Paulus Gerdes. L'EthnoMathématique en Afrique CEMEC

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1 Paulus Gerdes L'EthnoMathématique en Afrique CEMEC

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3 Paulus Gerdes L EthnoMathématique en Afrique 1

4 Copyright 2009 by Paulus Gerdes 2

5 Paulus Gerdes L EthnoMathématique en Afrique Centre des Études Mozambicaines et de l Ethnoscience Université Pédagogique Maputo Mozambique

6 Titre: L EthnoMathématique en Afrique Auteur: Paulus Gerdes Centre des études mozambicaines et de l ethnoscience (CEMEC) Université Pédagogique Av. Salvador Allende 366, 1 e étage C. P. 915 Maputo Mozambique (paulus.gerdes@gmail.com) Éditeur: CEMEC, Universidade Pedagógica, Maputo, Mozambique Distribution: Lulu Enterprises, Morrisville, NC 27560, USA ( Copyright 2009 by Paulus Gerdes 4

7 Table de Matières page Présentation 9 L ethnomathématique comme nouveau domaine de recherché en Afrique: Quelques réflexions et expériences du Mozambique Préface 11 Introduction Recherche ethnomathématique : une réponse à l un des plus grands défis à l enseignement mathématique en Afrique Contexte éducatif et socioculturel 19 Un des plus grands défis à l éducation mathématique Le projet de recherche Ethnomathématique 21 au Mozambique 2 Sur le concept de l ethnomathématique 29 Ethnographes sur l ethnoscience 29 Genèse du concept d ethnomathématique parmi les mathématiciens et des professeurs de mathématique Concept, accent ou mouvement? 33 Bibliographie 38 3 Exemples de conscientisation culturelle des futurs 43 enseignants de mathématiques Étude de constructions axiomatiques alternatives de la Géométrie Euclidienne dans la formation de professeurs

8 Une construction alternative de polygones réguliers Des boutons entrelacés au Théorème de Pythagore 4 L ethnomathématique et l éducation des enseignants : exemples et illustrations Premier exemple 57 Deuxième exemple : l exploitation de la géométrie d un sac à main Troisième exemple : l exploitation du potentiel géométrique de l anse d un panier Quatrième exemple : l exploitation du potentiel mathématique des SONA Considérations finales 86 5 Un motif décoratif amplement diffusé et le 93 Théorème de Pythagore Un motif décoratif amplement diffusé 93 Découvrir le Théorème de Pythagore 94 Une première démonstration 98 Une infinité de démonstrations 99 Théorème de Pappus 101 Exemple 102 Références bibliographiques Appendices Pensée mathématique et exploration géométrique en Afrique et ailleurs Un exemple introductif pour l exploration géométrique Un exemple de similarité et de diversité 113 6

9 culturelle dans l exploration géométrique La relative uniformité des idées géométriques de base Un exemple d exploration géométrique, reconstruction et potentiel L intelligibilité interculturelle de la pensée mathématique La valeur socio-pédagogique de l ethnomathématique Bibliographie Paroles, gestes et symboles 129 Le continent africain est riche en moyens de compter très variés 129 Le principe de duplication 130 Compter par gestes 131 Systèmes d entaille 136 Écrit sur le sable 137 L auteur 141 Livres de Paulus Gerdes 143 7

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11 L ethnomathématique en Afrique Présentation L intérêt manifesté dans ma conférence plénière «Idées mathématiques dans l histoire et les cultures africaines» pendant le Colloque Espace Mathématique Francophone 2009 à Dakar, Sénégal (6 au 10 avril 2009) m a stimulé à préparer une édition nouvelle de mon livre «L ethnomathématique comme nouveau domaine de recherche en Afrique : Quelques réflexions et expériences du Mozambique». La nouvelle édition reproduit la préface, l introduction et les cinq chapitres de l édition originale de 1993 «Recherche ethnomathématique : une réponse à l un des plus grands défis à l enseignement mathématique en Afrique», «Sur le concept de l ethnomathématique», «Exemples de conscientisation culturelle des futurs enseignants de mathématiques», «L ethnomathématique et l éducation des enseignants : exemples et illustrations» et «Un motif décoratif amplement diffusé et le Théorème de Pythagore», ainsi qu inclut deux articles écrits plus tard «Pensée mathématique et exploration géométrique en Afrique et ailleurs», publié dans le numéro spécial «Dialogue des rationalités», organisé par Paulin Hountondji, de la Revue Diogène (UNESCO & Presses Universitaires de France, 2003, No. 202, ), et «Paroles, gestes et symboles», élaboré avec mon collègue Marcos Cherinda pour le numéro spécial Naissance des Nombres : Comptes et Légendes, organisé par Tony Lévy, de Le Courrier de l UNESCO (Paris, Novembre 1993, 37-39). Après la publication de la première édition de «L ethnomathématique comme nouveau domaine de recherche en Afrique», quelques de mes livres ont été publiés en Français par les Éditions L Harmattan : Une tradition géométrique en Afrique. Les dessins sur le sable (1995, Tome 1 : Analyse et reconstruction, 247 p. ; Tome 2 : Exploration éducative et mathématique, 184 p. ; Tome 3 : Analyse comparative, 144 p.) ; Femmes et Géométrie en Afrique Australe, (1996, 219 p.) ; Lusona : Recréations géométriques 9

12 Paulus Gerdes d Afrique (1997, 127 p.) ; et Le cercle et le carré: Créativité géométrique, artistique, et symbolique de vannières et vanniers d Afrique, d Amérique, d Asie et d Océanie (2000, 301 p.) ( En 1994, l Université Pédagogique au Mozambique avait publié Sipatsi: Technologie, Art et Géométrie à Inhambane (1994, 102 p.) En ensemble avec le Pr. Ahmed Djebbar, nous avons publié la biographie Les Mathématiques dans l Histoire et les Cultures Africaines. Une Bibliographie Annotée (Université de Lille & Union Mathématique Africaine, Lille, 2007, 332 p.) 1 que peut être consulté pour connaître plus sur mathématiques et culture en Afrique, c est-àdire, sur «L EthnoMathématique en Afrique». Maputo, 5 Mai 2009 Paulus Gerdes 1 Aussi publié en Anglais: Mathematics in African History and Cultures. An annotated Bibliography, Lulu.com, Morrisville NC (EUA), 2007, 430 p. ( 10

