La ville que nous voyons. Du 2 juin au 29 septembre Claire Tenu DOSSIER ENSEIGNANTS

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1 DOSSIER ENSEIGNANTS La ville que nous voyons Claire Tenu Du 2 juin au 29 septembre 2013 Centred artéditeur 107 avenue de Paris Cherbourg-Octeville Entrée libre Du mardi au vendredi : de 14h à 18h Samedi et dimanche : de 14h à 19h

2 Claire Tenu Point de vue du noyé, Cherbourg, 2012 En référence aux programmes suivants (liste indicative) Arts visuels en primaire : Conjuguant pratiques diversifiées et fréquentation d œuvres de plus en plus complexes et variées. Arts plastiques en 4 e : Les images et leurs relations au réel. Cette entrée s ouvre au dialogue entre l image et son référent «réel» qui est source d expressions poétiques, symboliques, métaphoriques, allégoriques ; elle met en regard la matérialité et la virtualité. En histoire-géographie au collège : L enseignement de la géographie au collège se donne pour objectifs de développer chez les élèves la connaissance du monde qui les entoure, de leur fournir les éléments et les outils nécessaires à sa compréhension, de leur permettre de s y situer et d y agir. Il donne sens à la diversité des paysages et des territoires, il participe à la découverte de l altérité et développe la curiosité pour d autres sociétés et d autres lieux. En lettres en 3 e : L image, fixe ou mobile, constitue, pour l enseignement en général et celui du français en particulier, une ressource précieuse à plus d un titre : en fournissant à l élève des représentations du monde présent et passé, elle contribue efficacement à la constitution de sa culture et de son imaginaire ; elle favorise l expression des émotions et du jugement personnel. Littérature et société 2 e générale et technologique : Regards sur l autre et sur l ailleurs. 1. INTRODUCTION Présentation de l exposition Texte de Claire Tenu 2. L ARTISTE Repères biographiques Claire Tenu, «Où et quand la photographie» Dialogue entre Claire Tenu et Jean-François Chevrier 3. PARCOURS DANS L EXPOSITION Parcours 1 : La photographie Parcours 2 : Corps - Paysage Parcours 3 : Et mon parcours 4. ÉCHOS DANS L HISTOIRE DES ARTS Jeff Wall, «Le presque documentaire» Références iconographiques et littéraires 5. ENTRÉES DISCIPLINAIRES Géographie : Le paysage vu par les géographes Arts visuels : Un événement cherbourgeois photographié au XIX e siècle Histoire : Cherbourg et Napoléon 6. AUTOUR DE L EXPOSITION Livre Rencontres 7. BIBLIOGRAPHIE Quelques livres disponibles au centre d art Bibliographie sélective autour de l exposition Bibliographie générale 8. INFOS PRATIQUES

3 Claire Tenu Vue du bassin du Commerce, Cherbourg, INTRODUCTION PRÉSENTATION DE L EXPOSITION À l invitation du Point du Jour, Claire Tenu a travaillé deux ans à Cherbourg. La ville que nous voyons désigne cette ville en particulier, vue à travers l exposition, mais aussi toute ville, dont la découverte renouvelle une expérience semblable de la vision. Dans cette expérience, l espace concret se superpose à un espace imaginaire. À Cherbourg, l ouverture vers la mer, l héritage napoléonien avec la construction de la rade, l œuvre de Jean-François Millet, natif de la région, renvoient à la relation entre un «ici» et un «ailleurs», aux traces de l histoire, à la présence de l art dans un territoire, quelle que soit la ville. L exposition n est donc pas le portrait de Cherbourg, fût-il fragmentaire, où s exprimerait un «style» photographique. Elle manifeste plutôt une manière de voir mettant en rapport différentes images telles qu elles apparaissent dans notre tête et sous nos yeux. Dans La ville que nous voyons, le regard de Claire Tenu a croisé d autres regards. Un film de François Potier, artiste vivant à Cherbourg, sur la construction du Point du Jour en , est diffusé dans la deuxième salle d exposition. Dans la première, un autre film évoque le travail de Claire Tenu en 2013 avec des étudiants des Beaux-Arts de Cherbourg sur une sculpture de Frank Stella (commandé par la municipalité de Miami, ce kiosque à musique monumental, fabriqué en 2001 par les CMN à Cherbourg, est toujours sur le site du chantier naval). Certaines de ses photographies lui furent suggérées par les élèves et enseignants du collège Cachin avec lesquels elle a d abord travaillé à partir de D autres, enfin, font écho à des représentations anciennes qu elle a choisies : cartes postales, photographies du XIX e siècle, peintures et dessins, notamment de Millet. L exposition réunit ainsi plusieurs œuvres appartenant aux collections du musée Thomas-Henry de Cherbourg ainsi qu à celles de l École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, de la bibliothèque Jacques-Prévert et du service historique de la Défense à Cherbourg. La ville que nous voyons est la première exposition personnelle de Claire Tenu. Elle y propose une synthèse de son engagement artistique, selon lequel «des faits inscrits dans l histoire, des représentations de lieux peuvent, avec la photographie, être joués et rejoués dans le temps et dans l espace.» DOSSIER ENSEIGNANT / INTRODUCTION 1

4 TEXTE DE CLAIRE TENU Du travail que j ai effectué à Cherbourg, j aimerais un jour pouvoir affirmer : «rien n aura eu lieu que la ville» ; et peut-être même retirer encore deux lettres : «rien n aura eu lieu que la vie.» J ai séjourné de nombreuses fois à Cherbourg pendant trois ans. J ai fini par y prendre des habitudes. Lire La Presse de la Manche en buvant des bières au bar Le Transat : «Attentat de Karachi : Cérémonie de commémoration à Cherbourg», «Deux marinspêcheurs retrouvés noyés dans le port», «Chômage partiel aux CMN» Aller prendre l air à Gruchy, village natal du peintre Jean-François Millet, et d où part entre les falaises un chemin offrant un point de vue bouleversant sur le littoral. Mon activité artistique à Cherbourg s est située, en somme, entre ces deux habitudes. Le Point du Jour m a initialement invitée en 2010 en résidence dans un collège de la ville. C est à travers cette activité pédagogique que je suis partie à la découverte de Cherbourg et que j ai commencé à en faire des images. J ai notamment proposé à des classes de me passer des commandes. Ce que les élèves m ont demandé ne correspondait pas à ce que seule j aurais choisi, peut-être par complaisance, de photographier. Il s agissait même plutôt de ce que j aurais évité de représenter. Mais je ne pouvais me dérober heureusement. Il y a donc un sujet : la ville de Cherbourg. C est restreint comme l est Cherbourg, infini comme l est une ville. Une ville ouverte sur la mer, avec son histoire, ses habitants, les activités qui la constituent. Sur la base d une pratique photographique comme la mienne, qui allie une exigence descriptive à une recherche artistique, le regardeur ou le lecteur pourrait s apprêter à contempler un «portrait de ville», qui fournirait une représentation complète, quand bien même subjective et non-exhaustive. Mais mon processus de travail demeure en contradiction avec ce genre de la photographie. Ma proposition est précisément inachevée : elle s adresse à la sensation et à l esprit des regardeurs et des lecteurs, qui l instaureront ou non, selon leur désir, en quelque chose d autre. Ce que je présente est illusion concrète à partager. Qui veut est invité DOSSIER ENSEIGNANT / INTRODUCTION à danser sa propre danse : à mobiliser capacité de rêverie, potentialités du récit, construction théorique, que sais-je encore. «Il n y a poésie que si reste ouvert l espace d une polysémie latente et indéfinie 1.» Dans L Espace vide, Peter Brook écrit : «Shakespeare a réussi ce que personne, avant ou après lui, n a réussi à faire : écrire des œuvres qui traversent plusieurs états de conscience. Il y est parvenu grâce à une rugosité de texture et à un mélange conscient de contradictions qui, d une certaine façon, pourraient passer pour une absence de style. Voltaire n est pas arrivé à le comprendre et l a qualifié de barbare 2.» Je ne suis pas Shakespeare et je n ose espérer qu un Voltaire me qualifie de barbare. Pourtant je ne doute pas qu on me reprochera une absence de style. J accepte, je signe des deux mains. Lors des discussions en cours de français avec les deux classes d élèves de sixième qui me passaient commande d images de Cherbourg, tous m indiquèrent des lieux symboliques de la ville, des repères urbains socialement établis, à l exception d un seul qui parla d un espace où il jouait. C était un élève en grande difficulté intellectuelle et psychique. La photographie que je pris de cet endroit se trouva correspondre à une autre demande. Le professeur de technologie m avait signalé que ses classes de cinquième avaient du mal à assimiler la notion de disponibilité des matériaux de construction. L image représentait en noir et blanc des maisons anciennes en pierre se découpant devant les grands pans rocheux de la montagne du Roule. Elle pouvait lui servir de support pour mieux expliquer la relation de causalité entre des spécificités architecturales, comme le choix privilégié d un matériau, et la nature géologique d une région. J ai fait un grand tirage de cette photographie, que j ai encadré, et nous l avons accroché dans sa salle de classe. Elle y reste échappant au marché de l art comme outil pédagogique et comme œuvre, et dont les relations et disjonctions d information et de composition sont discutées en tant que telles entre les élèves et leur professeur. «Incontestablement, la ville est faite de choses ; mais ce sont des choses que nous voyons, que nous percevons comme des images. Or, vivre dans la dimension libre et changeante des images n est pas vivre dans la dimension entravée, immuable, oppressive et anguleuse des choses. C est ce passage de la dureté concrète des choses à la mutabilité des images que la ville moderne 2

5 Louis-Nicolas Van Blarenberghe Vue du port de Cherbourg, , Coll. Musée d art Thomas-Henry, Cherbourg doit accomplir. La liberté d interpréter comme une image non seulement la chose, mais aussi l image donnée comme chose, représente pour la condition humaine une ouverture qui pourra se traduire, sur d autres plans, par un éventail de choix éthiques et politiques 3.» L historien d art Giulio Carlo Argan appelait ainsi à la «participation (qui devrait être directe et totale) des artistes du visuel à la construction et à la gestion de l environnement urbain.» Il concluait que «le lien entre l artiste et le monde social peut et doit être exclusivement l école, à tous ses niveaux et dans toutes ses ramifications. Toutes les écoles, quelles qu elles soient, doivent éduquer à construire la ville comme forme sensible de la civilisation. Or, c est le contraire qui se produit : dans notre système, l urbanisme est un enseignement complémentaire des écoles d architecture. Le problème de l unité urbaine, de la ville comme organisme historique en développement est volontairement laissé de côté, parce que l on ne veut pas que la société ait une histoire.» 1. Aldo Van Eyck, «L intérieur du temps» dans Françoise Choay (dir.), Le Sens de la ville, Paris, Le Seuil, 1972, p Peter Brook, L Espace vide. Écrits sur le théâtre [1968], Paris, Le Seuil, coll. «Points / Essais», 2001, p Giulio Carlo Argan, «Urbanisme, espace, environnement» (1969), L Histoire de l art et la ville, Paris, Les Éditions de la Passion, 1995, p Extrait du livre La Ville que nous voyons à paraître en septembre 2013 au Point du Jour DOSSIER ENSEIGNANT / INTRODUCTION 3

