Les premiers souvenirs de mon enfance doivent remonter à l année de mes six ans. Avec ma mère, nous déménagions pour la campagne.

Transcription

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3 1 Premiers souvenirs Au plus loin que je m en souvienne, je me suis toujours sentie seule. Comme si j avais besoin de quelque chose ou de quelqu un. Depuis toute petite, je ressentais cette sensation étrange et indescriptible de manque. Au fond de moi, j avais cette impression de passer à côté de quelque chose. Une chose importante et essentielle. Cette drôle d impression revenait régulièrement dans mon esprit. Et malgré le fait que j ai fait une rencontre qui a bouleversé toute ma vie, je sentais que quelque chose ne tournait pas rond sans pouvoir expliquer le pourquoi et le comment. Alors je continuais à vivre l instant présent, à profiter de tous les merveilleux moments passés avec cette personne qui a tout changé. J essayais d oublier mon pressentiment. Je me disais que c était certainement dû à l absence de mon père. Je ne l avais pas connu et ma mère ne faisait rien pour combler ce vide, que ce soit un vide dans la vie de tous les jours mais aussi, l énorme vide qui régnait dans ma tête en ce qui concernait mon père. 2 3

4 Les premiers souvenirs de mon enfance doivent remonter à l année de mes six ans. Avec ma mère, nous déménagions pour la campagne. Car, ayant habité depuis sept ans en ville, ma mère ne supportait plus l agitation, le stress, l empressement des habitants, le bruit et la pollution qu abritent toutes les grandes villes en général. En tout cas, c est ce qu elle avait prétendu. Mais, j appris bien plus tard ce que révélait réellement ce déménagement. A l époque, je me souviens avoir été très enthousiaste de partir. Cette année-là, j entrais à l école primaire. C était la première fois que j allais à l école car je n avais pas suivi mes maternelles. Ma mère n en avait pas vu l utilité. Contrairement à beaucoup d enfants de mon âge qui rentrent à l école, je n étais pas triste de quitter ma mère pour la journée. Ma mère et moi, nous n avons jamais été proches. On vivait ensemble sans pour autant se parler, se toucher ou même, se regarder. Et quand je suis entrée dans l adolescence, notre «relation» s est dégradée d année en année. Les seuls moments où l on se parlait, c était pour se disputer. On se critiquait et se faisait des reproches sans arrêt. Mais revenons à mes six ans. Le déménagement s était bien passé et nous habitions maintenant dans une rue très calme et à l écart du centre-ville, ce qui convenait parfaitement à ma mère. La rue n était pas très large et il ne devait y avoir que cinq ou six maisons. L une d elles attirait particulièrement mon regard. Elle se trouvait juste en face de la nôtre. Elle était grande et faite de briques rouges. Les fenêtres étaient ornées de rideaux blancs, ce qui lui donnait un air illuminé, éclairé, surtout quand le soleil tournait ses 24

5 rayons vers elle. Derrière, on pouvait apercevoir un jardin et je crus même voir une balançoire et un petit toboggan. Voilà pourquoi cette maison me passionnait. Mais ce n était pas seulement l apparence du bâtiment ni la balançoire et le toboggan que j aimais, c était aussi les personnes qui y vivaient. Pourtant, je ne les connaissais pas. Je les avais juste vus sortir de chez eux. Ils partaient dans leur grosse voiture familiale. Il y avait le père très souriant, avec un air de sympathie qui inspire confiance. La maman était très élégante et bien habillée. Elle ne ressemblait en rien à ma mère. Il y avait aussi trois enfants. Le plus grand était un garçon qui devait avoir dans les dix ans. Venait ensuite une petite fille d environ huit ans. Le dernier était un garçon de six ans, mon âge à ce moment-là. Tout me plaisait chez eux. Cette maison était le symbole même de la famille unie par excellence. Ils possédaient tout ce que, moi, je n avais pas. Moi, tout ce que j avais, c était une mère infirmière trop absente et plus préoccupée par son travail que par sa fille. Toute sa vie tournait autour de son travail. Rajoutez à ça toutes ses heures de garde. J étais, comme qui dirait, seule au monde. Je n avais personne à qui raconter mes journées. Personne avec qui discuter. Personne avec qui rire ou même, pleurer. Il ne me manquait pas seulement un père, mais aussi une mère. Bien sûr, elle était là physiquement, mais ça ne suffisait pas. Il me manquait le contact affectif. Je n ai jamais dis «je t aime» à ma maman et elle ne me l a jamais dit non plus. Je pensais à cette famille, à la mienne, à tout ce qui me manquait. Puis, j ai été me coucher car le lendemain, c était mon premier jour d école. J étais 2 5

6 très contente mais aussi effrayée car je ne savais pas exactement ce que signifiait le mot «école». On ne me l avait jamais expliqué. Le lendemain, me voilà donc arrivée à l école. L institutrice m accueille très gentiment et elle me dirige vers les autres enfants. L un d eux s approche de moi et me dit : «Bonjour, je m appelle Sébastien, et toi?» Je l ai reconnu tout de suite. C était le petit garçon de la maison aux briques rouges que j avais observée la veille. «Moi, c est Léa.» Et c est là que tout a commencé. 26

7 2 Le début d une grande histoire Dès le début, Sébastien et moi sommes devenus inséparables. Inséparables à tel point que les autres enfants nous surnommaient «les amoureux». Nous étions le petit couple de la classe. Sébastien était la personne qu il me manquait. On pensait les mêmes choses et parfois, au même moment. On aimait les mêmes choses, on se comprenait sans même se parler. Avec un seul regard, on savait exactement ce que l autre était en train de penser. En réalité, nous ne nous parlions pas beaucoup. Toutes nos pensées, nos idées passaient par nos yeux. Mais bien sûr, nous avions aussi des moments de fous rires, de discussions et d amusements. Nous étions des âmes sœurs. Le matin, c est pour lui que je me levais car, pour ma mère, le fait que je me lève ou que je reste dans mon lit lui était complètement indifférent. Et ça, même les jours d école! Ma mère ne se préoccupait ni de mes études, ni de mes sentiments et, encore moins, de Sébastien. 2 7