LEÇON N 53 : Suites convergentes. Opérations algébriques, composition par une application continue. Limites et relation d ordre.
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- Martial Lebrun
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1 LEÇON N 53 : Suites convergentes. Opérations algébriques, composition par une application continue. Limites et relation d ordre. Pré-requis : Corps R construit : opérations, ordre total, axiome de la borne supérieure ; Définitions : fonctions continues, monotones ; Suites : croissantes, décroissantes, minorées, majorées. Soient k N, P k = N\{0,...,k 1} une partie de N et K = R ou C. Une suite est une application u : P k K qui à tout n de P k associe un élément u n de K, appelé terme général de la suite. On notera donc la suite (u n ), ou (u n ) n Pk. Toutes les suites de la leçon seront définies sur P k. On convient qu une suite (u n ) d éléments de C est bornée dans C si la suite réelle ( u n ) l est dans R. Dans la suite, désignera indifféremment la valeur absolue et le module, sauf mention contraire. Tous les résultats donnés feront référence à des suite réelles. Les résultats cependant valables pour les suites complexes, et dont les démonstrations ne subissent aucunes modifications suite aux différences entre la valeur absolue et le module, seront indiqués par une astérisque Convergence des suites numériques Définition * 1 : Une suite (u n ) est dite convergente, et admettant pour limite l K s il existe l K tel que ε > 0, N P k n N, u n l < ε. On dit alors que «(u n ) tend (ou converge) vers l», et l on note lim u n = l ou u n l. Une suite n n non convergente est dite divergente. Proposition * 1 : Si une telle limite existe, alors elle est unique. démonstration : Supposons qu une suite (u n ) converge vers deux éléments l 1, l 2 K distincts. On se donne ε > 0. Par hypothèse, on a alors l existence de deux entiers N 1, N 2 de P k tels que n N 1, u n l 1 < ε/2 et n N 2, u n l 2 < ε/2. Alors, pour tout entier n max(n 1, N 2 ), on aura l 1 l 2 = l 1 u n + u n l 2 l 1 u n + u n l 2 < ε. Avec ε = l 1 l 2 > 0, on aboutit à la contradiction l 1 l 2 < l 1 l 2, donc l 1 = l 2.
2 2 Suites convergentes Remarque 1 : (u n ) n Exemples : l u n l n Les suites de termes généraux u n = 1/n et v n = 1/ n (n N ) convergent vers La suite de terme général u n = sin(n π ) (n N) est divergente. 2 démonstration : Supposons que (u n ) admette pour limite l R. Soit ε = 1/4. On aurait alors l existence d un entier N P k tel que tout n N vérifie u n l < 1/4. Or tout n N vérifie aussi 1 = u n+1 u n u n+1 l + l u n = 1/2, ce qui est absurde. Donc (u n ) est bien divergente. Proposition 2 : (i) Toute suite convergente est bornée ; (ii) Toute suite croissante et majorée (resp. décroissante et minorée) est convergente ; * (iii) Si (u n ) converge vers l K, alors ( u n ) converge vers l R. démonstration : (i) Soit ε > 0. Supposons que (u n ) converge vers l K. Alors par définition, il existe N P k tel que n N, u n l < ε, c est-à-dire l ε < u n < l + ε. Ainsi, la suite (u n ) prend les valeurs u k, u k+1,...,u N 1 et des valeurs dans l intervalle ]l ε, l + ε[. Or, puisque l ε et l + ε sont deux réels inférieurs à l + ε (inégalité triangulaire), il vient que pour tout n N, u n sup{ u k, u k+1,..., u N 1, l + ε}, et (u n ) est bornée. (ii) Notons M un majorant de (u n ). Soient ε > 0, K = {u n, n P k } et l R tel que l = sup(k). K étant non vide et majoré par M, l existe par l axiome de la borne supérieure dans R. Il vient qu il existe un entier N P k tel que l ε < u n l < l + ε, soit u n l < ε, et la suite (u n ) converge. (iii) Découle du théorème 3 vu plus loin, étant donné que l application x x définie sur K y est continue, en particulier au point l. Remarque 2 : La réciproque de la proposition précédente est fausse. En effet, la suite de terme général u n = ( 1) n (n N) contredit les trois points : elle n est pas convergente (raisonner par l absurde), mais est bornée (par 1), sa valeur absolue converge vers 1 et la sous-suite (u 2n ) converge vers Premiers résultats importants Opérations algébriques Théorème * 1 : Soient (u n ) et (v n ) deux suites qui convergent respectivement dans K vers l et l, et λ K. Alors : (i) (u n + v n ) converge vers l + l ; (ii) (λu n ) converge vers λl ; (iii) (u n v n ) converge vers ll ; (iv) Si l 0 et s il existe N P k tel que n N, v n 0, alors (u n /v n ) converge vers l/l.
