Le temps de la mémoire sépharade. L Europe, cent ans après son suicide. Actualité du message biblique. La yiddishkeit est bien vivante

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1 Le prêcheur en eaux troubles par Luc Rosenzweig L Europe, cent ans après son suicide Le temps de la mémoire sépharade Actualité du message biblique La yiddishkeit est bien vivante N AVRIL Lyautey et les juifs du Maroc

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3 N AVRIL 2014 AU SOMMAIRE D EDITO 5- L Europe et le Judaïsme : quelles libertés? par Joël Mergui 6- REPÈRES ISRAËL ET L EUROPE 9- Les erreurs de Netanyahou par Yehouda Lancry A LA UNE 10- L Europe et nous par Alexandre Del Valle LA CHRONIQUE DE GUY KONOPNICKI 14- L Europe, cent ans après son suicide POLITIQUE 16- Plenel, prêcheur en eaux troubles par Luc Rosenzweig JUDAÏSME 17- Le droit matrimonial hébraïque par Daniel Dahan 20- L actualité du message biblique par Albert Guigui 9 10 ETUDE Réflexions sur le messianisme par Coralie Camilli 23- LA VIE DU CONSISTOIRE CULTURE 26- La yiddishkeit est bien vivante par Annie Ousset-Krief HISTOIRE 32- Le temps de la mémoire sépharade par Hélène Trigano 34- Lyautey et les juifs du Maroc Un entretien avec Guillaume Jobin PHILISOPHIE 36- Sarah Kofman pour mémoire par Isabelle Ullern LIVRES 37- Erri De Luca et la fascination du yod par Déborah Ben Soussan 38- L héritier de Hessel par Gilles-William Goldnadel 39- COURRIER CINÉMA Alain Resnais, dernière séance par Elie Korchia 42- VERBATIM / CARNET INFORMATION JUIVE 17, rue Saint-Georges Paris Rédaction : Administration : Fax : infoj@consistoire.org Fondateur : Jacques Lazarus ( ) Comité de rédaction : Evelyne Gougenheim, Michel Gurfinkiel, Sabine Roitman, Clément Weill-Raynal Directeur de la publication : V. Malka Administration : Jessica Toledano Maquette : Mike Cohen Régie publicitaire : Média 5 - Tél. : Photographies : Alain Azria, Erez Lichtfeld, Denis Ktorza. Edité par S.a.r.l. Information Juive le journal des communautés au capital de 304,90 Durée de la société : 99 ans Commission paritaire des journaux et publications : 0708K83580 Dépôt légal n N ISSN : Impression : SPEI Imprimeur - Tél. : Les textes de publicité sont rédigés sous la responsabilité des annonceurs et n engagent pas Information juive. Abonnement annuel : 33 Abonnement de soutien : 46 Abonnement expédition avion : 41 ABONNEMENT EN LIGNE SUR Les manuscrits non retenus ne sont pas renvoyés.

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5 EDITO L Europe et le judaïsme : quelles libertés? PAR JOËL MERGUI* Les élections d une Europe pacifique et libre vont se dérouler à quelques semaines de la fête de Pessah que le peuple juif célèbre partout en mémoire de sa sortie d esclavage. La fin de notre exil de servitude en Égypte résonne à nos mémoires comme le moment où nous avons conquis notre liberté comme peuple et comme individu. Petit peuple par le nombre, au sein des nations, les Juifs ont tout au long de l histoire, réussi à préserver leur héritage spirituel par le seul fait qu ils demeuraient fidèles à leur mémoire comme à leurs commandements et à leurs traditions. Ils sont restés Juifs comme ils sont restés des Français, des Allemands,des Anglais ou des Espagnols au sein de l Europe et comme l Europe représente l union librement consentie de toutes les nations qui la composent sans que celles-ci perdent pour autant leur identité propre. Cette fidélité revêt certes plusieurs aspects et s exprime différemment selon les individus et les pays, mais quelle qu elle soit, elle signe l adhésion à une identité forte, vécue le plus souvent comme une évidence incontournable. Or, cette pleine évidence pour un juif d être Juif et de l être totalement -en plus d être français ou citoyen européen -, paraît si irréductible qu elle représente probablement l une des raisons qui suscitent au mieux l admiration, au pire le rejet. N en déplaise aux esprits chagrins et aux extrémistes de tous bords, depuis le traité de Lisbonne, l apport des religions est reconnu comme partie intégrante de l identité et de la culture européenne. Implanté en Europe depuis plus de 2000 ans, le Judaïsme a pleinementparticipé à sa fondation et continue d y jouer un rôle actif. Dans un contexte de montée des extrêmes accompagnée de méfiance vis a vis du politique et de poussées nationalistes, 28 nations s apprêtent à élire leurs représentants au parlement européen. L Europe qui s est progressivement élargie de 6 jusqu à 28 pays est partout synonyme d espace de liberté et de modernité. Dans un tel cadre, la conception juive de la liberté, née de la sortie d un long exil, peut paraître sinon anachronique ou obsolète, totalement dérisoire. Pourtant il n en est rien. Notre liberté est d abord prise de conscience, celle d une existence qui se vit dans un monde auquel il faut fixer des règles et des limites pour qu il soit viable et vivable, sauf à accepter le joug de la soumission à un des pote, à nos instincts, à nos passions, au tohu bohu ou à la norme sociale. Dans un monde où tout va vite, où la réussite matérielle paraît être le sens de l existence moderne, il peut effectivement sembler étrange, sinon anormal qu une communauté de personnes sauvegarde une communauté de valeurs et articule son existence autour d une communauté d origine et de destin dans le respect des lois de sa communauté nationale. Pire, il peut sembler même anti-moderne -et certains oseront même dire anti-égalitaire ou anti-démocratique- que des hommes et des femmes affirment leur liberté en vivant selon des règles et des commandements qui abondent en interdits et en contraintes! Effectivement, quelle étrange liberté de conscience que celle qui choisit de se limiter en tout quand l époque est à ne se contraindre en rien! Quel étrange peuple qui s inflige 8 jours durant un pain de misère, pour se souvenir d avoir tout quitté pour un ailleurs improbable, un message à peine audible et une voie inconnue? Du pain azyme à Pessah aux règles de la cacherout, à la circoncision des nouveaux nés ou de l observance de Chabbat jusqu à la seule affirmation de notre identité juive, la liberté à l œuvre est la même. Notre liberté est conscience de nous même comme individu et comme Peuple ; elle est intime conviction que l homme n est pas davantage maître du monde que le monde n est maître de nous. Ces certitudes conjuguées depuis des millénaires nous permettent au quotidien de relativiser ou de nous libérer des situations les plus difficiles que nous ayons à affronter. A savoir nous en détacher, nous nous en trouvons libérés et partout où nous allons nous transportons avec nous notre univers mental autant que notre liberté. Paradoxalement, nos règles et notre univers si contraignants sont nos boucliers et nos armes pour ne pas sombrer totalement comme Peuple et comme individu aux heures les plus graves de notre fragile existence. En cela, notre liberté est bien la garante de notre survie tout au long de notre courte vie comme de notre longue histoire. Pourtant, à l heure des libertés démocratiques, partagées sur tout le sol européen, la liberté essentielle qui consiste à vivre selon sa conscience est battue en Notre liberté réside dans le choix de nos limites ; elles sont le garant de notre survie comme peuple brèche. La liberté religieuse ne serait pas liberté au motif qu elle s accompagne de pratiques religieuses considérées comme contraignantes par ceux justement qui ne les pratiquent pas. Pour les Juifs -jusqu aux plus observants-, aucune liberté n est plus grande que celle qui se donne à ellemême ses propres limites et qui nous protègent de subir les bornes d un espace qui nous confine loin de nous-mêmes, hors du cadre que nous nous sommes choisis et dans lequel nous pouvons nous épanouir durablement. Au moment de renouveler ses acteurs, que l Europe ne se méprenne pas sur le rôle ou l héritage du Judaïsme. Il offre aux religieux comme au non-religieux un cadre protecteur qui donne sens à une existence assumée chaque jour comme un cadeau précieux ; un don qui transfigure le réel et apporte à qui sait le voir un bonheur constructif de tous les instants. -- *Président du Consistoire INFORMATION JUIVE Avril

6 REPÈRES Juifs et Nègres n Notre excellent confrère «Philosophie Magazine publie dans son numéro de mars 2014 un entretien avec le philosophe Achille Mbembe, présenté comme «un passeur évoluant dans des sociétés toujours obsédées par le concept de race». Dans cet entretien, le philosophe déclare qu il retrouve «le soubassement d espérance pour un avenir ouvert sur le large» dans une certaine tradition juive, «chez maints auteurs auprès desquels j ai puisé sérénité et réconfort.» Le philosophe ajoute : «En Occident, l histoire des Juifs et celle des Nègres ne sont pas la même. Ce qui les rapproche cependant c est d être à la fois l envers et l endroit de la modernité./ La présence des Nègres et des Juifs en Occident est très ancienne, Achille Mbembe et, sans eux, la modernité n aurait pas revêtu le visage qu elle a fini par revêtir. Et en même temps, Nègres et Juifs sont des revenants, parce que les deux groupes ont été exposés, à des degrés divers, à la possibilité objective de disparition. Pour les Juifs c est évidemment l Holocauste. Pour les Nègres, ce furent quatre cents ans d esclavage. Revenant de très loin, les Juifs et les Nègres posent à la modernité des questions très radicales, voire extrêmes. Qu un Kant (mais il n est pas le seul) n a pas su entendre et encore moins poser. «Au demeurent, ce qui me frappe et c est un point encore inaperçu par la philosophie ou trop souvent idéologiséce sont les convergences ou les échos entre les pensées nègres (Blyden, Du Bois, Césaire, Senghor, Fanon, Glissant) et une pensée juive de tradition allemande- Rosenzweig, Benjamin, Buber, Bloch en particulier». L universalisme et la singularité Denis Tillinac n Nous avons relevé dans l entretien qu il a accordé au Figaro Magazine ( (21 février 2014) la définition que l écrivain Denis Tillinac donne de l universalisme. Rappelons que cet entretien tourne autour du livre que l écrivain vient de publier «Du bonheur d être réac» ( Editions des Equateurs ) «Le réac est celui qui accepte le monde dans sa réalité, sa munificence, son ambivalence sa diversité justement : les hommes et les femmes, la mémoire et l aspiration au progrès, l individuel et le collectif. Il n y a pas d universalisme sans terrier : on n atteint l universel que par le biais de singularité». Tillinac évoque par ailleurs le «système de valeurs sans lequel on ne saurait vivre en société : le sens de l honneur, l élévation, la distinction, la mémoire, les hiérarchies, l harmonie, l éternité, le tragique, la noblesse, la pudeur, la désinvolture. Autant d invariants dont aucune civilisation ne peut faire l économie, sauf à s effondrer». 6 INFORMATION JUIVE Avril 2014 Lettre aux égarés n «Aux égarés de la génération» : c est le titre du livre secret du Rav Kook qui aurait été découvert par le rabbin Rahmani,un enseignant de Yad vashem et qui lui a consacré un travail de doctorat. C est le rabbin Rahmani qui a donné ce titre à des écrits du Rav Kook inconnus et retrouvés. Ces écrits auraient été achevés à la fin de 1902 (deux ans avant l installation du Rav Kook en Palestine comme rabbin de Jaffa). Le Rav Kook vivait encore à Brisk. Dans ces textes, il abordait essentiellement la question du nationalisme juif et «les lois de la Torah et le peuple juif». On dit que le Rav Kook avait décidé de ne pas rendre public ces textes. Deux extraits seulement en furent publiés. Les disciples du grand rabbin connaissaient l existence de ce livre. L un de ces disciples, Yehoshua Hotner, avait signalé en 1940 «l existence d un livre spécial qui est encore un manuscrit. On dit qu il s agit là d un nouveau «Guide des Egarés». Pourquoi le Rav Kook avait décidé de ne pas éditer ce livre? Szelon le rabbin Rahmani, les questions que le Rav Kook abordait dans ce manuscrit devenaient tout d un coup à l heure du développement du Rav Kook mouvement national juif moins urgentes. La manière d écrire ellemême du Rav Kook se transformait : la kabbale y prenait une place de plus en plus importante. Cela fait des années que Rahmani travaille sur les œuvres du Rav Kook. Il considère que ces œuvres intéressent de plus en plus de jeunes juifs qui les étudient aujourd hui. «Sans la vision du monde développée par le Rav Kook, nous sommes perdus, nous aurons perdu le Nord. J ajoute qu il existe aujourd hui une soif de ces écrits au sein de la jeunesse israélienne» déclare le rabbin Rahmani.

7 REPÈRES Sondages L antisémitisme, qu est-ce que c est? n 60 % des jeunes Israéliens affirment préférer manger dans des restaurants cachers. 13 % seulement des jeunes harédim (orthodoxes) disent vouloir s engager dans les rangs de Tsahal pour faire leur service militaire. Ces chiffres sont les résultats d un sondage rendu public à la veille du congrès de la jeunesse sioniste. Selon ce sondage, 85% des jeunes interrogés disent être opposés à des concessions à propos de Jérusalem. Si des élections se déroulaient aujourd hui, Netanyahou et Benett auraient leur préférence. Par ailleurs, 70 % des jeunes interrogés se déclarent «sionistes» mais ce chiffre tombe à 26 % si la question est posée aux jeunes orthodoxes. Enfin, à la question «vous définissez-vous comme «Israéliens?», 89 % répondent par oui (68 % chez les harédim). Un quart des jeunes Israéliens qui se considèrent comme «laïcs» disent vouloir quitter le pays. Selon un autre sondage publié dans les colonnes du même journal, 95 % des citoyens Israéliens considèrent qu il existe des secteurs du pays qui souffrent aujourd hui encore de racisme. 79 % pensent que les immigrants d Ethiopie souffrent encore de ce racisme. Pour 68 % des personnes interrogées, les citoyens arabes d Israël en sont également victimes. 41,8 % citent parmi les victimes les harédim (les ultraorthodoxes) A la question de savoir ce qu il convient de faire pour éradiquer ce racisme, 50 % répondent : c est une question d éducation. Pour 58,4 % des personnes interrogées, cela relève de la responsabilité du ministère et pour 21,5 % le responsable est plutôt le chef du gouvernement. n Amnon Rubinstein est professeur de droit, ancien ministre de l éducation et ancien membre de la Knesset. Dans une chronique qu il a publiée le 21 mars dernier dans les colonnes du quotidien Israël Hayom, il évoque ce qu il appelle «la haine des juifs, vivante et agressive» Voici ce qu écrit entre autres l éminent juriste : «Une vidéo qui m a été envoyée par une connaissance en Angleterre et qui montre une manifestation antiisraélienne et anti-juive dans une université irlandaise, m a rappelé une visite officielle que j ai faite en Inde, il y a quelques années. «Au cours d un entretien à la télévision, un jeune animateur m a demandé : Pourquoi les Israéliens aiment-ils notre pays? Ce à quoi Etre juif selon Amos Oz n L écrivain Amos Oz vient de publier avec sa fille qui est historienne un livre ayant pour titre «Les juifs et les mots». L écrivain et sa fille disent ne pas croire en Dieu. Ils ajoutent que leur identité juive n a rien à voir avec la foi et que tout au long de leur vie ils ont lu et lisent encore des textes Amos Oz juifs, anciens ou nouveaux. Ils s inspirent de ces textes et se confrontent à eux : «Ces textes, écrivent-ils dans leur introduction, constituent pour nous les portes d entrée intellectuelles dans le monde». Le livre traite du judaïsme non comme une religion mais comme une culture. Selon les auteurs, il n y a dans les éléments qui Amnon Rubinstein j ai répondu : Je pense que c est parce qu il n y a jamais eu chez vous de l antisémitisme. «Alors le jeune animateur m a dit : l antisémitisme, qu est-ce que c est? «J ai été tellement ému par cette réaction que je donnai l accolade à cet interviewer. Je lui ai dit : Nous vous aimons justement à cause de la question que vous venez de me poser». composent la nation juive ni une histoire commune, pas même la mémoire de Jérusalem et d Eretz Israël et encore moins des gènes biologiques. Ce qu il y a en revanche, selon les deux auteurs, c est une continuité culturelle, une «braise» dans laquelle on trouve la crainte du ciel, des lois et de la morale, de l étude, des maîtres et des disciples. Tout cela a pour cadre la synagogue, la yéchiva, l école et par-dessus tout la famille. Cela rappelle à certains la démarche d Ahad Haam ( Acher Zvi Greenberg ) qui, voici plus d un siècle, parlait de la terre d Israël comme d un centre spirituel du judaïsme. Amos Oz et sa fille considèrent l histoire des juifs comme «de la bonne littérature». Quant à la Bible, elle est, disentils, d une lecture splendide «même quand on lui ôte sa dimension de livre saint. Elle est aussi impressionnante que les œuvres d Homère, Shakespeare ou Dostoïevski». Quant à savoir qui est juif, les deux auteurs écrivent : «Quiconque est assez fou pour se dire juif est juif à nos yeux». INFORMATION JUIVE Avril

8 REPÈRES Valls et les juifs n Samuel Pruvot est journaliste et écrivain. Il est rédacteur en chef du magazine Famille Chrétienne et l auteur de l ouvrage François Hollande, Dieu et la République (Salvator 2013). Dans une interview qu il a accordée au Figaro (4 avril 2014) il aborde la question des rapports de Manuel Valls avec la communauté juive. Ceux qui savent n Amnon Dankner fut l un des plus grandes journalistes d Israël. Il avait une grâce d écriture qui n appartenait qu à lui. Il fut entre autres le directeur de la rédaction du quotidien Maariv quand celui-ci était encore un journal prestigieux. En avril 2014, un an après sa mort, Yaïr Lapid, l ancien journaliste devenu ministre des finances, a rendu hommage à la mémoire de celui qui fut son confrère et ami. Il raconte avoir demandé un jour à Amnon Dankner : -Mais pourquoi il n y a qu à toi qu arrivent toujours les choses les plus Amnon Dankner intéressantes? Dankner répondit : -Dieu a décidé que les choses les plus intéressantes n arriveraient qu à ceux qui savent raconter des histoires. Les archives de la paix israélo-égyptienne Manuel Valls Voici ce qu il écrit : «Il existe de multiples déclarations favorable à l Etat d Israël du maire d Evry. Son rôle moteur dans l affaire Dieudonné a pu alimenter cette image d ami d Israël dans certaines banlieues. Les sites internet antisionistes ont fait de lui un adversaire affiché. Reste que dans la géographie religieuse d Evry avec sa cathédrale ultramoderne, sa grande mosquée et sa pagode géante la communauté juive n est pas la seule ni la première. On a coutume de comparer Nicolas Sarkozy et Manuel Valls. Dans le premier cas, le maire de Neuilly avait surtout affaire aux catholiques et à une importante communauté juive. Il n y avait pas, en revanche, ce que Manuel Valls a du gérer à Evry : la présence de l islam». n Selon des archives historiques qui ont été rendues publiques, Menahem Begin en recevant Anouar el-sadate à Jérusalem, était inquiet par le fait que Sadate ne serait pas éternel. Et que se passera-t-il après sa mort? Il s en ouvrir au principal intéressé : Monsieur Sadate, nous allons signer avec vous un accord. Après vous, quelqu un viendra et convaincre le peuple égyptien qu il faut nous jeter à la mer. Sadate, dit-on, avait une réponse toute prête : Il en va de même chez vous. Demain Sharon pourrait prendre le pouvoir et lui ne pense qu à la guerre. Anouar el-sadate et Menahem Begin - Sharon? répondit Begin. C est un gentil garçon! Ces archives résument tout ce qui s est passé lors des négociations avec les Américains. On y trouve également des comptes-rendus de réunions gouvernementales, des télégrammes diplomatiques, et le résumé de conversations entre les ministres et leurs conseillers. Anouar el-sadate apparaissait aux yeux des négociateurs israéliens comme un homme réfléchi et logique. Il était également chaleureux. Il n a pas cessé de manifester du respect à ses interlocuteurs israéliens qui étaient hier encore des ennemis. Un jour que Sadate et Ezer Weizmann discutaient dans un salon d un hôtel à Jérusalem, le ministre israélien dit au chef de l Etat égyptien : Voyez ce qu est devenue Jérusalem. Si vous pensez qu il est possible de la ramener à ce qu elle était naguère, alors vous vous trompez! Sadate répondit : Je comprends parfaitement que Jérusalem doit rester unifiée mais mon sentiment est qu on doit installer dans la ville une municipalité arabe, une autre israélienne et une troisième qui serait une institution supérieure. Et il m importe peu que flotte ici un drapeau jordanien ou tout autre drapeau Au cours d une autre conversation qu il a eu avec Ezer Weizmann, Sadate lui dit : On m a toujours dit que vous étiez intelligents et que vous aviez de l imagination. Mais où êtes-vous? Plus tard, Weizmann révéla qu il répondit à Sadate : La vérité c est que, depuis six mois, nous sommes tous occupés à analyser votre intelligence et votre imagination.! Sadate : Utilisez enfin votre intelligence. Après tout, nous parlons d une grande affaire ( big bizness ). Weizmann s adressera plus tard à ses collègues, au sein du gouvernement israélien : Nous devons nous asseoir avec ce Goy et écouter ce qu il a à nous dire. Nous ne sommes pas obligés d accepter tout ce qu il dit. Mais nous devons le comprendre. Et nous devons nous rappeler que quelle que soit notre force et malgré le verset Tu nous as choisis, nous ne sommes au total que trois millions d Israéliens 8 INFORMATION JUIVE Avril 2014