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7 2. L ARTISTE RÉPÈRES BIOGRAPHIQUES Née en 1983, Claire Tenu est diplômée de l École nationale supérieure des beaux-arts de Paris où elle a participé aux activités du séminaire Des territoires, animé par Jean-François Chevrier. Entre 2002 et 2004, elle contribue notamment à un projet photographique sur la ville de Montreuil, exposé à la Maison populaire. Son travail a été présenté, en 2009, au musée régional d Art contemporain Languedoc-Roussillon (Sérignan) et, en 2011, lors l exposition collective « : Soudain, déjà» à l École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Depuis 2010, elle mène régulièrement des expériences pédagogiques en lien avec son travail artistique dans des établissements scolaires. Lauréate-résidente de la Terra Foundation à Giverny en 2012, elle participe cette année au premier programme doctoral pluridisciplinaire de l université Paris Sciences et Lettres, associant plusieurs écoles nationales supérieures. Claire Tenu est membre du groupe d artistes Rado au sein duquel elle travaille actuellement à une Commande publique du Centre national des arts plastiques dans la région de Tulle, initiée par l association Peuple et Culture Corrèze. «OÙ ET QUAND LA PHOTOGRAPHIE» La teneur descriptive d une photographie, qui procède de l enregistrement, se transforme en quelque chose d autre par le processus créatif par «une toute petite opération, pas plus grande que la distance entre deux touches de peinture dans un tableau de Cézanne», comme dit Jeff Wall. Dans cet écart se produit le «presque documentaire», à l instar de la prose qui devient poème en prose chez Baudelaire. Traiter par la photographie un sujet au-delà de luimême, et qu il demeure... Pour y parvenir, travailler sans antagonisme entre reportage et recherche formelle et spirituelle. Je me suis rendu compte récemment que László Moholy-Nagy avait déjà énoncé cette double orientation de la photographie à la fin des années 1920 : «1. La photographie est une image lumineuse qui doit répondre au sentiment profond de vie intérieure (photogramme). 2. La photographie est la conception documentaire du monde extérieur, telle que nous la donne le sens de la vue (photographie avec la chambre noire). Il peut aussi y avoir des recoupements, des complications dans les rapports.» Composition, lumière, document, monde. Depuis dix ans j interroge les possibilités de la photographie en tant qu outil artistique, en travaillant sur des projets, en répondant à des commandes, et aussi sans projet, sans commande. Cela me conduit à fabriquer des œuvres autonomes, hétérogènes par leurs sujets et leurs formes (tableaux, objets, montages). Les références sont nombreuses dans mon travail. Ce ne sont pas des citations anecdotiques, fonctionnant sur un mode d appropriation. Ce sont des éléments qui me permettent de construire des relations. Des faits inscrits dans l histoire, des représentations de lieux peuvent, avec la photographie, être joués et rejoués dans le temps et dans l espace. Étude de vagues sur la place Napoléon, Cherbourg Coll. Claire Tenu Claire Tenu DOSSIER ENSEIGNANT / L ARTISTE 5

8 DIALOGUE ENTRE CLAIRE TENU ET JEAN-FRANÇOIS CHEVRIER Jean-François Chevrier : Pourquoi la photographie? Claire Tenu : Je peux donner quelques éléments biographiques pour commencer à répondre. À cette question que l on pose aux enfants «qu est-ce que tu veux faire plus tard?», à douze ans je répondais que je voulais être architecte, à quatorze que je voulais réaliser des films, à seize fabriquer des décors de théâtre. Je suis finalement entrée à l École des beaux-arts de Paris, et je me souviens très bien qu en l espace de quelques jours, en octobre 2001, le choix de la photographie s est imposé à moi comme une évidence, intuitive, mais une évidence. L exposition «Des territoires» ouvrait dans les galeries d exposition de l école le jour de la rentrée scolaire, et j assistai deux jours plus tard au dialogue entre Jeff Wall et toi qui eut lieu à cette occasion dans le séminaire que tu animais. Ça a été une révélation pour moi. Je ne connaissais pas l œuvre de Jeff Wall, je ne connaissais en fait rien de l histoire de la photographie, j avais une vision sporadique et normalisée de l histoire de l art, une culture cinématographique éclectique (c est-à-dire du meilleur comme du pire) et peu de plaisir à lire, hormis Baudelaire et surtout Mallarmé dont je ne connaissais que quelques poèmes. J ai commencé à suivre tes cours, découvert simultanément à la bibliothèque le travail de Carleton Watkins, le livre American Photographs de Walker Evans, et les bustes d empereurs romains photographiés par Patrick Faigenbaum ; j intégrai l atelier que ce dernier codirigeait avec Marc Pataut à l école. Rétrospectivement ce choix de la photographie m est toujours apparu comme une synthèse de mes vocations adolescentes en ce sens qu elle permet idéalement de faire jouer image, espace et lieu : l espace dans l image aussi bien que l image dans l espace, l image d un lieu et l image comme lieu. Ces relations relèvent d une spéculation intellectuelle autant que d une expérimentation physique, concrète, matérielle. L un ne peut aller sans l autre si l on considère la photographie comme un outil artistique. JFC : Qu entends-tu par spéculation intellectuelle? Je vois ce qu il en est chez Jeff Wall. Mais quel rapport avec les paysages de Carleton Watkins et les reproductions de bustes d empereurs romains de Patrick Faigenbaum? CT : Je crois qu il s agit d une attitude de recherche combinée à un état psychique, qui peuvent intervenir sous des formes variées à toute étape du processus de fabrication d une œuvre. C est évidemment l éternel rapport entre connaissance du monde et connaissance (ou méconnaissance) de soi qui est en jeu ici, et plus simplement encore entre extérieur et intérieur. La photographie se prête d autant plus à cette spéculation qu elle constitue une sorte de comble de la tension entre objectivité et subjectivité : elle est l appareil type de description qui permet d enregistrer et de rendre compte du monde qui nous entoure, mais son fonctionnement propre inclut nécessairement une série d opérations techniques et mentales qui restent toujours du ressort d un sujet et du seuil qu il instaure entre le monde et lui. Que les grands photographes américains du dix-neuvième siècle comme Carleton Watkins ou Timothy O Sullivan aient exploré et photographié les paysages de la Frontière est significatif. Leurs vues topographiques de canyons, de vallées, de lacsmiroirs, de mines et de carrières, renvoient à un temps géologique quasiment inéprouvable à l échelle humaine, qui me semble d ailleurs correspondre à ce que Jeff Wall appelle l incalculable dans son texte «Photographie et intelligence liquide». Mais curieusement, la condensation temporelle opérée par la prise de vue semble laisser place devant l épreuve imprimée à une nouvelle dilatation de ce temps historique, comme si le principe même de la reproduction ne permettait pas de démultiplier seulement l espace mais aussi le temps. Je crois que c est cela même qui nous rend les empereurs romains photographiés par Patrick Faigenbaum si présents. [ ] DOSSIER ENSEIGNANT / L ARTISTE 6

9 CT : Cette façon de travailler alternativement seule et sur des projets collectifs ou en collaboration avec d autres artistes est constitutive. Je l ai fait systématiquement depuis huit ans, dans une sorte d équilibre qui est très difficile à tenir car il fonctionne autant sur des relations humaines que sur des enjeux artistiques. JFC : Tu as déjà travaillé avec d autres jeunes artistes à Montreuil entre 2002 et 2004, alors que tu étais encore étudiante à l École nationale supérieure des beaux-arts. C était une forme d apprentissage. Tu viens encore d exposer récemment avec Maxence Rifflet et Madeleine Bernardin Sabri à Lussas. À Sérignan tu as travaillé seule. CT : La question que tu soulèves est difficile et demande plusieurs éclaircissements. Pour résumer, je pense que l on ne travaille jamais seul, mais je sais qu on l est toujours au moment de déclencher l obturateur, l œil collé au verre dépoli du viseur. Peut-être que la bonne formule serait quelque chose comme «je travaille seule avec». [ ] exemple à Turner qui intègre les effets de l aveuglement pour peindre justement le ciel et la mer. Plus proche de nous, je pense à cette œuvre de Pistoletto qui appartient à l ensemble des Objets en moins et qui m a toujours beaucoup fait rire : le Mètre cube d infini. Pistoletto réussit à matérialiser très simplement quelque chose qu on ne voit pas, qu on n a jamais vu et qu on ne verra jamais. Il s agit finalement toujours, dans le cas des arts visuels, du rapport entre le visible et l invisible. C est très simple, si je puis dire. Mais cela mérite largement d y consacrer toute une vie. «Inéluctable modalité du visible». Ainsi débute le monologue intérieur de Stephen Dedalus, alors qu il se promène sur la plage, dans le troisième chapitre d Ulysse de Joyce. C est cet épisode qui m a conduite à concevoir un grand montage d images prises sur la plage de Sérignan. Mais là encore, nous saurons dans deux mois ce qu il en est réellement. Entretien réalisé en août 2009 à l occasion de la commandeexposition de Claire Tenu au musée d Art contemporain Languedoc-Roussilon (Sérignan) JFC : Tu as mentionné Mallarmé, la simplicité de celui qui se tient debout sur la terre. Qu en est-il du ciel, de l immensité, de l infini, en bref de tout ce qui vient perturber ou exalter la simplicité? Je remarque par ailleurs que tu as nécessairement photographié le sable, la plage. Qu en est-il de la mer et du littoral? CT : Mallarmé qualifie la mer et le ciel de «deux réciproques néants». L homme est «la nature se pensant». Mais pour en arriver à la nécessité de «se percevoir, simple, infiniment sur la terre», il faut qu il ait été lui-même néant, qu il soit mort et qu il renaisse. L art commence là. Comment représenter, puisque la représentation ne s applique qu à la nature, en intégrant l expérience du néant, du rien. C est toute la question de la modernité, qui prend sa source chez les Romantiques allemands, et on est loin d en être sortis. Il me semble que toutes les formes sont possibles, mais un seul principe prévaut, celui de l ambiguïté, à savoir qu une œuvre doit toujours intégrer sa négation. Je pense par DOSSIER ENSEIGNANT / L ARTISTE 7

