus. 31 Cela n apparaît pas clairement dans les Continuations de Frédégaire, 2, éd. B. Krusch, Scr. rerum merov. II, p. 169 : in Lauconis silvam una cum regina ejus pregnante nomine Belichilde interfecit ; ni dans le Liber historiae Francorum de la fin du VII e siècle, 46, ibid., p. 348 où il n est pas même indiqué que c est dans une forêt ; ni pour Dagobert II, Cont. Fredeg. 8, p. 173 l. 10, où il s agit d une bataille, commisso acie in Cocia silva. 32 Les textes judiciaires, rédigés en latin, recréent même sur tromperie tromperia, attesté dès 1394 et 1407 (Du Cange). Bel exemple de calque du latin sur la langue parlée, alors qu il existait beaucoup d autres mots en latin. 33 L escroc, venu de l italien, n apparaît qu au XVI e siècle et ne couvre pas tout le champ sémantique du trompeur, de la raillerie à la trahison en passant par l erreur. 34 Au XVI e siècle, Guillaume de Sablé, veneur des rois de France, joue avec virtuosité de rimes équivoquées, à la façon des Grands Rhétoriqueurs : A mes compagnons de la trompe / Qui fâchés sont quand on les trompe, / Le bon vin jamais ne trompe / Veneur qui au col la trompe a /Aussi n ayant point tromperie, / Il faut que sa trompe rie (Cité dans La trompe, tradition et avenir, dir. B. Bertrand et P. Delatour, Orléans 2013, p. 170.)

14 SONNERIES MEDIEVALES. LE REGARD DE LA MUSICOLOGIE Olivier CULLIN Professeur de musicologie médiévale à l Université de Tours. C est une évidence que de dire que l art de la chasse constitue un domaine qui remonte à l origine des hommes. Elle leur permettait de se nourrir, de se vêtir, de protéger les récoltes et le bétail contre les prédateurs. Cependant, au Moyen Âge, de nombreuses significations s ajoutent reflétant chacune à leur manière, une partie du mode de pensée et des codes sociaux de l époque. C est d abord un sport pratiqué par tous les groupes sociaux, mais de façon différente. Si les paysans pratiquent la chasse à l aide de pièges et de divers engins, les nobles méprisent celle-ci car elle n exige ni courage, ni endurance. Chasse au vol avec des oiseaux dressés, chasse à l arc, mais surtout chasse à courre sollicitent les qualités du chasseur, sa réflexion aussi pour savoir déjouer les ruses de l animal que l on admire tout autant. L homme et l animal sont ainsi liés par une forme de connaissance et de savoir. La vénerie valorise donc le chasseur mais aussi l animal chassé. Moyen de se maintenir en forme, la chasse constitue encore un entraînement au combat dans lequel le chasseur-chevalier perfectionne son art de l équitation. C est aussi un art de cour jouissant d un grand prestige auprès des dames et des seigneurs. Activité très codifiée, elle est aussi un moyen de garder la santé. En faisant référence à Hippocrate, Gaston Fébus a montré dans plusieurs passages de son Livre de chasse comment celle-ci participait d une hygiène de vie stricte. La chasse a une valeur morale et spirituelle : celui qui chasse assure son salut et, en procurant des plaisirs qui ne sont pas des péchés et ne mettent pas l âme en péril. C est donc un remède souverain contre toute oisiveté, mère de tous les vices. C est dans ce cadre que nous présenterons quelques remarques sur la musique telle qu elle est décrite ou utilisée dans les traités médiévaux. Laissant de côté l ouvrage bien connu de Fébus, laissant également de côté la généalogie des ouvrages médiévaux de cynégétique, c est plus sur le Trésor de vénerie d Hardouin de Fontaines-Guérin et les considérations techniques qu il contient que nous porterons notre attention. Les sonneries : comment? et sur quel instrument plus précisément? Cor ou trompe? L ouvrage est conservé dans le manuscrit de la Bibliothèque nationale de France, Cangé 64, français 855. Il est composé de 68 folios avec 21 miniatures et fut achevé dans les dernières années du XIV e siècle et dédié au duc Louis II d Anjou. Des sonneries mais sur quel instrument? Lorsque l on commence à s intéresser au cor et à la musique de vénerie, on est assez vite confronté à une difficulté liée aux sources elles-mêmes. Peu de données nous permettent d avoir une idée de cette culture musicale, et la question organologique s appuie sur ces rares écrits et représentations manuscrites même si ces représentations deviennent de plus en plus abondantes au cours du XIII e siècle. Ces dernières permettent d avoir une idée des formes et des techniques de jeux des différentes familles. Ce que l on

15 appelerait globalement «cor» regroupe en réalité plusieurs instruments dont il n est pas toujours aisé d établir clairement les différences : cor sarrazinois, cor des Alpes, trompe, trompe d appel, graisle, moïnel, araine, huchet, carnyx, cornu, lur, buisine, olifant... Trompes et trompettes diffèrent des cors par leur origine. Elles proviendraient d un coquillage conique et long, le strombos qui servait d instrument d appel chez les Grecs d où tromba, trompe... Les textes médiévaux - et surtout ceux plus encyclopédiques du XIII e siècle - distinguent les deux sortes d instruments : les trompes à perce cylindrique et les cors à perce conique. Cette distinction est valable aussi pour qualifier qui joue : le trompeur est un joueur de trompe ; le corneur un joueur de cor mais l action de jouer se dit «corner». A l origine, les cors n ont aucun rôle musical. Ils sont destinés à donner des signaux. D abord en corne d animal (taureau, bélier), puis en métal, en céramique ou en bois, la taille de l instrument est variable et sa forme quasi invariable : un tube incurvé, généralement évasé et sans pavillon, parfois assez long pour que l instrumentiste le soutienne à deux mains (ce n est pas le cas chez Hardouin). L obligation et la difficulté de ménager une ouverture assez étroite pour que le souffle puisse faire vibrer la colonne d air entraîna l invention de l embouchure. On la voit déjà dans des documents de l époque romaine et elle réapparaît assez nettement dès le XIII e siècle. Il est cependant difficile de voir si elle est présente dans les représentations du Traité alors qu elle l est dans le Livre de chasse de Gaston Fébus.. ' i '.. r~ -~..~"!,' ~.-.. Î" '-..,. 1*1,~0.'" "'" ~'I...,." " 'I~"j~W~"'.'.:. ~g" "'-'-,"," l$);~, ' Détail de la miniature 3, f"10 du Trésor de vénerie Détail de la miniature 27, 1" 54 du Livre de la chasse Passons en revue rapidement les autres instruments. Les graisles (< latin gracilis) sont de petits cors légers, en corne, en bois ou en cuir bouilli avec un son aigu et clair qui servaient aux bergers et aux chasseurs. Quand le cornet incurvé est un peu plus grand mais sans pavillon, le terme de moinel convient. Le huchet est un petit instrument en terre ou en fer fonctionnant de façon monotone comme un porte-voix et chargé de transmettre un seul son. Nous l écartons rapidement car l usage linguistique précise pour cet instrument «hucher» et non «corner» ou «sonner». Il était utilisé pour la chasse au lièvre. Buccine, Araine, buisine (apparentée dans certains cas au cor sarrazinois) font partie de la famille des trompes. Des cors, donc, et non des trompes. La chasse constitue une sorte de prédication pour montrer les étapes de la vie du chrétien et il en existe bon nombre de représentations

16 architecturales (tympan, voussure comme à Castelviel où l image du Mal est associée à la chasse au cerf - le chasseur tenant dans sa main, un cor). Le motif du cor renvoie à la mythologie du souffle créateur ainsi que l a rappelé Jacques Brils dans son ouvrage A cordes et à cris (1980) : «le souffle du musicien médiatise expressément la voix divine. C est le cas des trompes, trompettes, cornes et cornets qui dans l infinie variété de leurs formes, établissent par l intermédiaire de la voix instrumentale, un lien entre le Souffle et la Parole.» Cette symbolique du souffle musical met en évidence à la fois l universalité de sa signification et le constant effort de l homme pour s en assurer la maîtrise. «La domestication apparaît comme une réplique musicale de la maîtrise des forces fécondantes, organisatrices du Cosmos. L instrument de musique sert à la protection magique de l homme à l égard de ces forces éparses dans le Cosmos.» (Ibid.). Le cor met donc en évidence par la force et la particularité de son son les choses cachées. Déchirement de l air, c est un son presque d effroi ; un son plein d énergie aussi, un son synonyme de pouvoir, symbole de souveraineté comme on peut le comprendre en lisant le Roman de Guillaume d Angleterre (seconde moitié du XII e siècle) ou encore le récit du Chevalier au Cygne (le pouvoir du cor permet d identifier la légitimité du souverain : celui qui sait et peut souffler est le roi). Des sonneries mais comment? Pour toutes ces raisons, les miniatures du Trésor de vénerie d Hardouin de Fontaines-Guérin ne sont pas des «illustrations», de simples images accompagnant un texte. Dans le monde médiéval, il est usuel de considérer les images à l égal du texte parce que l image dans sa force et son exemplarité s intègre en la complétant à la culture orale qui la soutient. C est d autant plus flagrant ici que les écrits liés à la musique de vénerie sont rares. En outre, ces sonneries ne sont pas universelles car on sait par des témoignages plus littéraires que le répertoire différait d une région à une autre. Ce qui vaut ici pour l Anjou ne valait pas forcément pour le Béarn ou le comté de Foix. Ces miniatures avec leurs représentations sonores schématiques tentent justement de s approprier toutes les dimensions symboliques de l acte, du son lié à l instrument et à sa fonction anthropologique. L art cynégétique, à l instar des tournois, déployait des codes linguistiques et sociaux. Comme pour la guerre, les sonneries en marquaient les phases essentielles. La musique de vénerie apparaît donc comme une véritable musique «fonctionnelle». Les messages les plus importants qu il s agit de transmettre sont : - le départ de la chasse - la vue de l animal qu on chasse - des péripéties dont il est nécessaire que le chasseur soit averti : le débuché, l entrée de l animal dans l eau ou sa sortie, le changement de forêt, la présence d animaux de compagnie, etc... - l appel - la mort Tous ces types de message apparaissent dans les cornures des anciens traités de vénerie dont ceux de Fébus et de Hardouin de Fontaines-Guérin. Avec les cors décrits précédemment, il est difficile de produire à proprement parler des notes. Une simple pression d air plus ou moins forte et surtout, en pinçant plus ou

17 moins fortement les lèvres, permet d obtenir un son grave ou son aigu, le «ton gresle» et le «gros ton» expressions anciennes en vénerie. Cependant, on connait par l exemple du contemporain d Hardouin que fut Henri de Ferrières Saint-Hilaire, auteur du Livre du roy Modus et de la reine Ratio, que le «huer» était utilisé concurremment avec le «corner». La présence de deux types de sons y est mentionnée : long et court. Par exemple, dans la cinquième cornure : «si tu veulz corner de prise, c est quant l en a pris le cerf a force, l en doit corner un bien lonc mot, et puis corner jusques a dis mos, les plus cours que l en puet corner et assés à lésir, puis deux bien lons mos au derrain.» Ainsi, les messages semblent reposer sur une succession codée de brèves et longues, messages auxquels étaient sensibles les veneurs. La chace dou cerf (un texte du milieu du XIII e siècle) contient déjà des vers où l auteur parle de la musique de vénerie, de son effet sur les chiens et même sur la nature entière : «Que en cheval soiez cornans / Et sieu la menée tous tens / Et chasce, et corne cler et haut / Que retentisse li bos haut / Et les vallées en bondissent / Car li chien moult s en esbaudissent.» On trouve aussi dans ce texte les «six cornures des veneurs du temps de Saint Louis» qui, même noyées dans le flot du poème, peuvent être dégagées, comme la deuxième ( L appel : «et puis si cornera appel trois lons mos, pour tes chiens avoir» ) ou la quatrième (La vue : «et il se passe Et leu ou de toi soit veuz Quatre lons mos et chasse sus soit corner»). Gaston Fébus reprendra le même dispositif de présentation générale en mentionnant sept sonneries. Par exemple : «aussi li vueil apprendre corner de chasce le quel celuiqui chasce est avecques les chiens doit corner un long mot et puis enièmement cours mos tant comment il plaira.» Le témoignage original du «Trésor de vénerie» L originalité d Hardouin de Fontaines-Guérin est de commencer son traité par le chapitre dit «Livre de corner» en présentant des cornures beaucoup plus complexes que celles jusqu ici connues. En plus d une description littéraire, l auteur a fait reproduire sur les miniatures des textes sonores représentés par des successions de carrés noirs et blancs.