9 ISRAËL ET L EUROPE «Les erreurs de Netanyahou» UN ENTRETIEN AVEC YEHOUDA LANCRY* La position d Israël face à l Union européenne est aujourd hui l objet d interrogations. Les Européens jugent Israël à l aune du processus de paix. Pour l instant d ailleurs, on ne peut parler que du «processus». La paix, elle, n est toujours pas là. Il est évident que les accords d Oslo ont permis, en leur temps, une avancée historique mais, depuis lors, rien ne se passe. Je pense que l écrivain Yehoshua a eu raison de parler récemment dans un article dans un quotidien de Tel Aviv, du processus comme d un «tueur de la paix». Il veut dire que l on s occupe du processus comme d un objet d art. On fait de l art pour l art. Chacun veut croire qu il a fait avancer la paix à l abri du processus même si rien de concret ne se fait. Au fond, ce processus est stérile. Ce qui, selon moi, aggrave la situation c est que la coalition israélienne avec cette politique de colonisation accélérée, œuvre contre la paix. On ne peut évidemment pas continuer à développer les implantations israéliennes sans que cela constitue une atteinte au principe même de la paixet de la coexistence. Les Palestiniens, de leur côté, adoptent des attitudes radicales quand ils exigent le retour des réfugiés. Netanyahou se sent mal dans la coalition qui est la sienne aujourd hui. Quand il demande aux Palestiniens de reconnaître Israël comme «Etat juif» Pourquoi serait-ce une demande illégitime? Je n ai pas dit cela. Je pense que cette revendication est tout à fait légitime mais elle devrait être présentée à la fin des négociations, juste avant qu on en arrive à la signature officielle.. Netanyahou poursuit actuellement, à mon sens, deux objectifs. Sur le plan idéologique, lors de sa première mandature, il avait été fortement critiqué notamment par Itzhak Shamir pour sa faiblesse. On lui reprochait notamment son manque de principes. Par contre- coup, il tient à montrer aujourd hui qu il est un homme de principes. L autre objectif est politique. Cela lui permet de «vivre» avec sa coalition actuelle. Manifestement, son unique souci est de durer. Il a fait naguère quelques déclarations lénifiantes au sujet des «deux Etats» mais chacun peut constater qu elles sont restées lettre morte. Beaucoup en Israël considèrent que l attitude des Européens dans le conflit israélo-palestinien est déséquilibrée. Est-ce votre avis? Le désaccord entre Israël et l Union européenne tient, selon moi, à une question fondamentale, celle des implantations. On ne peut décemment pas d un côté, se déclarer favorable à la coexistence et à la réconciliation et de l autre saper les conditions mêmes de cette coexistence. C est d ailleurs ce qu Angela Merkel a dit récemment à Netanyahou. Mon sentiment est que Netanyahou veut faire la paix mais la coalition gouvernementale qui est la sienne aujourd hui le lui interdit. S il veut faire la paix réellement, il doit agir comme l ont fait ses prédécesseurs Menahem Begin et Itzhak Rabin : il doit changer de coalition. Et d abord se séparer de l aile droite la plus dure et la plus Mme Merkel en visite en Israël radicale que représente M.Benett et sa formation politique. Il existe aujourd hui des formations religieuses disposées, à soutenir la marche vers la paix. Le Chass de Arié Dérhy n est plus celui de Elie Yichaï. Il est plus ouvert et plus disposé à des concessions politiques. Diriez-vous qu Israël a perdu le combat de la communication en Europe? Je pense que c est le cas mais ce n est pas irrémédiable. Il suffira d une avancée de paix pour que les choses changent et qu Israël retrouve une autre respiration et un autre rythme. Mais il est vrai qu aujourd hui nous sommes en déficit de considération au regard des Européens. Il reste qu on peut se poser la question de savoir si les Européens sont aussi rigoureux avec les Palestiniens qu ils le sont avec les Israéliens. Je ne le crois pas. J ajoute que les Palestiniens nous rendent les choses plus difficiles dans la mesure où nous ne pouvons plus utiliser l argument du «terrorisme suicidaire» qu ils ont pratiqué naguère. De ce point de vue, on peut dire qu Abou Mazen est un homme intelligent. -- *Ancien ambassadeur d Israël,à Paris et aux Nations Unies. INFORMATION JUIVE Avril

10 A LA UNE L Europe et nous UN ENTRETIEN AVEC ALEXANDRE DEL VALLE L ensemble des communautés juives en Europe semblent être inquiètes. Ont-elles des raisons de l être? Je ne voudrais pas attiser les peurs, mais je pense que lorsque les juifs commencent à quitter une nation ou s ils y songent fortement, cela est rarement bon signe. L histoire a en effet montré que lorsque les juifs ont peur pour leur avenir et quittent leurs pays, le pire n est pas loin. On l a observé à de nombreuses reprises, notamment avec l exil d intellectuels juifs allemands vers les Etats-Unis dans les années 30, puis quelques années plus tard, avec l exil sociale dans l avenir Et Manuel Valls lui-même semble s en soucier. Dans mon livre, j explique longuement le processus de subversion des valeurs des sociétés démocratiques par leurs ennemis rouges-bruns-verts qui voient dans les nouvelles masses immigrées un bouclier et un réservoir potentiel de combattants antisionistes et donc anti-juifs. J explique aussi comment après 50 années d immigration plus subie que choisie et très mal gérée par des gouvernements européens, une proportion significative de l immigration arabo-islamique a été fanatisée par une vision victimaire et Alexandre Del Valle Le politologue Alexandre Del Valle vient de consacrer un ouvrage à ce qu il appelle «le complexe occidental» ( Editions du Toucan 22 euros ). Il s agit dans l esprit de l auteur d un manuel de contre-désinformation à l usage de nos sociétés. Il y pointe en particulier certaines dérives de l Union européenne. A la veille des élections au Parlement européen, nous avons posé à l auteur un certain nombre de questions qui sont celles qui se posent aujourd hui au sein des communautés juives dans les différents pays du continent européen. Voici ses réponses. Certes, la France d aujourd hui n est pas l Allemagne pré-nazie ni même l Egypte de Nasser, mais on constate dans toute l Europe un renouveau du «syndrome totalitaire» de la plupart des juifs des pays arabes Certes, la France d aujourd hui n est pas l Allemagne pré-nazie ni même l Egypte de Nasser, mais on constate dans toute l Europe un renouveau du syndrome totalitaire et des idées complotistes qui l accompagnent et qui prennent toujours pour cibles les juifs, les sionistes. Dans ce contexte, on peut observer cette montée de la haine anti-juive sous couvert d antisionisme dans la plupart des banlieues des métropoles françaises belges, allemandes, hollandaises, italiennes, britanniques, etc. N ayant pas réussi à intégrer une partie des masses désoeuvrées issues de l immigration extraeuropéenne, nos élites politiques, intellectuelles et médiatiques ont laissé monter cette haine antijuive. Nous risquons de payer cher cette facture paranoïaque du monde qui dépeint les Gaullois laïcards comme des mécréantsracistes-indignes et les juifs comme les maîtres d œuvres de la persécution planétaire et hexagonale des musulmanes et des Arabes. Cette complaisance à l égard de ces discours fait que, depuis des années, en Europe, s il existe des antidotes face au fascisme et au nazisme des Européens, il ne semble pas en exister encore face au fascisme exotique qui s exprime en toute liberté dans les banlieues, dans les médias, dans les réunions des Frères musulmans et des Islamistes radicaux, dans les discours des Indigènes de la République, dans nombre de mosquées hors contrôle et jusque dans les universités et les écoles où l histoire de la Shoah est de plus en plus difficilement enseignée. Bref, le nouvel 10 INFORMATION JUIVE Avril 2014

11 A LA UNE antisémitisme tiers-mondiste et palestinophile s exprime sans entraves et menace en toute impunité non seulement nombre de juifs ou de petitsblancs chrétiens mais aussi des Imams modérés judéophiles et républicains comme Hassen Chalgoumi ou Souhaib Bencheikh, intimidés et accusés de trahison du seul fait qu ils prônent l intégration républicaine et dénoncent l importation sur notre sol du conflit israélo-palestinien. Je suis donc pessimiste pas uniquement à propos des juifs, dont un certain nombre sont tentés par l exil vers les Etats-Unis, l Australie ou l Aliah vers la terre d Israël, mais aussi au sujet de nombreux chrétiens européens et autres Gaullois qui se sentent menacés dans des zones abandonnées par les autorités républicaines et livrées aux casseurs impunis ou aux prédicateurs islamistes qu ils sont les seuls à respecter. Comment expliquez-vous d une manière générale que des thèmes anti-juifs que l on croyait à jamais déconsidérés reviennent dans le débat politique? Car il est certain que l antisémitisme retrouve des couleurs dans la plupart des pays européens. Ce thème revient en permanence dans les discours des adeptes de la gauche trotskiste, écologiste, tiersmondiste et altermondialiste, dans les prêches des propagandistes islamistes, dans les spectacles de Dieudonné et de ses alliés politiques rouges-bruns-verts, et même dans les discussions du Parlement européen auxquelles j assiste et qui montrent si souvent du doigt Israël, désigné comme le pire Etat de la planète méritant sanctions et boycotts, les juifs n étant pas officiellement nommés mais indirectement visés dès lors que le sionisme est présenté comme une idéologie néo-colonialiste. L accusation de fascisme, de nazisme est aujourd hui au centre du processus de démonisation d Israël et des juifs sionistes, au terme d une véritable inversion sémantique. Dans votre livre, vous écrivez que les vieilles sociétés européennes semblent avoir peur de tout. Que voulez-vous dire? Je veux parler de cette peur sans risques, ce syndrome de Stockholm qui fait que les Européens ont tellement intériorisé la haine de leur propre civilisation judéo-chrétienne et sont tellement culpabilisés par le terrorisme intellectuel qu ils ont peur de défendre leur identité, leurs religions (juive ou chrétienne), leurs nations et leurs drapeaux Les Européens sont tellement terrorisés psychologiquement par le discours de la haine de soi et subjugués par le discours de la fierté identitaire de leurs ennemis déclarés qu ils capitulent devant eux avant même de se défendre. Ainsi, tels les célèbres otages de Stockholm qui avaient défendu leurs bourreaux et accablé leurs libérateurs policiers, les L accusation de «fascisme», de «nazisme» est aujourd hui au centre du processus de démonisation d Israël et des juifs «sionistes», au terme d une véritable «inversion sémantique». Européens accablent leurs défenseurs et abondent dans le sens de leurs bourreaux potentiels, au cas où ceux-ci vaincraient A quoi est due ce que vous appelez la dépression collective de l Occident? La dépression collective française, européenne et occidentale désigne le processus d auto-démoralisation pathologique à tendance masochiste qui a conduit les Européens, plus encore que les Américains à se détester euxmêmes, à fustiger leur passé, leur identité, au point de sombrer dans une dépression, c est-à-dire une perte générale de confiance en soi qui est la conséquence de l enseignement de la haine de soi. Je montre dans mon livre que si l idéologie de la haine de l Autre a pu produire des sociétés hystériques devenues sadiques et explique des phénomènes comme le nazisme, la Shoah, les génocides (arménien, tutsi, etc), à l inverse, la haine de soi produit de l autodestruction, car la dépression est une forme de dissonance cognitive (vouloir être autre chose que ce que l on est, et ne pas s assumer) qui conduit à une démoralisation et à un autosabotage. Le Parlement européen à Strasbourg Vous considérez que l islamophobie que l on peut percevoir ici et là n a rien d équivalent avec ce que fut la judéophobie des années Trente. Absolument! Si aujourd hui, il existait en Europe, un vaste mouvement violent et haineux tourné contre les musulmans, s en prenant à eux, les désignant comme des êtres dangereux, maléfiques, complotant contre les bons citoyens, je dirais INFORMATION JUIVE Avril

12 A LA UNE que cette musulmano-phobie serait l équivalent de la judéophobie et je serais le premier à la dénoncer. Mais je n observe pas d agressions notables de musulmans par des blancs-judéochrétiens dans les rues de Paris, Marseille, Lille, Bruxelles, Liège, Turin ou Londres (l inverse étant bien plus souvent observé sans qu on s en offusque d ailleurs), ni même de banalisation de déversement de haine envers les musulmans en tant que Vous notez que l Europe s est longtemps présentée comme le continent du dialogue des civilisations. Pour vous, il s agit là d un mensonge Plus exactement, je dis que la très belle idée du dialogue des civilisations est devenue un prétexte munichois pour se coucher devant la plupart des dictatures islamiques de la planète à commencer par l Iran qui est cofondatrice avec la Turquie et les pays de Les institutions européennes regorgent au plus haut niveau de personnalités animées d une réelle haine pathologique envers Israël et le «sionisme». personnes. Hélas, nombre d Européens culpabilisés et peu cohérents avec leur propre laïcisme, considèrent que la critique de l islamisme et même de l islam serait l équivalent de la judéophobie. En Israël, on considère souvent que les organisations européennes sont anti-israéliennes. On pointe du doigt la ministre Catherine Ashton qui manifeste une antipathie permanente à l égard d Israël. Les institutions européennes regorgent au plus haut niveau de personnalités animées d une réelle haine pathologique envers Israël et le sionisme. Mais bizarrement, ces belles âmes qui exigent d Israël des restitutions de territoires et plus de respect des droits de l Homme donc des droits des Palestiniens, ne disent jamais rien à propos des pays les plus totalitaires du monde qui persécutent les minorités bouddhistes, hindoues, juives, chrétiennes, les femmes : Pakistan, Arabie Saoudite, Soudan, Qatar, Koweït, sans parler des régimes staliniens comme la Corée du Nord, moins souvent dénoncée qu Israël! De la même manière, Mme Ashton n a jamais exigé avec la véhémence qui est la sienne que le Néo-Calife turc Erdogan et Ankara restituent le Nord de Chypre colonisé et occupé illégalement par l armée turque et des centaines de milliers de colons anatoliens depuis l invasion de 1974 condamnée par les Nations Unies Deux poids deux mesures l UE du processus du Dialogue des civilisations. Ici, le dialogue est d ailleurs toujours, comme l antiracisme, à sens unique : c est toujours aux Occidentaux de vanter les bienfaits de la culture islamique, d Al-Andalus, de la science arabe, de lutter contre l islamophobie, mais il n est jamais demandé en contrepartie aux pays partenaires de la Conférence islamique (OCI) de lutter contre la judéophobie et la christianophobie De même, il est question de vanter la douceur et la tolérance des empires musulmans arabes et turcs passés, qui n Une réunion de l UE et du KKL Au cours d une réunion que les responsables du KKL à Bruxelles ont tenue avec ceux de l Union européenne, il a été décidé que les organisations européennes investiront près de vingt milliards d euros dans les différents du continent dans des projets écologiques. A cette réunion qui s est déroulée le Ier avril sur invitation du président de la Commission des Affaires étrangères du parlement européen ont assisté tous les représentants du Keren pourtant pratiquèrent l esclavage de masse et la piraterie et terrifièrent l Europe durant des siècles, mais il est toujours de bon ton de fustiger les croisades et le colonialisme Bref, il s agit hélas d un véritable dialogue de dupes. Pour quelles raisons, après l hitlérisme et le stalinisme, la désinformation n a jamais été aussi massive? Parce que l internet, les satellites, le web et les réseaux sociaux sont des amplificateurs d une redoutable efficacité, des outils de communication et de transmission des propagandes, des idéologies du complot, des rumeurs les plus folles et des idéologies les plus subversives dont auraient rêvé Hitler, Goebbels, Staline, Lénine et Trotksy. J affirme qu aujourd hui, ces outils à la fois merveilleux s ils sont entre de bonnes mains et terribles, s ils sont utilisés par des fanatiques, sont de véritables armes de destruction de masse dans le cadre de la guerre des représentations. L Occident a produit ces outils et ces outils sont aujourd hui retournés contre lui par ses propres ennemis extérieurs et intérieurs qui pratiquent à son encontre la stratégie de diabolisation-culpabilisation que le philosophe Léo Strauss nommait la reductio ad hitlerum. kayemet Léisraël qui siègent en Europe. C est la première fois que les responsables du KKL sont désignés comme conseillers de l Europe pour les questions d écologie et d environnement. Le KKL a présenté aux experts de l UE les nouveautés technologiques mises au point dans la lutte contre le désert. Le journal Maariv qui annonce la nouvelle précise que cela fait des mois qu Israël se bat pour être associé au «projet 2020» dans lequel les Européens comptent investir des milliards d euros. Un député du parlement européen a déclaré à cette occasion : «Au moment où la majorité des pays dans le monde détruisent des arbres et portent atteinte à l environnement, le KKL agit dans le sens contraire : il plante des arbres. Il est étonnant qu un si petit pays se trouve ainsi au premier rang des innovations». 12 INFORMATION JUIVE Avril 2014