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11 3. PARCOURS DANS L EXPOSITION Claire Tenu «Chez Marie» (bar Le Transat), Cherbourg, 2012 PARCOURS 1 : LA PHOTOGRAPHIE Pour évoquer les deux aspects de la photographie présents dans son travail, Claire Tenu cite l artiste László Moholy-Nagy ( ) : «1. La photographie est une image lumineuse qui doit répondre au sentiment profond de vie intérieure (photogramme). 2. La photographie est la conception documentaire du monde extérieur, telle que nous la donne le sens de la vue (photographie avec la chambre noire). Il peut aussi y avoir des recoupements, des complications dans les rapports 1.» 1 / Savez-vous ce qu est un «photogramme»? Une «photographie avec la chambre noire»? Pourquoi Moholy-Nagy suggère-t-il que cette première technique exprime le «sentiment profond de vie intérieure», et la seconde, la «conception documentaire du monde extérieur»? 2 / Dans l exposition, y a-t-il des photogrammes, des photographies à la chambre, ou des œuvres qui peuvent s en rapprocher? Quelles sont celles où vous voyez des «recoupements, des complications» entre ces deux aspects de la photographie? 3 / Parmi les œuvres que vous aurez trouvées, analysez ce qu elles montrent, leur cadrage, l angle de prise de vue, la lumière. Tentez d expliquer quels sentiments intérieurs et quels aspects du monde extérieur elles rendent sensibles pour vous. 4 / En pensant aux deux aspects de la photographie dont parle Moholy-Nagy, comment comprenez-vous le titre de l exposition : - «La ville que nous voyons», est-ce seulement la ville qui est sous nos yeux? Quelles autres facultés, corporelles ou mentales, peuvent intervenir dans la «vision» que nous avons de la ville? Donnez des exemples parmi les photographies exposées. - «La ville que nous voyons», est-ce plutôt «la ville vue par tout le monde de la même façon, au même moment» ou «la ville vue par chacun à sa manière, à des moments différents»? Pourquoi peut-on dire que dans l exposition les deux réponses sont possibles? 1. Lászlo Moholy-Nagy, «La photographie, ce qu elle était, ce qu elle devra être» (1929) ; repris dans Peinture, Photographie, Film, Gallimard, «coll. Folio/Essais», p DOSSIER ENSEIGNANT / PARCOURS DANS L EXPOSITION 9

12 Claire Tenu Vue depuis l Amont-Quentin, (les filles), Cherbourg, 2010 PARCOURS 2 : CORPS-PAYSAGE «J ai une forte envie d avoir des rapports amoureux, pour ainsi dire avec ma terre, me coucher sur le sable et lécher ce beau ciel.» Lettre de Joan Miró à Pierre Loeb (1936) «Ce jour-là, alors que j étais étendu sur la plage de Nice, je me mis à éprouver de la haine pour les oiseaux qui volaient de-ci de-là dans mon beau ciel bleu sans nuage, parce qu ils essayaient de faire des trous dans la plus belle et la plus grande de mes œuvres.» Yves Klein, Le Manifeste de l hôtel Chelsea (1961) 1/ Dans les photographies de Claire Tenu où est l homme? Devant le paysage, dans le paysage, absent? 2/ Observez les peintures et les gravures choisies par Claire Tenu où figure l homme? devant le paysage, dans le paysage, absent? 3/ Quelle posture ou place occupe le spectateur des images? Comment la qualifier suivant les différentes séquences d images de l exposition? 4/ Comment expliquer la présence du corps de l artiste dans une série d images? DOSSIER ENSEIGNANT / PARCOURS DANS L EXPOSITION 10

13 Vues de l exposition, Le Point du Jour, 2013 PARCOURS 3 : ET MON PARCOURS «Il y a donc un sujet : la ville de Cherbourg. C est restreint comme l est Cherbourg, infini comme l est une ville. Une ville ouverte sur la mer, avec son histoire, ses habitants, les activités qui la constituent. Ma proposition est précisément inachevée : elle s adresse à la sensation et à l esprit des regardeurs et des lecteurs, qui l instaureront ou non, selon leur désir, en quelque chose d autre. Ce que je présente est illusion concrète à partager.» Claire Tenu À l invitation de l artiste, vous allez parcourir l exposition en vous aidant du plan de la page suivante. 1/ Dessinez précisément sur le plan votre trajet dans l exposition, dès l entrée ; vers quelle œuvre vous êtesvous d abord dirigé? S agit-il d une photographie de l artiste, d une peinture, d une photographie ancienne, de cartes postales? 2/ Interrogez-vous sur la première œuvre qui s impose en «ouverture». S adresse-t-elle à «la sensation»? «à l esprit»? Est-elle l évocation d un souvenir, d une image, d un texte? 3/ De la même façon, interrogez-vous sur le parcours effectué au cœur de l exposition. Dans un autre passage de son texte de présentation, Claire Tenu écrit : «Qui veut est invité à danser sa propre danse : à mobiliser capacité de rêverie, potentialités du récit, construction théorique, que sais-je encore.» Qu avez-vous dansé? Qu avez-vous rêvé? Qu avez-vous raconté? Est-ce l histoire de Cherbourg? Votre histoire dans Cherbourg? L amorce d une fiction? 4/ La scénographie de l accrochage induit des rapprochements, des interactions entre le travail photographique de l artiste, les peintures, les gravures, les photos anciennes, les documents d archives. En vous déplaçant dans l exposition cherchez un point de vue qui permettrait de provoquer des associations inattendues... 5/ Indiquez ce point de vue sur le plan et en quelques mots dites quel regard nouveau il vous permet de porter sur l exposition. DOSSIER ENSEIGNANT / PARCOURS DANS L EXPOSITION 11

14 Salle 1 1. Claire Tenu, Bouddha du Cambodge, muséum Emmanuel-Liais, Cherbourg, Benjamin Damman, Falaises de Gréville, gravure d après un pastel de Jean-François Millet, fin XIX e siècle 3. Claire Tenu, Vue depuis l Amont-Quentin (les filles), Cherbourg, Francesco Solimena, Le Songe de Jacob, XVIII e siècle Coll. Musée d art Thomas-Henry, Cherbourg 5. Anonyme, Panorama de Cherbourg, entre 1864 et 1882 Coll. Musée d art Thomas-Henry, Cherbourg 6. Maud Couton, Benjamin Hochard, Sophie Izouard, Alejandra Lemelin, Sarah Puech, Pierre Szczepski et Claire Tenu Lettre ouverte à Frank Stella, 2013, 15min. 7. Claire Tenu, Observatoire, parc Emmanuel-Liais, Cherbourg, Anonyme, Un groupe de soldats américains regarde la ville depuis le fort du Roule, 26 juin 1944, Coll. Musée d art Thomas-Henry, Cherbourg 9. Louis-Nicolas Van Blarenberghe, Vue du port de Cherbourg, Coll. Musée d art Thomas-Henry, Cherbourg 10. Cartes postales, Coll. Claire Tenu Salle Claire Tenu, Stadtbild (traitement de cheval), Cherbourg, Jean-Louis Petit, Vue du quai Napoléon, Cherbourg, avant 1838 Coll. Musée d art Thomas-Henry, Cherbourg 13. Claire Tenu, Tête armée, Cherbourg, François Potier, Je ne suis point du jour, 2005, 20 min. 15. Claire Tenu, «Chez Marie» (bar Le Transat), Cherbourg, Claire Tenu, Vue depuis l Amont-Quentin (les garçons), Cherbourg, Claude-Félix Théodore Deligny, Vue de Cherbourg, 1831 Coll. Musée d art Thomas-Henry, Cherbourg 18. Claire Tenu, Tête de cheval blanc, Gruchy, Claire Tenu, Gruchy, Claire Tenu, Vue du bassin du Commerce, Cherbourg, Direction des travaux hydrauliques de la Marine Plan de la batterie Napoléon, 1804 Coll. Min. Déf. Service historique de la Défense / Cherbourg 22. Claire Tenu, Vue, Cherbourg, Claire Tenu, Parade, Cherbourg, Claire Tenu, Point de vue du noyé, Cherbourg, Armand Auguste Freret, Marine, sans date Coll. Musée d art Thomas-Henry, Cherbourg 26. Th. Henry, L Arsenal. Intérieur d une forme de radoub (arrière-bassin), XIX e siècle Coll. Bibliothèque Jacques-Prévert, Cherbourg Petite salle 27. Jean-François Millet, Falaises de Gréville, 1871 Coll. Musée d art Thomas-Henry, Cherbourg 28. Jean-François Millet, Petite paysanne endormie au pied d une meule de foin, vers 1852 Coll. Musée d art Thomas-Henry, Cherbourg 29. Skatton, Vue du port de Cherbourg, XIX e siècle Coll. Bibliothèque Jacques-Prévert, Cherbourg 30 et 31. Charles Furne et Henri Tournier, Vues stéréoscopiques, extraites de la série «Souvenirs de Cherbourg», août 1858 Coll. École nationale supérieure des beaux-arts de Paris 32 et 33. Édouard Denis Baldus, Vue de la rade de Cherbourg, août 1858 Coll. École nationale supérieure des beaux-arts de Paris 34. Ambroise Louis Garneray, Vue du port de Cherbourg, XIX e siècle Coll. Bibliothèque Jacques-Prévert, Cherbourg 35. Direction des travaux hydrauliques de la Marine, Infrastructures de la Marine de Cherbourg, 1885, Coll. Ministère de la Défense Service historique de la Défense / Cherbourg DOSSIER ENSEIGNANT / PARCOURS DANS L EXPOSITION 12

15 DESSINEZ VOTRE TRAJET ET INDIQUEZ UN POINT DE VUE QUI PERMETTRAIT DE PROVOQUER DES ASSOCIATIONS INATTENDUES NOTEZ VOS IMPRESSIONS, VOS REMARQUES... DOSSIER ENSEIGNANT / PARCOURS DANS L EXPOSITION 13