13 L ethnomathématique en Afrique Préface L Institut de Recherches Mathématiques d Abidjan (IRMA) et l Inspection Générale de Philosophie de la Côte d Ivoire ont organisé du 25 au 29 janvier 1993 à Yamoussoukro un Séminaire Interdisciplinaire Mathématiques - Philosophie et Enseignement. Une centaine de mathématiciens, de philosophes et d enseignants provenant des pays francophones d Afrique, de la France et du Mozambique participaient au Séminaire. J avais l honneur d être invité pour faire une conférence plénière sur le thème L Ethnomathématique comme nouveau domaine de recherche en Afrique et d orienter avec Mme. Salimata Doumbia (IRMA) et M.Depry N Guessan (Université Nationale de la Côte d Ivoire, Abidjan) un atelier sur le thème Les Mathématiques dans l environnement socioculturel africain, étant ma contribution s intitulant L exploitation pédagogique des sona et de l artisanat. Comme textes d appui à la conférence et à l atelier j ai distribué aux participants les traductions de quatre articles déjà publiés en anglais et en portugais: * Recherche ethnomathématique: une réponse à l un des plus grands défis à l enseignement mathématique en Afrique; * Sur le concept de l ethnomathématique; * Exemples de conscientisation culturelle des futurs enseignants de mathématiques; * L ethnomathématique et l éducation des enseignants: exemples et illustrations. Ces textes et l article intitulé Un motif décoratif amplement diffusé et le théorème de Pythagore sont inclus dans le livre qui est présenté ici: 11

14 Paulus Gerdes L Ethnomathématique comme nouveau domaine de recherche en Afrique: quelques réflexions et expériences du Mozambique. Je remercie très vivement * M. le Vice-Ministre de l Éducation Nationale, Directeur de l IRMA, le Professeur Saliou Touré, et Mme. l Inspecteur Général de Philosophie, Danièle Dona-Fologo, pour l invitation à participer au Séminaire de Yamoussoukro; * Mme.Doumbia et M.N Guessan pour l orientation en commun du atelier et pour l échange stimulant d expériences; * tous les collègues qui ont participé au Séminaire de Yamoussoukro pour les débats fructueux; * la Coopération Française pour le financement de ma participation au Séminaire et pour l appui à la distribution du livre; * l Agence Suédoise pour la Coopération dans le Domaine de la Recherche avec les Pays en Développement (SAREC) pour l appui à la recherche ethnomathématique au Mozambique; * Mme. Maria Amélia Russo de Sá pour la traduction et M. Jean- François Dutrey (Département de Français de l Université Pédagogique, Maputo) pour la révision linguistique. Paulus Gerdes Maputo 12 Septembre

15 L ethnomathématique en Afrique Introduction Pour introduire le sujet de l ethnomathématique, je commençai la conférence L Ethnomathématique comme nouveau domaine de recherche en Afrique en posant trois questions (Chaque participant au séminaire avait reçu deux bandelettes): Avec les deux bandelettes, pouvez-vous 1. construire un angle de 60 o? 2. diviser un angle plat en trois angles égaux? 3. construire un hexagone régulier, en utilisant les deux bandelettes? Je vous donne quelques minutes pour résoudre ces problèmes. Qui a résolu les trois problèmes? Ou seulement deux? Vous êtes des mathématiciens et des philosophes. La majorité des participants au séminaire a trouvé telle ou telle solution. Quelles seront les solutions des artisans africains, qu en pensez-vous? Je vous donne un exemple du Mozambique. Dans la province de Nampula, au nord-est du Mozambique, on utilise un piège de pêche nommé n lema, dans la langue Makhuwa. Ses inventeurs ont découvert qu un panier avec des espaces ouverts stables et égaux, en hexagone (voir Figure 0.1), peut devenir un piège de pêche assez pratique. 13

16 Paulus Gerdes 14 Piège de pêche Figure 0.1 Ce type de panier, avec des espaces ouverts hexagonaux, fait partie de l héritage technologique de l Afrique. En découvrant la technique de sa construction, les inventeurs se sont posés des questions scientifiques telles que: Quelles plantes doit-on utiliser?, Comment préparer les bandelettes?, etc., et, en particulier, des questions géométriques: Dans combien de directions doit-on tresser?, Quel est le meilleur angle entre les directions?, etc. Dans ce contexte, ce type de panier appartient également à l héritage scientifique et/ou mathématique des peuples africains. Puisque la connaissance de la technique était (et elle l est toujours) transmise de génération en génération, elle entre aussi dans la tradition de l enseignement des mathématiques. Quelle peut être la valeur de cet héritage pour les mathématiques et l enseignement des mathématiques? Dans ce livre les thèmes suivants seront abordés: Pourquoi l ethnomathématique en Afrique?; Concept de l ethno-mathématique?; Recherches en cours au Mozambique; Perspectives de l ethnomathématique.

17 L ethnomathématique en Afrique L ethnomathématique peut être définie comme l anthropologie culturelle des mathématiques et de l enseignement mathématique, c est-à-dire que l ethnomathématique est l étude des pratiques et des idées mathématiques dans ses rapports avec l ensemble de la vie culturelle et sociale: * A travers le concept d ethnomathématique on attire l attention sur le fait que la mathématique, avec ses techniques et vérités constitue un produit culturel: il ressort que chaque peuple, chaque culture, et chaque sous-culture développe sa propre mathématique, dans une certaine mesure, spécifique. La mathématique est considérée comme une activité pan-humaine, universelle. * Les Ethnomathématiciens font ressortir et analysent les influences de facteurs socioculturels sur l enseignement, l apprentissage et le développement de la mathématique. * Les Ethnomathématiciens essaient de contribuer à la connaissance des réalisations mathématiques des peuples autrefois colonisés. Ils cherchent des éléments culturels qui survécurent au colonialisme et dans la base desquels on trouve, entre autres, des idées mathématiques. Ils essaient de reconstruire ces idées mathématiques. * Les Études ethnomathématiques dans les pays du Tiers Monde cherchent des traditions mathématiques qui survécurent au colonialisme et des activités mathématiques dans la vie quotidienne des populations; elles analysent les possibilités de les incorporer dans les curricula. * Les Études ethnomathématiques cherchent également d autres éléments culturels qui peuvent servir comme point de départ pour des activités mathématiques dans l enseignement. Divers chercheurs individuels et des équipes de chercheurs ont entamé des recherches dans le domaine de l ethnomathématique en Afrique. On peut mentionner, a titre d exemple, l excellent travail de 15