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14 LA CHRONIQUE L Europe, cent ans après son suicide Les institutions de Bruxelles et les gouvernements du Vieux-Continent auront réussi à rendre le nom de l Europe synonyme d ennui. Une Europe grise, dont les électeurs se détournent, alors qu ils devraient être portés par le seul fait d élire ensemble, au suffrage universel, un Parlement dont les pouvoirs sont loin d être négligeables. Tant et si bien que la France, qui avait majoritairement rejeté par referendum le Traité Constitutionnel Européen, est sur le point d exprimer de nouveau un rejet massif tant par l abstention que par le vote en faveur des partis souverainistes. Et dans de nombreux pays d Europe, le rejet de l Union s exprime par des poussées souverainistes, si bien que les partis d extrême droite ont toutes les chances de peser sur le prochain Parlement. Ce divorce entre l Union Européenne et les peuples qui la composent ne doit pas tout aux choix économiques de Bruxelles et à la rigueur budgétaire imposée par Berlin avec une rigidité toute prussienne. L Europe n a eu de cesse de se construire dans le «volapück» des accords économiques, des traités d états et de la technocratie. Elle n a pas construit de culture commune, fondant une adhésion populaire. Et pourtant Nous sommes appelés à renouveler le Parlement européen, en cette année du centenaire de la Grande Guerre Dans les années qui précédèrent 1914, les mouvements culturels prenaient une dimension européenne, laissant espérer un nouveau monde que dessinaient simultanément la Sécession viennoise, le Suprématisme russe et le Cubisme à Paris. Franz Kafka parcourait le continent en compagnie de Max Brod. Tous deux juifs pragois, citoyens de l empire austro-hongrois et écrivains allemands, ne pouvaient concevoir d œuvre sans se confronter au mouvement intellectuel de l Europe. Un autre écrivain pragois de langue allemande, Rainer Maria Rilke, était à Paris auprès de Rodin. Le très viennois Stefan Zweig correspondait avec le français Romain Rolland, il était attiré par Paris, où il avait rencontré l irlandais James Joyce. Depuis deux siècles, au moins, les sciences, la philosophie, les arts et la littérature de tous les pays d Europe se parlaient, les idées, les formes artistiques passaient d un pays à l autre, en dépit des conflits et des communications difficiles. L Europe était plus unie autant des trains à vapeur et des lettres écrites à l encre sur du papier qu en notre temps de transmission immédiate de l information. Cette Europe-là se lit dans le journal de Kafka, dans les Souvenirs d un Européen laissés par Stefan Zweig et dans l Histoire de l Europe d Emmanuel Berl. Les élites de cette Europe communiquaient Les élites de cette Europe communiquaient essentiellement en deux langues, le français et l allemand, et il fallait être aussi snob qu un personnage de Proust pour y ajouter l anglais. essentiellement en deux langues, le français et l allemand, et il fallait être aussi snob qu un personnage de Proust pour y ajouter l anglais. L Europe est morte en 1914! Elle ne pouvait se relever des deux guerres mondiales sans l aide massive des Etats- Unis. L Europe du Traité de Rome n est que la fille du Plan Marshall, elle a été conçue pour en prendre le relais. Il s agissait alors d assurer le développement économique de l Europe occidentale pour contenir le communisme derrière le rideau de fer. Une communauté économique, qui ne se préoccupait guère de reconstruire la culture éclatée du Vieux-Continent. Mais il faut dire que, dès cette époque, une œuvre venue d un pays d Europe passe par les Etats-Unis pour être reconnue dans les autres. Simplement parce que les Etats Unis ont gagné une suprématie culturelle, en recueillant, sans toujours l avoir désiré, la culture d une Europe ravagée par sa propre barbarie. Les juifs étaient, dans tous les domaines, les passeurs de l Europe. Banquiers et industriels, marchands et mécènes, artistes et écrivains, musiciens et cinéastes. Mais ils ne pouvaient assumer leur cosmopolitisme et ils adhéraient au patriotisme de chaque pays, à l exception de la Russie, qui en les rejetant, les contraignait à choisir entre l internationalisme et l affirmation nationale juive. Un patriotisme meurtri En 1914, les juifs de France et d Angleterre partaient combattre avec une ferveur patriotique égale à celle des juifs d Allemagne et d Autriche Hongrie. Les murs de la grande synagogue de Paris, rue des Victoires, témoignent de cet engagement, par les noms gravés des soldats juifs tombés parce qu ils aimaient la France et la République, quand, au même moment, les juifs de Lemberg, de Vienne et de Prague vénéraient l empereur François Joseph. Et les juifs allemands n étaient pas en reste! Le musée juif de Berlin nous montre ce patriotisme meurtri, celui de ces juifs si fiers d épingler la Croix de fer à leurs vareuses de soldats du Kaiser Guillaume II. L Europe! Il y a un siècle, les juifs d Europe s entretuaient comme tous les Européens. Ils avaient souvent partagé avec eux l ivresse guerrière, comme en témoigne Kafka dans son journal. A Prague, il assiste aux défilés de l armée autrichienne, effaré de savoir que ces manifestations sont financées par les commerçants juifs. Kafka songe alors à son voyage à Paris, à ses promenades en compagnie de son oncle qui y réside. Paris, où l on défile de la même manière, où les commerçants juifs ornent leurs vitrines du drapeau tricolore ; Paris, où Alfred Dreyfus, promu lieutenant-colonel, exige de combattre en première ligne. Il y a, bien sûr, des consciences juives. La guerre confirme toutes les 14 INFORMATION JUIVE Avril 2014

15 DE GUY KONOPNICKI prémonitions de Kafka. Stefan Zweig s exile en Suisse, refusant la barbarie. A Prague, devant les réfugiés de Galicie, Max Brod appelle à la renaissance de la nation juive, non pour fuir, mais pour apporter au monde la conscience que la folie meurtrière détruit chaque jour. Pour les juifs, le règlement de la guerre de 1914 amène bien une petite lueur, la déclaration de Balfour, mais le démantèlement de l empire austrohongrois et la ruine de l Allemagne préparent la tragédie tandis que les rêves universalistes, conduits en Russie par des juifs, seront bientôt anéantis sous la botte de Staline. 1981, il donne désormais une avance à la droite. Contrairement à ce que l on imagine, ces votes ne donnent pas plus aujourd hui qu hier des majorités écrasantes. Ainsi, l histoire a-t-elle éloigné les juifs du communisme et de l extrêmegauche, mais, avec quelques variantes, dans les mêmes proportions que fascistes hongroises et SS lettons. Les partis qui organisent ces manifestations formeront, au Parlement Européen, un groupe commun avec le Front National. Le Conseil de l Europe, structure qui n a, heureusement, aucun pouvoir, démontre, dans une configuration plus large que l Assemblée de l Union Européenne, Les juifs étaient, dans tous les domaines, les passeurs de l Europe. Banquiers et industriels, marchands et mécènes, artistes et écrivains, musiciens et cinéastes Héritiers de cette histoire terrible, marqués par la tentative de destruction des juifs d Europe, nous vivons sur un continent réunifié en Un continent presque pacifié, en dépit des guerres de Yougoslavie et des escarmouches de Crimée. Mentalement, nous ne sommes pas plus européens que les juifs de En vérité, nous le sommes beaucoup moins. Pour d évidentes raisons : les émigrations sont désormais anciennes et la Shoah a détruit les villes d origine. Avant la Seconde Guerre mondiale, les juifs vivant en France avaient une famille proche en Pologne, en Allemagne ou à Salonique. Les philosophies juives, souvent contradictoires, avaient des références européennes, qui rayonnaient depuis Prague, Vilno, Berlin, Brody ou Salonique. Aujourd hui toutes les obédiences, même les plus antisionistes, s expriment depuis Jérusalem. On aura beau restaurer les tombes des rabbis jusqu au fond de l Ukraine, il n y a plus de centre de la pensée juive en Europe. Les juifs pourraient se définir comme des citoyens européens, en privilégiant ce qui les réunit, par delà les frontières. Mais ce n est pas le cas. Ils s identifient à chacune des nations dont ils sont citoyens et ne se retrouvent que pour commémorer le passé ou pour défendre l Etat d Israël. Un choix douloureux Politiquement, les juifs se distinguent rarement des autres citoyens de leurs pays respectifs. C est tout juste s ils rejettent l extrême droite héritière de l antisémitisme et l extrême gauche antisioniste. En France, le vote juif est aux élections ce que l homéopathie est à la médecine : une dose infime, qui peut parfois avoir des effets sur ceux qui veulent bien y croire. Le comportement des juifs a évolué comme celui de l ensemble des Français : majoritairement à gauche en l ensemble des électeurs. Le déclin du vote communiste a seulement commencé plus tôt chez les juifs, qui sont nombreux à décrocher en 1967, avant donc le plongeon de Mais l électorat juif épouse tous les mouvements, y compris Franz Kafka la banalisation du Front National. L aversion des juifs pour l extrême droite s émousse quand ils sont confrontés, dans les quartiers populaires, à l antisémitisme agressif des jeunes «issus de l immigration» et à l anti-sionisme délirant des islamo gauchistes. Dans ces conditions, il est évidemment difficile de déterminer une orientation, pour les élections européennes. Nous pouvons seulement prévenir le pire. Ainsi, il semble évident que seuls les partis de l extrême droite européenne, dont plusieurs affichent ouvertement leur antisémitisme, chercheront à imposer les thèses négationnistes. La loi Gayssot n étant pas une loi européenne, la Hongrie et la Lettonie, par exemple, connaissent des manifestations ouvertement antisémites et commémorent chacune leurs légions nazies, cohortes comment l antisémitisme peut sortir de sa marginalité et influencer une résolution. Certes, le Parlement européen et les institutions de l UE n ont pas suivi la charge du Conseil contre la circoncision. Mais l habillage humaniste et progressiste Emmanuel BERL de l antisémitisme peut se retrouver lorsque le Parlement européen sera saisi des propositions de boycott, même partiel, d Israël. Les partisans de ce boycott ne siègeront pas tous à l extrême gauche. Si cette question du boycott est un critère et elle l est, pour moi, notre choix s en trouve singulièrement réduit, entre d une part, un PS, qui devrait s opposer au boycott, s il s en tient à la politique de François Hollande et Manuel Valls, et d autre part, l UMP et l UDI, dont les élus ne seront cependant pas tous insensibles aux formes européennes des leçons que notre tradition diplomatique donne parfois à Israël Croisant ce critère avec ceux de la politique française et européenne, le choix sera douloureux Mais l abstention profitant aux extrêmes, il faudra bien choisir. INFORMATION JUIVE Avril

16 POLITIQUE Edwy Plenel, prêcheur en eaux troubles PAR LUC ROSENZWEIG Dans le microcosme politico-médiatique Edwy Plenel, président fondateur du site Médiapart, ancien directeur de la rédaction du Monde, occupe une place considérable. Après avoir réalisé un parcours militant et professionnel remarquable, en faisant l impasse sur la case université, il postule aujourd hui au statut de directeur de conscience du peuple de gauche. Il revendique l héritage du magistère moral et éditorial de Stéphane Hessel, auquel il dédie son dernier opus Dire Non, publié aux éditions Don Quichotte. Ce livre est un élément du dispositif propagandiste mis en place avec efficacité par son auteur, avec pour centre le site Médiapart, son occupation régulière des ondes d une radio publique relayant avec dévotion ses campagnes. Il n apportera strictement rien de neuf à ceux qui suivent d un œil et d une oreille plus ou moins attentive le parcours public de Plenel. Son titre fait écho au Indignez-vous! du diplomate récemment décédé, poursuivant ainsi dans la veine de l imprécation intransitive justement dénoncée en son temps par Alain Finkielkraut : la négation plenelienne, à l image de l indignation hesselienne, est une valeur en soi, que chacun est invité à partager en la nourrissant de ses affects et de ses fantasmes. De ce type d ouvrage, il est vain de faire une critique ligne à ligne, en y soulignant les erreurs, les approximations, les manipulations des faits ou des citations : la rhétorique militante qui le traverse de part en part ne se soucie pas d exposer de manière claire, objective et argumentée des questions complexes relatives à l histoire de France, aux institutions de la République, aux relations internationales. Plenel dispose d un stock de citations, toujours les mêmes, de grands auteurs classiques ou modernes qu il replace opportunément lorsqu il a le sentiment, pas toujours dépourvu de pertinence, que son propre discours est un peu faiblard. Sa méthode : appliquer un schéma binaire où, dans toutes situations il importe de distinguer les bons des méchants, les vertueux des salauds, la vérité du mensonge. Pas de place à la nuance Il ne suffit pas à Plenel d avoir des adversaires politiques que l on combat dans le cadre d un débat démocratique serein et apaisé. Il lui faut des ennemis à abattre, des têtes à couper, des personnes à exclure de la commune humanité. Tel Saint-Michel terrassant le dragon de l imaginaire sulpicien, Edwy Plenel pourfend les monstres qui peupleraient l espace laissé libre par l effondrement des idéologies prétendument émancipatrices et réellement totalitaires, dont il reste, dans son for intérieur, un adepte. Ce mode de pensée ne laisse aucune place à la nuance : un individu, un peuple se situe dans sa totalité, et sans appel, du bon ou du mauvais côté de la ligne rouge éthique tracée par Plenel, trotskiste culturel, arbitre autoproclamé des élégances morales. N ayant pas, contrairement à Stéphane Hessel, été placé dans des situations historiques où les choix politiques mettaient sa vie en danger, Plenel se construit une légitimité à occuper le poste de grand inquisiteur de la république vertueuse en excipant d une généalogie politiquement impeccable : comme Breton, il est l héritier des paysans opprimés par la nation française impériale, son père est glorifié comme victime de l arbitraire gaulliste, et celui qui a épousé une juive a le droit de cracher à jets continus sur l Etat d Israël. Ses obsessions : la haine viscérale de l Etat nation, la permanence, ineffaçable de la tache esclavagiste et colonialiste se perpétuant de génération en génération dans le peuple français, et le déni de tout ce qui peut vous rattacher à un terroir, une langue, une culture qui ne soit pas mondiale. Le plus perfide, dans sa démarche, est le procédé qui consiste à défendre la vertu républicaine avec une vigilance telle qu elle disqualifie l ensemble du dispositif démocratique chaque fois que l un de ses acteurs majeurs est pris la main dans le sac de la corruption ou de la forfaiture. Jour après jour, affaire après affaire, il fait en sorte d ancrer, chez ceux qui l écoutent, l idée que la démocratie est le pire des régimes, sans ajouter Celui qui a épousé une juive a le droit de cracher à jets continus sur l Etat d Israël. comme Winston Churchill à l exception de tous les autres!. Quand il advient que le monstre du jour s efface à l occasion de la manifestation démocratique du suffrage populaire, il lui faut immédiatement en construire un autre à proposer à la détestation de ses ouailles. François Hollande étant un moins bon client que Nicolas Sarkozy dans le rôle de l affreux, Manuel Valls fera l affaire. Plus dangereux que Marine Le Pen! clamet-il urbi et orbi, après avoir cherché, vainement, à lui attacher quelques casseroles sur sa gestion municipale à Evry. Qu on ne s y méprenne pas : l investigation, la dénonciation des scandales de la République ne sont qu un moyen, pour Plenel, d en miner les fondements plus efficacement que ceux qui réclament, à l extrême droite ou à l extrême gauche, son abolition. C est en cela qu il est un prêcheur en eaux troubles, dont l habileté rhétorique ne saurait masquer la nocivité. 16 INFORMATION JUIVE Avril 2014

17 JUDAÏSME Le droit matrimonial hébraïque, vous connaissez? PAR DANIEL DAHAN Daniel Dahan est le grand rabbin de Nancy. Après des études à l Ecole pratique des Hautes études, il est devenu docteur en droit. Son travail de thèse a été dirigé par le professeur Raphaël Draï sur un des sujets les plus virulents du droit hébraïque : celui dit des Agounot, les femmes entravées. Le travail du grand rabbin Dahan vient d être publié aux éditions universitaires d Aix Marseille avec une préface du Pr Draï. Voici comment Raphaël Draï définit la femme entravée : Une agouna est une femme dont le mariage a été interrompu par divorce ou par disparition du mari sans que celui-ci n ait consenti à ou qui ne se fût trouvé en mesure de lui délivrer le guet, ce quitus conclusif faute duquel il sera impossible que cette femme se remarie légalement. Raphaël Draï ajoute que le mariage juif, s il comporte une dimension incontestablement cont ractuelle, comporte aussi une dimension de sainteté qui n est pas à proprement parler sacramentelle au sens du droit canonique. La sanctification du mariage juif implique son insertion dans une histoire qui le transcende et dont il devient le vecteur pour ainsi dire public : l Histoire du genre humain comme le rappelle l une des premières des Sept bénédictions du couple placé sous le dais nuptial. Nous publions ci-dessous des extraits de l introduction que le grand rabbin Daniel Dahan a donnée à son ouvrage. Depuis la guerre, la vie en couple a connu une histoire contrastée, avec un point de rupture vers Les années cinquante et soixante, où elle se confondait avec le mariage, ont été une période de nuptialité intense et de précocité croissante des unions. Par la suite, les mariages sont devenus moins fréquents et plus tardifs. Dans les années soixante, la cohabitation concernait essentiellement les veufs et les divorcés. Depuis, elle s est développée rapidement chez les célibataires comme prélude au mariage, puis comme mode de vie à part entière. En 1990 cependant, neuf couples sur dix étaient encore constitués de deux conjoints mariés. Le divorce n a cessé de croître en France depuis 1964, passant de à par an en 1993, puis en Au repli du mariage s est ajoutée la fragilisation des couples, non plus à cause de la mortalité comme autrefois, mais du divorce. Rétabli en 1884, le divorce s est banalisé à la fin du XXe siècle. Pourtant, il est resté longtemps mal considéré et, encore au début des années soixante, nombre de divorcés répugnaient à se déclarer comme tels. A la sortie de la seconde guerre mondiale, le nombre de divorces était près de deux fois et demie plus élevé qu en De 1953 à 1963, il s est stabilisé autour de par an. A partir de 1964, il s est accru. Cette montée a d abord été hésitante, puis quasi exponentielle dans les années soixante-dix en dépit de la pratique de plus en plus répandue d une phase de cohabitation. Les unions rompues dépassent chaque année depuis La loi du 11 juillet 1975 introduisant le divorce par consentement mutuel est à l origine de la hausse de 1976, mais elle n a pas eu d effet sur l évolution globale du divorce. Quant à la stabilisation enregistrée à la fin des années quatrevingt, elle est due à la fois à la diminution du nombre de mariages dans les années précédentes et à un ralentissement de la hausse du taux de divorces. Au total, entre 1962 et 1990, le nombre de divorces a été multiplié par 3,5, celui des couples mariés par 1,7. Ce phénomène qui touche la société française en général (voire le monde occidental), s étend aussi à la société juive. Les divorces ont enflé au fil des ans ainsi que le prouvent les enquêtes sociologiques qui ont pu êtres effectuées. Tant en Israël (qui constitue aujourd hui la plus grande communauté juive au monde) qu en France (qui représente la plus importante communauté juive d Europe occidentale) les divorces n ont cessé de progresser durant les dernières décennies. Il en découle de nombreuses conséquences sur le statut des femmes. INFORMATION JUIVE Avril

18 JUDAÏSME A Paris, où vit plus de la moitié des juifs de France, on considère que plus de juifs habitent dans Paris et sa banlieue. Mais il faut mettre plusieurs bémols à ce chiffre. En premier lieu, le dernier recensement de la population française incluant des renseignements sur les minorités religieuses date de En second lieu, les seules sources fiables dont nous disposons constituent en un sondage Sofres réalisé en 1976 à la demande du Consistoire Central de France, de l Appel Unifié Juif de France et du Fonds Social Juif Unifié. Le dernier sondage a été réalisé pour le compte du Fonds Social Juif Unifié, sous la direction d Erik Cohen en On compterait près de juifs en France ; répartis comme suit : Paris : ; Marseille : ; Lyon : ; Toulouse : ; Nice : ; Strasbourg : ; Grenoble : ; Metz/Nancy : A ces chiffres, il faudrait ajouter une douzaine de communautés d environ 2000 juifs. Il y a plus de 230 communautés juives en France. Même si depuis 25 ans, les données ont évolué, on constate que les mariages exogames ont fortement augmenté au sein de la population juive. Même ceux qui se marient au sein de la communauté juive ne font pas forcément une cérémonie religieuse. Quant à ceux qui se sont unis dans les règles, une petite minorité connait l existence et la nécessité d un divorce religieux (guett) en cas de séparation. Ainsi il y a plus de 1000 mariages célébrés dans le cadre du Consistoire de Paris tous les ans. De nombreux mariages religieux sont célébrés en 18 INFORMATION JUIVE Avril 2014 dehors du Consistoire ; soit dans les communautés orthodoxes soit chez les libéraux ou les conservateurs. Quant aux Guittin, ils se répartissaient ainsi dans les années 1990 ; Paris : 350 Guittin par an ; Marseille : 50 à 60 par an ; Nice : 15 par an ; Lyon : 50 à 60 par an ; Ce phénomène qui touche la société française en général (voire le monde occidental), s étend aussi à la société juive. Les divorces ont enflé au fil des ans ainsi que le prouvent les enquêtes sociologiques qui ont pu êtres effectuées. Strasbourg : de 10 à 15 par an et Toulouse : entre 10 et 15 par an. Ces chiffres se sont stabilisés les dernières années, au regard des données fournies par les différents Tribunaux rabbiniques français. Au total, on recense entre 450 et 500 Guittin par an en France. En 1983, divorces ont été prononcés en France par les Tribunaux civils alors que 224 Guittin étaient délivrés par le Beth-Din de Paris. Ces chiffres sont, Scènes dans un Beth Din en 1926 respectivement, de et 272 en 1988 ; et 322 en 1993 et et 359 en Depuis 2006, environ 420 Guittin par an sont délivrés par le Beth-Din de Paris, tandis que les divorces prononcés par les Tribunaux civils se sont stabilisés à environ par an depuis Un phénomène de société En Israël aussi, le nombre des divorces a beaucoup progressé ces dernières années ; bien sûr, il faut tenir compte, comme en France, de l augmentation sensible de population et donc d un plus grand nombre de mariages. Mais cela ne suffit pas à expliquer l accroissement des divorces durant les deux dernières décennies. Il faut donc y voir un vrai phénomène de société : la fragilité du couple qui touche toutes les couches de la population sans distinction d origine sociale, ethnique ou religieuse. En Israël, le taux de divorces est passé de 1,3 en 1985 à 2,1 en Les divorces, partout dans le monde occidental sont en nette augmentation. Le monde juif, comme nous l avons vu n échappe pas à ce phénomène de société dont cette étude n a pas pour objet d en détailler