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17 Jeff Wall A Sudden Gust of Wind (After Hokusai), ÉCHOS DANS L HISTOIRE DES ARTS JEFF WALL, «LE PRESQUE DOCUMENTAIRE» Jean-François Chevrier : Nous avons décidé de parler essentiellement des trois œuvres exposées 1. Ces trois œuvres participent de ce que tu appelles depuis quelque temps un modèle «néo-réaliste». Tu parles aussi d un caractère «presque documentaire» (neardocumentary) de ton travail. Ces deux idées semblent s opposer à la tendance fantasmatique ou fantastique qui caractérise de manière massive ou ponctuelle une grande part de ton œuvre. À vrai dire, cette division est sans doute moins rigide qu il n y paraît, ce sont sans doute deux «côtés» distincts mais destinés à se rejoindre. Jeff Wall : Il y a vingt ans, avancer la possibilité de démarquer la photographie de l idée du reportage semblait une approche intéressante. Je me suis engagé dans cette voie, qui créait une ouverture dans le discours, que je trouvais très limité, sur la photographie. Pour cela il fallait, du moins dans les années 1980, se démarquer du reportage, trouver un chemin divergent, voire le contester. Au cours des douze ou quinze années qui viennent de s écouler, j ai compris qu il était impossible de se défaire réellement du reportage, même si cette tentative avait été nécessaire pour pouvoir penser autrement la photographie. La photographie comme technique, comme médium, est trop enracinée dans l idée du résultat ou de l effet de reportage pour qu on puisse l en dissocier. C est pourquoi j en suis venu à considérer que la bataille contre la photographie ou du moins ma bataille avec la photographie avait été perdue, à un moment donné au cours de ces années. Et je me suis senti plutôt heureux d avoir perdu. L aboutissement de cette expérience ne fut en aucun cas un retour au reportage. Mon travail ne consiste pas à faire en sorte de revenir vers l origine de ce que devrait être la photographie. Il s agit plutôt de reconnaître que la prise de distance avec le reportage la lutte menée contre lui tout autant que la conciliation avec le reportage expriment ce qu est la photographie. DOSSIER ENSEIGNANT / ÉCHOS DANS L HISTOIRE DES ARTS 15

18 C est pour cette raison que je n ai jamais fait de distinction entre une image dite fantastique ou imaginaire une image de quelque chose qui ne pourrait pas exister et l image directe d une chose existante. Il est important de reconnaître que le médium photographique permet les deux possibilités et qu il est parfaitement exprimé en chacune d elles. Je ne vois pas ces deux possibilités comme des alternatives ou comme des pôles opposés, mais comme des pratiques qui sont également viables à l intérieur de ce qu on appelle la photographie. [ ] JFC : Dead Troops Talk est le comble de l artifice. C est aussi une limite du presque documentaire, puisqu il s agit d une scène d actualité entièrement reconstruite (dans un paysage). JW : Le petit écart que l on peut créer entre la propension naturelle de la photographie au reportage et son égale propension à la cinématographie m intéresse énormément. Jusqu à quel point peut-on étirer la distance entre ces deux pôles? La marge est étroite. Nous pouvons imaginer qu il suffit d un rien pour transformer le reportage en autre chose ; d une toute petite opération, pas plus grande que la distance entre deux touches de peinture dans un tableau de Cézanne. C est dans ce petit espace que le panorama du médium s est révélé à nous jusqu à aujourd hui, et continue de se révéler. Je pense que la photographie est encore en train de se révéler. me répondaient souvent : «Non, je ne me sentais pas en état.» Il y avait toujours une raison : ils avaient la migraine, ou bien ils étaient de mauvaise humeur. Je leur disais alors qu il faut travailler avec ses états d âme, les bons jours comme les mauvais, quand on ne se sent pas bien, quand on hait le monde, quand on est déprimé ou mal disposé. Tout cela nous constitue. Si on ne travaille que quand on se sent bien, on n est pas vraiment soimême. L art doit être ce que nous sommes : mauvais, bon, violent, agréable, idéaliste, déprimé, ou quoi que ce soit. Les bons artistes travaillent tous les jours, avec toutes leurs émotions. C est ce que j essaie de faire. Si mes images contiennent des états d âme, c est parce que je travaille tous les jours. 1. Ce dialogue s est tenu le 10 octobre 2001 à l École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (amphithéâtre des Loges), à l occasion de l exposition «Des territoires», présentée du 9 octobre au 30 décembre 2001 dans les galeries de l école, quai Malaquais. Les trois tableaux exposés de Jeff Wall étaient Citizen (1996), A Villager from Aricaköyü arriving in Mahmutbey- Istanbul, September, 1997 (1997) et Man with a Rifle (2000). Extrait de Jeff Wall, «Le presque documentaire», dans Jean-François Chevrier et Philippe Roussin (dir.), «Des faits et des gestes. Le parti pris du document 2», Communications, n 79, [ ] JFC : On ne va pas revenir il est trop tard sur la contradiction, longtemps tellement sensible dans ton travail, entre la noirceur de ce que tu montrais, une thématique insistante de la vie aliénée, et le bonheur des images. Tu as, depuis une dizaine d années, beaucoup atténué cette tension, mais je ne doute pas qu elle reste sensible à beaucoup de regardeurs et qu on puisse parfois interpréter le vide dans tes images, constitutif du paysage, comme un caractère plutôt dépressif, comme un sentiment d absence et une emprise de la mort. J.Wall : Quand j enseignais, je demandais à mes étudiants : «Avez-vous travaillé aujourd hui?» Ils DOSSIER ENSEIGNANT / ÉCHOS DANS L HISTOIRE DES ARTS 16

19 RÉFÉRENCES ICONOGRAPHIQUES ET LITTÉRAIRES Les pages suivantes présentent des rapprochements proposés par Claire Tenu, entre les photographies exposées et des œuvres plastiques ou littéraires. Analysez puis emparez-vous de ces rapprochements, montrez leurs correspondances, leurs différences. Proposez vos propres références, rapprochements. Déterminez ce que ces références «disent» de l œuvre de Claire Tenu. La vue Claire Tenu Stadtbild (traitement de cheval), Cherbourg, La photographie Stadbild (Traitement de cheval) de Claire Tenu évoque les interventions chimiques sur la photographie de Sigmar Polke et les Stadtbild («Images de ville») de Gerhard Richter qui dans cette série comme dans une grande partie de son œuvre, peint d après photographie. La Vue est un long poème dans lequel Raymond Roussel décrit minutieusement une scène de bord de mer, qui est en fait une très fine photographie enchâssée dans son porte-plume, comme cela se faisait à la fin du XIX e siècle. Le poète entre littéralement «à l intérieur de la vue» en déployant une imagination sans fin, qu il transcrit à l aide du porteplume contenant la vue. Une métaphore réjouissante de l activité du photo-«graphe» et de son appareil. Gerhard Richter Stadtbild Paris («Image de la ville de Paris»), 1968 Sigmar Polke Extrait de Bowery New York, 1973 «Une fenêtre, plus à droite, au même étage, Est ouverte ; un enfant plus tranquille, plus sage, S y montre jusqu à mi-corps ; il est curieux, Cherche à se rendre compte ; on ne voit pas ses yeux Car il regarde dans une grosse lorgnette Qu il braque au loin et vers le bas ; il s inquiète D un certain point de la rive, du côté droit ; Il veut savoir pour tout de bon si ce qu il croit Est exact ; il se sent une puissante envie D approfondir et, par scrupule, il vérifie Si l endroit de la côte avec son contenu Est bien tel qu il se le figurait à l œil nu. En suivant à travers les airs, par la pensée, La ligne toute droite et fictive, sensée Etre décrite avec son rayon visuel, On arrive par un trajet continuel Jusqu au bout opposé ; la vue est arrêtée Très loin à droite, par une longue jetée Qui, terminant la plage, avance dans la mer ; Elle est très exposée, il y fait beaucoup d air ; Une mince fumée, en partant d un cigare, S éloigne avec vitesse et violence. Un phare Se dresse à la partie extrême sa hauteur Est moyenne ; il est d une impeccable rondeur ; En haut, resplendissants et reluisants, ses verres Doivent, le soir, former d innombrables lumières ; Ils sont multiples et puissants ; ils sont braqués En tous sens ; leurs divers genres sont compliqués ; Certains rappellent par l aspect de grosses loupes, D autres des lames de volets.» Raymond Roussel, La Vue (1904) DOSSIER ENSEIGNANT / ÉCHOS DANS L HISTOIRE DES ARTS 17

20 Claire Tenu, Gruchy, 2012 L espace Comment «photographier» l espace? c est-à-dire non seulement des choses mais aussi leurs relations, ce qui est proche et ce qui est lointain, les pleins et les «vides»? Comment peut-on ressentir dans le cadre d une photographie ou un tableau l espace au-delà du cadre? Ce texte, consacré à Henri Matisse, aborde quelques-unes de ces questions. «La matière est radio-active. Les objets débordent de tous côtés leurs apparences, se prolongent en quelque sorte dans le milieu ambiant. On ne peut parler d objet isolé pas plus qu on ne peut parler d espace clos du tableau. L univers de la peinture ne saurait être complètement distinct de l univers matériel au sein duquel naît l œuvre d art. Ses personnages font à leur tour partie intégrante de la lumière et restent aussi intimement liés à ce qui les entoure que leurs modèles. C est par la lumière, symbole de l infini des objets, et non par les objets eux-mêmes que Matisse commence, semble-t-il. Quelquefois, il lui arrive de changer de place en travaillant. L espace est omniprésent ; Matisse essaie même d intégrer dans son tableau, sinon son être tout entier, du moins sa main et le pinceau. Ce qui l intéresse, ce sont moins les corps que le jeu des relations qui les unissent. Son œuvre peut sembler statique : en réalité, c est l incarnation du mouvement. L esprit se promène à l intérieur de ses tableaux comme s il se trouvait dans une pièce ou dans la rue, à cette différence près que la voie est libre. Pourquoi? Parce que la profondeur n est pas simulée ; parce que le tableau joue vraiment son rôle dans le concert des solides, des fluides, des couleurs et des reflets. Chaque objet peint dégage une atmosphère spécifique et s inscrit dans la profondeur Henri Matisse La Palme, Tanger, janvier-avril 1912 Coll. National Gallery of Art, Washington Chester Dale Fund réelle. L œuvre, née de ces «mystérieuses hyménées», évoquées par Delacroix, que chaque parcelle de matière contracte avec le reste du monde, est donc tout à la fois fille de la nature et de l architecture. Avec Matisse, plus de reproduction des accessoires. Plus de distribution géométrique des personnages. Non : ce qu il cherche, c est une fusion spontanée du moi dans le non-moi fusion si parfaite que le peintre finit par se peindre lui-même, par se mettre lui-même dans le tableau. Ce qu il parvient à saisir avec son pinceau, c est une totalité indivisible à quoi on ne peut assigner aucune frontière précise. Ses images en effet ne jaillissent pas d une vision incomplète ou fragmentaire et se refusent à l analyse. En réalité, elles se situent aux antipodes des œuvres en prose, parfois si richement documentées, qu il faut déchiffrer ligne après ligne, page après page. Au lieu de nous livrer ses observations, Matisse nous donne à voir des apparences ; il nous fait grâce d un reportage exhaustif sur le monde extérieur pour nous introduire dans un monde où les distinctions comme les confusions de notre horizon coutumier sont abolies en faveur de la seule transparence poétique, plus parfaite encore que la «mer mêlée au soleil». Georges Duthuit, «Matisse et la perception byzantine de l espace» (1949), dans Écrits sur Matisse, Paris, Ensba, 1992, p DOSSIER ENSEIGNANT / ÉCHOS DANS L HISTOIRE DES ARTS 18