18 On peut nommer les différents enchaînements sonores que l on trouve à partir de la comparaison avec le texte, soit six mots essentiels -7 «mot dei double» (demi-double de chemin): -7 «mas lons»: -7 «un mot sengle» ou simple: 0-7 «double entier», double de chasse: -7 «double de chemin»: le mot de«chasse» ou d'appel: Cette notation serait claire si l on savait bien sûr exactement ce que représente un acrré blanc et un carré noir. Deux notes différentes? D après l étude des cors appliquée aux miniatures de l ouvrage, le cor semble plutôt monotone : cette possibilité est donc à exclure. Le rythme? Cela fonctionne si on adopte l équivalence carré noir = longue, et carré blanc = brève. A partir de là, l aspect didactique du traité n est pas le seul à prendre en compte. Certes s il n y a aucun doute sur la volonté d enseignement et de transmission des cornures comme le montre l image déjà vue, certaines images sont plus complexes et donnent au traité une valeur dynamique supplémentaire. L image de la «cornure de chemin» a toujours été interprétée comme une seule cornure divisée en deux parties dont la seconde est l inverse de la première (cf. Pinguet dans «La vénerie et sa musique»», n de la Revue musicale, 1978). Mais en tenant compte de la miniature, je proposerais d interpréter la représentation comme un jeu de question / réponse. En effet, le personnage sortant du château sonnerait en premier, puis la réponse se fait entendre par un veneur se situant déjà dans la forêt, lequel indique par sa réponse, l identification sonore du lieu où se rendre et donc la

19 direction à suivre pour le rejoindre. Il ne s agit donc plus seulement d apprendre la cornure mais aussi montrant tout le jeu dans lequel elle s insère et en témoignant des liens de collectivité et de sociabilité plus larges que ceux, plus traditionnels, du maître à l élève. Chaque miniature requiert une attention particulière et je n ai pas la place ici de le faire. Par les quelques pistes que j ai abordées, j ai voulu montrer la richesse d une problématique peu abordée dans son ensemble. Si le traité de Fébus domine dans l esprit général les autres traités sur ce sujet, il faut bien dire que concernant les cornures, on reste un peu sur sa faim. On voit Fébus à l image, la cornure est mentionnée dans le texte mais jamais Fébus ne montre l exemple. On se contente d un «comme j ai dit...». Cette forme d oralité maintient le texte dans une relative distance puisque celui-ci ne cherche pas à consigner la voix vive et les valeurs de la parole. L image dans ce contexte corrobore la forme de discours qui maintient une cohésion sociale (le cercle des chasseurs avec à son sommet le maître, Gaston Fébus). Le propos d Hardouin semble tout autre. Moins conventionnel, il assure, pour reprendre les termes de Jacques Le Goff, «le passage du domaine auditif au domaine visuel» afin de permettre «d examiner autrement, de réarranger» l ensemble. L image est un écrit particulier qui n a pas, ici, comme seule fonction de réaffirmer un ordre social ou une célébration ostentatoire des valeurs de la chevalerie. Elle transcrit à sa façon, un monde sonore, une emprise du son sur le réel et sur le Monde, la vivacité et la complexité d un jeu sonore, de ses codes et de ses fonctions en une forme d instantané. En liant la dimension organologique, les visées symboliques, la dimension spéculative et fondamentale que toute musique avait au Moyen Âge comme approche phénoménologique, ces miniatures musicales ne cessent d interroger. Elles mettent en jeu un concept nouveau qu aucun traité n avait pris en considération : le répertoire. On passe alors d un jeu sommaire de codes sonores et sommairement décrits jusqu alors, à un véritable «corpus» sonore et musical.

20 PLACE DE LA TROMPE DANS L HISTOIRE DE LA MUSIQUE Michel ROUFFET Historien Président de la Fédération Archéologique du Val de Seine (FAVS). Antiquité La trompe, instrument naturel, simple tube métallique évasé au bout fait partie des plus anciens instruments connus. La flute, roseau (ou sureau) taillé, des morceaux de bois creux servant de percussion, voir un simple monocorde doivent être les tous premiers. Dans la protohistoire (âge du fer) l instrument apparait à notre connaissance (peutêtre même dès l âge du bronze) pour se développer durant toute l antiquité classique. On trouve au Moyen-Orient des trompes (ou trompettes, la différence n existe guère) sous le nom de Hra tso tsra, qui animent les fêtes religieuses dans le temple de Jérusalem ; très longues, tiges argentées évasées à leur bout et noires à l intérieur. Elles représentent la voix de Dieu. C est pour cela qu elles sont brillantes et magnifiques, mais aussi sombres à l intérieur, car la parole de Dieu a toujours un aspect mystérieux pour les hommes. Objet mystique donc, mais qui peut à l occasion être utilisé à la guerre à une époque où la guerre se fait toujours avec l aide de Dieu ou des dieux, selon la religion. C est pour cela qu elles ont permis d abattre les murailles de Jéricho lorsque Josué menait le peuple hébreux à la conquête du pays de Canaan. Ne nous méprenons pas, il s agit bien d un usage religieux - c est la voix de Dieu, qui abat les murailles et non les combattants - même si la conséquence est une aide aux hommes dans les batailles. Fig.1 : Arc de triomphe de Titus. Forum ; Rome

21 L archéologie a permis d en retrouver des éléments, mais surtout, on en a une magnifique représentation sous l arc de Titus à Rome. On y voit les légionnaires romains ramenant les dépouilles sacrées à la suite de la destruction du temple de Jérusalem en 70 de notre ère ; le chandelier à sept branches et les fameuses trompettes. On retrouve l instrument chez les romains, cette fois, vraiment pour un usage militaire, puisqu elle sert à transmettre les ordres du général et organiser ainsi l ordre de bataille. Il peut avoir une forme droite «Tuba» ou enroulé à trois quart de tour «Cornu». Guerrière aussi, mais non plus à usage organisationnel, en Gaule celtique depuis au moins le IVème siècle avant notre ère. La trompe y porte le nom de carnyx. Elle sert au tumulte. Les guerriers crient pour effrayer l ennemi, tapent sur leur bouclier avec leur épée et les carnyx, probablement utilisées verticalement, hurlent. L objectif est d effrayer l ennemi avant le combat. Cet usage nous est connu par les écrits latins et grecs, mais il n est pas interdit de penser qu elle pouvait avoir d autres usages, par exemple purement religieux. Elles avaient un peu la forme du cor des Alpes actuel : un long tuyau métallique et un pavillon recourbé au bout mais ayant la forme d une tête d animal sensé faire peur ; serpent, sanglier Ces instruments, que l on ne connaissait que par des descriptions ou des images, nous sont maintenant connus directement depuis qu en 2004 on en a retrouvé dans le sud de la France, en Corrèze, sept exemplaires en relativement bon état. Des tentatives de reconstitutions ont été faites depuis. Moyen Age Durant le moyen âge, il existe des trompes droites de héraut largement utilisées par les anges musiciens abondants dans l iconographie de cette époque. L ange sonnant de la trompe, selon l explication augustinienne, annonce la lumière de Dieu, durant les trois premiers jours de l univers, c est-à-dire avant qu au quatrième jour soient posés les luminaires qui séparent la nuit du jour 35. Pour n en citer qu un exemple : la chapelle sud de l église Santa Maria sopra Minerva à Rome, peinte par Philippino Lippi. Les hérauts et les anges disposaient d un instrument, dont la longueur donnait déjà la possibilité de plusieurs notes. Durant toute cette période, les chasseurs n avaient, de leur côté, à leur disposition pour communiquer que des instruments plus simples et moins encombrants type cors, cornets, appelés oliphant lorsqu ils étaient en ivoire. Les messages ne pouvaient passer à la chasse que par les cornures du huchet à deux tons - ton grèle et ton gros - ou de cornes unisoniques permettant d alterner sons brefs et sons longs. Une sorte de morse avant la lettre Saint Augustin : De genesi ad Literam Livre quatrième XXII -XXV 36 Voir notamment : «Le trésor de vénerie»: poème composé en 1394 par Hardouin Seigneur de Fontaines-Guérin

22 Fig.2 : Cornes de chasse Cette capacité limitée de communication à la chasse se prolonge tout au long du XVIe siècle. On dispose encore d un Livre de vènerie, de Jacques du Fouilloux, dont la première édition date de 1568 qui explique «comment il faut que les piqueurs sonnent de la trompe» en utilisant ces possibilités réduites. Celui-ci a été réédité en Cela signifie qu au moins jusqu au milieu du XVIIe siècle la façon de communiquer à la chasse reste limitée à cette possibilité. XVIIe siècle Au XVIIe siècle on observe deux avancées importantes. 1 ) Les progrès de la métallurgie permettent à l instrument d avoir un timbre clair et plaisant à l oreille. On rencontre donc des cors naturels qui interviennent dans la musique dite de chambre, à peu près dans le même temps où apparait la trompette baroque. Ce progrès technique permet un enroulement qui ne dénature pas le son. Cet enroulement ne s est fait que progressivement. On pense, en général, que la Dampierre à un tour et demi serait apparue d abord, suivie par la Dauphine à deux tours et demi puis qu enfin, au XIXème siècle, s est généralisée l Orléans à trois tours et demi, communément utilisée de nos jours. C est globalement vrai. Toutefois, il existe des exemples de trompes enroulées à trois tours et demi, type Orléans, dès le XVIIe siècle. 38 Grâce à cette évolution technique, la trompe devient un instrument de musique plein et entier. On la trouve dans la musique de chambre comme dans les opéras : 37 Voir : La vènerie par Jacques du Fouilloux, édition de 1844 Niort - chapitre XLI 38 Par ex au musée d art et d histoire de Fribourg. Le musée historique de Dresde possède également un petit cor de chasse à quatre tours et demi daté vers 1570.

23 - En 1632 Landi compose un «Saint Alexis», avec des trompes dans la fosse d orchestre. - En 1673, Lully produit l opéra «Cadmus et Hermione», dans lequel apparait une marche royale, exécutée au cor, que nombre de sonneurs d aujourd hui interprètent encore. - En 1689, en Angleterre, le roi Guillaume III, continuellement en guerre contre Louis XIV, cherche à imiter les fastes de la cour de son ennemi préféré et s entoure d artistes et musiciens. Purcell produit dans ce contexte un opéra «Didon et Enée» (1689) dans lequel chasse et trompe apparaissent. 2 ) Durant la deuxième moitié du XVIIe, le développement du faste. A l époque du Roi Soleil, certains des grands seigneurs et rois de l ancien régime avaient le goût du faste en toute occasion, notamment pour les évènements se déroulant à l extérieur. Fêtes, diurnes ou nocturnes, et medianoches s accompagnaient de plus en plus de musique. Au cours du grand siècle, les musiciens composaient pour ces occasions.. On découvrit alors (ou redécouvrit) que la trompe, devenue instrument de musique, avait une puissance sonore qui, jouée en forte, s accommodait fort bien des grands espaces, boisés ou non, pour faire retentir de puissantes mélodies. On était alors encore dans la musique, certes d extérieur, mais pleine et entière. En 1664, Lully compose et produit à Versailles «Les plaisirs de l Ile enchantée», trois jours de fêtes devant Louis XIV lui-même. Une musique dans laquelle les cors jouent un rôle important. En 1717, en Angleterre, Le roi Georges Ier, aime faire savoir quand il se déplace sur la Tamise pour aller de White Hall à Chelsea, qu il est sur le bateau. Il se fait donc suivre d un deuxième bateau qui joue de la musique en forte pour pouvoir être entendue depuis les rives. Haendel compose pour cette occasion la fameuse «Water music». Les grands départs et retours de chasse étaient d excellentes occasions de musique d extérieur. Musique et chasse opèrent leur jonction. XVIIIe siècle Dans la première moitié du XVIIIe siècle, ce gout de la musique qui prend la chasse pour thème se poursuit et se développe. En 1708, Jean-Baptiste Morin écrit une grande cantate intitulée «La chasse du cerf» dans laquelle chaque partie (chants et trompes) évoque un moment de chasse du Réveil à la Mort du cerf. Cette œuvre a été souvent reprise, signe de son succès, à une époque où, le plus souvent, les compositeurs écrivaient pour un évènement précis. Aussitôt après, la partition était remisée. En 1729 Jean Joseph Mouret était un compositeur reconnu. Au sein d une œuvre abondante, il écrit deux suites de symphonie, dont une de chasse, qui commence par une brillante fanfare de trompe. Cette œuvre a souvent été reprise de nos jours, adaptée pour trompes et orgue. Les dernières années de vie de Mouret ( ) sont attristées par la jalousie qu il porte à l étoile montante de la musique d alors, Jean-Philippe Rameau. Très peu de temps après les suites de Mouret, Rameau présente son premier opéra : «Hyppolyte et Aricie» en A l acte IV, Diane (on représente alors facilement les