19 JUDAÏSME les causes ; mais uniquement d en analyser certains effets spécifiques au droit juif que l on nomme la Halakha. Le droit hébraïque est régi par les règles d herméneutique juive qui interprètent les versets bibliques en fonction de règles bien établies. On l appelle Halakha ; littéralement cheminement. Le premier dictionnaire du Talmud, le Aroukh, rédigé par le Rabbin Nathan ben Ye hiel, en donne la définition suivante : Quelque chose qui va du début à la fin ; ou dans lequel Israël (le peuple juif) va. Il s agit donc d un système juridique qui englobe tous les aspects de la vie du peuple juif, en tout lieu, en toute circonstance. Les Maximes des Pères (Pirké Avot) rapportent l ordre de transmission de la Loi Orale depuis Moïse au Mont Sinaï. La Torah, Loi révélée, se veut duelle car contenant deux parts essentielles et indispensables l une à l autre (l écrit et l orale). Sans Loi Orale, la Loi écrite n a plus de sens ; et sans Loi écrite, la Loi orale n a plus de base scripturaire sur laquelle s appuyer. La Loi Orale est en constante évolution dès les origines, d où l appellation de Halakha. La partie orale est, originellement, destinée à le rester ad vitam æternam afin de rester l apanage du peuple juif, mais l histoire en décide autrement. Ainsi, à la fin du IIème siècle, Rabbi Juda le Prince (appelé aussi Rabbi, c està-dire le maître par excellence) décide-t-il de mettre par écrit l essentiel de la Loi Orale afin de la sauver de l oubli. Il considère qu il vaut mieux transgresser la Loi en la mettant par écrit que de causer son oubli par un formalisme rigide. Lorsqu il prend cette décision, le Temple de Jérusalem est détruit depuis près de 120 ans, la révolte de Bar Kokhba a pris fin depuis 50 ans et la plupart des juifs sont exilés. Jérusalem et sa région sont interdits aux juifs et seul un petit groupe subsiste en Galilée soumis aux dictats de l occupant romain. Les Rabbins sont persécutés par les Romains, avec des phases où la pratique du judaïsme et l étude de la Torah deviennent des activités dangereuses et la Torah orale risque d être oubliée. Cet état de fait va obliger Rabbi à prendre une décision audacieuse qui va rester dans les Annales du peuple juif. C est la rédaction de la Loi Orale qu il nomme Mishna ou enseignement, répartie en six sections ou ordres. Zeraïm ou semences, faisant référence aux lois agricoles spécifiques à la Terre d Israël. Mo ed ou lois relatives aux fêtes. Nashim ou lois matrimoniales. Nezikine ou dommages, faisant référence aux lois ayant trait à l organisation des tribunaux et au règlement des différends entre personnes. Kadashime ou lois ayant trait au fonctionnement du Temple. Taharot ou lois relatives aux notions de pureté et d impureté. Trois siècles plus tard, en Babylonie qui abrite les Il y a plus de 1000 mariages célébrés dans le cadre du Consistoire de Paris tous les ans. plus prestigieuses Yeshivot de l époque, une décision analogue est prise par Rav Ashi et Ravina qui rédigent la Guemara (recueil des explications de la Mishna). L ensemble Mishna plus Guemara forme ce que l on nomme le Talmud. Il y a deux sortes de Talmud ; celui de Jérusalem, rédigé en Galilée au IVème siècle et celui de Babylone, rédigé entre le IIème et le Vème siècle, qui est le plus étudié, et qui fait jurisprudence en cas de contradiction entre les deux Talmud. Depuis sa rédaction, les commentaires et les interprétations du Talmud n ont cessé de foisonner à travers le monde, avec un âge d or au Moyen-âge pour les écoles d Allemagne et de la France du Nord d un côté [les Tossafistes], et les écoles d Espagne et de Provence de l autre. Le Talmud admet deux moyens de mettre fin au mariage : le divorce ou le décès de l un des conjoints. Si, en théorie, ces principes apparaissent simples et logiques, la réalité est plus complexe. Pourquoi? Parce que la Loi rabbinique se veut une Loi Révélée et donc soumise à des impératifs d ordre théologique qui sont beaucoup plus exigeants que les droits civils. Ainsi, nombre de règles juridiques, quand bien même pourraient-elles apparaître comme obsolètes n en restent pas moins en vigueur. Le droit hébraïque est régi par le principe suivant lequel toute règle édictée par une autorité rabbinique ne peut être défaite que par une autorité rabbinique supérieure. Or, plus une autorité se trouve loin de la Révélation du Sinaï, plus son avis sera sujet à contestation car il est plus loin de la source. Paradoxalement, le fait d être loin de la source donne un avantage certain aux générations postérieures qui ont une vision plus large à l instar, selon l image des Rabbins du Talmud, d un nain juché sur les épaules d un géant. Les générations antérieures sont comparables à des géants, et les dernières générations à des nains. Mais les nains sont juchés sur les épaules des géants et peuvent donc voir plus loin qu eux. Ils ont la vision globale de la fin de l histoire que ne possèdent pas ceux qui les ont précédés. Ainsi, les Rabbins ne peuvent contester de leur propre fait les opinions émises dans des périodes antérieures, car ils peuvent ne pas en avoir le pouvoir. La Loi révélée au Sinaï ne peut être contestée ; elle ne peut qu être interprétée à l aune des règles définies par la Loi Orale. Le Code Civil, après deux siècles d usage, a du être refondu de fond en comble. La symbiose entre le Code Civil et le peuple français semble avoir disparu au cours du XXème siècle Sous l inspiration du Doyen Carbonnier, le Code Civil a subi une refonte quasi complète du livre premier alors que les livres II et III subsistaient pour l essentiel avec un éclairage nouveau. INFORMATION JUIVE Avril

20 JUDAÏSME L actualité du message biblique Albert Guigui est grand rabbin de Bruxelles et grand rabbin attaché au Consistoire central israélite de Belgique. Il est co-auteur d un certain nombre d ouvrages parmi lesquels Le judaïsme, vécu et mémoire ( Editions Racine). Sous le titre «La Bible, miroir de notre temps», il vient de publier un livre qu il consacre au mode de vie du juif religieux, dicté par la compilation d œuvres Pas une fois, nous n entendons poser la question suivante: «Comment est-il possible d être un juif pratiquant et moderne, en même temps? En fait, le mode de vie du juif religieux est dicté par la compilation d œuvres anciennes dont la source se trouve dans la Torah, qui remonte à des milliers d années. Aussi, d aucuns s interrogent: «Comment un homme moderne peut-il être régi par des lois qui ont été données il y a des milliers d années? Comment estil possible que ce qui était bon il y a des millénaires continue à l être aujourd hui? Est-il possible que tous les progrès techniques et toutes les prouesses technologiques ne changent rien à ces lois et à ces principes?» Il est vrai que la vie change et que les lois se transforment et se modifient. Il est vrai aussi que les besoins varient de génération en génération et qu il faut constamment adapter les lois et les principes qui régissent nos sociétés. Mais ce caractère précaire de la législation humaine vient du fait que l homme est incapable de légiférer pour l avenir. L homme, issu de la terre, et dont le destin est de revenir sous terre, l homme qui ressemble à un jonc qui tremble au vent, l homme qui est comme une ombre qui passe, cet homme est incapable de faire des lois éternelles. Par contre, Dieu est éternel. Dieu transcende le temps et l espace. Aussi, notre rapport avec le texte biblique doit être différent de celui que nous avons avec les lois dictées par l homme. 20 INFORMATION JUIVE Avril 2014 On peut multiplier les exemples. À l époque romaine, le philosophe Sénèque considérait le Chabbath «comme une pratique nuisible, parce que demeurer chaque septième jour sans rien faire, c est perdre la septième partie de la vie..[1]» Imaginons un instant que nos ancêtres aient renoncé à respecter le Chabbath sous le joug romain. Quelle perte pour l humanité! En effet, le Chabbath est la respiration de la semaine. Il permet à l homme de se détacher du matériel. Ceci est si évident qu il n existe aujourd hui probablement aucune société au monde qui nie la nécessité d un jour de repos, d un jour de ressourcement. Combien de temps a-t-il fallu à l humanité pour se rendre compte qu il était impératif de sauver et de protéger la flore et la faune, et qu on ne pouvait pas exploiter la terre à outrance? Ce n est qu au début du XXe siècle que les mouvements dits écologiques ont commencé à se former et à prendre soin de la nature. Or, la Torah, depuis plus de trois mille ans, insiste sur ce principe et établit toute une série de lois pour obliger l homme à respecter la nature. Parmi ces lois, citons entre autres: l année chabbatique, la jachère, l obligation de planter des arbres, l interdiction de détruire tout arbre fruitier. PAR ALBERT GUIGUI anciennes dont la source se trouve dans la Torah. Avec l autorisation de l éditeur (Racine en Belgique), nous publions ci-dessous l introduction que le grand rabbin Guigui a donnée à son ouvrage. La force du judaïsme a été, de tout temps, son authenticité. C est cette fidélité à la Torah et à son intégrité qui a permis au peuple juif de vivre et de survivre malgré toutes les atrocités. C est ce respect de l authenticité qui explique le mystère de l éternité du peuple juif. Le texte biblique nous engage. C est une prophétie continue dont nous suivons avec émotion les miraculeux développements. Les textes que nous La force du judaïsme a été, de tout temps, son authenticité lisons, les récits que nous abordons sont ceux que nous sommes en train de vivre. C est à la découverte de cette symphonie que nous invitent les textes bibliques. Le présent volume s inscrit dans le prolongement de ceux qui, dans la même collection, portent sur l actualité du message biblique et de son empreinte sur nos civilisations. Dans cet ouvrage, nous avons respecté, comme il se devait, l ordre des sections bibliques. Nous avons suivi, pas à pas, la vie des personnages bibliques comme s il s agissait de coller à leur réalité. Nous avons voulu ainsi, par la variété des thèmes développés, mettre le lecteur en mesure de se faire luimême une idée des aspects essentiels de l existence juive perçue dans «sa réalité religieuse vécue».

21 ETUDE Réflexions sur le messianisme PAR CORALIE CAMILLI Coralie Camilli est une jeune philosophe. Elle vient de publier aux Presses Universitaires de France «Le temps et la Loi», un ouvrage dans lequel elle traite du messianisme et de ses rapports notamment avec le pouvoir politique et la violence. Dans le texte qu elle nous a confié, elle explique comment elle en est arrivée à cette réflexion sur le messianisme. La décision de travailler sur la question du messianisme s'est imposée presque d'ellemême : elle répondait en effet à l'exigence de relier deux domaines de recherches, -la langue hébraïque et la philosophie-, tout en ouvrant la réflexion sur un troisième champ avec lequel il n'était pas possible d'user de détours : la question politique. Quand on m'a proposé de publier mon travail de mémoire, la première idée de titre était ''L'éphémère messianique'', car je trouvais qu'il rendait plutôt bien compte de l'idée que je voulais défendre dans cet essai : un messianisme événementiel, soudain, souverain, mais éphémère. Un événement messianique qui peut arriver n'importe quand, déchirant la toile historique, mais ne pouvant pas s'inscrire dans une quelconque durabilité temporelle. Pour le dire sans doute de manière plus simple : il ne s'agissait pas de penser uniquement les modalités de l'attente et de la venue messianique, mais aussi son départ, son retrait, sa mise en suspens. Faire une utilisation philosophique du concept de messianisme permettait alors de repenser le rapport entre le temps et la loi (ce qui constitue la thèse du livre), -mais aussi le rapport entre politique et religieux-, en distinguant trois axes, qui expriment finalement trois modalités relationnelles entre temporalité et juridicité : premièrement, la temporalité herméneutique et la loi interprétée, où le messianisme est pensé dans ses origines talmudiques, Coralie Camilli Le droit hébraïque présente une différence essentielle d'avec d'autres systèmes juridiques antiques : il ne se limite pas aux relations entre l'homme et son prochain, il comprend également les relations entre l'homme avec le divin sous des aspects juridiques. ensuite, la temporalité historique et la loi sécularisée, où le messianisme se confronte à son devenir historique, et enfin la temporalité interruptive et la loi suspendue, qui est le rapport aujourd'hui déterminé par la question de l'exception et de la souveraineté. Pourquoi penser le messianisme en lien avec le juridique? D'abord, car on ne peut pas évincer la place cruciale qu'occupe le droit dans la pensée juive, ainsi que l'exigence de justice qu'il porte. Le droit hébraïque présente une différence essentielle d'avec d'autres systèmes juridiques antiques : il ne se limite pas aux relations entre l'homme et son prochain, il comprend également les relations entre l'homme avec le divin sous des aspects juridiques. L'incroyable variété des sujets abordés et des problèmes soulevés dans les nombreux traités talmudiques témoignent de l'omniprésence de la loi et de ses innombrables règles d'application. Le pouvoir juridique Il existe d'ailleurs un passage talmudique qui illustre avec humour l'importance du droit dans la tradition rabbinique, où il est question de la description d'un village de 120 personnes : 6 personnes chargées de la solidarité et de l'école, 10 personnes pour le minyan à la synagogue, puis : 23 juges, 69 élèves pouvant remplacer les juges, deux greffiers, deux policiers, deux plaideurs, six témoins (deux pour invalider les deux premiers et deux pour invalider les deux suivants!). La place centrale du INFORMATION JUIVE Avril

22 ETUDE pouvoir juridique au sein d'une organisation sociale ne peut être mieux affirmée. La seconde raison de penser ensemble l'élément messianique et la jurisprudence, c'est leur intrication sémantique et conceptuelle originaire. Les racines des termes hébraïques signifiant la rédemption, gaal et padah, étaient en effet utilisées dans leur origine pour désigner l obligation commerciale de s acquitter d une dette. De même, le terme yechouah, souvent traduit par salut, renvoyait à l affranchissement et à la délivrance de difficultés. La Torah emploie ainsi le terme gaal à plusieurs reprises, notamment dans Lévitique pour désigner le rachat pécuniaire d une propriété à celui auquel elle avait été vendue, le rachat d un animal rituellement impur, ou encore d un homme s étant réduit en esclavage pour dette financière. Gaal désigne également, dans la même perspective de rachat, un homme défunt mort sans enfant, dont les proches parents pouvaient racheter le nom, assurant ainsi la permanence de son nom sur son patrimoine. Aussi, il est un cas intéressant : en cas de meurtre, le vengeur, ou le libérateur, était appelé ''Goèl Hadam'', le ''rédempteur du sang'', terme forgé sur ce même terme de Gaal. L institution du Goël Hadam se trouve dans les Nombres ainsi que dans le Deutéronome, et désigne celui qui doit venger la mort de son proche parent tué. Le cas des villes de refuges, instituées par la Torah, permettaient donc au meurtrier, volontaire ou involontaire, d échapper au Goël Hadam. Le meurtrier devait rester dans les villes de refuge en attendant son jugement prononcé par le Tribunal, qui devait alors statuer sur la nature du crime commis : meurtre volontaire ou involontaire, homicide intentionnel ou par négligence. L arrêt de la violence Tandis que le meurtrier involontaire devait rester dans la ville de refuge jusqu à la mort du Grand Prêtre, ayant ainsi pour punition l exil, le meurtrier intentionnel devait en Penser -ou repenser- le lien à la fois nécessaire et difficile que doivent entretenir Athènes et Jérusalem, selon la belle expression d'emmanuel Lévinas. revanche être mis à mort, de préférence par le rédempteur du sang. Ce dernier, en effet, n avait pas le pouvoir d accorder son pardon au meurtrier, et ce même s il le souhaitait, ou si le meurtrier demandait de racheter sa peine de mort par une compensation pécuniaire quelconque. Le Goël Hadam accomplissait en effet une mitsva, une bonne action, et, selon la Tradition orale, toute autre personne qu un parent proche pouvait accomplir la tâche du Goël Hadam sans être puni pour avoir commis un acte qui ne lui était pas autorisé. Une baraïta du Traité Sanhédrin (45b Talmud Bavli) affirme en ce sens que s il n y a pas de vengeur, le Tribunal doit instituer un vengeur officiel. A. Weingort souligne donc que «ce n est pas ''l Etat'' qui se substitue au vengeur du sang, mais le vengeur du sang qui est intégré à ''l Etat''!» Comment comprendre ce lien étymologique (et juridique) entre rédemption et vengeance, ainsi que la dérivation sémantique du rachat compris en son sens littéral, jusqu au sens rédempteur qu on peut lui attribuer par l expression ''rachat des péchés''? Comment en est-on arrivé à parler d une rédemption ayant pour caractéristique l arrêt de la violence, alors que le rédempteur du sang procure encore la délivrance précisément par la pratique de la violence? Pour formuler la question autrement : comment passer d une rédemption fruit de la vengeance, à une rédemption comprise comme arrêt de la violence? Soulever ces questions, c'est d'abord, bien entendu, rendre son sens premier à l'activité philosophique et à l'accueil originel qui peut être le sien envers des domaines qui peuvent lui apparaître comme extérieurs, ainsi de la pensée religieuse, ou du droit. Mais je crois que c'est aussi réactualiser certaines thématiques que l'on pensait propres à la Tradition, en leur donnant l'occasion de permettre de penser -ou repenser- le lien à la fois nécessaire et difficile que doivent entretenir Athènes et Jérusalem, selon la belle expression d'emmanuel Lévinas. C.C 22 INFORMATION JUIVE Avril 2014

23 LA VIE DU CONSISTOIRE Actualité consistoriale Deuxième réunion de la Commission Hevra Kadicha de l ACIP En présence du Grand Rabbin de Paris, Michel Gugenheim, la Commission Hevra Kadicha de l ACIP, présidée par Serge Benhaim, s est réunie le 17 mars, autour du Grand Rabbin Hay Krief, des Rabbins Aimé Atlan et Meyer Malka, ainsi que des Présidents de communautés, Sam Attia, Philippe Besnainou et de Karelle Lalou, Directrice des ressources humaines. La Commission, qui a vocation à organiser les procédures relatives aux derniers devoirs dus à nos défunts incombant au Consistoire, a reçu le soutien du Grand Rabbin Gugenheim pour son accompagnement aux familles endeuillées. Parmi les sujets abordés : le renforcement des relations avec les sociétés funéraires, la mise en place d une plateforme d accueil pour les professionnels et les familles endeuillées, le lancement du recrutement de bénévoles et de candidats, la mise en œuvre d un service Contrôle qualité de la Hevra Kadicha confié au Rabbin Meyer Malka, ou la réalisation d une étude quant à l élaboration d applications iphone /Androïd pour assurer une communication moderne. Rencontre avec la Fondation du Patrimoine Le Président du Consistoire, Joël Mergui, accompagné de Laurent Philippe, administrateur, ont reçu, le 2 avril, des représentants de la Fondation du Patrimoine. Cette rencontre avait pour but d étudier la possibilité d instaurer des passerelles entre la Fondation du Patrimoine et la Fondation du Patrimoine Juif de France, liée au Consistoire. La Fondation du Patrimoine se propose de contribuer au financement de projets de rénovation répondant à certains principes, notamment l intérêt architectural ou historique des projets. Rencontre avec le Pasteur François Clavairoly, Président de la Fédération Protestante Les Grands Rabbins Michel Gugenheim et Olivier Kaufmann, chargés de l'intérim du Grand Rabbinat de France et Joël Mergui, Président du Consistoire, ont reçu le 26 mars, le Pasteur François Clavairoly, Président de la Fédération protestante de France. Défense de la Chehita : Rencontre avec l Ambassadrice du Danemark en France, Anne Dorte Riggelsen Le 28 mars, le Président du Consistoire, Joël Mergui et le Grand Rabbin Bruno Fiszon ont rencontré Son Excellence Anne Dorte Riggelsen, Ambassadrice du Danemark en France, pour évoquer l interdiction de l abattage religieux dans son pays, entrée en vigueur par voie de décret le 17 février dernier, au nom du bien-être animal. Pendant plus d'une heure, dans une ambiance conviviale, ils ont évoqué les missions de leurs institutions respectives et le positionnement des religions dans la sphère publique. Le Pasteur Clavairoly a présenté le fonctionnement de la Fédération protestante de France, les Eglises et les différences théologiques qui la composent, avant que ne lui soient expliqués le rôle et le fonctionnement statutaire du Consistoire ainsi que le caractère bicéphale de notre institution bicentenaire. A l'issue de la rencontre, le Pasteur a chaleureusement remercié les Grands Rabbins d'avoir dépeint, en toute franchise, la situation de la communauté juive de France. Tous deux ont exprimé leurs vives inquiétudes auprès de l'ambassadrice. S il n'y a aujourd hui pas de Chehita au Danemark, et ce depuis de nombreuses années, la petite communauté juive forte de 6000 membres important exclusivement la viande casher, cette décision est particulièrement préoccupante, car susceptible de faire jurisprudence, alors même que la Chehita présente, pour le bien-être animal, des bénéfices considérables qu ont tenu à rappeler le Président et le Grand Rabbin. Le Danemark, pays historiquement bienveillant vis-à-vis de la communauté juive a basculé du coté des pays de l'union Européenne hostiles à l'abattage religieux. On peut ainsi s'inquiéter de l'impact d'une telle décision sur les débats qui se poursuivront dans le futur dans les instances européennes. INFORMATION JUIVE Avril