18 Paulus Gerdes Salimata Doumbia et son équipe en Côte d Ivoire 1 ; les travaux de l équipe de la Faculté de l Éducation de l Université Ahmadu Bello au Nigéria; la recherche de Hilda Lea et ses étudiants sur la géométrie des 2 chasseurs Khoi-San au Botswana; la recherche profonde de Abdoulaye Kane de l Université Cheihk Anta Diop (Dakar) sur les systèmes de numération de l Afrique de l Ouest. 3 D. Mtwetwa a entrepris des recherches ethnomathématiques au Zimbabwe, E. Segujja-Munagisa en Ouganda et G. Aznaf en Ethiopie. On peut considérer les travaux d Otto Raum 4 et de Claudia Zaslavsky 5 comme précurseurs de la recherche ethnomathématique en Afrique. Depuis la fin des années 70, on réalise des recherches ethnomathématiques au Mozambique. La recherche ethnomathématique ouvre de nouvelles perspectives. Pour l enseignement, pour la philosophie, pour la mathématique, pour l Afrique. Dans le domaine de l enseignement, elle contribue à l harmonisation de l enseignement mathématique avec les traditions africaines et avec l environnement socioculturel. Elle stimule la philosophie à réfléchir sur des questions importantes comme les Voir par exemple: S.Doumbia & J.Pil, Les jeux de cauris, Collection Mathématiques dans l environnement socioculturel africain (MESCA), numéro 1,CEDA/IRMA, Abidjan, 1992, 73p. Voir par exemple, H. Lea, Spatial concepts in the Kalahari, Proceedings of the 14th International Conference on Psychology of Mathematics Education, Oaxtepec, Mexico, 1990, Vol.2, A. Kane, Les systèmes de numération parlée des groupes ouestatlantiques et Mandé. Contribution à la recherche sur les fondements et l histoire de la pensée logique et mathématique en Afrique de l Ouest, Thèse d Etat, Université de Lille III, 1987, 2 volumes. O. Raum, Arithmetic in Africa, Evans Brothers Ltd., Londres, 1938, 94 p. C. Zaslavsky, Africa Counts: number and pattern in African culture, Prindle, Weber and Schmidt, Boston, 1973, 328 p.; Lawrence Hill Books, Brooklyn, NY, Édition en Français: L Afrique Compte!, Éditions Du Choix, Paris, 1995.

19 L ethnomathématique en Afrique relations entre le penser et le monde matériel: d où viennent les idées mathématiques, quel est le rôle de l activité humaine dans le développement des idées mathématiques?, etc. Elle stimule le développement des nouveaux domaines de recherche mathématique, comme dans le cas de l analyse de la tradition de dessin sona. La recherche ethnomathématique et ethno-scientifique en général contribue à renforcer la confiance en la valeur de l héritage scientifique et culturel d Afrique pour le futur du continent. 17

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21 L ethnomathématique en Afrique Chapitre 1 Recherche ethnomathématique: Une réponse à un des plus grands défis à l enseignement mathématique en Afrique 1 Contexte éducatif et socioculturel En 1990 trois importants documents ont été publiés, sur les défis du Sud en général et de l éducation en Afrique en particulier: * Le défi au Sud, Rapport de la Commission Sud, dirigé par l ex-président de Tanzanie, Julius Nyerere 2 ; * Réflexions africaines sur les perspectives de l éducation pour tous, une sélection de contributions sollicitées pour la Consultation Régionale sur l Education pour Tous, Dakar, Novembre ; * Eduquer ou périr: l impasse et les perspectives africaines, étude dirigée par Joseph Ki-Zerbo. 4 Ces études profondes présentent le contexte éducatif et socioculturel qui devra être pris en compte dans la réflexion sur l Éducation Mathématique en Afrique pour le 21ème Siècle. Le défi au Sud critique les stratégies de développement qui sous-estiment l importance des facteurs culturels. Ce sont des stratégies qui provoquent l indifférence, l aliénation et la mésentente sociale. Les stratégies de développement suivies jusqu à nos jours n ont pas réussi, pour la plupart, à utiliser les énormes réserves de sagesse traditionnelle, de créativité et la capacité d initiative qui existent dans les pays du Tiers Monde. Par ailleurs, les sources de culture du Sud devraient alimenter le processus de développement (p.46). Un aspect important de Réflexions africaines... c est la présence de deux thèmes dans toutes les contributions: l insistance sur 19

22 Paulus Gerdes la crise de la (des culture(s) contemporaine(s) africaine(s) et le thème des langues africaines (comme moyen de culture et d éducation). La crise des cultures africaines réside dans la question de l identité culturelle africaine (p.9). L identité culturelle d un peuple (y compris la conscience de cette même identité) est vue comme un tremplin pour les efforts de développement (p.10). L Afrique a besoin d une éducation-orientée-par-la-culture, qui puisse assurer la survivance des cultures africaines, qui exalte l originalité de la pensée et qui encourage la vertu de la créativité (p.15). L appréciation scientifique de l expérience et des éléments culturels africains est considérée comme une voie sure pour pouvoir parvenir à ce que les africains perçoivent la science comme un moyen de comprendre leurs cultures et comme un instrument servant et faisant progresser ces cultures (p.23). Eduquer ou périr... montre que, actuellement, le système d éducation africain favorise la consommation du produit étranger sans gérer une culture compatible avec la civilisation originale et vraiment prometteuse. Inadapté et élitiste, le système d éducation en place alimente la crise parce qu il produit des gens socialement et économiquement inadaptés et parce qu il néglige des secteurs entiers de la population active. L éducation pour tous, selon l analyse de Ki- Zerbo, devrait être une tentative pour encourager le développement de l initiative, de la curiosité, de la conscience critique, la responsabilité individuelle, le respect des règles collectives, et le goût pour le travail manuel. L Afrique a besoin d un nouveau système d éducation, bien enraciné tant dans la société que dans le milieu ambiant et, de ce fait, susceptible d engendrer la confiance en soi qui fait naître l imagination. (p.116). Ki-zerbo nous fait rappeler le proverbe africain Si tu as perdu ton chemin, il ne faut pas courir en avant, mais revenir jusqu au point que tu reconnais, pour souligner, que Le grand mal de l Afrique, ce n est pas que ses peuples manquent de fondations, mais que, depuis la colonisation, ils en ont été amputés (p.92). C est particulièrement vrai dans le cas de l enseignement des Mathématiques. Cela est un des principaux défis que les éducateurs de Mathématiques doivent relever en Afrique. 20