24 dieux et déesses sur scène) incite à la chasse dans un grand moment de trompes et de chants. Apparition de la trompe en vènerie Par ailleurs, dès la fin du XVIIe siècle, il est certain que cet instrument de musique est déjà, au moins en partie, utilisé, non plus seulement pour agrémenter le départ ou le retour de chasse, mais au cours même de la chasse pour soutenir ou annoncer quelque action. On possède un recueil, daté de 1705, qui donne, transcrite par Danican Philidor, une première liste d appels mélodiques de trompe de chasse. Il y en a sept. 39 Cela marque qu il y a déjà une certaine tradition et un début de codification. Aucune d entre elles, pourtant, ne correspond à une fanfare de circonstance encore sonnée de nos jours (ni la Retraite, ni la Sourcillade, aujourd hui la Vue). Cela montre que cette tradition n est pas encore généralement répandue et que le répertoire est restreint. Puis, se pose la question du rôle réel du marquis Marc-Antoine de Dampierre ( ), dans cette codification. La tradition rapporte qu il en est le premier promoteur par la composition des principales fanfares de circonstances et d animaux, encore pratiquées de nos jours, probablement durant les années 20 du XVIIIe siècle. Son rôle n est pas si évident à préciser sur la base des documents d époque disponibles. Le seul recueil édité de morceaux dont il est écrit qu il en est l auteur est posthume et date de Il s intitule : «Fanfares nouvelles pour deux cors de chasse ou deux trompette et les musettes, vièles et haubois par M.D. gravées par Mlle Michelon.» Il ne s agit en aucune manière de fanfares de chasses, mais de musiques composées pour divers instruments dont «deux cors de chasse». 40 Indice supplémentaire de la proximité entre musique de vènerie et musique classique. Par contre, en 1734, un ouvrage de vènerie attribué à Jean Serré de Rieux 41 : «Le don des enfants de Latone : La musique et la chasse du cerf», comprend une annexe intitulée : «Tons de chasse et fanfares à une et deux trompes composées par Mr de Dampierre gentilhomme des plaisirs du Roy pour faire connoitre aux Veneurs le Cerf que l on cour, ses divers Mouvements, les différentes opérations de la Chasse, et le lieu où l occasion où les dites fanfares ont été faites.» Il y en a 22. L attribution à Dampierre est clairement indiquée mais elle reste indirecte. L examen de ces fanfares montre effectivement une vraie similitude avec des fanfares actuelles telles qu homologuées par la FITF (Fédération des trompes de France), mais aussi de vraies différences. Le Daguet ne diffère que par une seule note, alors que le Forhu ne ressemble en rien à l actuelle fanfare portant ce nom, ni sur la mélodie, ni sur la circonstance où elle se doit sonner. Le Bat-l eau ainsi que la Sortie de l eau sont regroupées dans une seule fanfare : «Pour l eau», de même que les deux Hallalis sont regroupés en un seul. Les différentes têtes sont, elles, très proches des fanfares correspondantes actuelles. 39 Sept fanfares transcrites deux fois : en clé de sol première et en clé d ut troisième. 40 L attribution précise à Dampierre figure sur la notice de la BN, mais pas sur la page de titre du manuscrit lui-même. 41 La page de titre de l ouvrage ne porte pas le nom de l auteur.

25 Dans ce premier recueil d autres auteurs que Dampierre sont mentionnés dont le roi Louis XV lui-même pour deux d entre elle et une non attribuée. En 1778, Le Verrier de la Conterie fait paraître un traité de vènerie normande. Avec, à partir de la page 429, des «Instructions et observations préliminaires sur les tons de chasse», suivies d un recueil de fanfares (donc 45 ans après le recueil de Serré). Aucune référence n est faite à Dampierre. Malheureusement, d une part plusieurs fanfares sont effacées et donc illisibles, et d autre part toutes n y sont pas (notamment les têtes). Par contre, il est indéniable, pour celles qui sont encore lisibles, qu il y a déjà une évolution. Le passage de l eau qui faisait l objet d une seule fanfare, se passe en deux temps comme aujourd hui (Bat-l eau et Sortie de l eau). Il y a également deux fanfares pour la retraite (Retraite prise et Retraite manquée) contre une seule dans Serré et contre trois aujourd hui (Retraite prise, Retraite manquée et Retraite de grâce). La notation de l Hallali (il n y en a toujours qu un seul) est un peu plus proche de la nôtre, comme celle du Débuché. Autrement dit, il est clair que la codification des fanfares de chasse est déjà très avancée vers la fin du XVIII dans le sens des mélodies que nous connaissons de nos jours. Trompe et musiciens Il convient maintenant de souligner qu au XVIIIe siècle, quand la trompe commence à accompagner les chasseurs dans l action ce ne sont pas les chasseurs qui l utilisent, mais des musiciens professionnels et attitrés selon les équipages. Indice intéressant : nous possédons un «Inventaire sous la Terreur des instruments de musique relevé chez les émigrés et condamnés» par A Bruni, délégué par la Convention 42. Il s agit donc des instruments confisqués pendant la Révolution dans les maisons des émigrés. Ces derniers sont évidemment des nobles (grande ou moyenne noblesse), c est-à-dire les seuls qui étaient autorisés à chasser sous l Ancien Régime. On pourrait donc logiquement penser que parmi les violons, luths, épinettes et autres quintons, on trouverait un nombre important de cors. Or, sur 367 instruments catalogués, il n y a que 6 cors, dénommés «cor de chasse» (et trois fabriquants : Raoux, Kerner et Carlin). Cela signifie donc que les cors sont chez les sonneurs, des musiciens professionnels (donc non nobles) et non chez les veneurs. On comprend alors encore mieux la proximité entre musique classique et musique de vènerie. Fig. 3 : Cor simple 42 Edité chez Georges Chamerot en 1890, avec introduction, notices biographiques et notes de Jules Galley

26 Utilisation des fanfares de chasse en musique classique C est sans doute pourquoi, on constate un autre élément de cette proximité qui apparait vers la fin du XVIIIe siècle dans le fait que certaines fanfares de vèneries (donc des mélodies de circonstances apparues avec la vènerie et que nous utilisons encore de nos jours) sont réutilisées dans la musique classique. Marque de cette symbiose qui existe alors entre musique de chasse et musique classique, plusieurs compositeurs célèbres introduisent des thèmes de fanfares de circonstance de chasse dans leurs œuvres. Citons à titre d exemple : - Haydn, symphonie n 73 «la chasse» : La Vue, - Méhul 1791 «La chasse du jeune Henri» : Les Hallalis, - Haydn 1801 «Les saisons : l automne» : le Débuché, le Vocelet et les Hallalis. On retrouvera plus épisodiquement ce phénomène ultérieurement. Par exemple, chez Ottorino Respighi, dans «les fêtes de Rome», Il introduit le Bonsoir, les Honneurs et les Hallalis. Il est intéressant de mentionner, à ce stade, le 9 ème caprice de Paganini, intitulé «La chasse». Il est naturellement écrit pour violon, mais la sonorité qui s en dégage ne laisse aucun doute sur la source d inspiration suggérée par le titre. Evolution technique La situation va évoluer significativement au XIXe siècle, principalement à la suite de progrès techniques dont certains sont apparus dès la fin du XVIII Fig. 4 : Cor à tons interchangeables. Durant cette fin de XVIIIe, la technique de la trompe comme instrument de musique évolue : la pratique des sons bouchés est découverte par Hampel à Dresde, les tons interchangeables apparaissent à Paris en Vers la fin du siècle, la gamme chromatique devient donc disponible sur un instrument naturel, même si elle exige du 43 L avant dernière volute du cor est amovible. On peut ainsi la remplacer par une autre de longueur, et donc de tonalité, différente. Les plus fréquentes sont : Ré, Mib, Mi, Fa, Sol. Il y a eu jusqu à 13 tons différents. Sur ces évolutions techniques voir Daniel Bourgue : Parlons du cor, 1993 International music diffusion

27 musicien une très grande virtuosité. C est grâce à ces techniques que les Mozart père et fils ou Beethoven peuvent composer des œuvres dans lesquels la trompe a une partition plus élaborée que par le passé. Fig. 5 : Cors à deux et à trois pistons. Au début du XIXe siècle, vers 1815, Stötzel invente les pistons. Ceux-ci mettront près d un siècle pour s imposer. Malgré la plus grande facilité qu ils apportent pour l usage de la trompe, nombre de grands compositeurs (Brahms ou Berlioz notamment) continueront de placer des cors naturels dans leurs orchestres pour la particularité sonore de ceux-ci. En 1891, un jury départagea les deux techniques en reconnaissant, par neuf voix contre une abstention, le cor à piston comme l instrument le plus complet. Découplage musique vénerie et musique classique Cette évolution technique implique progressivement un découplage entre les deux types de musique. Les musiciens classiques utilisent de plus en plus l instrument à piston pour abandonner totalement le cor naturel au début du XXe siècle. De ce fait, les chasseurs doivent progressivement apprendre à sonner par eux-mêmes en se passant des musiciens professionnels. Ils le font, peut-on penser, en maintenant une façon de sonner qui, à

28 mesure que les musiciens classiques évoluent dans leur domaine, reste probablement plus proche de la façon XVIIIe. Il serait hors de notre propos d expliquer pourquoi la manière classique se met en rupture par rapport à ce qui se faisait avant la Révolution, mais il est probable qu il faille placer, à ce sujet, une cause première qui s appelle Jean-Jacques Rousseau. Celui-ci est un écrivain immense qui aborde tous les sujets ; Politique, éducation, botaniques, origine des langues et musique 44. Il se prononce clairement pour une prononciation du langage qui ne heurte pas l oreille en réduisant le volume des consonnes dites rudes, ce qui, selon lui, permet aux langues méridionales d être agréables à entendre par opposition aux langues du nord qui, dit-il toujours, sont rocailleuses et dures. C est cette conception qui amène, durant le Directoire la jeunesse qui se veut brillante dans la conversation, à volontairement sauter certaines consonnes comme le R par ex (les Incoyables et les Meveilleuses). Maintien du mode baroque? Appliquée à la musique, cette conception peut signifier que la «bonne» façon de jouer d un instrument consiste à articuler le plus souplement possible entre deux notes. Il est manifeste que l influence de la pensée de Rousseau a été très grande. C est probablement la raison pour laquelle, progressivement, les musiciens classiques ont pris l habitude, à la mesure de chaque instrument, de rendre cette articulation la plus glissante possible. Appliquée au cor, cette conception de la façon de sonner, s observe clairement maintenant. Un corniste classique marque peu le passage d une note à l autre. Le ton de vènerie, au contraire conservent toujours un piqué assez marqué entre deux notes, probablement hérité d une façon d utiliser l instrument courante au XVIIIe. Si l on rajoute à ce point majeur, le fait que certaines pratiques actuelles dans le ton de vènerie, comme le taïaut, doivent certainement leur origine à des ornementations déjà existante au XVIIIe et d autres points secondaires, il devient légitime de se demander si le ton de vènerie ne serait pas le dernier avatar de la musique baroque. Perte de la signification métaphorique En s éloignant de la musique classique, la musique de vènerie s éloigne également d un autre aspect, c est la signification métaphorique de la structure des fanfares. Ceci n est pas propre au style vènerie, mais partagé aussi par les musiciens classiques. Sans vouloir rentrer dans le détail, il convient de rappeler que, depuis le moyen-âge et jusqu à la fin du XVIIIe, la structure musicale comme le sujet que la musique doit traiter tourne souvent autour de sujets ou de métaphores religieuses. Ceci peut expliquer pourquoi certaines fanfares sont reprises de musiques religieuses plus anciennes. Par exemple, la Tête Bizarde est clairement reprise du chant de la Nativité «Il est né le divin enfant». On peut aussi souligner que le Vocelet est une mélodie qui sert encore, de nos jours, de Bénédicité. La «Culbute en Forêt», souvent interprétée comme soulignant avec un peu d ironie simplement la chute d un chasseur de son cheval, était, il y a deux siècle une métaphore renvoyant à Saint Paul sur le chemin de Damas, renversé par l apparition du Christ, comme Saint Hubert, Saint Eustache ou Saint Julien l Hospitalier ont été, dans l hagiographie chrétienne, renversés ou éblouis par le grand cerf qu ils chassaient On peut sur ce sujet consulter le tome III de l édition des œuvres complètes de JJ Rousseau, paru en 1853 chez Alexandre Houssiaux, en particulier les chapitres sur l origine des langues. 45 Sur l Histoire des Saints au Moyen Age, voir la Légende Dorée de Jacques de Voragine Gallimard La pléiade 2004