24 LA VIE DU CONSISTOIRE Le Consistoire encourage l'engagement des jeunes dans l'action communautaire Le 2 avril s'est déroulé au Consistoire de Paris, le premier conseil de la jeunesse. En présence du Rabbin Laurent Berros, représentant le Grand Rabbin de Paris, Michel Gugenheim, et de Joël Mergui, Président du Consistoire, de Sarah Tellouk et Yoann Boccara, administrateurs du Consistoire de Paris, 26 cadres de la jeunesse communautaire étaient réunis afin de définir les problématiques auxquelles notre jeunesse fait face actuellement. Danger de l'assimilation et manque d'investissement dans la vie communautaire ont été des thèmes récurrents. Conférence départementale de la laïcité et de la liberté religieuse La conférence départementale de la laïcité et de la liberté religieuse s'est réunie, en préfecture, le 3 avril, sous la présidence du Préfet de la Région Ile-de-France et de Paris, Jean Daubigny, en présence du Président du Consistoire, Joël Mergui et du Rabbin Mikaël Journo, Aumônier national des Hôpitaux. Parmi les nombreux sujets abordés figurait la formation des aumôniers (hôpitaux, prisons). Réunion d étude ouverte aux Rabbins d Ile-de France Le 3 avril, une grande réunion d étude ouverte aux Rabbins d Ile-de-France s est déroulée au Consistoire à l initiative du Grand Rabbin de Paris, Michel Gugenheim et en présence du Président du Consistoire, Joël Mergui, dans une ambiance très conviviale. Le Grand Rabbin a développé deux thèmes en préparation à la fête de Pessah, le premier axé sur la Halakha, le second sur la signification de la fête. Il a en outre souligné l importance des liens avec tous ses collègues et rappelé qu il était à leur disposition pour échan-ger tous les lundis avant et après son cours hebdomadaire de Tal-mud destiné aux Rab-bins, mais aussi chaque fois que l un d entre eux souhaitait le rencontrer, avant de faire un état des lieux des services religieux du Consistoire de Paris. S en est suivi un échange très fructueux, d où la décision de renouveler ce type de réunion régulièrement. Dialogue inter-religieux Dîner républicain «Vivre ensemble» autour de l Imam Chalghoumi Le 8 avril, autour de l Imam de Drancy, Hassen Chalghoumi, Président de la Conférence des Imams de France, de Tarak Ben Ammar et de l écrivain Marek Halter, trois cents invités étaient conviés pour la deuxième année à un dîner annuel républicain Vivre ensemble, parmi lesquels la Ministre de la Justice, Christiane Taubira, Armel Karboul, Ministre du Tourisme de Tunisie, Antoinette Montaigne, Ministre de la Communication et de la Réconciliation nationale de Centrafrique, les Grands Rabbins Michel Gugenheim et Olivier Kaufmann, chargés de l intérim du Grand Rabbinat de France, le Président du Consistoire, Joël Mergui, Sammy Ghozlan et Gil Taieb, administrateurs du Consistoire de Paris. Après avoir déposé une gerbe devant le Mémorial érigé en souvenir des Juifs déportés de Drancy, la Ministre de la Justice a visité, accompagnée d une délégation, le Musée de Drancy guidée par le Directeur des lieux, Jacques Fredj. Au cours du dîner républicain qui a suivi à Montreuil, Christiane Taubira a loué le dialogue entre les religions et la tolérance avec des dizaines de représentants des cultes, juifs, chrétiens et musulmans notamment. «La République française est une République laïque, une république qui dit qu elle est capable de contenir en son sein toutes les croyances du monde, toutes les philosophies du monde», a notamment lancé la Ministre. Joël Mergui, après avoir rendu hommage à l Imam Chalghoumi, a invité l ensemble des imams pour qu eux aussi s engagent dans la voie du dialogue. 24 INFORMATION JUIVE Avril 2014

25 LA VIE DU CONSISTOIRE Vie communautaire Colloque «Qu est-ce qu un acte antisémite : la loi et la réalité» du BNVCA Le Colloque «Qu estce qu un acte antisémite : la loi et la réalité» coorganisé par le BNVCA présidé par Sammy Ghozlan et l'université Populaire du Judaïsme dirigée par Shmuel Trigano, a eu lieu à la Mairie du 17eme arrondissement de Paris, le 7 avril, accueilli par la Maire, Brigitte Kuster et son adjointe, Murielle Schor, Vice-présidente du Consistoire de Paris et en présence du Président du Consistoire, Joël Mergui. Sortant des sentiers battus, les intervenants de haute qualité ont décrypté la notion d'antisémitisme pour mieux la définir. Le Ministre Jean-Claude Gayssot, auteur de la loi antiraciste éponyme, a admis que cette loi aujourd'hui, bien que fondamentale, devait être revue pour mieux viser le nouvel antisémitisme dont la source est l'antisionisme ambiant. Le Président du Consistoire, Joël Mergui, a expliqué à quel point le sujet restait préoccupant pour les institutions et recommandé le développement des relations avec les autres communautés religieuses. Face au départ de nombreuses familles en Israël, il a insisté sur l'intérêt pour l'avenir de la communauté juive en France, de poursuivre son développement dans les villes et les quartiers où les fidèles se regroupent. Metz : Chelochim du Dayan Rav Moshe Arye Bamberger Le 30 mars étaient célébrés les Chelochim du Dayan Rav Moshe Aryeh Bamberger à Metz. Cette journée a débuté par un moment de recueillement sur les tombes des Rabbanims et tsadikim de Metz (Chaagat Aryeh,Chevout Yaacov...) en présence de nombreuses personnalités, parmi lesquelles le Grand Rabbin Olivier Kaufmann, Directeur de l Ecole Rabbinique de France et chargé de l intérim du Grand Rabbinat de France, venu évoquer les qualités d'humilité et d'abnégation du Rav, le Président du Consistoire, Joël Mergui et le Président du Consistoire de la Moselle, Jean- Claude Michel. Particulièrement attaché à la mémoire de ces Tsadikims, le Rav Bamberger avait beaucoup œuvré aux célébrations de leur Yahrzeit et fut l initiateur de la publication de textes manuscrits inédits de ces Sages. Opération Matsa de l espoir 2014 Les Aumôniers israélites des hôpitaux de Paris sont partis à la rencontre des personnes malades en compagnie de jeunes de la communauté, à l occasion de Pessa h, pour distribuer matsot chemourot, hagadot bilingues et des plats casher lepessa h. Le 13 avril, à la Synagogue de la rue Chasseloup-Laubat, de nombreux jeunes se sont réunis autour des Grands Rabbins Michel Gugenheim et Olivier Kaufmann, du Rabbin de la communauté et Aumônier général des Hôpitaux de France, Mikael Journo, du Président du Consistoire, Joël Mergui ainsi que du Président de la Synagogue, Claude Haddad, afin de bénéficier de leurs enseignements, conseils et directives. «A travers cet élan de solidarité, les patients se sentent considérés, les jeunes s affirment en appliquant concrètement ce que nos maîtres nous enseignent. Cette jeunesse qui se mobilise est exceptionnelle et exemplaire» a déclaré Mikael Journo. Accompagnés d Aumôniers, les jeunes ont ensuite sillonné la région parisienne à la rencontre des patients hospitalisés ou vivant au sein de maisons de retraite juives. Au cours de la Seoudat Mitzva (repas de Mitzva) qui a suivi, de nombreux orateurs se sont succédés à la tribune tels le Président de la Communauté de Metz, Monsieur Lazarus, le Rav Ittah, le Dayan Szmerla, le Rav Théo Cahen et des anciens élèves. Le Grand Rabbin de Metz et de la Moselle, Bruno Fiszon, a évoqué avec beaucoup d'émotion les liens filiaux qui l'unissait au Dayan défunt. Il a souligné combien chaque juif était essentiel aux yeux du Rav Bamberger et assuré la Rabbanit Bamberger ainsi que ses fils de son soutien, comme de celui du Président du Consistoire de la Moselle, Jean-Claude Michel. Le Président du Consistoire, Joël Mergui a souligné la grandeur d'un homme qui a tant construit dans sa communauté avec humilité et ahavat Israël (Amour d Israël). L hommage au Rav Bamberger s est achevé avec le chant Ani maamin («je crois avec fidélité à la venue du Machiah») entonné par les fils du Rav Bamberger. Ainsi à la tristesse et l'amertume a succédé l'espoir... INFORMATION JUIVE Avril

26 LA VIE DU CONSISTOIRE Hommage à Pierre Besnainou, Président du FSJU Le 2 avril, Pierre Besnainou a quitté la présidence du FSJU-AUJF après huit années passées à la tête de l institution, lors d une cérémonie organisée à l Espace Rachi-Guy de Rothschild. Présidents d institutions, d associations, Grands rabbins, Ambassadeurs, personnalités politiques, élus, professionnels, proches, tous ont tenu à participer à cet hommage chaleureux. Parmi eux notamment, Joël Mergui, Président du Consistoire, Roger Cukierman, Président Avant-première du film 24 jours d Alexandre Arcady En hommage à Ilan Halimi, avait lieu le 20 mars, à l'initiative de Roger Cukierman, Président du CRIF et de Maurice Lévy, Président du Directoire de Publicis Groupe, l'avantpremière du film «24 jours», réalisé par Alexandre Arcady, relatant l'enlèvement et le du CRIF, Christophe Bigot, Ancien Ambassadeur de France en Israël et Adel Fekih, Ambassadeur de Tunisie en France, Daniel Shek, ancien Ambassadeur d Israël en France et Anne Hidalgo, Maire de Paris. Ces années de présidence ont été marquées par de nombreuses joies mais aussi des tragédies. L avocat Francis Szpiner est revenu sur l assassinat d Ilan Halimi et la façon dont Pierre Besnainou a été de tous les instants pour accompagner Ruth Halimi dans sa douleur. Ariel Goldmann, nouvellement élu Président du FSJU a, lui, évoqué la tuerie de Toulouse. La légèreté était toutefois au rendezvous grâce à Michel Boujenah qui a rappelé ses goûts culinaires communs avec Pierre Besnainou mais surtout ses liens indéfectibles avec celui qu il connaît depuis leur Tunisie natale. meurtre d'ilan Halimi. Plus de 400 personnalités, dont Joël Mergui, Président du Consistoire, ont assisté à la projection qui a suscité une très vive émotion. Tous ont félicité Alexandre Arcady pour la justesse de ton, la pudeur et la retenue dans la réalisation de ce film adapté du livre d'emilie Frèche, co-écrit avec Ruth Halimi. Le film sortira en salles le 30 avril prochain. Le Congrès Juif Mondial se réunit à Paris Les 30 mars et 1er avril dernier, le Congrès Juif Mondial a réuni son bureau exécutif à Paris, l occasion d évoquer de nombreux sujets d actualité : la situation des Juifs en France et en Ukraine, la montée de l'antisémitisme en Europe, la campagne de boycott contre Israël ou le prochain 20e anniversaire de l'attentat du centre AMIA en Argentine, sous la présidence de Ronald S. Lauder. Le 30 mars au soir était organisé, à l hôtel Intercontinental, un dîner de Gala en présence de nom-breuses personnalités, parmi lesquelles le Président Joël Mergui et le Grand Rabbin Olivier Kaufmann. Cette rencontre a permis d avoir de nombreux échanges avec les dirigeants de communautés juives, notamment européennes. Jeunesse Torah Land au cirque Moreno Borman Le 11 Mars dernier, le Grand Rabbin de Paris, Michel Gugenheim, a assisté à un spectacle de Pourim au cirque Moreno Borman à l initiative de l association Torah Land. Réunissant plusieurs écoles de la région parisienne, ce spectacle sous forme de comédie musicale avait pour thème «l histoire authentique de la Méguila». 26 INFORMATION JUIVE Avril 2014

27 CULTURE La yiddishkeit est bien vivante PAR ANNIE OUSSET-KRIEF Kanade, Goldene medine vient en écho à Amerika, Goldene medine, cette phrase qui a imprégné les récits de tant d immigrants, attirés par l Amérique, nouvelle terre promise Les deux pays, Etats-Unis et Canada, ont incarné et incarnent sans doute encorele rêve d un accomplissement total dans la liberté, la reconnaissance de l individu The pursuit of happiness, la poursuite du bonheur, est inscrite dans la Déclaration d Indépendance des Etats- Unis comme un droit naturel inaliénable. Tout comme les Etats-Unis, le Canada a offert cette promesse de la poursuite du bonheur. Et ces deux photos, prises à un siècle d intervalle, l une en Pologne et l autre à Outremont, témoignent de la préservation réussie d un judaïsme millénaire. C est la Pologne qui fut autrefois a goldene medine, une terre promise pour les Juifs. Les communautés qui s y étaient implantées avaient pu se développer et forger une identité juive enracinée dans ces terres européennes. A nouveau déracinées par les accidents tragiques de l histoire, ce sont les Etats- Unis et le Canada, qui sont devenues leurs nouvelles terres d accueil car la France, autrefois considérée comme un havre de paix le proverbe ne disait-il pas heureux comme Dieu en France avait trahi ses promesses et l Affaire Dreyfus avait plaqué le masque hideux de l antisémitisme sur la société française. Pologne po-lin, tu te reposeras ici, paroles venues des cieux, raconte la légende Canada yiddishkeit : 3 points d une relation riche, complexe, qui a connu son apogée entre 1900 et 1920, lorsque des dizaines de milliers d immigrants yiddishophones ont enraciné leur vie à Montréal. Ils arrivaient dans une ville où vivait une petite communauté juive anglophone, et ont transformé le visage de cette communauté. La yiddishkeit, centrée sur la pratique du yiddish comme langue de communication, est venue s ajouter à cette identité juive canadienne. Le temps passant, la pratique du yiddish s est perdue et les nouveaux Canadiens ont Sur les Juifs que compte aujourd hui Montréal, à peu près sont des Sépharades francophones. Donc Montréal offre un visage de diversité dans les origines et les langues. transformé à leur tour leur yiddishkeit en une identité anglo-juive. Mais l histoire de la judaïcité montréalaise ne s arrête pas là, puisque sont arrivés dans les années 1970 des Juifs marocains, francophones. Sur les Juifs que compte aujourd hui Montréal, à peu près sont des Sépharades francophones. Donc Montréal offre un visage de diversité dans les origines et les langues. Diversité dans les tendances religieuses également, puisque, à l instar des Etats- Unis, les Juifs canadiens, influencés par la Haskala (les Lumières juives), ont créé des congrégations conservative, reform, et reconstruc-tionistes. II y a par conséquent différentes cultures juives qui s expriment, avec un socle commun. Et nous retrouvons aujourd hui 3 formes d identité juive : Canadian Jewish, sépharade, et yiddishkeit et/ou hassidishkeit. Point notable : attirés par la culture, la langue et la littérature yiddish, certains se dédient à la promotion de cette forme identitaire. Il y a de nouveaux yiddishistes modernes, souvent sans aucune racine juive, qui perpétuent une certaine culture appuyée sur la langue, laquelle me semble presque désincarnée : en étant dissociée de la praxis quotidienne, la langue ne détermine plus une identité. Donc dans leur cas, il ne s agit pas de yiddishkeit. Mais n est-ce pas extraordinaire de voir qu au 21e siècle, le yiddish, langue menacée dans sa survie, a une telle influence aujourd hui que des écrivains et des traducteurs s y consacrent? C est bien là l illustration de cette interconnexion extratemporelle entre le Canada et la yiddishkeit Montréal J ai utilisé le terme hassidishkeit parce que ce sont les Hassidim qui sont les tenants actuels de la yiddishkeit, de par le maintien de la langue, et avec une dimension religieuse traditionnaliste absente des groupes purement culturels. Ces Hassidim, venus à Montréal après la Shoah, rescapés miraculeux déterminés à faire revivre leur judaïsme dans la goldene medine INFORMATION JUIVE Avril

28 CULTURE Lorsque je suis venue pour la 1ere fois à Montréal, je suis partie à la recherche du Montréal Yiddish pas du Montréal juif, non, le Montréal Yiddish, création des immigrants de Pologne et Russie, la goldene medine façonnée par les réfugiés des shtetls. Arrivés à la fin du XIXe siècle, ils furent confrontés à une bourgeoisie juive montréalaise très intégrée à la société canadienne. Ces L identité juive s exprimait au niveau linguistique : en 1931, 95% des Juifs de Montréal parlaient yiddish ; au début des années 1940, alors que 50% des Juifs étaient nés au Canada, 80% continuaient à parler Yiddish (Louis Rosenberg, The Jewish Population of Canada A Statistical Summary, American Jewish Yearbook, vol.48, ). Au niveau religieux nous notons le même essor : 31 N est-ce pas extraordinaire de voir qu au 21e siècle, le yiddish, langue menacée dans sa survie, a une telle influence aujourd hui que des écrivains et des traducteurs s y consacrent? Juifs anglophones résidaient uptown et avaient bâti d impressionnantes synagogues, comme Shaar Hashomayim sur McGill College avenue en 1886, ou Shearith Israel sur Stanley Street en Le flot d immigrants vint renforcer la communauté juive de Montréal jusqu à atteindre personnes en 1901, en 1911 et en Culturellement et religieusement très différents de leurs coreligionnaires canadiens, les nouveaux immigrants reconstituèrent dans le nouveau monde une communauté familière, avec ses propres shuln traditionnelles, ses associations, sa presse Cette période marque donc un renouveau et un essor du judaïsme montréalais, comparable à ce que vécut New York à la même période, même si les proportions sont infiniment moindres. Une culture vibrante, donc, et très riche. Judith Sedeil fait référence dans sa recherche - au Boulevard St Laurent du Main, raccourci en la Main, territoire de 2 km2, une enclave ethnique qui englobait 6 blocs de chaque côté du bd St Laurent, depuis St Antoine jusqu à l avenue du Mont Royal au nord. nouvelles synagogues avaient été bâties. Les immigrants se sentaient en effet mal à l aise dans la tendance moderniste du judaïsme anglo-canadien montréalais et souhaitaient maintenir une orthodoxie religieuse traditionnelle. En quête de traces mémorielles, je pensais trouver des synagogues, des boutiques aux enseignes en yiddish, comme c est le cas dans le Lower East Side à Manhattan. Mais presque rien de cette vie ne subsiste aujourd hui. Demeure encore la synagogue de Bagg Street (construite en 1921), qui fonctionne les Shabbat et jours de fêtes. La charcuterie Schwartz existe toujours sur le boulevard St Laurent, et connaît un franc succès, mais elle est comme un emblème de ce que fut la Main au début du XXe siècle, un arrêt touristique exotique, vestige de la vie juive du quartier. Çà et là, des inscriptions à moitié effacées témoignent de la présence de synagogues, comme par exemple rue Saint Urbain, où l Association portugaise a racheté la synagogue Beth Hamedrash Chevra Shaas. Car au fur et à mesure de l évolution sociale et économique de la communauté, les résidents s installèrent dans des quartiers plus bourgeois, vers Côte-St Luc, Westmount, et aujourd hui Dollars-des-Ormeaux. A la fin des années 1950, les synagogues furent vendues à d autres groupes d immigrants et furent transformées en centre communautaires, ou autres lieux de culte. Outremont J ai repris ma promenade et suis arrivée à Outremont. Et là m attendait le Yiddishland montréalais. Quel étonnement de croiser ces bambins dans les rues et de les entendre s exprimer en Yiddish, alors qu après la Shoah, on pensait que la langue disparaîtrait, se fossiliserait! Quel étonnement de croiser ces hommes portant le shtreimel et le caftan de satin noir de leurs ancêtres! A shtetl within a shtut, un village à l intérieur d une ville, c est ainsi qu était décrit ce district de Montréal où une vie authentiquement juive se déroulait. 28 INFORMATION JUIVE Avril 2014