21 Claire Tenu Tête armée, Cherbourg, 2012 Thomas Struth Campo di Fiori con Giordano Bruno, Rome, Le monument dans la ville, l Histoire au présent Dans les villes, les monuments célèbrent souvent des personnages ou des événements historiques. Mais les gens vivent dans leur ville sans faire vraiment attention à ce passé «héroïque». La photographie de Thomas Struth montre une place populaire de Rome où une statue rappelle le souvenir de Giordano Bruno, brûlé pour hérésie au XVII e siècle. Elle semble une scène de théâtre vide où la vie quotidienne rencontrerait le drame historique. Le texte de Stendhal évoque, lui, la célèbre bataille de Waterloo perdue en 1815 par Napoléon. En prenant le point de vue d un héros, Fabrice Del Dongo, qui ne comprend pas bien ce qui se passe et à qui rien ne réussit, Stendhal montre l écart entre la «grande Histoire» et l expérience qu on peut en avoir sur le moment. Martha Rosler a réalisé en 1974 un montage de textes et d images au sujet du Bowery, un quartier de New York à l époque très pauvre. Le titre de cette œuvre, «Le Bowery à travers deux systèmes descriptifs inadaptés», indique que ni la photographie ni le texte ne permettent de décrire ce quartier, mais que de leur juxtaposition peut émerger une représentation en creux. Martha Rosler montre des objets plutôt que des personnes et relève les diverses expressions servant à désigner le fait d être saoul. C est à la fois une critique de la vision réductrice habituelle de la misère et une évocation, presque poétique, de la manière dont les gens du Bowery parviennent, malgré tout, à vivre. «Mais serons-nous bientôt à votre régiment? Dans un quart d heure tout au plus. «Recommandé par cette brave femme, se dit Fabrice, mon ignorance de toutes choses ne me fera pas prendre pour un espion, et je pourrai me battre.» À ce moment, le bruit du canon redoubla, un coup n attendait pas l autre. C est comme un chapelet, dit Fabrice. On commence à distinguer les feux de peloton, dit la vivandière en donnant un coup de fouet à son petit cheval qui semblait tout animé par le feu. La cantinière tourna à droite et prit un chemin de traverse au milieu des prairies ; il y avait un pied de boue ; la petite charrette fut sur le point d y rester : Fabrice poussa à la roue. Son cheval tomba deux fois, bientôt le chemin, moins rempli d eau, ne fut plus qu un sentier au milieu du gazon. Fabrice n avait pas fait cinq cents pas que sa rosse s arrêta tout court : c était un cadavre, posé en travers du sentier, qui faisait horreur au cheval et au cavalier. La figure de Fabrice, très pâle naturellement, prit une teinte verte fort prononcée ; la cantinière après avoir regardé le mort, dit, comme en se parlant à elle-même : Ça n est pas de notre division. Puis, levant les yeux sur notre héros, elle éclata de rire. Ah! Ah! mon petit! s écria-t-elle, en voilà du nanan! Fabrice restait glacé. Ce qui le frappait surtout, c était la saleté des pieds de ce cadavre qui déjà était dépouillé de ses souliers, et auquel on n avait laissé qu un mauvais pantalon tout souillé de sang. Approche, lui dit la cantinière ; descends de cheval ; il faut que tu t y accoutumes ; tiens, s écria-t-elle, il en a eu par la tête. DOSSIER ENSEIGNANT / ÉCHOS DANS L HISTOIRE DES ARTS 19

22 Marta Rosler Extrait de The Bowery in Two Inadequate Descriptive Systems, Une balle, entrée à côté du nez, était sortie par la tempe opposée, et défigurait ce cadavre d une façon hideuse ; il était resté avec un œil ouvert. Descends donc de cheval, petit, dit la cantinière, et donne-lui une poignée de main pour voir s il te la rendra. Sans hésiter, quoique prêt à rendre l âme de dégoût, Fabrice se jeta à bas de cheval et prit la main du cadavre qu il secoua ferme ; puis il resta comme anéanti, il sentait qu il n avait pas la force de remonter à cheval. Ce qui lui faisait horreur surtout, c était cet œil ouvert. «La vivandière va me croire un lâche», se disait-il avec amertume, mais il sentait l impossibilité de faire un mouvement : il serait tombé. Ce moment fut affreux, Fabrice fut sur le point de se trouver mal tout à fait. La vivandière s en aperçut, sauta lestement à bas de sa petite voiture, et lui présenta, sans mot dire, un verre d eau-de-vie qu il avala d un trait ; il put remonter sur sa rosse, et continua la route sans dire une parole. La vivandière le regardait de temps à autre du coin de l œil. [...] Voilà vingt francs, lui dit Fabrice, qui ne se sentait pas de joie de se trouver entre les jambes un cheval qui eût du mouvement. À ce moment, un boulet donna dans la ligne de saules, qu il prit de biais, et Fabrice eut le curieux spectacle de toutes ces petites branches volant de côté et d autre comme rasées par un coup de faux. Tiens, voilà le brutal qui s avance, lui dit le soldat en prenant ses vingt francs. Il pouvait être deux heures. Fabrice était encore dans l enchantement de ce spectacle curieux, lorsqu une troupe de généraux, suivis d une vingtaine de hussards, traversèrent au galop un des angles de la vaste prairie au bord de laquelle il était arrêté : son cheval hennit, se cabra deux ou trois fois de suite, puis donna des coups de tête violents contre la bride qui le retenait. «Eh bien, soit!» se dit Fabrice. Le cheval laissé à lui-même partit ventre à terre et alla rejoindre l escorte qui suivait les généraux. Fabrice compta quatre chapeaux bordés. Un quart d heure après, par quelques mots que dit un hussard son voisin, Fabrice comprit qu un de ces généraux était le célèbre maréchal Ney. Son bonheur fut au comble ; toutefois il ne put deviner lequel des quatre généraux était le maréchal Ney ; il eût donné tout au monde pour le savoir, mais il se rappela qu il ne fallait pas parler. L escorte s arrêta pour passer un large fossé rempli d eau par la pluie de la veille ; il était bordé de grands arbres et terminait sur la gauche la prairie à l entrée de laquelle Fabrice avait acheté le cheval. [...] L escorte repartit et se porta vers des divisions d infanterie. Fabrice se sentait tout à fait enivré, il avait bu trop d eau-de-vie, il roulait un peu sur sa selle : il se souvint fort à propos d un mot que répétait le cocher de sa mère : «Quand on a levé le coude, il faut regarder entre les oreilles de son cheval, et faire comme fait le voisin.» Le maréchal s arrêta longtemps auprès de plusieurs corps de cavalerie qu il fit charger ; mais pendant une heure ou deux notre héros n eut guère la conscience de ce qui se passait autour de lui. Il se sentait fort las, et quand son cheval galopait il retombait sur la selle comme un morceau de plomb. Tout à coup le maréchal des logis cria à ses hommes : Vous ne voyez donc pas l Empereur, s! Sur-le-champ l escorte cria vive l Empereur! à tuetête. On peut penser si notre héros regarda de tous ses yeux, mais il ne vit que des généraux qui galopaient, suivis, eux aussi, d une escorte. Les longues crinières pendantes que portaient à leurs casques les dragons de la suite l empêchèrent de distinguer les figures. «Ainsi, je n ai pu voir l Empereur sur un champ de bataille, à cause de ces maudits verres d eau-de-vie!» Cette réflexion le réveilla tout à fait. On redescendit dans un chemin rempli d eau, les chevaux voulurent boire. C est donc l Empereur qui a passé là? dit-il à son voisin. Eh! certainement, celui qui n avait pas d habit brodé. Comment ne l avez-vous pas vu? lui répondit le camarade avec bienveillance.» Stendhal, La Chartreuse de Parme (1839) DOSSIER ENSEIGNANT/ ÉCHOS DANS L HISTOIRE DES ARTS 20

23 Maud Couton, Benjamin Hochard, Sophie Izouard, Alejandra Lemelin, Sarah Puech, Pierre Szczepski et Claire Tenu Extrait de Lettre ouverte à Frank Stella, 2013 Rodolphe Bresdin, Mon rêve, 1885 La ville et la mer, le concret et l imaginaire Avec des étudiants de l école des Beaux-Arts, Claire Tenu a travaillé sur une sculpture de Frank Stella restée sur son site de construction à Cherbourg. Dans l exposition, le film Lettre ouverte à Frank Stella raconte l histoire de cette construction. Comme on le voit sur la photographie, la sculpture est à la fois massive par sa taille et légère par ses formes. Construite selon des procédés industriels, elle peut néanmoins évoquer la structure naturelle d un coquillage. Le texte de Marcel Proust, à propos des tableaux du personnage d Elstir, et l eau-forte de Rodolphe Bresdin, qui représente un port imaginaire, rapprochent tous deux la ville et la mer jusqu à les confondre. «[ ] les rares moments où l on voit la nature telle qu elle est, poétiquement, c étaient de ce ceux-là qu était faite l œuvre d Elstir. Une de ses métaphores les plus fréquentes dans les marines qu il avait près de lui en ce moment était justement celle qui, comparant la terre à la mer, supprimait entre elles toute démarcation. [ ] C est par exemple à une métaphore de ce genre dans un tableau représentant le port de Carquethuit, tableau qu il avait terminé depuis peu de jours et que je regardai longuement qu Elstir avait préparé l esprit du spectateur en n employant pour la petite ville que des termes marins, et que des termes urbains pour la mer. [ ] Des hommes qui poussaient des bateaux à la mer couraient aussi bien dans les flots que sur le sable, lequel, mouillé, réfléchissait déjà les coques comme s il avait été de l eau. La mer elle-même ne montait pas régulièrement, mais suivait les accidents de la grève, que la perspective déchiquetait encore davantage, si bien qu un navire en pleine mer, à demi caché par les ouvrages avancés de l arsenal, semblait voguer au milieu de la ville.» Marcel Proust, À l ombre des jeunes filles en fleurs (1919) DOSSIER ENSEIGNANT / ÉCHOS DANS L HISTOIRE DES ARTS 21