29 On peut continuer ce rappel en soulignant, à titre d exemple, que les fanfares de bases sont souvent à trois temps et en 6/8. Peu de sonneurs actuels pensent que cette structure renvoie à la périchorèse de la patristique grecque, c'est-à-dire à la Sainte Trinité, ou encore à une vision métaphorique de l histoire du monde 46. L assimilation est aujourd hui plutôt faite avec le galop du cheval qui est également à trois temps. Cet éloignement de l explication métaphorique de la musique de vènerie n est pas propre à la vènerie. On le constate aussi au cours du XIXe dans la musique classique. Mais dans cette dernière elle est justifiée par l évolution des mœurs et de la musique elle-même. Plus généralement, dès la deuxième moitié du XIXe dans les arts (musique, mais aussi peinture) l artiste se sent plus libre d imaginer ce qu il souhaite sans se soucier d un référentiel quelconque, religieux ou autre. Mais si la musique de vènerie prétend conserver les traditions, c'est-à-dire les mélodies et la manière de les sonner, il est dommage d oublier ce que signifient ces traditions. Une messe de Saint Hubert, de nos jours, reste un évènement sympathique, mais dont la signification nous échappe encore souvent. La référence à Saint Paul s éloigne. La trompe aurait-elle du disparaitre? A partir du moment où cette double dissociation devient évidente, le cor naturel n a plus qu un avenir limité. Il aurait dû être relégué aux oubliettes de l histoire comme d autres instruments (par exemple le serpent qui, au début du XIXe siècle, était encore utilisé dans les processions villageoises) au profit du cor d harmonie présent dans tout orchestre symphonique de musique classique. Au mieux, il aurait été confiné dans un genre et une utilisation unique. Il a réussi cependant à être sauvé et ceci de trois manières différentes : - L utilisation par les baroqueux d instruments d époque à partir des années 70 du XXe siècle. Grand retour du clavecin, du luth, de la viole, de la trompette baroque Le cor en fait partie, mais la plupart des formations de musique classique baroque utilisent maintenant des cors à tons. - La trompe en ré et le cor en mi bémol, toujours utilisé dans les fanfares et harmonies de musique dite populaire, qui a connu au XIXe un très grand succès. Qui a largement disparu en France, mais reste toujours très présents, notamment en Europe centrale (Allemagne, Autriche, Suisse ) - La vènerie qui continue d utiliser le cor en ré et sauve l instrument et sa musique spécifique, même s il s éloigne de son utilisation pratique. Sur les centaines de fanfares composées, seules une vingtaine au maximum restent utilisées pour et pendant la chasse, Sans parler de la quinzaine de messes de St Hubert qui ont été composées durant cette période. C est donc ici le lieu de souligner le foisonnement d œuvres nouvelles qui ont vu le jour depuis un siècle et demi, y compris dans des régions où la chasse n est guère pratiquée 47. Au début du XXe siècle, nombre de ces morceaux n ont plus qu un rapport très éloigné, voire plus aucun rapport avec la musique de vènerie. On assiste, simultanément, au développement du nombre des sonneurs qui viennent à la trompe, non parce qu ils sont chasseurs mais car ils 46 Sur cet aspect voir l article de Luc Breton «Quelques remarques sur les cadences dans la musique de vènerie française». Cahiers d Ethno musicologie 1994, Sur ce point, voir l article d Hubert Heinrich sur «Les fastes de la trompe»

30 apprécient sa sonorité particulière et la richesse de son timbre. La musique pour trompe (hors musique classique) est alors à son apogée quant à sa diversité musicale. En 1928, les sonneurs de trompe en ré s organisent en une Fédération des Trompes de France (aujourd hui FITF). L effet conjugué du maintien des chasses à courre d une part, de l organisation de concours, stages et rassemblements divers par la FITF d autre part, fait qu aujourd hui la France compte plusieurs milliers de sonneurs. De ce point de vue, la trompe peut dire : «Merci messieurs les chasseurs». Conséquence : Le costume de vènerie est-il trop étroit pour la trompe? Mais ce remarquable succès a aussi une forte contrepartie. L histoire que l on vient brièvement de rappeler en est la cause. La trompe étant très liée à la vènerie, la façon dont elle est utilisée tire directement ses racines, tant dans les fanfares que dans les «règles académiques du bien sonner», de cette pratique. Par cela même, l usage exclusif de ces règles, notamment dans les concours officiels, réduit considérablement le champ des possibles pour cet instrument. Quand on écoute des sonneurs, même de grande qualité, on a du mal à considérer qu il s agit d un instrument de musique plein et entier et à imaginer que l on peut élargir son utilisation au-delà des dix notes qui composent son alphabet musical de base ou des règles de la cadence 6/8 rappelant le galop du cheval, ou du bon usage du taïaut. On pense, grâce au plaisir que l on ressent face au talent de certains que c est «la» bonne façon de sonner liée à la trompe. On en oublie presque que d autres approches sont possibles. Entendre des sonneurs de très haut niveau, un peu atypique, pratiquant cet instrument également en dehors de la France, persuade qu il est possible d élargir son approche afin de lui rendre, au moins en partie, la richesse de ses capacités comme instrument de musique et non seulement comme outil de vènerie. Dans cette hypothèse, ce qui a permis la sauvegarde de l instrument, à savoir, pour la France, la structuration du corps des sonneurs, devient un peu son handicap. Une pratique enseignée sur la base de règles devenues dogmes, des concours jugés sur la base de critères suffisamment précis ont enserré l instrument dans un cadre strict dont seuls ne peuvent s écarter que ceux qui, volontairement ou non, restent en marge de l organisation. Un peu comme en peinture au XIXe siècle quand le salon annuel faisait l objet d un concours aux règles répondant à des goûts esthétiques non définis, mais bien réels, exprimés par les juges et les critiques. Ce n est pas dans le cadre de ces concours que l impressionnisme a pu voir le jour. La trompe, dans son style vènerie, a préservé des pratiques qui ont disparu chez les autres instruments de la même famille ; par exemple le vibrato qui n est plus «autorisée» à la trompette, ni pour les autres cuivres d orchestre. Même les trompettistes russes qui vibraient encore il y a quelques années ont abandonné cette pratique pour se mettre au politiquement correct du son plat. Dans sa capacité de crescendo, la trompe apporte également un élément intéressant. Elle n a donc pas à pâlir devant d autres instruments d orchestre.

31 Pour celui qui voudrait élargir son champ d action, la trompe dispose notamment de tout le répertoire de la musique baroque, même si celui-ci est plutôt utilisé actuellement par les cors à tons. Il pourrait néanmoins lui donner une large ouverture vers des horizons renouvelés. Il est sûr que d autres styles musicaux pourraient également lui convenir, par exemple en recherchant dans les répertoires autrichiens et populaires du XIXe siècle. Sans parler des compositions modernes qui ont, progressivement tendance à s éloigner de la chasse pure. Il s agit non pas de renier ce qui fait la force de cet instrument aujourd hui mais de l élargir afin de lui redonner ce qui a fait son éclat et sa renommée dans le passé.

32 L ART DES SONNEURS DE TROMPE COMME JEU D ENSEMBLES HOMOGENES François PICARD Professeur d ethnomusicologie à l université Paris-Sorbonne, Chercheur à l Institut de Recherche en Musicologie (IreMus), UMR CNRS On permettra à un absolu non-spécialiste d intervenir dans le champ de la trompe, sous réserve qu il apporte son propre point de vue en le situant, et qu il déclare ses sources. En fin de compte, s il était un absolu spécialiste, ce ne serait pas différent. Ici donc, un sonneur de flûtes, d anches simples, doubles et libres, ethnomusicologue et organologue, va tenter de classer les ensembles de trompes de France parmi les ensembles musicaux dans le monde, en laissant de côté, malgré son intérêt, la pratique de la trompe en solo, qu elle soit en situation de chasse ou non, soit donc la trompe «musicale» distinguée de la trompe «de vénerie» par les connaisseurs. la trompe «musicale», jouée en concert lors de fêtes ou pour la messe de Saint- Hubert, par des groupes d une douzaine de sonneurs disposant d un vaste répertoire de «fantaisies» et de messes comprenant des pièces allant du XVIII e au XXI e siècle, la tradition de composition ne s étant jamais interrompue. 48 On va tout d abord distinguer deux phénomènes : d un côté l ensemble qui joue la musique de trompes, de l autre le style de rapport entre les parties individuelles, ce qu on appelle «l harmonisation» et que la musicologie généralisée appelle «texture» ; la musicologie comparée nous amènera même à examiner le rapport entre les parties individuelles et les voix de l œuvre polyphonique. Un seul modèle est aujourd hui utilisé : la trompe en ré, ou «d Orléans», dont l usage s est développé à partir de Et ceci que l on sonne dans les œuvres polyphoniques le «chant», la «seconde» ou la «basse». 49 Une première remarque s impose : la possibilité de faire des trompes de différentes tailles correspondant respectivement aux différentes parties était connue en France au moins depuis 1636, et elle était même suggérée par Mersenne. J ajouterai qu une telle possibilité est partout universellement toujours à disposition : il n y a jamais besoin d invoquer une influence pour retrouver une telle manière de décliner du grave à l aigu un instrument, du moins un instrument à vent ou à percussion (comme les xylophones). COROLLAIRE. Selon M. Mersenne (1636), «Si les Chasseurs veulent auoir le plaisir de faire des Concerts à quatre ou plusieurs parties auec leurs Cors, il est assez aysé, pourueu qu'ils sçachent faire les tons iustes, et qu'ils proportionnent tellement la 48 Jacques PONCET, L'Art de la trompe, Tassin-la-Demi-Lune, Grenier et fils, 1982, repris dans la Fiche d'inventaire du patrimoine culturel immatériel L art des sonneurs de trompe, Ministère de la Culture et de la Communication, Ibid.

33 longueur et la largeur de leurs Trompes, qu'elles gardent les mesmes raisons que les tuyaux d'orgues: par exemple, si le plus grand Cor à six pieds de long, il fera le Diapente en bas contre celuy qui aura 4 pieds de longueur: ie diray ailleurs si leurs largeurs doiuent estre en raison Sesquialtere. Et si l'on adiouste vn troisiesme Cor long de trois pieds, il fera la Quarte contre le second, de sorte que les trois feront vn Trio parfait, et toucheront les trois principales chordes du premier mode: ausquels il sera aysé d'en adiouster trois ou quatre autres pour faire les autres accords. Il y a plusieurs autres choses qui concernent les Cors, dont nous parlerons apres; i'adiouste seulement qu'on les peut faire de chrystal, de verre, de terre, de pierre, et cetera et que les Facteurs y peuuent ioindre vne grande quantité d'industries qui les feront autant admirer que les autres instrumens». 50 Le timbre de la trompe Avant d en venir aux techniques d ensemble, il convient de détailler un peu le jeu de la trompe. Comme chacun sait, la définition de la trompe [hunting horn] comparée au cor dit «d harmonie» [French horn] est d avoir une longueur sonnante fixe : ni dérivations (comme le cor d harmonie, la trompette, le bugle), ni trous de jeu (comme le cornet, le serpent, l ophicléide), ni coulisse (comme le trombone). Comme la trompe dite «cor des Alpes», le sonneur sélectionne les partiels d une fondamentale constante (fixée à Ré). On lit à ce propos : La trompe de chasse est, paraît-il, une invention française, elle remonterait à l année Il ne faut pas confondre la trompe de chasse avec les cors de chasse de toutes dimensions en usage depuis le moyen-âge. La trompe de chasse est un tuyau unique très long et très étroit le plus souvent en ré permettant assez facilement la production des harmoniques aigus jusqu au 16 e. 51 La trompe permet d émettre une gamme basée sur la résonnance harmonique naturelle donc non tempérée, aux harmoniques extrêmement riches, notamment dans les graves grâce à son pavillon faisant office d amplificateur, une trompe solo peut atteindre voire dépasser 115 db Marin MERSENNE, Harmonie Universelle, contenant la theorie et la pratique de la musique, 3 vol., Paris, Sebastien Cramoisy, 1636 ; réédition fac simile Paris, Centre national de la recherche scientifique, 1965, 3, p , loc Victor-Charles MAHILLON, «Branche D. Instruments à embouchure section a Instruments à embouchure simples ou naturelles», Catalogue descriptif et analytique du Musée du Conservatoire royal de musique. 5 vol. Gand. Ad. Hoste, Rééd. Bruxelles, Les amis de la musique, 1978, tome I p Nouveau recueil de Fanfares de chasse homologuée en 2002 par la FITF. On remarquera que la mesure en db (décibel) n est pas utilisée par les gens de musique ou d audition, mais par les architectes et techniciens qui considèrent le bruit comme une nuisance : «Acousticians and sound protectors ("noise fighters") need the sound intensity (acoustic intensity) but sound engineers and sound designers ("ear people") don't need that sound energy quantity. Who is involved in audio engineering, should rather take care of the sound field quantity, that is the sound pressure or the sound pressure level (SPL = sound pressure levelas an effect at the eardrums of our hearing and on the diaphragms of the microphones, and the corresponding audio voltage and its voltage level.»

34 Prenons le contenu harmonique d un son de référence d un sonneur de référence : le Ré sonné par Pierre Berthier 53, analysé sous Audacity. On constate que les graves en question ne débutent qu à 300 Hz, ce qui est loin d être très bas. Ici, le partiel 2 (Ré 4 ) est dix fois plus fort (+12 db) que le partiel 1 (Ré 3 ). Figure 1 : Partiels 1 et 2 du Ré sonné par P. Berthier Comparons ce Ré avec un La 3 tiré de «La grande fanfare» joué par Le Débuché de Paris (à 1 min 41 s) Figure 2 : Spectre du La3 dans «La grande fanfare» (1 min 41 s) par le Débuché de Paris Dans cet extrait, des partiels en-dessous de la note jouée La - sont nettement visibles. Le premier partiel visible est le La 2 à 220 Hz [parfaitement au diapason standard!] alors que le Sol 0 à 49 Hz et ses harmoniques à 100 Hz et 150 Hz sont des 53 Pierre Berthier, «La vue», Rallye Pique Avant Nivernais, «Principales fanfares de circonstances», , plage 7.