29 CULTURE téléphone dépourvu de la liaison internet pour éviter tout contact avec le profane corrupteur. Quelque 10 groupes se sont installés là après la guerre. Grâce à la volonté des rebbes qui avaient survécu aux camps, ils ont récréé leurs communautés sur le sol canadien : Bobov, Belz, Satmar, Vishnitz, Satmar, Pupa, Munkatch, Klauzenburg, Loubavitch, Tash, tous ces noms des shtetls résonnent ici avec un accent victorieux, car ils ont survécu à l anéantissement et incarnent pleinement aujourd hui la Yiddishkeit. Comme l écrivait le psychiatre Marc- Alain Wolf, il n est pas donné à tout le monde d observer in vivo (pas au musée des civilisations ou dans de grands spectacles d été en région) de très lointains aïeux vaquer à leurs occupations spirituelles. C est, selon la belle formule biblique, le grand-père du grand-père de mon grand-père que je vois peut-être là, tout jeune garçon, rasant les murs, caressant ses boudins [papillottes], méditant passionnément le passage du Talmud qu il vient d étudier avec son maître. Leur temps n est pas le nôtre. Il est celui, immuable, de la vie juive traditionnelle centrée sur l étude et la synagogue Un livre d histoire Si aujourd hui pour beaucoup de Juifs montréalais la Pologne n est qu un livre d histoire certes fondamental dans la constitution de leur identité, pour les Hassidim d Outremont, le lien est vivant et permanent. Leur existence est la suite de ces cours hassidiques établies à Kielce, Tarnow, Nowy Sacz, Bobowa Tous ces villages ou villes où les rebbes avaient vécu, diffusé leur enseignement Lignées fracturées par la catastrophe de l Holocauste, mais restaurées par la volonté de rebbes qui avaient survécu et s étaient donné pour mission de poursuivre la tâche de leurs ancêtres dans la nouvelle Goldene Medine. Nous voilà à un carrefour, où les groupes hassidiques vivent leur yiddishkeit/hassidishkeit dans le Nouveau Monde, sans avoir recréé un shtetl, mais en ayant consolidé tout ce qui avait été construit il y a des centaines d années sur la terre de Pologne. Outremont est l un des 19 arrondissements de Montréal, d une taille plutôt réduite : un peu moins de 4km2. Les Hassidim représentent environ 25% des résidents. Et c est un Hassidisme affirmé, assuré et fier, qui s exprime dans ce lieu. Tout à la fois traditionnel et moderne. Car les Hassidim conduisent des 4x4, et ont tous un téléphone portable à la main même si ce téléphone est un téléphone Kosher, contrôlé et validé par le rabbinat, un La Yiddishkeit Outremont n est pas un ghetto, un lieu où se seraient réfugiés des Juifs dans un gigantesque mécanisme de défense, pour reprendre les termes de Louis Wirth dans son ouvrage sur Chicago. Les Hassidim ont créé une enclave religieuse, qui est l incarnation d un judaïsme ultra-orthodoxe même si le L identité juive s exprimait au niveau linguistique : en 1931, 95% des Juifs de Montréal parlaient yiddish ; au début des années 1940, alors que 50% des Juifs étaient nés au Canada, 80% continuaient à parler Yiddish mot est rejeté par les Hassidim, car pour eux, il n y a qu un judaïsme, ni traditionnel, ni conservative, ni orthodoxe Les Hassidim sont des passeurs d identité, une identité sans compromis, l incarnation d une yiddishkeit ou une hassidishkeit qui est culturelle, linguistique, religieuse, bref, totale. Cette identité, ils la transmettent, mais de manière restreinte quoique les choses aient un peu changé aujourd hui. Ils tendent la main aux Juifs qui se sont éloignés de la tradition et essaient de faire ressentir ce qu est le judaïsme, cet engagement total au service de Dieu. INFORMATION JUIVE Avril

30 CULTURE Parler d identité, écrit Paul Ricoeur, c est parler du maintien de soi à travers le temps. Les Hassidim sont les vecteurs de transmission de l identité juive, les passeurs de cette Yiddishkeit qui s était forgée en Pologne. Consciemment ou pas, ils maintiennent vivant un lien avec la alte heime, la vieille maison, le vieux pays. La Yiddishkeit, c est à la fois une culture, une langue, un mode de vie, une vision juive du monde, c est être Juif au monde. Belle expression qui décrit à la fois un regard porté sur le monde et une empreinte laissée dans l univers. Par exemple, le shabbat est pour les Juifs un moment d éternité, une pause pendant laquelle le temps s arrête pour laisser place au sacré : les rues d Outremont reflètent cette transformation : les voitures sont laissées garées, le tohu bohu du quotidien a disparu Le rabbin Julian Sinclair (6 mars 2009) écrit même que le mot yiddishkeit est plus sacré que le mot judaïsme, un terme qui englobe la richesse de la vie et pas seulement une croyance religieuse. Le mot yiddishkeit évoque l Europe orientale et ses shtetls, les hassidim et leur ferveur mystique. Cette vie authentiquement juive fait d Outremont un pont entre le Nouveau Monde et l ancien, mais également un pont entre la judaïcité canadienne et cette judaïcité héritée d Europe orientale. Etre humain, c est vivre dans un monde rempli de lieux significatifs ; être humain, c est avoir et connaître sa place, écrit Edward Relph. Par un processus constant, les Hassidim d Outremont ont donné du sens à ce village montréalais, et y ont trouvé leur place. Les Hassidim ont bâti une aire culturelle et religieuse en totale cohérence avec l être juif. Ce n est pas une entreprise passéiste, c est une entreprise religieuse bien vivante et dynamique. La tradition, c est l identité, déclare une jeune fille hassidique dans le documentaire de Jack Neidik, Shekina, consacré au séminaire fondé par Chana Carlbach à Ste Agathe-des- Monts. Autrement dit, on sait qui on est si on est capable de savoir qui on a été. Le respect des traditions maintient une continuité qui permet la survie de la judaïcité. La mémoire sera le pivot de cette vie juive : Forgetfulness leads to exile, while remembrance is the secret of redemption, écrivait le Baal Shem Tov, le Maître du Bon Nom, fondateur du mouvement hassidique au 17e siècle en Leur temps n est pas le nôtre. Il est celui, immuable, de la vie juive traditionnelle centrée sur l étude et la synagogue» Pologne. L impératif du souvenir, Zakhor, souviens-toi, est la trame de toute l histoire juive à travers le temps et l espace. Le paysage urbain porte l empreinte de leur identité, ils recréent des lieux traditionnels shuln, yeshivot, mikve qui seront des marqueurs spatiaux de leur être juif, des géosymboles, pour reprendre cette notion développée par Joël Bonnemaison. Un géosymbole, c est, selon J. Bonnemaison, un marqueur spatial, un signe dans l espace, qui reflète et forge une identité. Reflète et forge : processus continu de création et d ancrage. Le sentiment identitaire s incarne dans les lieux multiples de ce territoire partagé. Les lieux symboliques sont à la fois signifiants et marqueurs de signification. Même l'erouv, ces fils tendus entre poteaux et piliers pour recréer les murs de la maison, invisible aux yeux de ceux qui ignorent son existence, devient l un de ces géosymboles, en enfermant dans un espace devenu sacré les limites du territoire où peuvent se déplacer les Juifs pratiquants le jour du Shabbat. Il exprime tout un système de valeurs qui génère une identité commune et construit le territoire. 30 INFORMATION JUIVE Avril 2014

31 CULTURE Outremont incarne l expression d un foyer bâti sur les préceptes de la Torah, et son univers est le miroir de la foi. Car pour les Hassidim, il n y a pas de sphère spécifiquement religieuse : tout est relié à Dieu. La Yiddishkeit signifie une globalité sacrée, dérivée de Dieu. Il n y a pas de frontières entre culture et religion, tout participe de la même mausolées des figures les plus importantes du Hassidisme font l objet d un véritable culte, car le Rav ne meurt jamais, il accompagne ses fidèles à travers le temps. Ceux-ci déposent sur la tombe des kvitlech, petits papiers sur lesquels ils inscrivent leur prière. Leur temps n est pas le nôtre, comme le disait Marc-Alain La Yiddishkeit, c est à la fois une culture, une langue, un mode de vie, une vision juive du monde, c est «être Juif au monde». obligation de servir Dieu : kol asher diber Adonaï naseh venishma : tout ce que Dieu a dit, nous écouterons et nous ferons. Tout est en Dieu et Dieu est dans tout, c est cette conviction qui imprègne chaque phase de la vie hassidique. Outremont est une Pologne en miniature, mais déploie la même ferveur, le même engagement que par le passé. Les Hassidim y ont bâti 9 écoles et 25 shuln parfois de simples shtiebls (des pièces), parfois de véritables synagogues. Leur installation dans le Nouveau Monde fait qu ils ont créé une sorte de transnationalisme religieux : les jeunes filles montréalaises épousent de jeunes hommes newyorkais (qui viennent s installer au lieu de résidence de leur épouse, comme le requiert la coutume), les jeunes hommes montréalais partent en grand nombre à Jérusalem, New York ou Londres, ou encore Anvers dans une moindre mesure. Les familles circulent entre les grands pôles mondiaux du Hassidisme, mais le lien qui les unit reste fort, car leur rebbe reste leur ancrage. Ainsi le rebbe de Belz est établi à Jérusalem, mais il rend visite à ses fidèles régulièrement, et eux-mêmes se déplacent en Israël. Quant aux liens avec la Pologne, ils s expriment par le biais des pèlerinages qui ont lieu à la date anniversaire du décès du Rav fondateur : les ohalim Wolf, en effet : les repères temporels sont ceux des Grands Sages de l histoire juive. Et ces Hassidim déguisés pour Pourim renouvellent la perpétuation d une tradition qui se maintient à travers les continents comme si le temps ou la modernité n avaient pas de prise sur leur être juif. Le maintien d une vie authentiquement juive, qui puise ses sources dans une terre lointaine mais s articule avec la modernité, se reflète dans une publication assez récente, puisqu elle a commencé il y a à peine 2 ans : Der Moment est un hebdomadaire en yiddish et anglais, distribuée gratuitement chaque semaine à Montréal. J interprèterai cette création comme un enracinement sur la terre canadienne, car jusque-là, les seuls journaux disponibles (Hamodia, Michpaha), venaient des Etats-Unis. Le contenu de Der Moment fournit des informations locales, ce qui souligne l ancrage dans la société, et l intérêt pour ce qui s y passe. Deuxième point intéressant : la version anglaise des informations montre également cette canadianisation - une reconnaissance de la langue dominante au Canada (pas au Québec, cependant ). La distribution de cet hebdomadaire atteint 66,000 exemplaires par an. Les Hassidim maintiennent leur identité juive, l expriment car Outremont n est pas un isolat culturel. Ils la transmettent également, car leurs groupes attirent de nombreux jeunes en quête de sens. Le mouvement Loubavitch connaît un essor particulier même s il diffère des autres groupes hassidiques par une ouverture plus grande aux autres, il n en demeure pas moins au cœur du mouvement et remplit cette fonction de transmission d identité. Les Loubavitch ont notamment créé au sein des universités des groupes qui s adressent à ces jeunes Juifs qui se sont éloignés de la tradition. Les Chabad Campus, comme ils se dénomment, organisent séminaires, voyages, shabbat, et ont une portée internationale ; Le cercle est bouclé : Po-Lin Canada Yiddishkeit. A l arrière-plan de cette photo, une affiche électorale, avec sur la gauche, la photo de Mindy Pollak, première femme hassidique La Yiddishkeit signifie une globalité sacrée, dérivée de Dieu. Il n y a pas de frontières entre culture et religion, tout participe de la même obligation de servir Dieu (Vishnitz) à être élue au conseil municipal d Outremont en octobre Et ces deux Hassidim en habits de fête, comme pouvaient l être leurs ancêtres en Pologne. D une terre à l autre, d une culture à l autre, les éléments se conjuguent et s associent, empruntant au passé, créant l avenir, dans un présent tout à la fois traditionnel et en mouvement. INFORMATION JUIVE Avril

32 HISTOIRE Le temps de la mémoire sépharade UN ENTRETIEN AVEC HÉLÈNE TRIGANO* Le Centre international des archives de la mémoire sépharade a pour objectif d enregistrer des récits de vie et des témoignages d identification d expériences très variées des juifs sépharades de toutes origines en Europe, en Israël et en Amérique latine. Le Centre est géré par une association loi 1901 qui rassemble une équipe de professionnels sous la direction d Hélène Trigano. Dans l entretien ci-dessous, Mme Trigano expose à la fois les objectifs du Centre mais aussi les caractéristiques, selon elle, de la mémoire sépharade. Vous avez fondé les "Archives de la Mémoire Sépharade", est-ce que cela voudrait dire que les Sépharades appartiennent déjà au passé? Ils sont toujours bien vivants mais leur monde a connu un tremblement de terre. Entre 1940 et 1970, environ un million de personnes ont vécu un déracinement brutal, la plupart du temps à l'époque de la constitution des Etats arabes et de l'etat d'israël, tandis que dans les Balkans ils avaient subi l'extermination nazie. Cette épreuve a concerné tous les pays où ils étaient installés depuis des siècles, du Maroc à la Perse, de la Turquie au Yémen (quoique dans ce dernier cas, bien plus tôt). Une continuité millénaire sur le plan psychologique et identitaire se rompait alors. La génération, qui a connu ce que fut l'existence dans ces pays, avant le déracinement, détient les clefs du lien avec cette longue histoire. Cette mémoire court le risque aujourd'hui de s'éteindre avec elle. Or, les générations d'après l'exil sont à la recherche d'une continuité familiale, culturelle et historique qui leur donnerait la possibilité de s'inscrire dans une généalogie. Il est donc de notre responsabilité, nous, génération de transition, de dénouer cette mémoire avant qu'elle ne sombre dans l'amnésie et de renouer le fil de la transmission. Ne l'oublions pas, l'histoire de ce monde-là commence à peine à être écrite. La mémoire des acteurs y contribuera d'une façon irremplaçable. Il m'a semblé urgent de collecter leur témoignage. Qu'entendez-vous par sépharades? L'ensemble des communautés qui se sont reconnues dans la même tradition de halakha tout au long des siècles et qui se sont développées dans le monde arabo-musulman, ce Ne l'oublions pas, l'histoire de ce monde-là commence à peine à être écrite. La mémoire des acteurs y contribuera d'une façon irremplaçable. qui inclut autant les Balkans que le Yémen qui furent sous l'emprise de l'empire ottoman durant plusieurs siècles. Comment procédez-vous? J'ai fondé les Archives en C'est une association "loi 1901" qui a pour objectif de constituer une base de données audio-visuelles permettant la transmission de cette identité. Je collecte les récits des expériences individuelles et collectives des communautés d'afrique du Nord, du Moyen Orient et des Balkans. Chaque entretien est filmé. Sa durée est de deux à trois heures, durant lesquelles nous abordons de façon méthodique leur histoire et leur mémoire. Est-ce le moment le plus adéquat pour une telle entreprise? Il faut partir de l'idée que cette population a vécu un événement traumatique, dans un court laps de temps, générateur d'une émotion puissante que le psychique n'a pu ni supprimer, ni assimiler par les voies normales, ce qui a eu pour effet de troubler l'identité des individus concernés. Ce fut vrai en Irak, en Egypte, en Algérie, en Libye. Dans les autres pays, la violence fut plus diffuse ou de nature symbolique, par exemple l'assassinat d'une personnalité. Son effet n'en fut pas moins grand. C'est cette violence qui, la plupart du temps, a donné le signal du départ. La mémoire de ces événements est restée longtemps refoulée et non formulée. Comment expliquez-vous cela? Les Sépharades ont plutôt l'image d'être des bons vivants? Il s'est produit une rupture dans la suite des générations et la transmission. Il n'est que de voir l'évolution de leur tradition intellectuelle ou religieuse et leur passage à des modèles qui n'étaient pas les leurs. Mais regardons ce qui s'est passé en Israël. La famille traditionnelle vola alors en éclats, les rôles masculin et féminin se modifièrent. L'émancipation des femmes, qui durent sortir du foyer pour travailler, est allée dans ces 32 INFORMATION JUIVE Avril 2014