3 Suites convergentes 3 démonstration : Il suffit pour chacun des cas de revenir à la définition. Explicitions par exemple (iii). On se donne ε > 0. Notons que la proposition 2 (i) implique en particulier qu il existe un réel M tel que v n M pour tout n P k. Par hypothèse, il existe aussi N, N P k tels que n N, u n l < ε M + l On a ainsi que pour tout n max(n, N ) et n N, v n l < ε M + l. u n v n ll = u n v n lv n + lv n ll v n u n l + l v n l ε < ( M + l ) M + l = ε, et la suite (u n v n ) converge bien vers la produit ll. Remarque 3 : Les assertions (i) et (ii) traduisent la fait que l ensemble des suites numériques convergentes est un espace vectoriel sur K, et l application qui à toute suite (u n ) associe sa limite est linéaire Suites adjacentes Définition 3 : Deux suites (u n ) et (v n ) sont dites adjacentes si l une est croissante, l autre décroissante et si leur différence converge vers 0. Proposition 3 : Deux suites adjacentes sont convergentes et convergent vers la même limite. démonstration : Supposons, quitte à échanger les rôles de (u n ) et (v n ), que (u n ) est croissante et (v n ) décroissante. Il vient alors que (u n v n ) est croissante, et sa convergence vers 0 nous assure que pour tout n P k, u n v n 0, donc u n v n. Des variations des suites (u n ) et (v n ), on en déduit que pour tous p, q P k, u p v k. Ainsi, (u n ) est croissante et majorée par v 0 et (v n ) est décroissante et minorée par u 0, donc elles convergent (proposition 2 (ii)). Enfin, c est la condition (u n v n ) 0 n combinée au point (i) du théorème 1 qui permet de conclure quant à l éaglité des deux limites Suites extraites Définition * 2 : Toute suite (u ϕ(l) ) où ϕ : P k P k (k N) est une application strictement croissante, est appelée suite extraite (ou sous-suite) de (u n ). Proposition * 4 : Toute suite extraite d une suite (u n ) convergente converge vers la même limite. démonstration : ϕ étant strictement croissante, on a que pour tout entier naturel n, ϕ(n) n. Soit ε > 0. Alors il existe N P k tel que u n l < ε. Or ϕ(n) n N, donc on a aussi u ϕ(n) l < ε, d où le résultat. Proposition * 5 : Soient (u n ) une suite et l K. Pour que (u n ) converge vers l, il faut et il suffit que les suites extraites ( 2n ) et (u 2n+1 ) convergent vers l.