35 résidus de la fréquence du courant électrique. On sait depuis les expériences de Pierre Schaeffer que la fréquence d une note pour un son entretenu ne se mesure pas tant à sa fondamentale qu à l écartement entre ses partiels. Ici l écart est très nettement de 110 Hz et donc la fondamentale n apparaît pas dans l enregistrement. Alors que nous avions avec Audacity la vision d un instantané, Praat 54 permet de visualiser les partiels isolés préalablement par filtrage sous Spear (échelle en demi-tons). Figure 3 : Partiels du Ré3 de Berthier, filtrés sous Spear, visualisation Praat Le minutage en bas permet de numéroter les partiels. Pour un fondamental ramené à do, les partiels 1, 2 et 4 et 8 sont des do, respectivement à 0, 12, 24 et 36 demi-tons du son de base ; les partiels 3, 6, 12 sont des sol, respectivement à 19 (12 + 7) et 31 (24 + 7) demi-tons du son de base ; le partiel 5 (10, 20 ) est un mi, à 28 (24 + 4) demi-tons du son de base ; le partiel 7 (14, 28 ) est un sib, à 34 ( ) demi-tons du son de base. Les partiels ont pour des sons entretenus des rapports quasi-harmoniques avec la fondamentale, et donc assez loin du tempérament égal divisant l octave en douze demitons. La longueur de la «trompe d Orléans», fixée à 4,545 m, permet de calculer la fréquence théorique du fondamental, donnée par la formule f = v/2l, avec v vitesse du son dans l air à 20 C soit 343 m/s donc f = 343 m/s / 2 (4,545 m) = 37,73 /s = 37,73 Hz (soit 46 cents audessus d un Ré tempéré au diapason La = 440 Hz). écart en cents à la fondamentale hauteur calculée degré note réelle en Hz 1 do Ré 37, do Ré écart au tempérament 54 Voir Jeanne MIRAMON-BONHOURE et Amine BEYHOM, «Analyses de systèmes intervalliques et d échelles»,

36 3 sol La do Ré mi Fa# sol La sib Do do Ré ré Mi mi Fa# fa Sol sol La la Si sib Do si Do# do Ré Tableau 1 : Partiels théoriques d'un fondamental Ré 0 à 34,73 Hz La visualisation d un morceau joué à la trompe permet de rendre compte du phénomène : les notes successives sont bien la sélection de partiels contenus dans le son fondamental (échelle en demi-tons, valeur 0 = 75 Hz) 55. Figure 4 : «La Vue» partie A par Pierre Berthier, visualisation Praat On notera au passage que «La vue» est un des très rares exemples musicaux cités dans un des classiques de l organologie, le fabuleux Baines Le site du Séminaire d Études EthnoMusicologiques de Paris-Sorbonne permet de visualiser une vidéo réalise sous ianalyse synchronisant le son original et plusieurs visualisations :

37 Ex. 1 «La Vue» (Baines) Mais en ce qui concerne l idée émise que la trompe aurait «des harmoniques extrêmement riches, notamment dans les graves», la richesse du timbre tient au fait que les harmoniques de rang élevé sont intenses, et qu il est ainsi possible de les sélectionner pour obtenir les notes aiguës, et donc l énergie n est précisément pas concentrée dans le grave, contrairement à un son de flûte par exemple. Sonner en formation Sonner en formation exige de respecter des habitudes particulières, toutes basées sur le fait que la trompe résonne naturellement et amplement, et qu il faut donc prendre en compte pour chacune l origine du son, sa direction et sa puissance dans la manière dont les sonneurs se placent les uns par rapport aux autres. La trompe est la seule tradition instrumentale française où l instrumentiste tourne totalement le dos au public : la douzaine de sonneurs forme un V, chacun se plaçant pour ne pas couvrir le pavillon du précédent, la trompe légèrement tournée à l intérieur, afin d obtenir une convergence du flux sonore. Ceux qui font le chant se mettent en tête, puis ceux qui font la seconde, enfin la basse. Il n y a pas de chef d orchestre, mais le meneur est celui qui est en tête. 57 Formations instrumentales Une typologie générale des ensembles instrumentaux fait partie de tout enseignement d ethnomusicologie en tant que musicologie comparée. En voici un exemple 58 : solo soliste accompagné concertant ensemble homogène ensemble complémentaire Tableau 2 typologie des ensembles Dans la typologie proposée ici, «ensemble homogène» ou «sonorités unies» 59 qualifie ce que la Renaissance appelait consorts : des ensembles d instruments de la même famille ; «ensemble complémentaire» ou «sonorités mêlées» qualifie les brocken consorts : ensembles d instruments de différentes familles. Le takht arabe et surtout l ensemble de sizhu chinois sont les emblèmes des ensembles complémentaires : trois 56 Anthony BAINES, «Hunting horn», The Oxford Companion to Musical Instruments, Oxford, New York, Oxford University Press, 1992/2002, p L indication «sounds a minor 7th lower» indique que la notation transpositrice doit être lue une septième plus bas. 57 Jacques PONCET, Manuel de trompe classique avec des fanfares des sonneries du XVIII siecle, éd de l auteur, François PICARD, «Les contenus de l'enseignement d'une musicologie généralisée», Anthropologie musicale, documents pour l Habilitation à Diriger des Recherches HDR, École des Hautes Études en Sciences Sociales, François PICARD, «Spécial musiques traditionnelles», Diapason n 385, septembre 1992.

38 instrument à cordes pincées, un yangqin instrument à cordes frappées, un erhu instrument à cordes frottées, deux instruments à embouchure de flûte, un sheng instrument à anches libres, un ban gu tambour à membrane unique, un paiban claquette de bois composée de lames entrechoquées ; pas de doublon, ou alors trois luths de formes et registres différents pipa, sanxian et qinqin, deux flûtes, l une droite à encoche xiao, l autre traversière dizi. Et s il y a deux vièles, elles sont de taille différente. Les modes de jeu privilégiés par ces ensembles sont l hétérophonie, contrairement aux orchestres, qui ont développé l harmonie et l orchestration. On comparera cette typologie à celles contenues dans les ouvrages de référence sur les instruments de Midgley, de Tranchefort ainsi qu à l article de référence, dû à Giovani Giuriati : Les ensembles musicaux dans Midgley Les orchestres et les ensembles Les musiques militaires et les cliques «Une clique constituée par la réunion d un tambour avec un autre instrument» tambour et cornemuses (Écosse) ; fifres et tambours (Irlande) Les formations populaires (thé dansant, jazz, pop) Les groupes musicaux dans le monde Ruth Midgley (éd.), Musical Instruments of the World, An Illustrated Encyclopedia by the Diagram Group, Diagram Visual Information, 1976, trad. fr. «Les ensembles musicaux», Les instruments de musique du monde entier, Paris, Albin Michel, 1978, p Les formations chez Tranchefort L orchestre symphonique Fanfares et harmonies Le consort : whole consort / broken consort Les Percussions de Strasbourg La cobla chôro mariachi takht monastère tibétain pinpeat gamelan orchestre de gagaku du kabuki du nô jazz-band (section rythmique, section mélodique) François-René TRANCHEFORT, «Formations instrumentales», Les instruments de musique dans le monde, Paris, Le Seuil, 1980, vol. 2, p Les ensembles instrumentaux selon Giuriati Giovani Giuriati (professeur d ethnomusicologie, université de Palermo) distingue les ensembles instrumentaux suivants : 1. Groupe de musiciens jouant d un seul instrument/plusieurs instruments joués par un seul musicien 1.1. Deux instrumentistes ou plus jouant d un seul instrument (par exemple les xylophones africains) 1.2. Un seul musicien jouant à la fois de plusieurs instruments (par exemple l hommeorchestre) 2. Couples d instruments (par exemple les flûtes de Pan des Andes) 3. Ensemble de solistes (par exemple musique classique indienne) 4. Ensemble d instruments du même type

39 4.1. Ensemble d instruments de tailles différentes correspondant à différents registres (par exemple le consort de violes de gambe) Ensemble d instruments de même taille (par exemple les tambours royaux du Burundi) p. 913 Giuriati détaille : tambours royaux du Burundi 61 ; ensemble de tambours sur cadre dans le monde arabe, lors des cérémonies soufies, dans les «sociétés de jeunes gens» leamt des Berbères du Haut- Atlas marocain, dans la danse ahwas ; à Bali consorts de guimbardes gamelan genggong 62 ensembles de guitares caractéristiques du flamenco andalou et des gitans du Sud de la France. ensembles d accordéons 5. Ensemble extensible (par exemple gitan roumain) 6. Orchestre (par exemple le gamelan indonésien) 7. Plusieurs ensembles jouant simultanément (par exemple la composition Gruppen de Stockhausen) Giovani GIURIATI, «Tipologia dei complessi strumentali», Jean-Jacques NATTIEZ (ed.), Enciclopedia della musica. L unità della musica, Torino, Giulio Einaudi, 2005 ; version fr. «Typologie des ensembles instrumentaux», Musiques, une encyclopédie pour le XXI e siècle, vol. 5 L unité de la musique, Paris /Arles, cité de la musique / Actes Sud, 2007, p p Les sonorités unies Les ensembles de flûtes de Pan des Andes 63 ou du Pacifique 64 forment les ensembles homogènes les plus fameux du monde. On y ajoutera les ensembles de clarinettes des Basses Terres d Amazonie 65 et les ensembles d orgues à bouche khêne ou lusheng 蘆笙, lors des grandes fêtes des Miao 苗族 les joueurs se rassemblent par centaines. 66 Dans toutes ces formations traditionnelles de par le monde, des instruments à vent, flûtes, clarinettes, trompes (on y reviendra), mais pas d ensemble composés de membranophones du même type avec un seul mode de jeu (voir la remarque sur les tambours du Burundi) ni d ensembles constitués de cordophones du même type et de la même taille. Sauf évidemment dans deux situations particulières : les classes des écoles de musique, où il est 60 Les «24 Violons du Roy» sont en fait composés de «Haute-contre, taille et quinte de violon» et sont donc un ensemble homogène mais d instruments de tailles différentes. 61 Cependant les Tambours du Burundi alternent et superposent frappe des peaux et frappe du corps de l instrument et ajoutent la voix voir «Prestations des Tambours du Burundi au festival Dounia Parc 2009 à Charleroi» ; «Les Maîtres Tambours du Burundi au Parc de La Villette le 25/07/2010» 62 Cependant les ensembles enregistrés par Kati BASSET, Anthologie des musiques de Bali, Buda vol. I, pl , comprennent certes huit guimbardes, mais aussi des flûtes, des gongs, des tambours. 63 Bolivie Syrinx de Bolivie, Unesco Auvidis D Iles Salomon Polyphonies des Iles Salomon (Guadalcanal et Savo), enregistrements Hugo ZEMP, Le Chant du monde «CNRS Musée de l Homme» LDX Guyane, clarinettes Wayãpi, enregistrements Jean-Michel BEAUDET, Chant du monde «CNRS-Musée de l Homme» LDX