24 À cheval avec Géricault! Claire Tenu explique que, lorsqu elle a vu cette tête de cheval, elle a tout de suite pensé à celle d un autre cheval peint par Géricault, l auteur du Radeau de la Méduse ; comme si ce qui se trouvait sous ses yeux se confondait avec ce qui était dans sa tête! Plus tard, elle a lu La Semaine sainte d Aragon qui raconte le retour de Napoléon en 1815, avant sa défaite finale, et dont le personnage principal est Géricault. À la dernière page du roman, reproduite ici, le peintre en route vers la Manche croise un ami qui veut lui acheter son cheval Claire Tenu Tête de cheval blanc, Gruchy, 2012 Jean-Louis-André-Théodore Géricault Tête de cheval blanc, avant Coll. Musée du Louvre, Paris «Et il donna un laissez-passer, signé de sa main, à M. Théodore Géricault, artiste peintre, qui se rendait dans la Manche, chez son oncle, M. Siméon Bonnesreur, avocat à Mortain. Car Paris était interdit aux officiers de la Maison du Roi. Et le costume du cousin Machu n était pas une garantie. «Mais explique-moi, dit Dieudonné, perplexe, par quel foutu hasard tu t es trouvé là-dedans? Théodore, mousquetaire du Roi! Eh bien, tu peux te vanter... Dis donc, il n est pas mal, le canasson qu ils t ont donné... comment tu l appelles? Je te l achète... Trick, répondit Géricault, et il caressa sa monture. C est mon cheval... Je ne te le donnerais pas pour un boulet de canon.» II y avait des hussards qui faisaient colonne avec le 1 er de chasseurs. Un capitaine, arrivant, vint saluer son collègue. Il se nomma, il s appelait Descrivieux. Savait-on ce qui se passait à Béthune? II y avait un ami qui était dans la Maison du Roi, auquel il aurait voulu porter aide, un voisin de campagne. Quand il sut que ce charretier qui se tenait à l écart était justement un mousquetaire évadé de là-bas, il lui demanda s il n avait pas connu à Béthune un garde-du-corps nommé Lamartine? «M. de Prat? dit Théodore. II habitait chez Tocquenne, le forgeron, rue Serré... mais, pour le trouver, demandez-le plutôt au poste de la Porte d Arras, il s y tient en permanence.» Géricault allait repartir. Dieudonné l embrassa. Et, lui frappant sur 1 épaule, il lui dit: «Si tu vas vraiment à Mortain, salue bien le Régicide de ma part...» C est drôle, la route n est plus du tout la même, avec le soleil.» Louis Aragon, La Semaine sainte (1958) DOSSIER ENSEIGNANT / ÉCHOS DANS L HISTOIRE DES ARTS 22

25 5. ENTRÉES DISCIPLINAIRES GÉOGRAPHIE : LE PAYSAGE VU PAR LES GÉOGRAPHES Le travail photographique de Claire Tenu et l ensemble des œuvres exposées interrogent la notion de paysage ; comment celle-ci est-elle définie par les géographes? «Le paysage, réalité ou chimères? Le paysage n est pas chose simple. Même quand les perspectives de travail à son égard s affichent modestes, il ne peut être abordé en toute innocence. Les lignes qui suivent, en préalable à des études et travaux pédagogiques touchant au paysage, veulent s en prendre à l innocence et aux fausses évidences qui baignent trop d emplois et trop d activités, pas seulement d enseignement, dont le paysage est objet. [...] 1. Le paysage est un fragment du monde réel au premier degré C est son versant factuel nous dit Augustin Berque, ce qui sous-entend qu il existe au moins un autre versant. Cette position qui consiste à regarder le paysage comme un fait objectif est qualifiée de «réaliste» par Jean-Marc Besse. Le paysage simplement conçu ne peut montrer qu une étendue limitée de la surface de la terre. Le terme «surface» est d ailleurs trompeur car le paysage est une réalité en 3D, ainsi qu on le dit aujourd hui, c est ce qui le sépare de la carte qui ne peut qu indiquer la troisième dimension, la verticale, que par des conventions et des abstractions. La carte n est limitée par aucun horizon dans son ambition de nous donner des images du monde, on module à volonté l échelle pour appréhender des étendues de plus en plus vastes, le planisphère nous place face au monde entier. Le paysage est condamné à la grande échelle. Le gros plan sur un monument, un pont, une parcelle, un abri sous roche au pied d une paroi n est pas davantage du paysage, il y manque la profondeur, la succession des plans jusqu à l horizon et l articulation d une diversité d éléments. Yves Lacoste parle pour ces vues en plan serré, focalisées sur un objet remarquable, de «petit paysage». Le «vrai paysage» est «une portion de l espace terrestre vu d assez haut pour être assez ample» mais sans que la troisième dimension soit escamotée. Ainsi les traces de la centuriation romaine, ou les archéo-morphologies agraires, visibles d avion à la verticale des sites à partir d une certaine altitude et invisibles depuis des points d observation terrestres même élevés, ne forment pas un paysage au sens où nous l entendons très généralement en géographie et dans l enseignement de celle-ci. L archéologie fait parfois un emploi du mot paysage qui ne convient pas aux géographes. Ainsi l archéologue Gérard Chouquer indique-t-il qu il emploie le mot paysage «dans un sens assez voisin de celui de morphologie». Il faut enfin distinguer l expérience du paysage in situ de l observation d une représentation photographique d un fragment de l espace terrestre. Sur le terrain le paysage enveloppe le sujet et celui-ci par sa mobilité peut varier en permanence les angles de vue. Le rapport à la photographie est un face à face sans autre option pour l angle de vue que celle décidée une fois pour toutes par le photographe. Les différences ne s arrêtent pas là mais nous limiterons à celle-ci. 2. Le paysage est phénomène C est son autre versant selon Berque, le phénoménal. Les géographes que nous sommes ont souvent rompu avec la langue des philosophes et il faut donc rappeler que le phénomène n est pas le fait. Le phénomène est ce rapport du réel à nos facultés immédiates de connaître, essentiellement nos sens. Ainsi Augustin Berque aime bien évoquer cette parole d Husserl, le père de la phénoménologie : la «Terre ne se meut pas» (1934), qu il rapproche aussitôt du «Et pourtant elle tourne» de Galilée (1633). Nous n avons pas le sentiment d être sur un astre mobile dont la vitesse linéaire de rotation sur le 45 e parallèle, soit la latitude près de laquelle nous vivons en France métropolitaine, est approximativement de 1180 km/h. Longtemps en considérant que c est le soleil qui tournait autour de la terre on a pris le phénomène pour le fait. Le fait est que c est le contraire. Dans cet ordre d idée, le paysage est un ensemble de stimuli que nous appréhendons immédiatement par nos sens. Il peut donc charrier avec lui de l illusion. Pourtant on ne peut ignorer cette expérience «tronquée» du monde sur laquelle nous réglons nos actes. Au quotidien le phénomène nous guide plus que le fait. Le paysage nous importe donc. De plus le réel ne se limite pas à ses manifestations sensorielles, et spontanément, la culture, l affectivité, viennent interposer leurs filtres et leurs philtres entre nous et le monde ; le paysage est DOSSIER ENSEIGNANT / ENTRÉES DISCIPLINAIRES 23

26 Ambroise Louis Garneray, Vue du port de Cherbourg, XIX e siècle, Coll. Bibliothèque Jacques-Prévert, Cherbourg alors toute la relation qui s établit, en un lieu et à un moment donnés, entre un observateur et l espace qu il parcourt du regard. Au travers de ses propres filtres sensoriels et culturels, l observateur appréhende ce qui devient pour lui un spectacle porteur de significations, une «impression» comme l a bien dit Claude Monet. 3. Le paysage : représentation esthétique du monde. Le mot «paysage» apparaît pour la première fois dans le dictionnaire français-latin de Robert Estienne publié en Il désigne à cette époque une toile de peintre représentant une vue champêtre ou un jardin. Les historiens et les critiques d art continuent d ailleurs à l utiliser dans ce sens Cette définition recoupe un des postulats théoriques et historiographiques les plus répandus aujourd hui (et peut-être les moins questionnés) concernant la notion de paysage dans la modernité et qui fait de celui-ci essentiellement une représentation d ordre esthétique, dont l origine serait avant tout picturale. C est ainsi qu on peut comprendre que certaines civilisations ne sont pas paysagères comme l affirme Augustin Berque, dans la mesure où le paysage n est pas chez elles «médiatisé» par l art. «Le concept de paysage trouve sa généalogie dans l art. C est par la création artistique que se constitue la conscience paysagère qui conduit au début du XX e siècle à l acception du terme de paysage tel que nous le connaissons. Le philosophe Alain Roger (1978) a bien montré que jusqu au XVIII e siècle, au moins en Occident, l espace est un «pays» avant que d être un «paysage», et qu il faut pour passer de l un à l autre l intervention de l art. Ainsi se dégage une dualité pays-paysage. Elle répond selon le même auteur à une dualité du type nudité-nu : la nature, comme le corps dévêtu, ne devient esthétique que sous la condition de l art modalité désignée par l auteur sous le vocable maintenant reconnu d artialisation. Celle-ci peut s opérer in situ par la mise en scène de la nature par l architecte, le jardinier, et in visu, par action de l art sur le regard. Dans cette conception, on ne doit pas confondre une vue d un lieu et son paysage. Sans l éveil d un sentiment esthétique chez le sujet, le réel n est pas mis en paysage. Cézanne pouvait ainsi écrire à son ami Gasquet que les paysans de la région d Aix n avaient jamais vu la Sainte Victoire il faut traduire ils n y voyaient pas un paysage puisque d après lui ils n esthétisaient pas cette montagne et la picturalisaient encore moins. On peut, au passage, voir ici les deux temps de l artialisation dont parle Alain Roger. Écoutons une nouvelle fois Jean-Marc Besse s exprimer sur cette conception constructiviste : «Ce sont trois termes, en fait, qui sont enchaînés (représentation, esthétique, peinture), pour affirmer que le paysage est de manière générale une construction culturelle, que ce n est pas un objet physique, qu il ne doit pas être confondu avec l environnement naturel, ni avec le territoire ou le pays. Le paysage est de l ordre de l image, que cette image soit mentale, verbale, inscrite sur une toile, ou réalisée sur le territoire (in visu ou in situ).» Suivant les époques, les géographes se sont tenus plus ou moins éloignés de ces considérations, «trop philosophiques» pour une science qui voulait, avant tout par le terrain, prendre à bras le corps les réalités concrètes de la surface de la terre, les décrire et les expliquer. [...]» Richard D Angio, Le paysage entre la science et l illusion, IUFM d Aix-Marseille, 2001 DOSSIER ENSEIGNANT / ENTRÉES DISCIPLINAIRES 24