23 L ethnomathématique en Afrique Un des plus grands défis à l éducation mathématique Les pays africains se voient confrontés au problème des bas niveaux de réussite dans l enseignement des mathématiques. La peur des mathématiques est assez répandue. Beaucoup d enfants (et aussi de professeurs?) perçoivent les mathématiques comme une discipline assez étrange et sans utilité, importée en Afrique. L héritage, 5 les traditions et les pratiques mathématiques d Afrique doivent être intégrées ou incorporées dans les curricula. 6 Aussi bien dans le Nord que dans le Sud, on comprend chaque fois davantage qu il faut multi-culturaliser les curricula de mathématiques pour pouvoir améliorer la qualité de l enseignement et augmenter la confiance-en-soi sociale et culturelle de tous les élèves.(cf. par exemple D Ambrosio, Bishop, Mellin-Olsen, Zaslavsky). 7 Comment répondre à ce défi? Le Projet de recherche Ethnomathématique au Mozambique Ki-Zerbo souligne que toute rénovation éducative en Afrique doit se fonder sur la recherche (p.97). Cet appel se révèle, de fait, nécessaire, une fois vérifié que, d après Hagan dans Réflexions africaines.., que en Afrique il y a, en général, un surprenant manque de recherches capables de justifier des propositions pour des réformes éducatives (p.24). C est en réponse à ce défi à l éducation mathématique en Afrique qu au Mozambique a débuté une recherche ethnomathématique. Les études ethnomathématiques analysent 8 * les traditions mathématiques, qui ont survécu à la colonisation et les activités mathématiques dans la vie quotidienne des populations, en essayant de les incorporer dans le curriculum; * des éléments culturels qui peuvent servir de point de départ pour faire des mathématiques et en élaborer dans l école et en dehors de l école. Puisque la plupart des traditions mathématiques (qui ont survécu à la colonisation) et des activités mathématiques de la vie courante du peuple mozambicain se trouvent cachées, le premier objectif du Projet de recherche Ethnomathématique est de 21

24 Paulus Gerdes découvrir cette ethnomathématique cachée. Les premiers résultats de cette découverte figurent dans le livre Du réveil de la pensée géométrique (1985) 9 et plus dévéloppés dans Ethnogéométrie: Contributions de l anthropologie culturelle pour la genèse et la didactique de la géométrie (1991). 10 Dans Sur la culture, les mathématiques et le développement curriculaire au Mozambique (1986) 11 et Sur la culture, pensée géométrique et éducation mathématique (1988) 12 nous avons résumé nos expériences sur l intégration d éléments culturels africains traditionnels dans l éducation mathématique. Le deuxième article démasque le préjugé assez répandu sur la connaissance mathématique selon lequel les mathématiques sont culturellement neutres, présentant des constructions alternatives aux idées géométriques euclidiennes développées à partir de traditions culturelles du Mozambique. Faisant ressortir le pouvoir éducatif de ces constructions, l article illustre la méthodologie de conscientisation culturelle dans le contexte de la formation d enseignants. Dans les articles Un patron décoratif diffusé et le Théorème de Pythagore (1988) 13 et Combien de démonstrations existe-t-il du Théorème de Pythagore? 14 et d une façon encore plus élaborée dans le livre Pythagore Africain. Une étude sur culture et éducation mathématique (1992) 15 nous avons montré comment divers ornements et produits manufacturés africains peuvent être utilisés pour créer un riche contexte permettant la (re)découverte et la démonstration du Théorème de Pythagore et des idées et propositions qui s y rapportent. Dans Géométrie SONA : Réflexions sur une tradition de dessin en peuples d Afrique au Sud de l Equateur (1993), 16 on essaie de reconstruire des composantes mathématiques de la tradition de dessin des Tchokwe (Angola) et d exploiter ses possibilités éducatives, artistiques et scientifiques. Dans un article antérieur Sur les possibles usages des dessins traditionnels dans le sable en Angola dans la salle de classe de mathématique (1988) 17 nous avons déjà analysé quelques possibilités d intégration de cette tradition dans l enseignement. Dans l article Trouvez les figures qui manquent 18 (1988) et dans le livre Lusona: recréations géométriques d Afrique (1991) 19 nous avons présenté des jeux mathématiques qui s inspirent dans la géométrie de la tradition des dessins dans le sable. Pour les enfants (10-15 ans) un petit livre a été préparé Vivre les 22

25 L ethnomathématique en Afrique mathématiques: dessins d Afrique (1990). Une présentation synoptique de cette direction de recherche est donnée dans A propos d éléments mathématiques dans les SONA de la tradition Tchokwe (1990) 21. Au cours de ces dernières années, de jeunes enseignants, revenus au Mozambique après avoir terminé leurs études supérieurs à l étranger et une groupe d étudiants de l Université Eduardo Mondlane (Maputo) et de l Institut Supérieur de Pédagogie (Maputo et Beira), se sont intéressés à la réflexion sur l ethnomathématique et ont entrepris des travaux de recherche. Pendant le troisième Congrès Pan-Africain des Mathématiciens, Abdulcarimo Ismael a presenté une communication sur L origine des concepts de nombre pair et impair dans la culture Makhuwa (Nord du Mozambique) et Marcos Cherinda a fait une communication sur Calcul mental et la langue Tsonga (Sud du Mozambique). Pendant le 8ème Symposium de l Association des Sciences Mathématiques d Afrique Australe (Maputo, 1991) Daniel Soares a présenté une communication sur Pratiques populaires de calcul au Mozambique. Dans la première Conférence sur l Enseignement Mathématique en Afrique (Le Caire, 1992) Marcos Cherinda a presenté un article sur Les enfants et l ethnomathématique et Jan Draisma sur Addition et soustraction mentale au Mozambique. Deux étudiants de l Universitéde Pédagogique ont soutenu une thèse de Maîtrise dans le domaine de l ethnomathématique: Symétries d ornements en vannerie du type khuama (Evaristo Uaila) et Symétries d ornements dans les grilles de la ville de Maputo (Abílio Mapapá). La formation pour la recherche ethnomathématique sera intégrée dans les deux cours de Maîtrise en Education Mathématique: Education Mathématique dans l Enseignement Primaire (Beira) et dans l Enseignement Secondaire (Maputo). Avec l expansion de cette ligne de recherche on espère pouvoir participer à la préparation d une réforme curriculaire qui contribue à ce que l enseignement mathématique au 21ème siècle au Mozambique s harmonise avec les traditions africaines et avec l environnement socioculturel