40 d usage de faire des concerts de fin d année avec des ensembles homogènes ; certaines occasions festives de rencontres, comme les aiment les accordéonistes 67 ou les ensembles folkloriques en général 68. Mais ces ensembles éphémères n ont pas donné naissance à un répertoire particulier. Les sonorités unies : le «jeu en hoquet» Certains ethnomusicologues comme Simha Arom emploient une catégorie qui paraît à d autres problématique : la caractérisation d un certain mode de jeu en ensemble comme «jeu en hoquet» : il s agit en fait de deux catégories qu il conviendrait de distinguer : d une part la répartition d une mélodie entre plusieurs instruments qui ne jouent chacun qu une seule note ; d autre part un jeu d ensemble où plusieurs instruments qui ne jouent chacun qu une seule note interagissent. Plus largement, on retrouve ici un principe universellement à disposition sans qu il y ait besoin de faire appel à une théorie des influences pour expliquer sa présence quelque part : l obtention d un instrument à plusieurs notes en déclinant un même type en plusieurs tailles : ce principe est bien connu et largement documenté appliqué aux instruments à vent : tuyaux d une flûte de Pan, d un orgue à bouche, d un orgue ; aux idiophones : lames de bois d un xylophone, gongs d un métallophone ; aux cordophones : cordes d une harpe, d une cithare dont le piano ; exceptionnellement aux membranophones. Ici le principe est : un élément = une note, une note = un élément ; un instrument = somme de tous les éléments. Soit cet instrument global est joué par un seul instrumentiste (orgue, orgue à bouche, harpe), qu il joue une monodie ou une polyphonie, soit cet instrument global est réparti entre plusieurs instrumentistes, comme pour les clarinettes tulé des Wayãpi de Guyane, les trompes des ensemble ongo des Banda Linda de Centrafrique, les flûtes de Pan des Aré- Aré, pour prendre les plus beaux ensembles et les mieux documentés. Mais on conviendra que 1 la morphologie de l instrument, 2 le procédé de jeu, 3 la texture (monophonie, accords, polyphonie) sont trois dimensions différentes et concernent des phénomènes différents : on peut jouer sur un piano la même mélodie «À la claire fontaine» avec un seul doigt, avec un doigt par touche (il suffit de quatre doigts), avec un instrumentiste par touche (il faut quatre instrumentistes), cela restera «À la claire fontaine». On conviendra néanmoins que dans les situations réelles observées par l ethnomusicologue, la situation où chacun joue sa note a tendance universellement à dégénérer (en particulier en salle de classe quand on fait l expérience, mais pas seulement) et que l envie de jouer une note en même temps que son voisin sans attendre son tour est souvent irrépressible ; on ne s en plaindra pas, cela a donné une des plus complexes manières de faire de la musique ensemble : celle des ensembles de trompes des Banda Linda. J ai consacré une vidéo et un article 69 à la question de savoir si ces musiques étaient 67 L encontro de concertinas de Vila Verde (Braga, Baixo-Minho) avait établi un record de rassemblement d accordéons en 2005 avec 645 participants : Je remercie Yohann Lopes pour cette information. 68 Le site Guinness mentionne pour le Portugal «the largest viola ensemble». 69 François PICARD, «Whooze zat song. Un jeu sonore sur les musiques irréductibles», Cahiers d ethnomusicologie, 2014/26 «notes d humour», p montage audiovisuel

41 irréductiblement liées à l ensemble qui les jouait, comme l évidence m en avait frappé intuitivement, ou s il s agissait d adaptations de mélodies qui pouvaient exister par ailleurs. Contrairement à l intuition, toutes ces musiques, même «polyphoniques», ont des modèles qu une seule personne peut chanter comme une monodie, un ensemble de notes distinctes successives. Qu il soit possible d en donner un modèle vocal n implique cependant pas nécessairement que celui-ci doive être considéré comme équivalent à sa réalisation à plusieurs instrumentistes. Quoi qu il en soit, l exemple de la transcription en parties séparées de la mélodie «À la claire fontaine» démonte par l absurde l erreur consistant à considérer toute musique jouée par répartition d une ligne entre plusieurs interprètes comme étant une polyphonie en autant de parties que d interprètes. Exemple musical 1 : Ensemble ongo de Trogodé, «Eci ameya» :

42 Exemple musical 2 : «À la claire fontaine» Les sonorités unies : quel jeu pour plusieurs trompes? 1. L ensemble est constitué de plusieurs instrumentistes. Chacun dispose d un seul tuyau. 1.1 On peut jouer chacun une note différente, et on obtient une mélodie en jouant chacun son tour. C est le jeu «en hoquet». Cela donne une monodie, ou une polyphonie ou des accords si on peut jouer en même temps 1.2 On peut jouer chacun plusieurs notes différentes. On a alors envie de jouer plutôt une polyphonie ou des accords, même si on peut jouer une monodie à l unisson. 1.2a tous les instruments sont semblables 1.2b les instruments sont de plusieurs tailles On remarquera que si tous les instruments sont semblables, la possibilité de jeu sera réduite si chacun ne peut jouer qu une note. C est le cas des tuyaux de flûtes de Pan, des trompes des Banda Linda, et des ensembles de vuvuzela 70. Encore plus si les instruments sont tous accordés sur la même note. 71 À mi-chemin entre les ensembles de trompes de chasse et les ensembles ongo de Centrafrique, un insolite type d ensemble s est créé au XIX e siècle, connu sous le nom de «cors de Vladimir» ou «trompes de Maresch». J ai connu cette histoire par tradition orale avant de la découvrir notée par Mahillon Sib, voir à 15 s. Un ethnomusicologue particulièrement reconnu comme Le spécialiste Sud-Africain des musiques traditionnelles, Andrew Tracey, a regretté à propos des vuvuzela qu ils soient tous accordés sur la même note. Pour moi, le point de vue de l ethnomusicologue devrait être moins normatif, et plus dans l observation et la compréhension.

43 Illustration 1 : trompes de Maresch (Mahillon II 370) En 1751, J. A. Maresch (né en 1719 à Chotilorz en Bohême), corniste de la chapelle de l Impératrice Elisabeth de Russie, imagina de former un corps de musique exclusivement composé de ces cors de chasse. Il en fit construire trente-sept de longueurs différentes, le plus long mesurant environ sept pieds, le plus court un pied ; ces instruments, confiés à un nombre égal de musiciens, donnaient entre eux, en sons fondamentaux, tous les degrés chromatiques d une échelle de trois octaves de [Do 1 à Do 4 ]. Chacun des instrumentistes ne devait produire qu un seul son, le fondamental, mais par exception, ceux à qui étaient confiés les douze cors les plus aigus de la série avaient dans leurs parties respectives, outre le son fondamental, son octave aiguë ou son 2, ce qui portait à quatre octaves chromatiques complètes l étendue de ce curieux orchestre. On conçoit aisément les difficultés que Maresch eut à vaincre pour faire exécuter avec la précision voulue certains traits de vélocité. Un de ces orchestres russes se fit entendre à Paris, vers le fin de 1833, dans la salle des concerts Montesquieu. 72 Les concerts Montesquieu, dirigés par un excellent chef d'orchestre, Becquié de Pégreville, furent inaugurés le 9 novembre «[L ouverture des concerts Montesquieu a eu lieu aujourd hui.] Cette soirée musicale, écrivait Lesur dans 72 Victor-Charles MAHILLON, Catalogue descriptif et analytique du Musée du Conservatoire royal de musique. 5 vol. Gand. Ad. Hoste, Rééd. Bruxelles, Les amis de la musique, 1978, tome II, p (ill. p. 370, gravure fournie par Petoukhow, de Saint-Pétersbourg), citant voir «Beaux-arts. La musique russe applicable à nos fêtes nationales», La Décade philosophique, littéraire et politique, vol. 2, n 10, 30 décembre 1797, p ; voir aussi H. MARET, «Les cors de Potemkin», La Chronique musicale: Revue bimensuelle de l'art ancien et moderne, Volume 10, 1 octobre 1875, p

44 son Annuaire (1), a été terminée par six morceaux de musique exécutés soit avec des cors ou des roseaux, soit avec la voix, par vingt-deux musiciens qui composent (sous la direction de Kosloff) l'orchestre uninote. Chaque musicien, avec sa voix ou l'instrument qui lui est confié, ne fait jamais que la même note [, en sorte qu'excepté le cas où les sons se succèdent comme dans un octave, et en supposant tous les temps égaux, ordinairement la préoccupation principale de ces musiciens doit être de compter les mesures et les temps pour lancer juste au moment venu et pendant la durée nécessaire, la note qu'ils sont chargés de donner avec la voix ou l'instrument]. Les instruments dont se servent les vingtdeux musiciens russes sont des cors dont la forme ressemble à celle des trompes avec lesquelles les bergers suisses rappellent les bestiaux. Ces cors ont depuis cinq pouces jusqu'à huit pieds de long pour parcourir depuis les sons aigus jusqu'aux plus graves [D après le système adopté pour ce nouveau genre d exécution musicale, chaque cor ne doit rendre qu un son. Toutefois on a cru remarquer que les plus petits de ces instruments en donnent plusieurs, et paraissent même armés de clés pour changer de ton. Quoiqu il en soit, et admettant même que cet orchestre ne soit pas rigoureusement uni-note, on a été étonné de la précision souvent gracieuse avec laquelle certaines difficultés ont été rendues, dans l ouverture du Calife de Bagdad, et dans la mélodie russe. Des variations de Kosloff, exécutées d après le même système avec des roseaux, ont varié les effets de la partie instrumentale de ce concert. Quant à ce mode appliqué à la voix humaine, sans rien perdre de sa singularité, il devient évidemment moins difficile, puisque l on peut, avec cet organe, préparer les sons par des porte-vois, ce qui ne peut se pratiquer avec des tubes qui ne rendent qu un son.» 73 En un mot, les trompes de Maresch jouent chacune une seule note. Ensemble, ils jouent une mélodie «en hoquet». Mais la sonorité d ensemble, comme pour les clarinettes de Guyane, les trompes de Centrafrique, donne la sensation d une polyphonie, une musique coordonnée à plusieurs voix. Il existe une manière de faire qui mérite une étude spécifique, que Bernard Marquestaut m a fait découvrir et aimablement documentée, et que l on nomme le «carillon». J. Cantin en a publié douze, à quatre, trois ou deux trompes (auquel cas l une joue deux notes). Un exemple d adaptation en musique se trouve dans l «Angelus» de la Messe de Saint Hubert (1968) de Gaston Chalmel ( ), ou encore dans «Les deux cloches, à Jean Bender» 74 : pendant quelques instants, chaque instrument ne joue qu une note, mais avec des variations de durée, «en hoquet» ; l effet est celui de plusieurs cloches, chacune ne donnant qu une seule note, battant ensemble. Mais très vite on revient à ce qu un instrument particulier va se mettre à changer de note. Les mesures 34 à 44 constituent le passage proprement dit «en carillon» 73 Henri d'almeras, La vie parisienne : sous le règne de Louis-Philippe, Paris, Albin Michel, 1911, p , cité par Mahillon, et citant Ulysse TENCE, publié par C. L. LESUR, Annuaire historique universel, ou histoire politique, Paris, Thoisnier-Desplaces, décembre 1834 [année 1833, à la date du 9 novembre], appendice, p Voir aussi le Journal des débats politiques et littéraires. 74 manuscrit de Gaston CHALMEL, document aimablement communiqué par Bernard Marquestaut.

45 Sur chacune des trois lignes qui suivent a été indiqué l effet mélodique d un motif du carillon. Le nombre de mesures à donner à ces motifs est laissé à l appréciation des sonneurs chargés des Mi. Ainsi que cela est spécifié en détail dans les parties séparées, chaque type de notes est attribué à un sonneur différent et chacune des notes doit être attaquée et maintenue dans son decrescendo, tel le son d une cloche. 75 En dehors du cas, anecdotique, des trompes de Maresch, les trompes de chasse réellement observées en France jouent : 0 en ensembles homogènes constitués d instruments différents par la taille : cette possibilité décrite par Mersenne n est pas employée. 1 en soliste, un seul instrumentiste joue une mélodie constituée de plusieurs notes différentes successives, toutes tirées de la série d harmoniques ; 2 en ensembles homogènes constitués d instruments identiques y compris la taille, chaque instrumentiste joue une seule note, la mélodie est constituée de plusieurs notes différentes jouées par différents instrumentistes, sans exclure les doublures. 3 en ensembles homogènes constitués d instruments identiques y compris la taille, chaque instrumentiste joue une mélodie constituée de plusieurs notes différentes successives, toutes tirées de la série d harmoniques 3a à l unisson ; en fin de compte, ce qui ressemble le plus aux trompes de chasse jouant à plusieurs à l unisson, c est, non pas un ensemble de vuvuzela, mais un accordéon avec trois voire quatre anches légèrement désaccordées pour une seule note, comme la concertina du Portugal 76 illustration 2 : Introduction de la Chula 3b en harmonie voire en contrepoint, selon les règles scolaires communes 77 ; cela diffère peu de ce que joue un ensemble vocal. 3c d une manière particulière qu il convient de détailler, et que l on appelle «l'accompagnement traditionnel». 78 L'accompagnement traditionnel «L'accompagnement traditionnel» est pour le musicologue non pas tant un accompagnement qu une texture particulière, une méthode de composition, application de règles. 75 «Les deux cloches», ibid. II. 76 Introduction à la «Chula» du Rancho Folclórico de Paçô (Arcos de Valdevez), exemple fourni par Yohann LOPES, La concertina du Portugal, thèse de doctorat, université Paris-Sorbonne, Ludwig Van BEETHOVEN ( ), «Adagio für drei Hörner», 1815, Hess Bernard BERTRAND et Paul DELATOUR, ed., La trompe, tradition et avenir, Fédération Internationale des trompes de France, 2013, p