33 HISTOIRE années là de pair avec la déstabilisation de l'autorité paternelle. Ce fut là le cadre général d'une crise identitaire puissante dans laquelle les repères habituels s'estompaient au point de remettre en chantier l'identité. De nombreux sociologues ont analysé cet état de fait en Israël. N'est-ce pas là un processus qui s'apparente à celui de la mémoire de la Shoah? C'est le processus qui résulte de tout choc traumatique. Les Sépharades des Balkans s'inscrivent évidemment dans la mémoire de la Shoah. Pour ceux du sud de la Méditerranée, la gravité du drame qu'ils ont vécu n'est pas, bien sûr, comparable. Les violences ont fait peu de morts et si un univers entier a disparu en quelques dizaines d'années, les hommes, eux, ont survécu et se sont reconstruits. Mon propre cheminement traverse ces deux dimensions. Pendant quelques années, j'ai pris part à l'enregistrement des survivants de la Shoah, pour les Archives de l'université de Yale. J'ai alors pris conscience du fait que je n'avais moi même rien transmis à mes enfants, alors que je n'avais reçu de témoignage de mes parents qu'au niveau des comportements, de ce qui reste quand on a tout oublié. C'est cette expérience qui a déclenché en moi la motivation de recueillir cette mémoire et ce témoignage pour qu'ils servent à transmettre cet héritage aux générations futures et peut-être aussi aux historiens. Pourquoi cette mémoire pourrait-elle accéder aujourd'hui à l'expression? La période qui a suivi le traumatisme et qui a été marquée par le déni et le refus de prendre en compte ce qui a été vécu, a fini par être dépassée, au fur et à mesure de l'adaptation au nouvel environnement. Les individus se sont mis alors en quête des traces du passé, à redécouvrir le folklore et les traditions familiales, à effectuer des "pèlerinages" dans les pays où c'était encore possible. Temps de la nostalgie! Cela a pu même les conduire à un engagement social et politique. Cette période- là est intermédiaire. Elle prépare le temps de la mémoire, le temps de la construction et d'une représentation du passé. Ce qui me semble être le cas aujourd'hui. Les différents épisodes consécutifs au déracinement prennent alors leur véritable signification. En d'autres termes, le traumatisme se transforme en souvenir assumé. Il devient alors possible de réécrire le roman familial. Comment situez-vous le travail des Archives de la mémoire sépharade dans un tel processus? L'enregistrement en audiovisuel est très important aussi pour recueillir le vécu et l'émotion. Les histoires des individus est différente de la grande histoire, l'histoire des historiens, car elle fourmille de détails qu'on ne trouvera jamais dans des documents. Le projet est de constituer un corpus très développé de ces mémoires spécifiques aux individus, aux pays, aux régions, etc. Nous disposons actuellement de 130 enregistrement d'originaires de très nombreux pays : Egypte, Irak, Pales-tine mandataire, Turquie, Salonique, Rhodes, Bulgarie, Géorgie, Maroc, Algérie, Tunisie, Yémen, Syrie, Iran, Inde... Ces docu-ments, après traitement, seront déposés dans des instituts de recherche ouverts à la consultation des chercheurs et peut être d'un plus large public en quête de mémoire des générations passées. Par ailleurs j'ai tiré un film de 52 mn de certains enregistrements, "Fragments de la mémoire sépharade". A travers votre expérience, pouvez-vous arriver à cerner quelques caractéristiques de la mémoire sépharade? Je ne peux parler que de trajectoires des individus confrontés à la tourmente de l'histoire. J'ai en tête le récit de Haïm Cherki (zal) qui, dans son témoignage, trace un portrait saisissant de l'histoire des Juifs d'algérie et de sa famille : arrivés en Algérie après la première expulsion d'espagne sous la houlette de leurs trois célèbres rabbins, traversant la condition de dhimmi sous l'empire Le projet est de constituer un corpus très développé de ces mémoires spécifiques aux individus, aux pays, aux régions ottoman, puis avec l'arrivée de la France et le décret Crémieux accédant à la condition de citoyen, début d'une mutation radicale. Leur participation à la guerre de 14 (avec leurs 2700 soldats morts au combat) fut un tournant. Une rapide urbanisation s'ensuivit. Puis ce fut le choc de l'antisémitisme français, né en Algérie, et du régime de Vichy qui expulsa les Juifs de l'école. Luimême se vit exclu de la classe de philo. Son père et le rabbin Eisenbeth organi-sèrent alors des cours de remplacement, du primaire au supérieur. Dans la Résistance, des jeunes juifs mal armés mais déterminés jouèrent un rôle capital au moment du débarquement américain. Haïm Cherki a connu à la libération, l'effort de réorganisation de la vie culturelle et communautaire avec la figure centrale de Jacques Lazarus. C'est une période durant laquelle, son père a joué un rôle dans l'aide à l'aliya des Juifs marocains. Mais la guerre d'algérie commençait à faire ses ravages. Les Juifs d'algérie avaient très clairement et massivement fait le choix de la France. Puis vînt le temps du départ brutal dans le dépouillement total. A 69 ans, son père dut reprendre tout à zéro mais dans la liberté. Et enfin, pour lui, dix ans plus tard, le choix d'israël. -- *Fondatrice des Archives de la Mémoire sépharade. (Pour tout contact: amsepharade@gmail.com) INFORMATION JUIVE Avril

34 HISTOIRE Lyautey et les juifs du Maroc UN ENTRETIEN AVEC GUILLAUME JOBIN* Dans votre livre, on trouve entre autres, un certain nombre de notes et d observations sur ce que fut la situation des juifs du pays sous le Résident Lyautey. Peut-on dire qu il avait une politique spécifique à l égard de la population juive? Au Maroc, Lyautey part du principe pragmatique que la France, qu il incarne, doit faire l inverse de tout ce qui été fait en Algérie. Il avait en effet une politique spécifique à l égard des juifs du Maroc, fondée sur les principes suivants : ils sont d abord marocains, d une part, ils doivent avoir les mêmes droits et devoirs que les autres marocains musulmans, d autre part, et enfin, le Résident refuse toute assimilation des indigènes marocains, juifs comme musulmans, avec les Français, au contraire de ce qui s est passé en Algérie lors de la mise en place du décret Crémieux. Lyautey estime que l assimilationisme est préjudiciable à la bonne pérennité de la société marocaine, juive comme musulmane, donc il va essayer d éviter toute ségrégation positive ou négative des uns et des autres. Si Lyautey mène une politique de discrimination, elle est, cette fois, orientée contre les colons européens, sans distinction de religion, notamment et surtout ceux venant d Algérie dont il ne veut pas au Maroc mais que la IIIe République lui impose. Guillaume Jobin Quel était son idéal social et religieux? La conception de Lyautey, personnelle mais aussi politique est que chacun doit rester à sa place et Son entourage est plus ou moins antisémite, mais pas lui ; il annonce l attitude de Mohamed V sous Vichy à l égard des juifs. Dieu au-dessus ; avec le Résident qui arbitre entre les deux étages, avec l aide du Sultan, représentant de la puissance divine sur terre. Vous écrivez qu il avait conscience de la proximité conceptuelle et cultuelle des trois religions du Livre. Comment cela s exprimait-il dans la réalité? Lyautey perd progressivement la foi, son agnosticisme, ou sa dérive spirituelle, rencontre l ascèse de l islam. Le judaïsme, par sa complexité, il le perçoit plus près du christianisme. La proximité conceptuelle des trois religions lui vient à l esprit dès son premier séjour en Algérie, après Madagascar et l Indochine dont les religions ne lui parlent pas. Comme chantera plus tard Lili Boniche, à Oran, dans trois langues, il n y a qu un seul Dieu. Dans la réalité, Lyautey ne tolérera aucune mesure discriminatoire contre les juifs, au contraire de ses successeurs qui rétabliront les mœurs de l avant-guerre dès qu ils le pourront. Pourquoi met-il en place à la Résidence une direction à l intention des juifs? Le Maroc est le seul pays arabe ou musulman où, grâce à Lyautey, les juifs sortent de leur statut de dhimitude, et en conservent le bénéfice aujourd hui dans le Royaume. La direction dite des juifs à la résidence, a pour objectif de recenser les juifs (et les autres), de contrôler les actions des sociétés anglo-américaines de bienfaisance à l égard des juifs, de permettre d ouvrir des écoles confessionnelles et enfin de financer la rénovation des biens religieux juifs en même temps que les biens musulmans dits habous. L objectif est l égalisation des droits. Il s agit aussi d étouffer de possibles interventions de puissances étrangères, notamment anglaises ou allemandes. Lyautey avait, écrivez-vous, le sens de l Histoire. Sur l Affaire Dreyfus par exemple, il dit à propos de la foule qu elle hurle à la mort contre ce juif, parce qu il est juif et qu aujourd hui l antisémitisme tient la corde. En disant cela, il va à l encontre de son milieu d origine. 34 INFORMATION JUIVE Avril 2014

35 HISTOIRE L armée française coloniale est plus tolérante que l armée de métropole. Lyautey est marginal bien qu appartenant à l élite : il souffre de ce complexe et se sent du côté des victimes et pas dans les rangs de la plèbe dominante de la IIIe République (dit-il). Il est profondément arabophile et pas vraiment enclin à laisser grandir la question berbère, mais n y voit pas d incohérence à être pro-juifs aussi. Son entourage est plus ou moins antisémite, mais pas lui ; il annonce l attitude de Mohamed V sous Vichy à l égard des juifs. L exception marocaine Les rares livres qui ont paru jusqu à présent sur la société marocaine et sur le roi Mohammed VI ont été la plupart du temps, des livres engagés, polémiques et parfois excessifs dans leur expression. Ce n est pas le cas de l ouvrage que notre confrère Souleïman Bencheikh, journaliste et essayiste, consacre à ce qu il appelle Le dilemme du Roi ou la monarchie marocaine à l épreuve. C est un livre serein et qui préfère l analyse à la passion déraisonnable. Dominique Lagarde qui en signe la préface a raison de parler d un ouvrage à la fois convaincant et brillant. Bencheikh se demande comment Mohammed VI gère le printemps arabe et l hiver islamiste : Et, au final, la monarchie marocaine veut-elle changer. C est essentiellement à ces questions qu il veut apporter au lecteur des éléments de réponse. L auteur est conscient, entre autres, que l université marocaine est devenue, peu à peu, un bastion islamiste, une machine à transformer la grande frustration sociale qu elle a générée en une ferveur religieuse prête à prendre des formes politiques radicale et à exploser. Souleïman Bencheikh évoque la formule l exception marocaine pour dire qu il lui préfère à tout prendre le terme de particularisme, quand ce ne serait que parce que le Maroc reste un carrefour de civilisations. On reste tout de même interrogatif et confondu à la lecture du livre face au fait que Bencheikh n évoque à aucun instant ce que fut l histoire de la société juive du pays et les raisons pour lesquelles elle demeure, aujourd hui encore, après que la grande majorité de ses membres soit partie vers d autres cieux, la communauté juive la plus importante vivant dans un pays arabe. La période historique à laquelle se réfère l enquête de l auteur est pourtant celle qui a vu la désaffection puis le démantèlement de cette communauté. (Le dilemme du Roi ou la monarchie marocaine à l épreuve par Souleïman Bencheikh. Casa Express Editions. 15 E) V.M Il y a une formule de lui que vous citez et qui semble le résumer : Que vaudrait l humanité sans l honneur et la noblesse des choses? C est la sublimation de son état dépressif. Il n est pas intéressé en vérité par le pouvoir parce qu il l a, ni par l argent puisque le budget chérifien lui fournit ce dont il a besoin. Il lui reste une certaine grandeur. -- *Guillaume Jobin est président de l Ecole supérieure de journalisme à Paris. Il vient de publier Lyautey le Résident (Editions Magellan et Cie 19 E 50) INFORMATION JUIVE Avril

36 PHILOSOPHIE Sarah Kofman pour mémoire PAR ISABELLE ULLERN* L œuvre de Sarah Kofman fut écrite en français, publiée à Paris entre 1970 et 1994 au rythme d un livre par an. Un premier article de 1963 témoigne de l influence initiale de l existentialisme et d une formation kantienne honorée jusqu au bout. «Philosophe, écrivain» : agrégée puis docteur en philosophie, née à Paris le 14 septembre 1934, Sarah Kofman est la troisième fille du rabbin Berek Kofman et son épouse Fineza Koenig, venus de Pologne à la fin des années vingt. Après une scolarité reprise dans la misère en 1946, contre toute attente grâce à la Maison de Moissac, elle enseignera : en lycée, en classe préparatoire, à la Sorbonne-Panthéon, incidemment aux Etats Unis et à Genève. Personnalité intempestive, très proche de Jean- François Lyotard, elle participe à la réflexion sur l enseignement de la philosophie, avec Jacques Derrida, Philippe Lacoue-Labarthe, Jean-Luc Nancy. Sans s égarer dans les courants contemporains, pour philosopher elle s en tient aux textes, décentre la philosophie vers la littérature, «la mélancolie de l art» et la psychanalyse. En 1980 un de ses ouvrages consacrés à l œuvre de Freud, L énigme de la femme, intervient au sein des débats féministes visant le fondateur de la psychanalyse. Lecture fidèle et sans concession, ironique, féconde en nuances qui lui vaut reconnaissance internationale. Si elle pense l enfance et le devenir féminin de la pensée, elle refuse de se dire féministe, sauf à écrire une œuvre rigoureuse. «Ce sont les étrangers qui m ont inscrite Je fais partie de la liste!» Ce n est qu après sa mort brutale le 15 octobre 1994 que devient lisible sa révolte contre l énigme suffocante de la violence qui menace l humain : elle dénonce en quoi la philosophie hegelienne nourrit le négationnisme («Shoah ou la dis-grâce», 1989). Depuis sa disparition, elle est ignorée du monde intellectuel où elle a œuvré. Malgré des lectures éparses, passionnées, son œuvre n a pas survécu à son suicide, n est pas encore inscrite en philosophie. C est qu à les lire, ses livres mettent le lecteur en difficulté : ses lectures trament l «explosion» des œuvres, poussées au point que sa voix s y laisse à peine entendre, sauf à l insolence «jubilatoire» inconfortable avec laquelle elle lit tout auteur contre lui-même. Dans son travail, elle ose publier des fragments autobiographiques d analyse, de cauchemars, écrivant le sens caché de l intime pour le penser. Elle engendre une économie extravagante de la Cinquante ans après avoir été enfant cachée-exposée à Paris, elle s expose «moi, philosophe, intellectuelle juive» réflexion, un geste libre dans la nécessité, un autre sens pour «le vieil humanisme» : «je le garde» dit-elle dans le livre qu elle dédie à son père déporté, assassiné à Auschwitz, car «nous n avons pas d autre mot» pour le reprendre. L enjeu est le refus de scinder «l espèce humaine». Sarah Kofman L étudier oblige à lire comment, des éclats de ce texte au cours insatiable, naît la philosophie que porte le nom Sarah Kofman : vouant l étude «au cœur de la vie», elle «surmonte» la psychanalyse en philosophie, décrypte comment créer est une économie qui «rapporte l œuvre à la vie comme texte», qu en raison un livre est corps sexué pensant. Jouant par le rire avec le «hasard et la nécessité», elle renverse la tragédie (de l histoire) : seul le «spectacle» esthétique de la mort permet d en affronter la hantise, l effroi. Réflexion inouïe, ses lectures investissent le travail de travestissement et de conception qu est le texte, l originaire de la parole qui s y tient. Son recours obstiné au détail emprunte autant à la méthode d analyse freudienne du rêve qu à la mémoire talmudique de son enfance. Cinquante ans après avoir été enfant cachée-exposée à Paris, elle s expose «moi, philosophe, intellectuelle juive» : au risque vital que toute l œuvre soit réduite à cette histoire. Dans Rue Ordene rue Labat (1994), elle rappelle les bonheurs profonds de son enfance, de son éducation juive, fait mémoire des siens, de celle qui l a sauvée, sauvant sa mère et la vouant à se déchirer entre elles. Ce n est pas un récit : «c est une leçon» extrême, la plus âpre qu exige sa philosophie pour conjurer la séduction de l horreur qui nous hante par le geste génocidaire, infanticide. L automne qui suit la parution du livre, elle se suicide un soir de shabbat. Ses proches, ses lecteurs, sidérés, pressentent le rapport : «Peut-on mourir de dire?» (R. Rosenblum, 2000). Depuis, il est devenu impossible de parler d elle sans commencer par sa fin. C est le pire qui pouvait frapper l œuvre du cœur de sa vie : en «suffoquer» la parole une seconde fois. Aussi la lire est la seule «voie» «pour en sortir». Comme on écoute la voix d enfant de la philosophie, sa «parole sans pouvoir», qu il faut sauver - de l oubli. -- *Philosophe 36 INFORMATION JUIVE Avril 2014

37 LIVRES Erri De Luca et la fascination du yod Le tort du soldat est la défaite. La victoire justifie tout. L homme qui assène péremptoirement cet axiome, dans le dernier récit d Erri De Luca est un ancien nazi, un criminel de guerre sans état d âme persuadé qu il sera un jour, tout comme Eichmann, retrouvé et jugé par les survivants ou descendants de ce peuple juif qu il a voulu totalement exterminer. Tôt ou tard, ils me rattraperont, ma défaite est certaine, marmonne-t-il constamment. Ses victimes, il ne les nomme jamais avec précision : Ils ne me prendront pas vivant Ils m ont trouvé C est l un d entre eux. Il n éprouve aucun remords à leur égard. Elles n ont à ses yeux guère plus d importance que les pellicules dont il se débarrasse chaque jour de façon obsessionnelle : Il faisait souvent le geste de les chasser de ses épaules. Le ciel étoilé était pour lui un crâne noir recouvert de pellicules. Au cours des nuits d été, il voyait la chute de ces petits grains par terre. Il aurait voulu s en débarrasser et les faire tous tomber. Sa femme, puis sa fille l accompagnent dans sa retraite. Il s est évertué à se délester de son passé en changeant de nom et modifiant son visage. Seul le son de sa voix pourrait encore le trahir : aussi parle-t-il le moins possible, d une voix étouffée. Il a troqué son uniforme de nazi pour une tenue de facteur. Certains hommes, constate sa fille, l une des deux voix du roman, ont besoin d un uniforme sur eux plus que d alcool dans le corps. Elle ne le juge pas, mais ne veut rien savoir de ses crimes passés. Ils vivent côte-à-côte dans un huis-clos étouffant fait de non-dits. Sans doute n est-ce pas un hasard si le seul homme qui ait jadis marqué la jeune femme était sourd-muet. Muré dans ses secrets, le facteur dépose sans relâche des lettres, allant même jusqu à se rendre au Centre Wiesenthal s exhibant dans le lieu qu il craint le plus, pour mieux se cacher. Jusqu au jour où les lettres, justement, lui jouent un mauvais tour. Un vieil homme lui demande, à lui, l ancien nazi, de transmettre au Centre un livre de la kabbale juive en lui confiant : Le secret de notre peuple se trouve entièrement là-dedans. Le soldat vaincu se persuade alors qu il ne suffisait pas d exterminer physiquement Erri De Luca le peuple juif, mais qu il fallait aussi s imprégner de sa magie, de la malignité des codes secrets tapis dans la Kabbale, où les lettres ont aussi une valeur numérique et peuvent désigner plusieurs notions en même temps. Il se lance alors dans un apprentissage solitaire des lettres hébraïques et de la Kabbale, dans un domaine qui relève essentiellement de la transmission. La perfidie de ses victimes lui paraît flagrante lorsqu il découvre, entre autres choses, que le terme hébraïque désignant la Shoah a la même valeur numérique que la Terre d Israël. Se PAR DEBORAH BEN SOUSSAN sentant alors de plus en plus traqué, l homme sombre dans un délire paranoïaque, où ses victimes semblent s être jouées de lui, avoir orchestré leur disparition, pour mieux reconquérir leur Terre Promise. Erri De Luca mêle admirablement fiction et réalité dans cet ouvrage, dont il devient l un des personnages. On connaît l engagement d Erri De luca, son amour du judaïsme qui l a poussé à apprendre l hébreu, puis le yiddish, pour redonner une voix à ceux qui se sont tus : J ai appris la langue yiddish parlée par onze millions de Juifs d Europe de l Est et rendue muette par leur destruction. Le personnage du traducteur de yiddish attablé dans une auberge, près du vieux criminel et de sa fille ressemble comme un frère à Erri De Luca. Il aime donner sens aux caractères hébraïques, se réfugier dans des auberges tranquilles, après s être mesuré aux parois pierreuses : J escalade des montagnes, je dis tout juste quelques bonjours, j écris si j ai de quoi. Cet homme taciturne, seul devant ses feuillets éparpillés devant lui, semble, un instant, pour la jeune femme de quarante ans, être la réincarnation du garçon sourd-muet de son enfance, au silence ouvert, de celui qui écoute face au silence hostile de son père. Cet homme, ce traducteur du chant du peuple juif assassiné va jouer le rôle de passeur, d instrument du destin dans le couple figé du père et de la fille Au lecteur de découvrir le rôle que s est assigné Erri De Luca dans cet ouvrage, où plane l ombre de la Shoah jamais véritablement évoquée, mais toujours présente et où l indicible ne peut être abordé que par un texte en forme de parabole, de lettres hébraïques arrachées au néant, comme ce petit boulon en forme de yod initiale du nom imprononçable de la divinité qui repose désormais sur la table de l écrivain. INFORMATION JUIVE Avril