26 Communication présentée dans le Symposium Education Mathématique en Afrique pour le 21ème Siècle, tenu le 24 Août de 1991, pendant le troisième Congrès Pan-Africain de Mathématiciens (Nairobi, Août, 1991); publiée en portugais dans Etnomatemática: Cultura, Matemática, Educação, Université Pédagogique, Maputo, 1992, 3-9; traduite du portugais par Maria Amélia Russo de Sá, Maputo. Nyerere, J. (éd.) (1991), The challenge to the South, Oxford University Press, Oxford, 325 p. African Thoughts on the Prospects of Education for All, UNESCO-UNICEF, Dakar / Abidjan, 193 p. (1991) Ki-Zerbo, J. (1991) Eduquer ou périr: l impasse et les perspectives africaines, UNESCO-UNICEF, Dakar / Abidjan, 109 p. Cf. P.Gerdes, On the history of mathematics in subsaharan Africa, article présenté dans le troisième Congrès Pan-Africain de Mathématiciens (Nairobi, Août, 1991), publié dans AMUCHMA-Newsletter, Maputo, 1992, No.9, [On mathematics in the history of Subsaharan Africa, Historia Mathematica, New York, Vol. 21, 1994, ]. Cf. par exemple: * Ale, S. (1989): Mathematics in rural societies, in: C.Keitel, P.Damerow, A.Bishop, P.Gerdes (éds.), Mathematics, Education, and Society, UNESCO, Paris, 35-38; * Doumbia, S.(1989): Mathematics in traditional African games, in: C.Keitel, P.Damerow, A.Bishop, P.Gerdes (éds.), Mathematics, Education, and Society, UNESCO, Paris, ; * Eshiwani, G. (1979): The goals of mathematics teaching in Africa: a need for re-examination, Prospects, UNESCO, Paris, Vol. IX, No. 3, ; * Jacobsen, E. (1984): What goals for mathematics teaching in African schools?, Educafrica, UNESCO, Dakar, Vol. 10, ; * Langdon, N. (1989): Cultural starting points for mathematics: a view from Ghana, Science Education Newsletter, British Council, London, No.87, 1-3; 24

27 ethnomathématique en Afrique * Njock, G.. (1985): Mathématiques et environnement socioculturel en Afrique Noire, Présence Africaine, No. 135, 3-21; * Shirley, L. (1988): Historical and ethnomathematical algorithms for classroom use, Université Ahmadu Bello, Zaria (Nigéria), 12 p. (mimeo); * Touré, Saliou (1984): Préface, dans: Mathématiques dans l environnement socio-culturel Africain, Institut de Recheches Mathématiques d Abidjan, Abidjan, 1-2; * Zaslavsky, C. (1973): Africa counts: number and pattern in African culture, Prindle, Weber and Schmidt, Boston, 328 p. [L Afrique compte, Éditions Du Choix, Paris, 1995]; * Zaslavsky, C. (1980): Count on your finger: African style, Harper and Row, New York. Cf. par exemple: * D Ambrosio, U. (1985): Socio-cultural bases for mathematics education, Université de Campinas, Campinas (Brésil), 103 p.; * Bishop, A. (1988a): Mathematical enculturation, a cultural perspective on mathematics education, Kluwer Academic Publishers, Dordrecht, 195 p.; * Bishop, Al. (éd.) (1988b): Mathematics Education and Culture, Kluwer Academic Publishers, Dordrecht, 286 p.; * Mellin-Olsen, S. & Hoines, M. (éds., 1986), Mathematics and culture, a seminar report, Radal (Norvège), ; * C.Keitel, P.Damerow, A.Bishop, P.Gerdes (éds., 1989), Mathematics, Education, and Society, UNESCO, Paris Cf. Gerdes, P. (1989): Mathematics education and culture in Third World countries, Namnären, Göteborg (Suède), Vol. 16, No. 4, Zum erwachenden geometrischen Denken, Maputo / Dresden, 260 p. [Awakening of Geometrical Thought in Early Culture, MEP Press, Minneapolis MN (USA), 2003, 200 p.]. Cf. aussi Gerdes, P.: How to recognize hidden geometrical thinking? A contribution to the development of anthropological mathematics, For the Learning of Mathematics, Montreal, 1985, Vol. 6, No. 2, 10-12, 17. Cf. aussi les deux articles suivants où nous analysons pourquoi les artisans préfèrent certaines symétries: Fivefold Symmetry and (basket)weaving in various cultures, dans: I. 25

28 Paulus Gerdes Hargittai (éd.), Fivefold symmetry in a cultural context, World Scientific Publishing, Singapore, 1992, , et On ethnomathematical research and symmetry, dans: Symmetry: culture and science, Budapest, 1990, Vol. 1, No. 3, Gerdes, P.: Ethnogeometrie. Kulturanthropologische Beiträge zur Genese und Didaktik der Geometrie, Verlag Franzbecker, Bad Salzdetfurth (Allemagne), 1990, 360 p. [Awakening of Geometrical Thought in Early Culture, MEP Press, Minneapolis MN (USA), 2003, 200 p.]. Gerdes, P.: On culture, mathematics and curriculum development in Mozambique, Mathematics and Culture, a seminar report, Caspar Forlag, Radel, Gerdes, P.: On culture, geometrical thinking and mathematics education, Educational Studies in Mathematics, Dordrecht, Vol. 19, No. 3, ; et dans: Bishop, A. (éd.), Mathematics Education and Culture, Kluwer Academic Publishers, Dordrecht, Gerdes, P.: A widespread decorative motif and the Pythagorean Theorem, For the Learning of Mathematics, Montréal, Vol. 8, No. 1, Gerdes, P.: How many proofs of the Pythagorean Proposition do there exist?, Namnären, Göteborg (Suède), Vol. 15, No.1, Université Pédagogique, Maputo, 1992, 102 p. Gerdes, P.: Geometria SONA: reflexões sobre uma tradição de desenho em povos da África ao Sul do equador, Université Pédagogique, Maputo, Vol.1, 201 p. Version française: Une tradition géométrique en Afrique. Les dessins sur le sable, L Harmattan, Paris, 1995, Tome 1: Analyse et reconstruction, 247 p.; Tome 2: Exploration éducative et mathématique, 184 p.; Tome 3: Analyse comparative, 144 p. On possible uses of traditional Angolan sand drawings in the mathematics classroom. Première version dans Abacus, the Journal of the Mathematical Association of Nigeria, Ilorin (Nigéria), Vol.18, No.1, ; deuxième version plus élaborée dans Educational Studies in Mathematics, Dordrecht, Vol.19, Version en Français dans Une tradition géométrique en Afrique. Les dessins sur le sable, L Harmattan, Paris, 1995, Tome 2, p

29 L ethnomathématique en Afrique Find the missing figures, Namnären, Götenborg (Suède), Vol.15, No.4, Université Pédagogique, Maputo, 118 p. Vivendo a matemática: desenhos da África, Editora Scipione, São Paulo (Brésil), 64 p. On mathematical elements in the Tchokwe sona tradition, For the Learning of Mathematics, Montréal, Vol. 10. No. 1, 31-34, et versions légèrement adaptées dans Afrika Matematika, Benin City (Nigéria), 1991, Série 2, Vol. 3, et dans Discovery and Innovation, Nairobi (Kenya), 1991, Vol.3, No.1, Version française dans Plot, Poitiers (France), 1991, No.54, 5-9. Réflexions africaines.., p