46 Exemple musical 3 «L'accompagnement traditionnel» (d après Claude Pipon-Revol ; In : Bertrand et Delatour) La règle telle qu exposée est celle-ci : chaque note est considérée comme un degré d une gamme ; chaque degré de la gamme, numéroté en chiffres romains de I à VI le VII est le fameux partiel qui donne un sib loin du tempérament égal, est affecté d une note compagnon. L intervalle qui sépare ces deux notes est la tierce (3) pour do, la sixte (6) pour mi, fa, sol, la, la quarte (4) pour ré. Il convient en effet de distinguer do de mi, et cela est réalisé par la position respective des notes dans les octaves, même si elles ont même nom. Le chiffrage des intervalles est inversé par rapport à la pratique académique, ce qui correspond au fait que la note donnée par la mélodie est celle du dessus, et non la basse. En termes d harmonies classiques, on a une sixte sur mi, une quinte sur sol, une tierce majeure sur do et fa, une tierce mineure sur ré et mi. Si on part ainsi de tierces sur do, ré, mi, fa, on voit que l on ne peut construire sol-si par interdiction du si, et que l on hésite à jouer la-do : l harmonique 13, qui donne le la, est en effet trop bas d un quart-deton tempéré (49 c). Que l on prenne par tierce ou par sixtes, voire par quartes ou par quintes, on ne peut construire de note compagnon sur les six degrés de la gamme sans sortir de celle-ci. On peut comparer cet «accompagnement» au jeu traditionnel de l orgue à bouche chinois sheng : là où la notation indique do, ré, mi, sol, la (écrits ou shang che gong liu wu 上尺工五六, peu importe), le sonneur va jouer do-sol-do, ré-la-ré, mi-si, solré, la-mi-la, avec la variante, secrète, mi-do qui évite l introduction du si, étranger au pentatonisme. Ces agrégats, indiqués chacun par une note unique, ont valeur d objet sonore complexe. Il en va de même pour les agrégats dans une mélodie de tulé 79 : la première note du groupe B n a pas un statut différent que la première du groupe B et ne fait pas sortir cet air de la monodie pour le faire rentrer dans une catégorie radicalement différente qui serait la polyphonie. Exemple musical 4 : Ensemble tulé, «Tamanuwa», Tuleãkã, transcr. Beaudet 79 Ensemble tulé des Wayãpi (Guyane), «Tamanuwa», de la suite Tuleãkã, enregistrement Jean-Michel Beaudet, CNR , plage 2 ; transcription Jean-Michel BEAUDET, Souffles d'amazonie : les orchestres tule des Wayãpi, Nanterre, Société d ethnologie, 1998, p. 112.

47 Surtout, on doit comparer cet «accompagnement traditionnel» à la règle des octaves exposée par François Campion 80 (1716) qui l avait reçue de Maltot, son «prédécesseur à l Academie Royale de Musique», et l a donnée à Clérambault ; cette règle, précise Théodora Psychoyou 81, a été présentée d abord comme un secret. Le très court (22 pages) traité est généralement considéré comme une curiosité de l histoire de la théorie de la musique, un archaïsme 82, ou une facilité pratique à l usage des guitaristes. J ai personnellement appris par tradition orale que la règle de l octave était la manière traditionnelle non écrite que s étaient transmis les organistes d église d harmoniser le plain-chant et plus généralement les mélodies modales, un système différent de l harmonie tonale. On trouve mention de cette théorie dès 1840 : «la plupart des organistes ont également conservé l ancienne méthode pour accompagner le plain-chant, et enchaînent les accords d après le règle de l octave» 83. Figure 5 : Règle de l'octave (Meeu s) Le tableau que donne Nicolas Meeùs 84, historien de la théorie, de la règle de l octave, ressemble à un état duquel «l accompagnement traditionnel» des trompes serait une réduction. On y trouve l accompagnement des degrés II, III et VI par la sixte, du degré II par la tierce, du degré IV par la quinte (au lieu de la quarte), les degrés I et V non spécifiés. Il est tentant de lire comme une seule tradition «l accompagnement traditionnel» et la règle de l octave. C est je pense plus vrai, plus riche d hypothèses que si l on considère comme on le fait si souvent le premier comme une application simplifiée et fautive d une harmonie fonctionnelle tonale mal comprise. Peut-être pas une preuve, mais un indice remarquable se trouve dans une partition : «La Petite Royalle» 85 de Marc-Antoine, marquis de Dampierre, le très fameux gentilhomme sonneur. Cette fanfare, qui respecte totalement la règle de «l accompagnement traditionnel», est publiée dans un ouvrage 80 François CAMPION, Traité d'accompagnement et de composition, selon la règle des octaves de musique, Paris, veuve G. Adam, Réédition fac simile Genève, Minkoff, Théodora PSYCHOYOU, séminaire PLM, Sorbonne, 6 novembre Christensen appelle ce type de règle «primitive» : Thomas CHRISTENSEN, The Règle de l'octave in Thorough-Bass Theory and Practice, Acta Musicologica 64 (1992), p , ici p voir Jean Baptiste GLAIRE, vicomte Joseph-Alexis WALSH, Joseph CHANTREL, Edouard ALLETZ, abbé ORSE, «Accompagnement», Encyclopédie catholique, répertoire universel et raisonné des sciences, des lettres, des arts et des métiers, Paris, Parent Desbarres, 1840, p Nicolas MEEUS, «Tonalité [Modalité] de la polyphonie prétonale», séminaire PLM, Sorbonne, 6 novembre d après CHRISTENSEN, ibid., p «Elle se sonne dans le cas du Cerf de dix cors Jeunement et l autheur a juge a propos de la faire plus courte pour la facilite des Veneurs en galoppant on la peut Sonner a deux trompes du même ton.» Jean de SERRE DE RIEUX, «Tons de chasse en fanfare à une et deux trompes», Les Dons des Enfants de Latone. La musique et la chasse du cerf : poèmes dediés au Roy, Paris, chez Pierre Perrault; chez Jean Desaint; chez Jacques Guerin, [391]. Reproduite La Trompe, tradition et avenir, p. 63.

48 précisément consacré à la musique et à la chasse 86, et montre à quel point les fanfares de Dampierre (1723) et la règle de l octave (1716 pour Campion) sont contemporains et circulent dans les mêmes milieux : en effet, qu y trouve-t-on en page 14 des REMARQUES? Précisément cette règle de l octave! Exemple musical 5 : «La Petite Royalle» Dampierre (d après Serre) 87 Figure 6 : Règle de l'octave (Serre) De manière exceptionnelle, la tradition d accompagnement est notée par Mozart 88 pour reproduire la sonorité caractéristique des trompes de chasse. On constatera que tous les degrés traditionnels sauf le V grave sont utilisés, le chiffrage que j ai ajouté endessous atteste qu il s agit exactement du système de «l accompagnement traditionnel» des trompes de France. Une tradition «française» décidément largement européenne. 86 SERRE DE RIEUX, «Remarques sur la musique», ibid., p [29] 87 Chiffrage et transposition en Do et clef de sol par François Picard. 88 Wolfgang Amadeus MOZART, "Presto", Sinfonia concertante pour violon et alto K. 364, mesures Cité dans Anthony BAINES, «Horn», The Oxford Companion to Musical Instruments, Oxford, New York, Oxford University Press, 1992/2002, ex. 1, p. 165.

49 Exemple musical 6 : Mozart K. 364 «Presto» Conclusion : un fait social global Si l on met en rapport maintenant le timbre de la trompe en tant que suite de partiels harmoniques, le jeu à plusieurs, les agrégats ou accords utilisés dans le jeu, on peut simuler ce qui se passerait si, comme le bon sens et Mersenne le suggèrent, on déclinait les longueurs des trompes du grave à l aigu, en basses 89, ténor, altos, soprano par exemple, selon la règle des saxophones : Mib, Sib, Mib, Sib, soit en quintes et octaves, ou encore Ré La Ré La pour les trompes en Ré. degré hauteur fréquence Hz degré hauteur fréquence Hz écart en cents 1 Ré 0 37,73 2 Ré La 0 56, La La Ré Fa# Mi La La Do Do# Ré Mi Mi Fa# Sol Sol La La Si Si Do Do# Do# Ré Ré Ré# Mi Mi Fa Fa# Fa# Sol Sol Tableau 3 : Partiels comparés d'une trompe en Ré et d'une trompe en La Si on accorde le ténor La 0 comme quinte juste (3/2, soit 702 c) de la basse Ré 0, tous les La vont être accordés. D une manière inattendue pour l harmonie tonale classique les neuvièmes (9/8) Mi 3 de la basse vont coïncider avec les quintes (6/4) Mi du ténor, et la 89 appelé «baryton» pour les saxophones.

50 septième (15/16) à l octave Do 4 # de la basse avec la tierce (10/8) avec l octave Do# du ténor. Il faut atteindre le partiel 21 de la basse Sol 4 pour coïncider avec le partiel 14 du ténor. On obtient une échelle réduite à la triade La Do# Mi. Même le Ré 4 est impraticable, avec un quart de ton (53 c) d écart entre les partiels 16 et 11. Les Sol 3 et Si 3 sont encore plus désaccordés, avec 80 et 64 c d écart. degré note calculée hauteur réelle mesurée Hz écart en cents 1 do La do La sol Mi la Fa# do La sol Mi ré Si mi Do 4 # fa Ré sol Mi sib Sol do La ré SI mib Do mi Do# fa Ré sol Mi la Fa# si Sol# Tableau 4 : Partiels mesurés d une trompe À part la septième (partiel 14, sib / Sol) à un quart de ton (51 c), les autres partiels sont peu éloignés des valeurs théoriques des harmoniques. Mais ici il s agit des partiels internes d un son, il n est pas certain que si le sonneur fait sonner ce partiel comme note jouée elle aura bien cette hauteur. Si on mesure en effet les notes réelles des trompes réelles jouées par des êtres humains, on va encore voir d autres nuances : ici (enregistré avant le concert du 26 juin 2015 en l église Notre-Dame de la Riche à Tours) la seconde est fluctuante, la quinte est très basse, que l on prenne comme référence le tempérament égal ou la suite des harmoniques, la sixte est basse par rapport au tempérament mais haute par rapport aux harmoniques (valeur théorique 841 c), et la septième (plutôt un partiel 15 que 14) tourne autour du demi-bémol (valeur théorique 1088 c), tandis que l octave est juste.

51 Figure 7 : Hauteurs des notes jouées par une trompe, visualisation Praat On comprend que les trompes de France jouent dans la formation qui est la leur : en ensembles homogènes d instruments identiques. Le seul développement possible serait d ajouter des trompes de demi-longueur sonnant à l octave. Si l on voulait ajouter un instrument, ce ne serait certainement pas un piano, mais éventuellement un orgue à tuyau un xylophone, une harpe, une cithare accordé en «intonation juste» sur le Ré, ou une trompette marine, instrument à corde qui ne joue que les harmoniques. Mais l équilibre d intensités et spatial se trouverait sans doute difficile à établir. Les trompes de France forment bien un fait social global : le mode d émission, les notes, les instruments, la musique, l harmonisation ou accompagnement, le mode de transmission, la mise en espace forment un système global cohérent qui a toutes les dimensions d une tradition, transmise depuis une époque où savant et populaire, oralité et écriture n étaient heureusement pas distinguées vers une époque, la nôtre, où l on s attache à de nouveau les mêler, sans les confondre. Le slogan de l anthropologie - terme de guerre avant d être publicitaire : «tous pareils, tous différents», s applique particulièrement bien au jeu des trompes comme art des sonorités unies.

52 La RENCONTRE entre un GROUPE de SONNEURS de TROMPE et un COMPOSITEUR CONTEMPORAIN : ENJEUX et PERSPECTIVES. Valérie GUILLEMOT Dr. en Sciences de l Education. Université d Aix-Marseille La présente communication porte un point de vue des sciences de l éducation sur l apprentissage d un groupe de sonneurs dans un contexte de changement. Je précise que le milieu de la trompe de chasse n est pas mon terrain de recherche, qui se situe plutôt dans le champ de l accompagnement et de la formation pour adulte. Néanmoins j ai été très intéressée par une situation qui vient apporter du changement pour un groupe de sonneurs, et propose de relater ici les éléments de contexte et de réflexion sur la question de l apprentissage. Un contexte de changement Un groupe de sonneurs «Rallye trompe de Poisy», en Haute Savoie, fait appel à un compositeur contemporain, Eric Breton, pour composer un concerto pour piano et trompe de chasse, en vue de le jouer en concert. Jusque-là, le groupe se produisait régulièrement lors de diverses manifestations, fêtes, messes, célébrations et en concert, avec un répertoire qui présente surtout des pièces liturgiques et de vènerie. Le changement produit par cette commande est de deux ordres : 1) introduction d un instrument supplémentaire, alors que la trompe se joue plutôt entre soi. Ce changement n est pas le plus innovant ni le plus dérangeant pour les sonneurs : D abord historiquement, jusqu en 1680, la trompe était utilisée par des compositeurs par exemple dans des opéras, et ensuite, le Rallye Trompe de Poisy présente déjà dans son répertoire des standards de jazz où les sonneurs sont accompagnés au piano. 2) la composition est contemporaine, inédite : il ne s agit pas de reproduire un air connu, déjà entendu, ou une musique dont le rythme et les intervalles seraient anticipables, iraient de soi pour qui est familier des registres habituels de l instrument. C est bien là que se situe pour les sonneurs le changement majeur : - jouer autre chose, autrement. - abandonner les repères et modes d apprentissages jusqu ici efficace dans l apprentissage d une nouvelle partition.