4 4 Suites convergentes démonstration : La condition est nécessaire (proposition précédente). Montrons qu elle est suffisante : donnons-nous ε > 0. Il existe alors deux entiers N, N P k tels que n N, u 2n l < ε et n N, u 2n+1 l < ε. Par suite, si n 2 max(n, N ), alors u n l < ε (il suffit de distinguer le cas n pair et n impair), donc (u n ) cenverge vers l. Théorème 2 (Bolzano-Weierstrass) : On peut extraire une sous-suite convergente de toute suite réelle bornée. démonstration : Supposons (u n ) bornée. Il existe donc un réel M tel que pour tout n P k, u n [ M, M]. Posons a 0 = M, b 0 = M et I 0 = [a 0, b 0 ], et définissons par dichotomie pour tout p N l intervalle I p+1 = [a p+1, b p+1 ] de longueur M/2 p de la manière suivante : Soit p N. On pose c p = 1 2 (a p + b p ). L un des deux ensembles A p = {n P k u n [a p, c p ]} ou B p = {n P k u n [c p, b p ]} est infini. Si c est A p, on pose I p+1 = [a p, c p ], sinon on pose I p+1 = [c p, b p ]. Ainsi, à chaque étape, I p contient une infinité d éléments de la suite (u n ). Dans chaque I p, on choisit alors un élément u ϕ(p) qui respecte la condition ϕ(p) > ϕ(p 1) (on peut initialiser ϕ en posant ϕ(0) = k, puisque u k I 0 ). On a alors construit trois suite (a p ), (b p ) et (u ϕ(p) ) telles qu elles soient respectivement croissante, décroissante et extraite de (u n ), et telles que pour tout entier p, on ait a p u ϕ(p) b p. Enfin, il est à noter que b p a p = M/2 p 1 tend vers 0, ce qui fait de (a n ) et (b n ) des suites adjacentes qui convergent donc vers une même limite, d après la proposition 3. Le théorème d encadrement (théorème 4) nous permet de conclure que la suite extraite (u ϕ(p) ) converge Composition par une fonction continue Théorème * 3 : Si f est une fonction continue en l, limite d une suite (u n ), alors la composée f(u n ) converge vers f(l). démonstration : Soit ε > 0. La continuité de l application f en l nous amène à écrire qu il existe η > 0 tel que u n l < η f(u n ) f(l) < ε. De plus, la convergence de (u n ) vers l se traduit par ε > 0, N P k n N = u n l < ε. En particulier, avec ε = η, on aboutit à l implication n N f(u n ) f(l) < ε, ce qui prouve bien que ( f(u n ) ) converge vers f(l). Proposition * 6 : Soient I K, f : I K une application et (u n ) une suite définie par récurrence par u 0 I et u n+1 = f(u n ) pour tout n N et convergeant vers l K. Si f est continue en l, alors l est point fixe de f. démonstration : La convergence de (u n ) vers l implique deux choses : la première est que la suite (u n+1 ) converge aussi vers l (proposition 4), et la seconde est que f(u n ) converge vers f(l) (théorème précédent) par continuité de f en l. Or u n+1 = f(u n ), et on en déduit par unicité de la limite que l = f(l).
5 Suites convergentes 5 Exemple : Soit (u n ) la suite définie par récurrence par u 0 = 1 et u n+1 = 2 + u n = f(u n ) pour tout n N. f est continue sur [ 2, + [, et l on montre par récurrence que pour tout n N, 0 < u n 2. Or u n+1 u n = 2 + u n u n = (2 u n)(1 + u n ) 2 + un + u n > 0, donc (u n ) est croissante et majorée, donc convergente (proposition 2 (ii)) vers une limite l [0, 2] qui vérifie f(l) = l par la proposition précédente. Nécessairement, l = Limites et relation d ordre Théorème 4 (d encadrement) : Soient (u n ), (v n ) et (w n ) trois suites telles que u n v n w n à partir d un certain rang. Si (u n ) et (w n ) convergent vers une limite commune l R, alors (v n ) converge aussi vers l. démonstration : Soit ε > 0. Il existe trois entiers N, N, N P k tels que n N, u n l < ε, n N, w n l < ε et n N, u n v n w n. Alors pour tout n max(n, N, N ), on a que ε u n l v n l w n l < ε, d où la convergence de (v n ) vers l. Proposition 7 : Soient (u n ) et (v n ) deux suites qui convergent respectivement vers deux réels l et l. Si u n v n à partir d un certain rang, alors l l (réciproque vraie avec des inégalités strictes). démonstration : Supposons que l > l. Alors à partir d un certain rang, on aurait l > l v n l < v n l u n l v n l < v n l. Les membres de gauche et de droite tendent vers 0, donc par le théorème précédent, (v n ) converge vers l, ce qui est absurde par unicité de la limite, donc l l. Réciproquement, si l < l, alors en prenant ε = 1 2 (l l) > 0, les intervalles ]l ε, l + ε[ et ]l ε, l + ε[ sont disjoints, et tout élément du premier est strictement inférieur à tout élément du second. Par définition, u n ]l ε, l + ε[ et v n ]l ε, l + ε[ à partir d un certain rang, soit u n < v n.
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