30 Paulus Gerdes 28

31 L ethnomathématique en Afrique Chapitre 2 Sur le concept d ethnomathématique 1 Le concept d ethnomathématique est, parmi les mathématiciens et les professeurs de mathématiques, relativement nouveau. Souvent on désigne le Brésilien U.D Ambrosio comme le père de l ethnomathématique (Cf. par exemple, Ferreira, 1988, 3; Borba, 1988, 24). Depuis 1975 il a fait ressortir dans beaucoup de ses conférences la nécessité d une ethnomathématique. Par contre, des ethnographes utilisent depuis la fin du siècle dernier le concept plus général d ethnoscience et des notions proches de ce concept telles qu ethnolinguistique, ethnobotanie, ethnozoologie, ethnochimie, ethnoastronomie, ethnopsychologie et ethno-logique. 2 Cependant les interprétations proposées d ordinaire pour les ethnosciences par les spécialistes des sciences sociales ne correspondent pas à l interprétation dominante du concept d ethnomathématique chez les mathématiciens, comme nous le montrerons par la suite. Ethnographes sur l ethnoscience Dans le dictionnaire ethnologique de Panoff et Perrin, on présente deux définitions du concept d ethnoscience. Dans le premier cas c est la branche de l ethnologie qui se consacre à comparer les connaissances positives des sociétés exotiques à celles que la science 1 2 Dans: Plot, Orléans, 1992, no.59, Extraits de l introduction du livre Études Ethno-mathématiques, 1989, traduits par: Annie Capoulade et Amélia Russo de Sá, Département de Français, Université Pédagogique, Maputo, Mozambique. Cf. ISGEm-Newsletter, 1985, Vol. 1, No. 1, 2; Harris, 1969, 568; Campos,

32 Paulus Gerdes occidentale a encadrées dans les disciplines constituées (Panoff & Perrin, 1973, 68). 3 Cette définition soulève aussitôt quelques questions telles que que sont les connaissances positives? Exotiques, dans quel sens? Existe-t-il une science occidentale? Dans le second cas, on désigne comme ethnoscience toute application des disciplines scientifiques occidentales aux phénomènes naturels qui sont appris d une autre manière par la pensée indigène (Panoff & Perrin, 1973, 68). Les deux définitions font partie d une tradition qui date du temps colonial pendant lequel l ethnographie est née dans les pays plus développés comme une science coloniale, qui étudiait presque exclusivement les cultures des peuples dominés, une science qui opposait aussi la pensée dite primitive à la pensée occidentale comme quelque chose d absolument différent. Le couple ethnographe et mathématicienne, R. et M. Ascher, n a pas encore réussi à se libérer complètement de cette tradition de définir l ethnomathématique comme l étude des idées mathématiques des peuples dits sans écriture : Ethnomathematics is the study of mathematical ideas of nonliterate peoples. We recognize as mathematical thought those notions that in some way correspond to that label in our culture (Ascher & Ascher, 1986, 125; cf. Ascher, 1984). Par notre culture ils désignent la culture occidentale et affirment en outre, que la mathématique occidentale n a pas connu une pré-histoire sans écriture : Ethnomathematics is not a part of the history of Western mathematics... (Ascher & Ascher, 1986, 139). L opinion de ce couple est que la catégorie de mathématique est nôtre (= occidental) (Ascher & Ascher, 1986, 132). Cependant, nous pouvons nous demander si les peuples orientaux et austraux d Asie et d Afrique n ont pas contribué au développement de cette mathématique, dite occidentale. 4 Parmi les ethnographes il y a aussi un autre courant qui considère l ethnoscience d une manière différente. Par exemple dans son Cf. la définition de C. Lévi-Strauss de l ethnozoologie (1962, 133):...the positive knowledge which the natives (of this part of the would) possess concerning animals, the technical and ritual uses to which they put them, and the beliefs they hold about them. Cf. Bishop, 1989, 3: In a sense that term (mathématique occidental pg) is... inappropriate since many cultures have contributed to this knowledge....

33 L ethnomathématique en Afrique introduction à l anthropologie sociale et culturelle C.Favrod caractérise l ethnolinguistique de cette façon: l ethnolinguistique essaie d étudier le langage dans ses relations avec l ensemble de la vie culturelle et sociale (Favrod, 1977, 90). En transférant la caractérisation de l ethnolinguistique à l ethnomathématique, on obtient également: l ethnomathématique essaie d étudier la mathématique (ou des idées mathématiques) dans ses relations avec l ensemble de la vie culturelle et sociale. Dans ce sens l ethnomathématique se rapproche de la sociologie de la mathématique de D.Struik (Cf. Struik, 1986). Genèse du concept d ethnomathématique parmi les mathématiciens et des professeurs de mathématique Dans l enseignement colonial on a, en général, présenté la mathématique comme quelque chose d occidental ou d européen, comme une création exclusive de la race blanche. Avec la transplantation accélérée - pendant les années 60 - de programmes scolaires des pays hautement industrialisés aux pays du Tiers Monde on a continué, tout au moins implicitement, à nier la mathématique africaine, asiatique, indienne,... (cf. Gerdes, 1985b, #0). Dans les années 70 et 80, est née parmi les professeurs et didacticiens de mathématique dans les pays en voie de développement et, plus tard, dans d autres pays 5, la résistance contre la négation dont on a parlé (Cf. Njock, 1985), contre les préjugés racistes et coloniaux, qu elle reflète, contre l eurocentrisme relatif à la mathématique et à 5 Voir, par exemple, Harris, 1987, 26: Ex Africa semper aliquid novi Pliny is supposed to have written: There is always something new from Africa. Part of the newness of Paulus Gerdes work in Mozambique (Gerdes 1986a) is that he offers non-standard problems, easily solved by many illiterate Mozambican artisans, to members of the international mathematics education community - who cannot (at first) do them....what makes the problems non-standard is the viewpoint of those who set the standards. Gerdes work, and the work of others in the field of ethnomathematics offer a rather threatening confrontation to the traditional standard setters... 31

34 Paulus Gerdes son histoire (Cf. les études de Joseph, 1984, 1986, 1987). On en ressortit que, en dehors de la mathématique scolaire importée, il existait et il continue d exister une mathématique indigène (Cf. par exemple, Gay & Cole, 1967). C est dans ce contexte que plusieurs concepts furent proposés pour contraster la mathématique académique / mathématique scolaire transplantée, telles que (selon l ordre chronologique): * la sociomathématique d Afrique (Zaslavsky, 1973): les applications de la mathématique dans la vie des peuples africains et inversement l influence que les institutions africaines ont exercé et exercent encore sur l évolution de la mathématique (Zaslavsky, 1973, 7); * la mathématique spontanée (D Ambrosio, 1982): pour pouvoir survivre tout être humain et chaque groupe culturel développe spontanément des méthodes mathématiques déterminées; 6 * la mathématique informelle (Posner, 1982): mathématique que se transmet et s apprend hors du système d éducation formelle; * la mathématique orale (Carraher et al., 1982; Kane, 1987): dans toutes les cultures humaines il y a des connaissances mathématiques qui sont transmises oralement d une génération à la suivante; * la mathématique opprimée (Gerdes, 1982): dans les sociétés de classe (par exemple dans les pays du Tiers Monde à l époque de l occupation coloniale) existent des éléments mathématiques dans la vie quotidienne des masses populaires qui ne sont pas reconnus comme mathématique par l idéologie dominante; * la mathématique non-standardisée (Carraher, 1982; Gerdes, 1985; Harris, 1987): outre les formes standardisées dominantes de la mathématique académique et scolaire, se développ(èr)ent, dans le monde entier et dans chaque culture, des formes mathématiques qui se distinguent des modèles établis; * la mathématique cachée ou congelée (Gerdes, 1982, 1985): bien que la plupart des connaissances mathématiques des peuples outrefois colonisés se soient probablement perdues, on peut 6 32 Les étudiants et collègues de D Ambrosio ont publié des exemples nombreux et intéressants de cette mathématique spontanée.