53 A partir de ce changement, un clivage se produit au sein du groupe : d un côté ceux qui sont favorables au projet et s y engagent d emblée, de l autre ceux qui résistent, de manière bien compréhensible, contre les risques perçus dans une telle entreprise. Une partition à s approprier Bien que la partition ne présente pas de difficulté technique majeure, elle vient bousculer et provoque un dérangement : l accès à la musique, pour bien des sonneurs, ne peut passer par les modalités de travail habituels. Elle nécessite de dé-ranger, c est à dire se défaire des pratiques stables, pour re-ranger, c est à dire ranger autrement, s arranger de cette nouvelle approche de l apprentissage : se trouver face à une partition, s y repérer, et, pour sa partie, la déchiffrer, et faire sonner les notes écrites, selon le rythme écrit, sans parler même d y adjoindre une intention musicale. L analyseur, dans cette situation, c est à dire le point à partir duquel le débat sera le plus visible, le plus vif, et à partir duquel les pouvoirs en place vont se réorganiser, n a pas trait à la musique elle même, mais au placement physique des sonneurs dans l espace. Un espace à organiser Faut-il sonner pavillon dirigé vers le public, ou bien, comme dans une formation d orchestre où le son des cuivres, projeté vers le fond de scène, revient ensuite vers le public? Fig.1 : Placement traditionnel en V Faut-il se fier dans cette œuvre aussi aux rituels hérités, dont le sens s ancre dans la finalité des sonneries : communiquer selon les temps de la chasse, lorsqu il importe que le son soit le plus direct possible, ou bien faut-il viser, en référence à la tradition du concerto, la qualité acoustique du son qui s éloigne pour mieux revenir, et la primauté accordée à l instrument soliste, ici le piano?

54 Fig. 2 : Placement spécifique C est à partir de cette question qui aurait pu être considérée de détail, qu ont pu s exprimer les enthousiasmes mais surtout les réticences, les peurs. Et que le débat a commencé, celui de la trompe dans tous ses états. La trompe dans tous ses états L état, c est ce qui est, au présent. Ce présent, pour la trompe, est le produit d une histoire, d une culture, d une tradition : un héritage transmis par ceux qui nous ont précédés, avec des rites, des usages, des symboles et le récit des légendes qui les portent. En ce temps charnière où des démarches sont entreprises auprès de l UNESCO pour faire reconnaître la trompe de chasse comme patrimoine, il importe de confirmer cette tradition, de l asseoir, la préserver, la conserver, de lui accorder ce que j appelle un statut «conservatoire». La tradition a du sens et ce sens s inscrit dans un contexte socio-historique. Et justement, en dehors de ce contexte, aller contre la tradition permet par contraste de la rendre visible, de comprendre l importance qu il y a à conserver et perpétuer cette tradition comme élément symbolique et culturel, tout en permettant que parallèlement se développent d autres usages de l instrument. Parallèlement, il est intéressant de ne pas se contenter de conserver et fixer, mais de s intéresser à ce que pourraient être d autres usages de la trompe, dans une démarche que j appelle «laboratoire», en s ouvrant sur des usages de la trompe qui se situent à côté, en marge, et surtout, au-delà de la tradition. Dans ce que le Rallye trompe de Poisy avait déjà tenté, il y a la reprise de standards de jazz, un registre musical bien éloigné de la tradition de la chasse au cœur du vieux continent européen, avec ses sons nés en dehors de tout cadre académique, celui des esclaves noirs américains qui inventèrent le jazz. Si la transposition de grands standards pour trompe de chasse innove par l apport de l instrument, la musique jazz, enseignée même dans les conservatoires elle-même est déjà bien familière pour chacun de nous, et c est aussi ce qui la rend si plaisante à jouer et à entendre.

55 Une œuvre littéralement contemporaine, composée tout spécialement par un compositeur français contemporain, innove par un usage de la trompe de chasse dans un concerto pour piano et trompes de chasse, instruments utilisés ici comme le seraient les instruments d un orchestre symphonique. C est une démarche qui s inscrit dans une autre tradition : celle du concerto classique. La musique, n est plus au service d une pratique qui l englobe et la dépasse, celle de la vènerie. Elle est sa propre fin, un but en soi qui se suffit à lui-même. Les bouleversements nécessaires qu implique une telle proposition, le dérangement qu elle provoque aussi bien pour les sonneurs que pour le public, viennent comme ouverture pour un usage de la trompe dans un avenir où l instrument, reconnu patrimoine et solidement ancré dans les traditions, pourrait être envisagé comme instrument à part entière au-delà de cette tradition par des compositeurs contemporains, non pas à la place de la tradition historique, mais en plus, dans un prolongement qui reste à continuer et à inventer. Ce débat en soi prouve que la trompe relève d une musique vivante, inscrite dans le présent, tournée à la fois vers un grand passé, et il s agit de conserver la tradition, mais aussi tournée vers un avenir dont nul aujourd hui ne sait ce qu il pourra être. Quels effets sur l apprentissage, quelles conditions pour l apprentissage? Sur le plan de l apprentissage, le changement a semblé d abord constituer un frein, l argument développé portant justement sur l atteinte à la tradition de l instrument. Se confronter à un autre type de partition, c est bien sûr se confronter à une pensée musicale différente, provenant d une culture musicale autre : c est se trouver face à l altérité, à la différence. L altérité signifie la qualité, la propriété d'être autre, et désigne un état. Chacun reste à sa place, différent de l autre qui se trouve à une autre place. L altération, issue de la même étymologie, alter, prend en effet, en français, une nuance franchement péjorative, pratiquement synonyme de dégradation, de dénaturation, de détérioration ou de décomposition, évoquant toujours plus ou moins la diminution ou la perte de l'identité, quand ce n'est la mort proprement dite. Pourtant, en géologie, en physique, le sens est celui d'un changement dans la nature, la substance ou la composition d'un corps, en fonctions de certaines causes, actions ou influences, externes ou internes. En musique, l altération est la modification subie par certaines notes d'une gamme ou d'un accord (dièse ou bémol) Or, pour un grand monsieur des sciences de l éduction récemment décédé, Jacques Ardoino, l altération est simplement le processus à partir duquel un sujet change (devient autre) sans, pour autant, perte de son identité, en fonction d'influences exercées par un autre (ou par d'autres). C est bien alors un processus d altération qu a connu le rallye trompe de Poisy, et aussi son public à l occasion des deux concerts où le concerto a déjà été joué, par l influence d un compositeur contemporain. Un premier mouvement de recul de la part des sonneurs face au changement à entreprendre s est transformé progressivement en intérêt et même pour certains (y compris le public) en enthousiasme. En matière d apprentissage, chacun réagit avec ses représentations, ses acquis, son imaginaire, ses désirs ou ses résistances, sa curiosité et l'envie ou non d'interroger l'inconnu. Une même situation donne lieu à des approches multiples ; et dans l interaction, chacun s enrichit d'apports imprévus et l'exigence s en trouve accrue. Différences, contradictions, voire conflits stimulent, s ils donnent lieu à un débat fécond, la réflexion

56 sur le sens. Si le groupe apprend ensemble, ce n est pas dans un cheminement identique pour chacun. Ensemble, oui, mais pas à l identique. Dans la situation ici explorée, parmi les conditions qui ont favorisé l acceptation de l altération, donc les conditions de l apprentissage, il faut retenir : - La possibilité d interrelations entre le compositeur et le groupe, qui ont permis de partager une analyse de l œuvre, des intentions et orientations d interprétation - Le travail technique réalisé par le directeur technique du groupe, notamment sur la lecture rythmique, pour dépasser les automatismes liés aux structures rythmiques traditionnelles des fanfares de chasse - Plusieurs répétitions communes afin que, par la connaissance réciproque, une confiance s instaure, - Des essais sur différents placements des sonneurs dans l espace, pour arriver à la configuration la mieux en phase avec le rendu musical attendu Dans la prise en compte des fondamentaux anthropologiques de la relation éducative que sont la place, la face et le tiers, chacun trouve en vue de l exécution de l œuvre sa juste place, selon ses compétences musicales et son désir d engagement. Par la confiance et la rencontre, la face de chacun est reconnue et respectée, et le public, dans son rôle de tiers, permet que la dynamique de travail en cours garde comme visée l aboutissement que constitue l exécution publique de l œuvre lors du concert. Cette expérience montre qu il est possible à la fois de préserver, consolider, valoriser la tradition, la culture et le patrimoine du sonneur et de la trompe, et d ouvrir des horizons, notamment par le renforcement des compétences de base des sonneurs en lecture musicale et solfège, en permettant à des groupes de sonneurs de vivre une expérience d altération musicale.

57 DE LA TROMPE AU COR D HARMONIE & DE LA TRADITION A LA CREATION. Eric BRETON Compositeur et Chef d Orchestre Résumé : Le cor d harmonie ou cor d orchestre est l aboutissement actuel de l évolution instrumentale de la trompe. Il se caractérise par une tessiture extrêmement étendue - du fa grave au fa aigu, sans parler des notes pédales - avec une exceptionnelle diversité d ambiance et de caractère, héritage de son ancêtre. Les belles heures du cor d harmonie sont la fin du XIX et le XX siècle, surtout chez les américains, p.ex. Harold Copland, 1942 dans «For a commun man», de même que dans de nombreuses musiques de films américains. En revanche, le jazz l a presque totalement ignoré, encore que les Rolling Stones et les Beatles («For no one» de Allan Civil) lui ont fait occasionnellement la part belle. A l écart de la musique modale pentatonique avec des instruments ne produisant que difficilement les notes attractives que sont la quarte et la septième, la musique occidentale va appeler à des modifications instrumentales participant à l élaboration de la tonalité. C est en 1722 qu est instauré définitivement le système du tempérament et que J.S. Bach termine ses préludes et fugues dans tous les tons d où la nécessité de disposer d instruments chromatiques, d où également - nous concernant - le «cor à tons» de Leichnam et Schneider. Originellement, cette situation est partie de la trompe. En 1639, Cavalli utilise une trompe dans son opéra «les Noces de Thétis et de Pelée». Sur un argument de Molière, Lully fait de même en 1664 dans «les Plaisirs de l Ile enchantée». En 1680, Fuchs popularise la trompe à la faveur de compositions créées pour l anniversaire de l impératrice d Autriche. C est Von Sporck de Prague qui, à partir de 1684, se fait propagateur de la trompe depuis la France vers l Europe centrale ; il en confie la fabrication locale à Leichnam & Schneider qui créent le pavillon à 9 ¼ pouces. Le caractère progressivement chromatique est acquis, soit par la technique d exécution (notes bouchées de Hampel), soit par des modifications instrumentales. On parle de cor «omnitonique» ou de «cor d invention» durant la période 1680 à Ces instruments aux performances exceptionnelles ont été sollicités par les plus grands noms : Rameau, Haendel, Bach, Scarlatti, Haydn, Beethoven. Enfin, on entre dans l aire du piston : cor à deux pistons de Blomel et Stölzel (Berlin), à deux palettes de Uhlmann (Vienne) et enfin en 1830 le cor à trois pistons de Méfret et Périnet (Paris) qui reste identique jusqu à la fin du XIX siècle. C est à ses célébrissimes appels de cors initiaux que Le Beau Danube Bleu (1866) consacre à Johann II Strauss sa notoriété mondiale. Une ultime modification intervient alors, due à Kruspe de Erfurt, qui créé un cor susceptible de sonner également en si b. Tel est le cor d harmonie moderne au terme d une évolution de deux siècles. Face à cette turbulence de l histoire des cors, on ne peut que constater que la pérennité n est assurée qu au prix d une évolution. L attractivité émotionnelle de la trompe est encore promise à un long avenir au prix de modifications, d «altérations»

58 (Valérie Guillemot) qui, sans reniements du passé, viendraient revisiter les capacités musicales et provoquer une résurgence de la trompe en tant qu instrument de musique. Fig.1 : Concert piano (Eric Breton) et trompes (Rallye Trompes de Poisy) donné en l église Saint François de Sales d Annecy, le 16 mai Fondé sur une longue collaboration artistique avec un groupe de sonneurs, notre sentiment personnel est que deux voies s offrent à notre réflexion : - La recherche instrumentale : possibilité d évolution de la trompe impliquant les facteurs et visant à une plus grande aisance d exécution. Par exemple, en ce sens, des études actuelles dignes d intérêt sont conduites par Luc Breton (Lausanne). - Un investissement éducatif : une nouvelle génération de sonneurs et de formateurs est appelée de nos voeux pour pallier les carences abyssales en matière de formation et de connaissance en culture musicale et en solfège élémentaire, dont le niveau actuel pour la quasi-totalité des sonneurs est proche du zéro absolu!! (sic). Cette carence cantonne les exécutants à un apprentissage fondé sur la stricte répétition en l absence d attitude inventive, et donc au blocage de toute évolution.

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