27 Édouard Denis Baldus Vue de la rade de Cherbourg, août 1858 Coll. École nationale supérieure des beaux-arts de Paris ARTS VISUELS : UN ÉVÉNEMENT CHERBOURGEOIS Dans l exposition de Claire Tenu sont présentées des photographies réalisées en août 1858 à Cherbourg lors de l inauguration par Napoléon III de la ligne ferroviaire Paris-Cherbourg et des nouveaux aménagements portuaires. C est également à ce moment-là qu est dévoilée la statue de Napoléon 1 er, visible dans les photographies Parade et Tête armée de Claire Tenu. Le texte reproduit ici, extrait d une revue spécialisée de l époque, permet de comprendre comment les photographes travaillaient au XIX e siècle et leur manière de voir Cherbourg. «Comme on devait s y attendre au milieu de la multitude de visiteurs, d étrangers, de touristes, d artistes, d écrivains qui se pressaient à Cherbourg pendant les fêtes, il se trouvait bon nombre de photographes armés de toutes pièces, et décidés à rapporter dans leurs portefeuilles tout ce que leurs compagnons de voyage ne pouvaient rapporter que dans leurs souvenirs. On en a compté, dit-on, plus de soixante, luttant contre vent et marée, cherchant à percer avec leur objectif le voile impénétrable qu étendait devant eux l épaisse fumée des salves, coudoyés de ci, repoussés de là, et pourtant toujours sur la brèche. C est que de pareilles occasions sont rares, et que la photographie ne pouvait faire défaut, alors qu il s agissait de reproduire le magnifique spectacle de deux flottes réunies sous les regards d une foule enthousiaste, accourue de tous les coins de l Europe, de perpétuer le souvenir d un des plus grands événements de l époque, et de tracer une des plus belles pages de notre histoire. Du reste, l administration, prévoyante et appréciant l importance des services que le nouvel art peut rendre en pareil cas, avait chargé officiellement M. Baldus, le photographe du nouveau Louvre, de prendre diverses vues de la rade et de la flotte. La mission était honorable, mais difficile. En effet, c étaient des marines et non de simples reproductions qu il fallait faire, et l on sait que ce genre exige l emploi de procédés dont la rapidité permette de saisir l image des objets en mouvement ; heureusement que l artiste choisi pour DOSSIER ENSEIGNANT / ENTRÉES DISCIPLINAIRES 25

28 exécuter ce travail s embarrasse aussi peu des obstacles que s ils n existaient pas, et les épreuves qu il a rapportées de son voyage le prouvent une fois de plus. Se conformant aux instructions qui lui avaient été données, M. Baldus s est contenté de choisir un point de vue d où il pût embrasser du regard et de l objectif l ensemble de la rade ; le fond du tableau restait le même : le ciel en haut, la mer en bas, la silhouette hardie de la digue formant la ligne d horizon à plusieurs kilomètres, des rochers baignés par la vague au premier plan. Mais le sujet variait selon les évolutions de la flotte. Toujours le même décor, mais la scène changeait, et, grâce à la dimension du cadre de ses épreuves, l artiste pouvait en reproduire tous les détails avec une précision qui permet de reconnaître jusqu au plus humble canot dans cette foule animée et flottante. Les mâts se pressent, les voiles s accouplent, les vergues se croisent, les pavillons se mêlent, et pourtant rien n est confus, tout est précis dans le tableau comme dans les manoeuvres. M. Moulin, à qui une recommandation bienveillante émanant du ministère de la marine assurait accès et protection partout où il se présentait, a pu composer ainsi un album dans lequel les journaux illustrés ont déjà puisé de précieux documents. Les vingt-quatre épreuves que cet album renferme, et qui représentent les principaux épisodes des fêtes, sont toutes d une exécution très-remarquable. C est une série de tableaux pleins d air, de lumière et de mouvement. Celles obtenues pendant l immersion du bassin Napoléon III et lors du lancement de la Ville-de-Nantes sont surtout d un aspect saisissant, à cause de l animation du spectacle qu elles reproduisent. La netteté du dessin est poussée si loin, qu on peut dans la foule reconnaître les uniformes, les toilettes, et distinguer l attitude de la plupart des assistants. Rien n est plus curieux que de passer en revue, à l aide d un verre grossissant, tous ces groupes microscopiques qui semblent s agiter encore sous le regard. Les vues prises en rade ne sont pas moins frappantes. S il est difficile de fixer l image d une multitude en mouvement, il n est guère plus facile de reproduire celle d une escadre saluant de ses bordées les augustes Visiteurs que des canots lui amènent. Pourtant M. Moulin y est parvenu également, avec un succès qui fait le plus grand honneur à son habileté. Un autre artiste, M. Furne fils, qui s est déjà fait connaître par un Voyage en Bretagne dont nous avons dit quelques mots autrefois, vient de mettre en vente chez MM. Gaudin frères, les Hachette, ou plutôt les Goupil et Vibert de la photographie, une série, nombreuse, de vues stéréoscopiques de Cherbourg. Comme l auteur n avait à suivre aucun plan tracé d avance et qu il ne devait se préoccuper que du goût du public auquel le résultat de ses travaux était destiné, il s est fait évidemment ce raisonnement : «Tout ce qui viendra de Cherbourg, tout ce qui touchera à la grande solennité nationale à laquelle nous allons assister devra nécessairement intéresser le public. Il s agit donc de livrer à sa curiosité le plus d aliments possible, sans même négliger ce qui paraît avoir le moins d importance.» Partant de ce principe, M. Furne a reproduit tout ce qu il voyait, et le succès de sa collection prouve qu il a raisonné juste. En effet, tous ceux qui ont fait le voyage et qui ont assisté au spectacle lui-même trouvent dans ces images si exactes le moyen de conserver dans toute sa vivacité le souvenir qui s efface des yeux et de la mémoire, et ceux qui, comme nous et comme tant d autres, ont dû se contenter des récits publiés par les journaux et par les visiteurs au retour, peuvent, grâce à ces épreuves, faire le voyage sans fatigue, sans hâte et sans dépense. Ainsi nous pouvons parcourir tranquillement la ville, visiter le port, monter sur les hauteurs du Roule, d où le regard embrasse un si admirable coup d œil, suivre les travaux entrepris dans le port militaire, assister même au lancement de la Ville de Nantes ; car l artiste a représenté le bâtiment dans toutes les positions, depuis le chantier où il nous le montre enveloppé de sa chrysalide de charpentes et de cordages, jusqu au bassin Napoléon III, où nous le voyons flotter orgueilleusement. Il n est pas jusqu au camp de la gare dont le photographe ne nous fasse entrevoir le coup d œil animé... Ô tentes discrètes qui avez abrité l armée pacifique de l intelligence, pourquoi la photographie, en conservant l image de vos blanches silhouettes, n a-t-elle pu recueillir aussi tous les bons mots, toutes les joyeuses chansons, tous les discours pétillant de Champagne et d esprit que vous avez entendus! Quel livre philosophique, poétique, comique, véridique et rabelaisien elle eût fait ainsi pour la postérité!... Il y a parmi les épreuves de M. Furne un petit chefd œuvre : c est tout simplement la vue d un steamer en rade. Arrive-t-il? part-il? s en va-t-il au Kamtchatka, ou revient-il d Honfleur? Peu importe ; il marche et il glisse avec tant de légèreté sur la mer transparente, sa mâture se penche si coquettement, il fait flotter avec tant DOSSIER ENSEIGNANT / ENTRÉES DISCIPLINAIRES 26

29 Jean-Louis Petit Vue du quai Napoléon, Cherbourg, avant 1838 Coll. Musée d art Thomas-Henry, Cherbourg de grâce son panache de fumée, que l imagination se sent attirée vers lui, et sans plus de façons, prenant place à bord, se laisse entraîner vers l inconnu dans le pays enchanté des rêves. Pendant que M. Baldus suivait les évolutions de la flotte et que M. Furne parcourait la ville, M. Richebourg s installait dans la gare même du chemin de fer, et s attachait à reproduire les différentes scènes auxquelles donnaient lieu la réception de Leurs Majestés, et la célébration de l office divin par Mgr l évêque de Coutances. On peut suivre, à l aide de ses épreuves, les différents épisodes de la cérémonie. Ici la foule, pressée sur les gradins disposés des deux côtés de la voie, attend l arrivée des augustes Voyageurs ; là, le convoi impérial vient de s arrêter et Leurs Majestés en descendent pendant que les tambours battent, que les chants religieux s élèvent et que la foule acclame. Plus loin, l office est commencé. Sous la gare toute parée de fleurs, de guirlandes et de trophées, au milieu de laquelle s élève un autel resplendissant de lumières, le prélat, entouré d un nombreux clergé, célèbre le service divin. Enfin cette pieuse et imposante cérémonie se complète par la bénédiction des locomotives, merveilleuses et formidables machines au sort desquelles sont attachées tant de milliers d existences. On voit que les épreuves de M. Richebourg forment un ensemble des plus intéressants et qu elles complètent la relation, tracée par la photographie, des fêtes de Cherbourg. Bien que ces épreuves ne soient pas parfaites au point de vue de la netteté, ce qui s explique facilement, car M. Richebourg a dû opérer au milieu d une foule en mouvement et dans des conditions toutes défavorables, elles constituent d admirables croquis pour les artistes qui voudraient reproduire cette scène. Or, fait assez curieux, c est que dans chacune des épreuves que nous venons de citer, on distingue très-nettement l heure à l horloge du débarcadère. Ainsi, le train impérial arrivait à cinq heures précises, le prélat prononçait son discours de réception à cinq heures cinq minutes, et à cinq heures un quart on bénissait Ses machines. Est-il nécessaire d insister sur l importance d une telle précision dans certains cas? Nous ne le pensons pas.» Ernest Lacan, «Revue photographique», La Lumière, revue de la photographie, n 42, 1858 DOSSIER ENSEIGNANT / ENTRÉES DISCIPLINAIRES 27