35 L ethnomathématique en Afrique reconstruire ou décongeler la pensée mathématique qui se trouve cachée ou congelée dans des techniques anciennes telles que la vannerie par exemple; 7 * la mathématique populaire / du peuple (Mellin-Olsen, 1986): la mathématique (bien que souvent non reconnue comme telle) développée dans la vie de labeur de chacun des peuples, peut servir de point de départ dans l enseignement de la mathématique. Ces propositions de nouveaux concepts sont provisoires. Elles font partie d une tendance amorcée dans le Tiers Monde et qui plus tard trouvera un écho dans d autres pays. Graduellement ces différents aspects, illustrés par les notions provisoires déjà citées, s unirent sous le dénominateur commun plus général d ethnomathématique. Ce processus fut accéléré en 1985 par la création du Groupe International d Étude d Ethnomathématique (ISGEm). Des mathématiciens, y compris l auteur de cet essai, qui essayaient d éviter l emploi de ce terme à cause de sa connotation avec la première interprétation ethnographique du même concept, furent obligés à l utiliser de plus en plus. Le débat international sur ce que représente l ethnomathématique s est intensifié et pendant le dernier Congrès International d Éducation Mathématique (Budapest, 1988), plusieurs discours ethnomathématiques furent prononcés en dehors de la tenue d une table ronde avec la participation de U.D Ambrosio (Brésil), M.Fasheh (Palestine), P.Gerdes (Mozambique), M.Harris (Grand-Bretagne) et P.Scott (EUA) autour du thème Que peut-on attendre de l ethnomathématique? (Voir Bishop et al., 1988). Concept, accent ou mouvement? Selon le commentaire intitulé: L Ethnomathématique: ce que cela pourrait être? dans la première édition du Bulletin Informatif de l ISGEm, l ethnomathématique se trouve dans la zone de confluence de la mathématique et de l anthropologie culturelle (ethnographie). A un premier niveau elle peut être nommée mathématique-dans-lecontexte-culturel ou mathématique-dans-la-société (ISGEm Newsletter, 1985, Vol.1, No.1, 2). De cette façon, autant la 7 Cf. le commentaire de Bishop, 1989,

36 Paulus Gerdes sociomathématique que la mathématique populaire, la mathématique spontanée, informelle, orale, congelée, non-standardisée et réprimée, font partie de l ethnomathématique. A un second niveau, en relation avec le premier, elle est the particular (and perhaps peculiar) way that specific cultural groups go about the tasks of classifying, ordering and measuring (ISGEm-Newsletter, 1985, Vol.1, No.1, 2). Quelques chercheurs essaient d unir les deux niveaux dans une seule définition. Par exemple, dans son livre Learning, aboriginal world view, and ethnomathematics (1985), A.Hunting voit l ethnomathématique comme Mathematics used by a defined cultural group in the course of dealing with environmental problems and activities (cité dans ISGEm-Newsletter, 1986, Vol.2, No.1, 3). Pour Ferreira, connu par ses études des activités mathématiques parmi les indiens du Brésil, l ethnomathématique est la mathématique incorporée dans la culture populaire (Ferreira & Imenes, 1986, 4). Borba, auteur d un étude intéressante sur les connaissances mathématiques de la population d un bidonville (Brésil), entend par ethnomathématique la mathématique pratiquée par des groupes culturels, comme des sociétés tribales, des groupes de travail ou groupes d habitants (Borba, 1988, 20) et voit l ethnomathématique comme un champ de connaissance intrinsèquement lié à un groupe culturel et à sa réalité, et exprimée à travers un langage généralement différent de celui utilisé par la mathématique vue comme science, langage qui est fondamentalement lié à sa culture, à son ethnie (Borba, 1987, 38). Ces définitions sont très proches de l une de celles d Ambrosio:...different forms of mathematics which are proper to cultural groups we call Ethnomathematics (D Ambrosio, 1987, 5). En accord avec ces auteurs, les principes suivants sont valables pour chaque ethnomathématique: (1) l ethnomathématique fait partie de la mathématique. Cependant, on désigne également la recherche d une ethnomathématique concrète comme ethnomathématique. C est ainsi, écrit le même Ferreira en 1986, que l ethnomathématique constitue un domaine d ethnologie: 34

37 L ethnomathématique en Afrique (2) l ethnomathématique fait partie de l ethnologie, parce qu elle analyse les connaissances mathématiques pratiquées dans la vie quotidienne d un groupe social (Ferreira, 1986, 2). En ce sens l interprétation de l ethnomathématique se rapproche de la définition d ethnomathématique ci-dessus déduite de la définition d ethnolinguistique donnée par l ethnographe Favrod L ethnomathématique essaie d étudier la mathématique dans ses relations avec l ensemble de la vie culturelle et sociale. Dans le même essai Ferreira considère l ethnoscience également comme une métode pour arriver aux concepts des sciences institutionalisées (Ferreira, 1986, 3). Ceci implique que l ethnomathématique appartient à la didactique de la mathématique: (3) l ethnomathématique fait partie de la didactique de la mathématique. La même idée est aussi mise en relief à la fin du commentaire L Ethnomathématique: ce que cela pourrait être? déjà cité:...examples of Ethnomathematics derived from culturally identifiable groups, and related inferences about patterns of reasoning and models of thought can lead to curriculum development projects that build on the intuitive understandings and practiced methods students bring with them to school. Perhaps the most striking need for such curriculum development may be in Third World countries, yet there is mounting evidence that schools in general do not take advantage of their students intuitive mathematical and scientific grasp of the world (ISGEm-Newsletter, 1985, Vol.1, No.1, 2). Comment l ethnomathématique peut-elle satisfaire en même temps les conditions (1), (2) et (3)? C est-à-dire, comment l ethnomathématique peut-elle appartenir en même temps à la mathématique, à l ethnologie et à la didactique de la mathématique? Quand A.Bishop compare seulement la définition du couple Ascher (l ethnomathématique comme l étude des idées mathématiques des peuples sans écriture) (Ascher & Ascher, 1986, 125; cf. Ascher, 1984) à une définition de D Ambrosio [l ethnomathématique comme une collection plus locale d idées mathématiques, qui sans doute ne 35