38 LIVRES Les disparitions d Anna Langfus Par Jean-Yves Potel Collaborateur du Mémorial de la Shoah, Jean- Yves Potel a pria la bonne initiative de consacrer un ouvrage à l un des écrivains qui a su dire, en 1962, le désarroi des survivants juifs. Son livre «Les bagages de sable a été couronné par le Prix Goncourt. Dans son introduction, l auteur écrit à propos d Anna Langfus «L oubli de son œuvre interroge notre écoute des survivants. Alors que nous manifestons la plus grande attention à la mémoire de ceux qui sont encore là, nous laissons s effacer une parole précieuse. FCelle d une femme et d une romancière. Un grand auteur. C est pourquoi il m a semblé nécessaire d en faire le portrait, de mieux la connaître par cette biographie» (Les Editions Noir sur Blanc.21 E) Anna Langfus Atlas de la Shoah «Soixante-dix ans après le crime, l Europe entière pourrait faire siens ces mots de la sœur suisse Emma Ott, témoin le 19 septembre 1942 des déportations depuis le camp de Gurs (France) : «Ils m oppressent (les transports) encore comme un cauchemar. On a l impression qu one pourra plus jamais ressentir la joie de vivre, et pourtant la vie continue». C est ce qu écrit Georges Bensoussan dans la brève introduction qu il donne à cet Atlas de la Shoah. On y retrace l histoire de la Shoah en une centaine de cartes et d infographies. L éditeur signale que «la cartographie permet une appréhension plus globale de cet événement historique dans précédent. Elle invite à interroger autrement ses origines, sa chronologie, son déploiement géographique et ses structures démographiques» L Enfant-Shoah Sous la direction d Ivan Jablonka Une quinzaine d auteurs ont contribué à ce livre dirigé par Ivan Jablonka, professeur d histoire à l Université Paris 13. Il est consacré à des thèmes cruciaux comme la sortie de guerre et la circulation internationale des enfants ; les L héritier de Hessel Messieurs Tariq Ramadan et Edgar Morin viennent de publier un livre en commun au titre bien trouvé : «Au péril des idées». Ce n'est pas le fait qu'ils aient écrit à quatre mains un ouvrage qui me frappe, mais leur extrême convergence. Il faut en effet attendre la page 233 d'un opus qui en compte 282 pour lire l'expression : «enfin un désaccord!». Après cela, on me dira que l'islamogauchisme est une chimère. Une question me taraude un peu dans cette affaire : qui compromet le plus l'autre? J'ai personnellement ma réponse : Ramadan, intellectuel brillant, a certes depuis longtemps mis un bœuf sur sa langue et écrit habilement à l'encre sympathique lorsqu'il s'agit de défendre la cause islamiste. Mais nul ne peut prétendre qu'il ait trahi son identité musulmane radicale. Morin en revanche, celui qui persiste à décrire dans le livre commun, pour le plus grand bonheur de son noncontradicteur, qu Israël est le bourreau et le palestinien la victime par essence, aime à se dire «marrane». Sans comprendre que ceux-ci cachaient leur identité juive alors que lui aime la clamer pour accabler les siens. Celui qui écrivait dans le Monde «que les Juifs prennent plaisir à humilier les Palestiniens», celui qui a démonté la rumeur d'orléans pour monter celle d'un massacre imaginaire à Jénine, est maisons d enfants et leus pédagogie ; l intégration des enfants devenus adultes et la transmission de la mémoire notamment. Dans la préface qu il donne à cet ouvrage, Boris Cyrulnik écrit : «Deux grands dangers menacent les enfants de la Shoah. le premier c est d en parler ; le deuxième, c est de ne pas en parler» (Presses universitaires de France. 22 E) PAR GILLES-WILLIAM GOLDNADEL en fait le dhimmi de son compère de plume. Un jour j'écrirai peut-être le tome 2 «du vieil homme m indigne», tant M. Morin est le digne héritier de ce Stéphane Hessel qu'il admirait tant. Héritier, lui aussi intouchable, car nul dans la presse iconographique et convenable n'a osé seulement s'interroger sur ce mariage littéraire si harmonieux. Gilles-William Goldnadel Au-delà de ces remarques désabusées, une observation ultime : tandis que Ramadan est loué dedans son camp pour son inflexible intransigeance à l autre, Morin est religieusement encensé chez lui pour se poser en s'opposant aux siens. Ainsi cheminent ensemble l'orient dans son réveil et l'occident dans son coucher. 38 INFORMATION JUIVE Avril 2014

39 COURRIER Séfarades et Espagnols Nous avons reçu de M.Alain Eskenasy une lettre dans laquelle il répond à l article de notre collaborateur Albert Bensoussan sur la loi du retour espagnole, paru dans notre numéro de février. J'au lu avec intérêt votre article qui m'a permis d'élargir le cadre dans lequel se plaçait l'histoire racontée dans ma famille de la rencontre en 1903 près de Belgrade d'un lointain oncle, Haïm Bejarano (qui allait être grand rabbin de Turquie de 1920 à 1931) avec Angel Pulido, de leur longue correspondance et des suites qui allaient être données à l'intérêt de Pulido pour les sefardim. Cependant je crois devoir ajouter un bémol à cette "lune de miel" entre le gouvernement espagnol et les sefardim en ce qui concerne l'attitude de Franco pendant la guerre. Mme Claudine Naar Cohen, ancienne directrice du CDJC a écrit un excellent article, parfaitement documenté et basé sur son histoire personnelle sur les Juifs de nationalité espagnole pendant la guerre. Il en ressort que si des consuls espagnols (sont donnés en exemple ceux de Paris et de Lyon) ont souvent fait beaucoup d'efforts pour sauver les Juifs espagnols, en Espagne même, par contre, les difficultés qui ont été opposées ont empêché la plupart des rapatriements et seul un faible pourcentage a pu l'être. Malgré tous leurs efforts décrits en détail dans l'article, la famille de Mme Naar Cohen a été déportée dans le convoi 67 du Dans le même convoi et un suivant se trouvaient les membres de ma famille (Eskenazi Rosa, Francisco Franco Rachel, Jacob et Djamila, unique rescapée), le père de famille, Samuel (oncle de mon propre père), étant mort à Drancy auparavant, alors que tous La réponse d Albert Bensoussan La réaction d Alain Eskenasy est intéressante et émouvante. C'est vrai que le régime franquiste était ouvertement antisémite et farouchement hostile aux judéo-maçons, mais il y a beaucoup d'ambiguïté autour du général Franco. Il est vrai qu'il montra ou aurait montrer une curiosité sympathique envers les Juifs et la synagogue, comme il le dit luimême dans son roman fortement marqué d autobiographie : Raza, qui fut porté à l écran et célébra sa gloire de Caudillo d Espagne par la Gloire de Dieu. Il est vrai que le mouvement franquiste et la Phalange avaient adopté la phraséologie fasciste et hitlérienne. Il n'empêche : beaucoup de Juifs trouvèrent refuge en Espagne : Henry Enrique - Méchoulan ne supportait pas qu'on attaque Franco car, disait-il, este señor lui avait sauvé la vie, et le professeur Maurice Molho, mon ami, n'aurait jamais survécu à la Shoah s'il n'avait été accueilli à Barcelone en Quant à Franco dont le patronyme, nul ne l ignore est aussi porté par beaucoup de Juifs, il fut l objet d une ignoble campagne de dénigrement de la part du camp républicain, et je me rappelle avoir lu un pamphlet où, pour les cinq étaient de nationalité espagnole (nés à Rouschouk-Russe en Bulgarie). Dans la fin de son article, Mme Naar Cohen émet donc de sérieuses réserves quand à l'attitude "ambiguë" de Franco et cite d'autres personnes encore plus critiques ("attitude cynique et obstructionniste"). Je crois que même dans le cadre du "politicaly correct" il fallait tenir compte de cette part de vérité dans votre article. Petite anecdote sur l'apport des sefardim à la culture espagnole : Arnold Bejarano, le neveu du rabbin Haïm Bejarano, ayant travaillé fidèlement comme bibliothécaire à l'ambassade d'espagne de Paris jusqu'à 88 ans, reçut en 1978, la médaille de l'ordre d'isabelle la Catholique! Alain Eskenasy l attaquer, on soulignait su nariz judaica - toujours le fameux nez juif! Je reviens à Maurice Molho, appelé aussi Mauricio ou Maurici du fait qu il fut espagnol et catalan, tout en étant né à Constantinople et ayant fait ses études à Paris ; lui-même raconte comment il a échappé aux nazis : Je suis hispaniste par la grâce d un certain monsieur Hitler. Un décret promulgué par Primo de Rivera donnait aux Séfarades accès à la nationalité espagnole. En 1942, à Paris, mon père demanda pour nous à bénéficier de cette mesure. L ambassadeur d Espagne m appela parce qu il ne pouvait plus empêcher que les nazis nous Franco, l ami des Juifs, tel est le titre d un article de Javier Ansorena paru le 21 mars 2014 dans le quotidien madrilène ABC, inspiré par ce paradoxe : L Espagne de Franco pendant le 2nde Guerre mondiale était celle de la lutte contre l alliance judéomaçonnico-communiste, mais aussi le pays que Golda Meir et le président du Congrès Juif Mondial, Israel Singer, remercièrent pour son aide pendant l Holocauste. On y déclare que Franco ne fut ni philosémite ni antisémite, en soulignant la politique dubitative et utilitaire de la cause juive menée par le gouvernement franquiste. Le journaliste souligne que entre 1939 et 1941, INFORMATION JUIVE Avril

40 COURRIER Juifs traversèrent les Pyrénées, grâce au dévouement de certains consuls espagnols, comme Ángel Sanz Briz, surnommé l «Ángel [Ange] de Budapest», qui sauva 5000 Juifs hongrois, et d autres diplomates espagnols en France ou en Grèce. Elie Wiesel, pour cela, a déclaré que l Espagne fut, probablement, le seul pays d Europe qui ne renvoya pas les Juifs. Déportent. Pars en Espagne, me dit-il, personne n arrêtera un jeune homme qui traverse la frontière pour servir sa patrie. Maurice demeura huit ans à Barcelone où il décrocha sa licence de philologie romane, puis son doctorat sur le droit coutumier en Aragon. Il revint en France en 1949, et fut alors nommé lecteur d espagnol à la Sorbonne (de 1955 à 1959), avant d obtenir en 1957 la nationalité française et de devenir en quelques années l un des plus brillants universitaires français. De 1977 à 1980 il fut le premier directeur de l Institut d Études Catalanes de Paris. Il devait, hélas! succomber à la maladie à l âge de 73 ans, en Malgré toutes les ratées et les avatars les tragédies - de l histoire, je ne peux m empêcher d avoir une pensée reconnaissante envers cette Espagne qui, tout en étant franquiste et fasciste, sut ou put recueillir et sauver de la déportation tant de Juifs, majoritairement séfarades. Albert Bensoussan Franco, l ami des Juifs, tel est le titre d un article de Javier Ansorena paru le 21 mars 2014 dans le quotidien madrilène ABC, inspiré par ce paradoxe : L Espagne de Franco pendant le 2nde Guerre mondiale était celle de la lutte contre l alliance judéo-maçonnicocommuniste, mais aussi le pays que Golda Meir et le président du Congrès Juif Mondial, Israel Singer, remercièrent pour son aide pendant l Holocauste. On y déclare que Franco ne fut ni philosémite ni antisémite, en soulignant la politique dubitative et utilitaire de la cause juive menée par le gouvernement franquiste. Le journaliste souligne que entre 1939 et 1941, Juifs traversèrent les Pyrénées, grâce au dévouement de certains consuls espagnols, comme Ángel Sanz Briz, surnommé l «Ángel [Ange] de Budapest», qui sauva 5000 Juifs hongrois, et d autres diplomates espagnols en France ou en Grèce. Elie Wiesel, pour cela, a déclaré que l Espagne fut, probablement, le seul pays d Europe qui ne renvoya pas les Juifs. A.B Lettre à Guy Konopnicki Votre chronique dans les colonnes d Information juive du mois de février est une petite merveille d humour froid, bien rare dans nos journaux. Je veux vous dire que j attends impatiemment chacune de vos chroniques comme j ai aimé vos polars. Juifs en Roumanie Docteur André Terdjman Boulogne En août 1953, en tant qu observatrice déléguée par les Etudiants juifs d Alger, je faisais partie d un groupe d Algériens, musulmans pour la plupart, qui se rendaient à Bucarest pour le Festival de la Jeunesse mondiale. Profitant d un temps libre, j eus envie de me promener seule dans la ville. Par curiosité, je décidai de pénétrer dans un immeuble. Une voix féminine m apostropha en français dans l escalier et une jeune fille descendit pour venir me parler. Chaleureuse conversation : Hénia était chimiste, tout allait bien pour cette famille juive, aucune critique ne se faisait jour. Pendant assez longtemps, j ai correspondu avec Hénia. Jamais une réprobation, jamais une plainte sur leur situation. Et puis un jour, une lettre m arriva d Israël, et je frémis encore à ce qu elle révélait. Non les juifs ne vivaient pas en paix, toujours sous la menace d un emprisonnement ou pire. J avais fait courir d énormes risques à cette famille par les questions que je posais candidement dans mes lettres. Oui leur sort était précaire et devint dangereux à partir du moment où avaient été lancées les demandes de papiers pour Israël : chimiste, Hénia assuma désormais assez souvent une charge de portefaix dans son usine, coltinant de lourdes charges qui lui brisaient le dos. Oui, Hénia, ses parents et sa grandmère finirent par partir pour Israël mais durent abandonner argent et bijoux. Et Non, aucun d entre eux ne regretta jamais la Roumanie. Line Meller 40 INFORMATION JUIVE Avril 2014

41 Alain Resnais, dernière séance PAR ELIE KORCHIA Cela faisait tout drôle de regarder, le jour de sa sortie, l'affiche du dernier film d'alain Resnais, joliment dessinée par Blutch, qui représente six personnages accolés les uns aux autres, alors qu'un septième les survole à la façon d'un ange, le visage masqué par les nuages. Décédé quelques jours à peine avant la sortie de son 20ème long métrage, à l'âge de 91 ans, le célèbre réalisateur du documentaire Nuit et brouillard nous quitte ainsi sur un ultime pied de nez et sur une agréable fantaisie cinématographique, aux antipodes de son film précédent, le crépusculaire Vous n'avez encore rien vu. Pierre Arditi, un de ses plus fidèles comédiens, a d'ailleurs très justement rappelé à l'annonce de la disparition de cet immense cinéaste que «rien ne ressemblait moins à un film de Resnais qu'un autre film de Resnais», tandis que Thierry Frémaux, le délégué général du festival de Cannes, déclarait quant à lui avec émotion que «ce n'est pas tant qu'alain Resnais est mort, c'est qu'il n'y aura plus de film d'alain Resnais». A la vérité, on ne saurait résumer le parcours protéiforme et sans cesse renouvelé de ce metteur en scène unique, qui a d'abord été reconnu après guerre pour ses courts et moyens métrages (outre Nuit et Brouillard, on citera son Van Gogh, oscarisé en 1948, ou encore son Guernica, sorti en 1950), avant d'être consacré sur la scène internationale avec ses deux premiers chefs-d œuvre, Hiroshima mon amour (1959)et L'année prochaine à Marienbad (1961). On rappellera donc principalement que celui qui aimait à se définir comme un «expérimentateur» avait réussi le tour de force, au tout début des années 60 et en marge de la Nouvelle vague, de casser les codes traditionnels du récit cinématographique, et avait toujours privilégié l'imaginaire à la réalité. Adepte d'une mise en scène conceptuelle, où l'aspect théâtral a un rôle majeur, ce «formalist e» de génie aura longtemps impressionné le public et la Critique en transposant d'une façon incroyablement moderne des scénarios issus du Nouveau roman et écrits par des auteurs aussi singuliers que Marguerite Duras, Alain Robbe- Grillet, Jacques Sternberg ou Jorge Semprùn. Mais c'est sans doute à la fin des années 80, après le cuisant échec de l'iconoclaste I want to go home (produit par Marin Karmitz), qui rendait hommage à l'univers de la bande dessinée sur un scénario de l'américain Jules Feiffer, qu'alain Resnais réussit à donner un formidable nouveau souffle à sa carrière, devenant par là-même le plus respecté des cinéastes français. Conscient qu'il doit une nouvelle fois renouveler son art, celui qui a révélé 10 ans plus tôt Sabine Azéma et Pierre Arditi dans La vie est un roman, décide en effet de collaborer en 1993 avec le dramaturge anglais Alan Ayckbourn, livrant une comédie anthologique et multi-césarisée, dans laquelle les deux comédiens interprètent une multitude de personnages, Smoking/No smoking. En outre, Resnais a alors l'intelligence et le flair de faire appel à un tandem de scénaristes et acteurs de la nouvelle génération, Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, pour le plus grand bonheur des spectateurs et pour sa plus grande réussite, puisque leur seconde collaboration donnera naissance 4 ans plus tard à un succès encore plus foudroyant, avec le jubilatoire On connaît la chanson, nouveau César du meilleur film, entre autres récompenses. Quelque 20 ans plus tard, et pour son dernier film, Resnais retrouve Alan Ayckbourn et nous conte l'histoire de trois couples qui vont s'unir et se déchirer autour d'un ami dont les jours sont comptés et qui est constamment absent de l'écran, un séducteur invétéré objet des convoitises des 3 personnages féminins (épatantes Sabine Azéma, Caroline Silhol et Sandrine Kiberlain), sur fond de pièce de théâtre et de décors en trompe l œil. Une jolie mise en abyme autour d'un absent qui demeure omniprésent et un hommage à l'inépuisable force créatrice de Resnais, dont le travail a été finalement bien défini par son complice Alan Ayckbourn, lequel a déclaré avoir toujours essayé de faire du cinéma avec son théâtre alors que Resnais aura toujours fait du théâtre avec son cinéma. INFORMATION JUIVE Avril

42 VERBATIM DANIEL GARCIA. Journaliste : «Tout en restant un fantasme pour beaucoup d écrivains, l Académie française ne manque pas de candidats mais elle moins attractive qu au XIXème siècle. Elle n attire plus les grands auteurs. Le Clézio, Modiano, Sollers ont tous refusé de porter l habit vert» UMBERTO ECO. Ecrivain : «Avant la Réforme, la lecture de la Bible, notamment par les Pères de l Eglise n est pas littérale mais volontiers métaphorique. Si on interprète au sens figuré les Six jours de la Création, où est la contradiction avec Darwin? Pour moi, la Genèse est un texte délicieusement évolutionniste» JEAN HATSFELD. Ecrivain : «Dans un livre, je tente ce que je ne peux pas faire dans un journal. Je peux créer un univers» CLAUDE HABIB. Professeur de littérature à la Sorbonne Nouvelle : «Vivre à deux c est être capable de s ennuyer ensemble» PIERRE PÉAN. Journaliste : «On m a accusé de négationnisme, de révisionnisme voire d antisémitisme. On a été jusqu à me comparer à Goebbels et à Faurisson. J ai la peau dure» MARCEL MORDEKHAÏ GOTLIB. Auteur de bandes dessinées : «Le judaïsme? C est ce qui m a permis de porter une décporation jaune l étoile de shérif, comme disait Gainsbourg» ETIENNE DE MONTÉTY. Critique littéraire : «Est-ce le fruit d une récente lecture de Levinas, elle (Christine Angot ) a visiblement découvert( l Autre» RAN HALÉVY. Directeur de recherche au CNRS : «Les nations sont rarement formées d une seule ethnie ; et une ethnie est souvent dispersée parmi plusieurs nations» BLANDINE KRIEGEL. Professeur des universités : «Lorsque la raison d Etat cesse d être honteuse et pudique pour devenir orgueilleuse et vantarde, alors, comme hier dans les années Trente, elle fraye le chemin aux forces despotiques antirépublicaines» ERIC ZEMMOUR. Journaliste : «Aujourd hui, la question est la suivante : les socialistes sont-ils en train de perdre les musulmans à cause des questions sociétales ( mariage homosexuel et théorie du genre ) ou est-ce que de toute façon les musulmans ne vont pas voter aux élections intermédiaires?» J.M.G LE CLÉZIO. Ecrivain : «Le Prix Nobel c est une contingence, ce n est pas la réalité. La réalité c est une table, du papier» PAULINE CÉSARI. Journaliste : «Frédéric Lenoir vend beaucoup de livres aux multitudes en échange de ses recettes du bonheur. Que valent-ils? Pas un clou. Que disent-ils? A peu près rien» JEAN TODT. Patron de la Fédération internationale de l automobile : «Le seul moyen d éviter les problèmes c est de ne pas mentir». DOMINIQUE BLANC. Comédienne : «L idée reçue qui me blesse? Le fait que l on demande aux hommes ce qu ils pensent et aux femmes ce qu elles sentent» 42 INFORMATION JUIVE Avril 2014

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«Les Arabes sont musulmans, les musulmans sont arabes.»

«Les Arabes sont musulmans, les musulmans sont arabes.» «Les Arabes sont musulmans, les musulmans sont arabes.» Les Turcs, les Persans et autres Arabes musulmans (...) Extrait de lettre de lecteur au journal Le Monde À cette idée reçue, il faut opposer d emblée

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