30 HISTOIRE : CHERBOURG ET NAPOLÉON L ombre de Napoléon flotte sur la ville, comme le confirme ce texte pittoresque, dithyrambique, extrait d une notice anonyme de Il rappelle le contexte historique de l inauguration de la statue équestre de Napoléon 1 er où il voit l expression de la puissance quasi surnaturelle de l Empereur. C est aussi l occasion de souligner le lien, commercial et militaire, de Cherbourg avec la mer. «Les efforts de l administration municipale pour mettre la ville à la hauteur de sa position nous amènent naturellement à parler de la statue équestre qui doit être inaugurée en même temps que l arrière-bassin et le chemin de fer, statue élevée par la reconnaissance au plus grand génie des temps modernes. Nous l avons dit, Cherbourg, comme port militaire, n est redevable de son existence qu à Napoléon I er. La ville elle-même n avait eu qu à se louer des bonnes intentions de l Empereur, qui, en 1811, voulut y fonder un hôpital civil ; il autorisa, à cet effet, la vente de celui qui existait, reconnu beaucoup trop petit, et adjoignit à la somme que cette vente devait produire une allocation de francs par an pendant neuf années, à partir de Par décret du 19 juillet 1811, il fit de Cherbourg un chef-lieu d arrondissement et le siège d un tribunal de première instance et d une sous-préfecture. En érigeant cette statue équestre, l administration municipale s est donc faite l interprète des sentiments reconnaissants de la population, car à Cherbourg, comme partout où Napoléon a passé, ces sentiments ne se sont pas affaiblis avec le temps. Et puisque c est l histoire à la main que nous écrivons cet article, nous rappellerons la réception faite aux neuf mille hommes de la garde russe que la première Restauration n avait pas craint d envoyer sur le territoire français. Les murmures des habitants de Cherbourg et leur hostilité bien marquée pour ceux que la France appelait ses alliés, rendirent leur séjour de courte durée. Ceci se passait au mois de juin Une année après, la seconde Restauration jetait devant la ville plus de quinze mille Prussiens. Cette fois, les habitants moins patients se refusèrent à leur entrée. Grâce à l habileté du général Proteau, pas un coup de fusil ne fut échangé ; les Prussiens d un côté, les Cherbourgeois de l autre, se tinrent dans une sage réserve, mais nos amis firent le blocus de la ville pendant quarante jours, après quoi, ils se retirèrent sans qu aucun d eux se fût hasardé à y mettre les pieds. Et quand la frégate la Belle-Ponte, le 8 décembre 1840, opéra à Cherbourg le transbordement des cendres de l Empereur, enfin ravies au rocher de Sainte-Hélène, l attitude des habitants ne fut-elle pas digne et grande? De Cherbourg partit le premier cri d enthousiasme poussé par la France, cri puissant qui devait réveiller de formidables échos. La statue de l Empereur Napoléon I er n est rien moins qu un chef-d oeuvre. M. Armand Leveel, qui l a conçue, est un sculpteur d un rare talent, que la ville de Cherbourg doit se féliciter d avoir choisi pour l exécution de ce monument. On trouve dans l oeuvre de M. Leveel quelque chose qui indique tout ce qu il y a de puissance d inspiration, de pensée hardie chez cet artiste, si justement et si généralement applaudi. La statue de Napoléon I er sera placée sur le quai qui porte son nom, au bord de la mer et en face de la digue. - L Empereur est à cheval ; il indique de la main cette montagne sous-marine, apportée pierre à pierre, qui, aujourd hui, ravit à la mer plus d une lieue de son empire. Il semble commander aux vagues furieuses qui se brisent maintenant en efforts impuissants sur cet immense écueil qu elles avaient tant de fois bouleversé! Vaines colères qui ne purent arrêter la volonté inébranlable du vainqueur des nations. L attitude calme et fière de Napoléon, son geste noble et imposant, l intelligence qui rayonne sur son front, font de cette œuvre la plus belle peut-être que ce grand conquérant ait inspirée jusqu ici. Le cheval est plein d ardeur et de vie ; on dirait qu il recule épouvanté devant les sourds grondements de la mer. Cette statue remarquable a été confiée aux habiles fondeurs, MM. Eck et Durand. La triple inauguration de la statue, du chemin de fer et de l arrière-bassin, qui doit avoir lieu en présence de l Empereur Napoléon III, est un de ces événements qui marquent dans l histoire d un pays. Dans les conditions où il se trouve aujourd hui, Cherbourg offre le double avantage d être à la fois port de commerce et port de guerre. Port de commerce, car le chemin de fer ouvrira un nouveau débouché à l exportation de nos produits, et imprimera un nouvel élan à ses opérations maritimes. Ne fût-il, d ailleurs, comme nous l avons dit, qu un lieu de refuge, son utilité serait grandement justifiée. Comme port de guerre, Cherbourg est sans rival : au premier ordre d armement, une flotte peut s y former comme par enchantement ; du jour au lendemain, une multitude de marins peuvent être jetés dans ses murs par le chemin de fer et embarqués aussitôt sur les vaisseaux mouillés dans ses vastes bassins. Et nous le répétons, ce qui contribue à augmenter son importance, c est sa position de sentinelle avancée dans la Manche et sa proximité du siège du Gouvernement de la France.» Cherbourg sous l Empereur Napoléon III : notice historique sur Cherbourg, Paris, Dentu, DOSSIER ENSEIGNANT / ENTRÉES DISCIPLINAIRES 28

31 6. AUTOUR DE L EXPOSITION LIVRE À paraître en septembre Précédées d un avant-propos où Claire Tenu retrace les étapes de son travail, les séquences d images sont entrecoupées de huit textes, entre récit et rêverie. Encarté dans l ouvrage, se trouve un livret dépliable, issu d un travail avec des étudiants des Beaux-Arts de Cherbourg sur une sculpture de Frank Stella visible dans la ville. Inachevé et resté sans fonction, ce kiosque à musique devient ici un livre dans le livre, auquel il fait écho et dont il s échappe. Un essai de l historien d art Jean-François Chevrier apporte un autre contrepoint à cet étrange concert. Format : 22,5 x 29 cm 128 pages 59 photographies et œuvres graphiques 27 euros RENCONTRES AVEC CLAIRE TENU ET LOUISE LE GALL dimanche 16 juin à 15h Louise Le Gall, conservateur pour le patrimoine et directrice des musées de Cherbourg-Octeville, évoquera la collaboration entre Le Point du Jour et le musée d art Thomas-Henry à l occasion de La ville que nous voyons. Elle proposera également une analyse des peintures et dessins choisis avec Claire Tenu dans les collections du musée pour être présentés dans l exposition. PROJECTIONS samedi 22 juin à 19h30 À propos de Nice de Jean Vigo (1930, noir et blanc, 22 min.) Chef-d œuvre, sans en avoir la prétention, de ces symphonies cinématographiques urbaines de l entredeux-guerres, À propos de Nice est un aperçu, documentaire et onirique, des diverses facettes d une ville. Embryons d histoires, critique sociale, esquisses de portraits, fantaisie débridée, ryrthmes et formes s enchaînent, s opposent. C est un ballet en images où vague rime avec femme, grands bourgeois avec petits métiers. Il ne s agit que de Nice et de tout sauf de Nice. Jean Vigo réalise ici son premier film avant le libertaire Zéro de conduite (1933) et L Atalante (1934), avec Michel Simon en marinier ventriloque. Lettre à Freddy Buache de Jean Luc Godard (1982, couleur, 11 min.) À l occasion du 500 e anniversaire de la ville de Lausanne, Jean-Luc Godard réalise un courtmétrage qui sera refusé par ses commanditaires. En forme de réponse, il adresse cette lettre ouverte à son ami Freddy Buache, écrivain et directeur de la Cinémathèque suisse. Tandis qu on entend le Boléro de Ravel, se succèdent des panoramiques sur la campagne environnante, la ville, et des ralentis montrant ses habitants en mouvement. Godard évoque Lausanne «entre le ciel et l eau», ou plutôt «entre le vert et le bleu», les dégradés, les périphéries pour échapper «à l esprit de géométrie et à la pierre des urbanistes». DOSSIER ENSEIGNANT / AUTOUR DE L EXPOSITION 29

32

33 7. BIBLIOGRAPHIE QUELQUES LIVRES DISPONIBLES AU CENTRE D ART Artistes cités dans le dossier Jeff Wall Jean-François Chevrier Éd. Hazan 2006 Color in Transparency László Moholy-Nagy Éd. Steidl 2006 Jeff Wall Catalogue raisonné Éd. Schaulager/Steidl 2005 Thomas Struth Textes : Maria Morris Hambourg, Charles Wylie, Douglas Eklund, Ann Goldstein Éd. Schirmer/Mosel 2002 Landscapes Gerhard Richter Textes : Dietmar Elger, Oskar Bätchmann Éd. Hatje Cantz 2002 Museum photogaphs Thomas Struth Textes : Hans Belting, WalterGrasskamp, Claudia Seidel Éd. Schirmer/Mosel 2004 DOSSIER ENSEIGNANT / BIBLIOGRAPHIE 31

34 Walker Evans Éd. MoMA 1971 Lyric Documentary Walker Evans Textes : John T. Hill Alan Trachtenberg Éd. Steidl 2006 Sigmar Polke Éd. Cantz 1997 Patrick Faigenbaum Jean-François Chevrier Éd. Hazan 2000 Le photographique chez Sigmar Polke Xavier Domino Éd. Le Point du Jour 2007 Humaine Marc Pataut Textes de Jean-François Chevrier, Véronique Nahoum-Grappe, Philippe Roussin et Pia Viewing Éd. Le Point du Jour 2013 Sigmar Polke Photoworks: When Pictures Vanish Textes : Paul Schimmel, Maria Morris Hambourg Éd. Scalo/Moca 1995 DOSSIER ENSEIGNANT / BIBLIOGRAPHIE 32

35 Autres livres en rapport avec l exposition Paysages / Territoires Jean-François Chevrier, William Hayon Éd. Parenthèses 2002 Paysages photographies La mission photographique de la Datar 1985 Une route un chemin... Maxence Rifflet Textes : Maxence Rifflet, Jean-François Chevrier Éd. Le Point du Jour 2010 Bord de mer Gabriele Basilico Texte : Bernard Latarjet Éd. Le Point du Jour 2003 Campagne japonaise Thibaut Cuisset Texte : Jean-Christophe Bailly Éd. Filigranes 2002 DOSSIER ENSEIGNANT / BIBLIOGRAPHIE 33

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