38 Paulus Gerdes sont pas encore aussi développées et systématisées que celles du courant principal de la mathématique (Bishop, 1989, 2,3)], il parvient déjà à la conclusion que le concept d ethnomathématique ne constitue pas encore un terme bien défini et que in view of the ideas and data we have now have, perhaps it would be better not to use that term but rather to be more precise about which, and whose, mathematics one is referring to in any context (Bishop, 1989, 13). Quand nous comparons les niveaux distincts (1), (2) et (3), avec lesquels on interprète l ethnomathématique, nous pouvons être d accord avec l appel de Bishop à la prudence. Peut-être est il provisoirement mieux de parler d un accent ethnomathématique dans la recherche et dans l éducation mathématique ou d un mouvement ethnomathématique, que nous pouvons caractériser de la manière suivante: * Les ethnomathématiciens font ressortir et analysent les influences de facteurs socio-culturels sur l enseignement, l apprentissage et le développement de la mathématique; * A travers le concept d ethnomathématique on attire l attention sur le fait que la mathématique, avec ses techniques et vérités constitue un produit culturel, 8 il ressort que chaque peuple, chaque culture, et chaque sous-culture développe sa propre mathématique, dans une certaine mesure, spécifique. La mathématique est considérée comme une activité pan-humaine, universelle. Comme produit culturel la mathématique a son histoire. Elle est née sous des conditions économiques, sociales et culturelles déterminées et se développe dans des directions déterminées; si elle était née dans d autres conditions, elle se développerait dans d autres directions. En d autres termes, le développement de la mathématique n est pas unilinéaire (Cf. Ascher & Ascher, 1986, 139, 140). * Les ethnomathématiciens font ressortir qu apparemment la mathématique scolaire du curriculum transplanté et importé est assez étrangère aux traditions culturelles d Afrique, d Asie et d Amérique du Sud. Apparemment la mathématique vient de l extérieur jusqu au Tiers Monde. Dans la réalité, cependant, une grande part des contenus de cette mathématique scolaire sont 8 36 Cf. les études plus anciennes de l ethnologue White et du mathématicien Wilder.

39 L ethnomathématique en Afrique d origine africaine et asiatique. Les populations dominées 9 d Afrique et d Asie ont été désappropriées de ces connaissances dans le processus de la colonisation qui a détruit une grande partie de la culture (scientifique). Postérieurement les idéologies coloniales nièrent ou méprisèrent les restes de la mathématique africaine, asiatique ainsi que celle des indiens. Les capacités mathématiques des peuples du Tiers Monde ont été niées ou réduites à la mémorisation. Cette tendance continua et s intensifia avec la transplantation des curricula dans les années 60 des pays hautement industrialisés aux pays du Tiers Monde. * Les ethnomathématiciens essaient de contribuer à la connaissance des réalisations mathématiques des peuples autrefois colonisés. Ils cherchent des éléments culturels qui survécurent au colonialisme et dans la base desquels on trouve, entre autres, des idées mathématiques. Ils essaient de reconstruire ces idées mathématiques. 10 * Les études ethnomathématiques dans les pays du Tiers Monde cherchent des traditions mathématiques qui survécurent au colonialisme et des activités mathématiques dans la vie quotidienne des populations et analysent les possibilités de les incorporer dans les curricula. 11 * Les études ethnomathématiques cherchent également d autres Cf. par example Bishop, 1989, 14: One of the greatest ironies...is that several different cultures and societies contributed to the development of the (so-called) Western Mathematics the Egyptians, the Chinese, the Indians, the Moslems, the Greeks as well as the western Europeans. Yet when Western cultural imperialism imposed its version of Mathematics on the colonized societies, it was scarcely recognisable as anything to which these societies might have contributed.... Cf. par exemple: Ascher & Ascher, 1981; Bassanezi & Faria, 1988; Marschel, 1987; Closs, 1986; Doumbia, 1988; Njock, 1985; Villadiego, 1984; Gerdes, 1985b, 1986g, 1989 a,b,c. Cf. par exemple: Borba, 1987, 1988; Carraher, 1982; Ferreira & Imenes, 1986; Ferreira, 1986, 1988a et b; Shirley, 1988; Bishop, 1988a et b; Harris, 1987; Gerdes, 1982, 1985a, 1986 a,b,g, 1987a, 1988 b,e, 1989a 37

40 Paulus Gerdes éléments culturels qui peuvent servir comme point de départ pour des activités mathématiques dans l enseignement. 12 BIBLIOGRAPHIE D Ambrosio, Ubiratan [1976]: Matemática e sociedade, Ciência e Cultura, São Paulo, 28, D Ambrosio, Ubiratan [1982]: Mathematics for rich and for poor countries, CARIMATH, Paramaribo D Ambrosio, Ubiratan [1984]: The intercultural transmission of mathematical knowledge: effects on mathematical education; UNICAMP, Campinas D Ambrosio, Ubiratan [1985a]: Mathematics education in a cultural setting, International Journal of Mathematical Education in Science and Technology, Londres, Vol. 16, D Ambrosio, Ubiratan [1985b]: Sociocultural bases for mathematics education; UNICAMP, Campinas D Ambrosio, Ubiratan [1985c]: Ethnomathematics and its place in the history of mathematics, For the Learning of Mathematics, Montréal 5, 1, D Ambrosio, Ubiratan [1987]: Reflections on ethnomathematics, ISGEm-Newsletter, Albuquerque, 3, 1, 3-5 D Ambrosio, Ubiratan [1988a]: Ethnomathematics: a research programm in the history of ideas and in cognition, ISGEm- Newsletter, Albuquerque, 4, 1, 5-8 D Ambrosio, Ubiratan [1988b]: Etnomática se ensina?, BOLEMA, Rio Claro, 3, 4, Ascher, Marcia & Ascher, Robert [1981]: Code of the Quipu. A study in media, mathematics, and culture; The University of Michigan, Ann Arbor Ascher, Marcia & Ascher, Robert [1986]: Ethnomathematics, History of Science, Cambridge, XXIV, Ascher, Marcia [1984]: Mathematical ideas in non-western cultures, Historia Mathematica, New York, 11, Bassanezi, Rodney & Faria, Maria [1988]: A matemática dos ornamentos e a cultura Arica, Revista de Ensino de Ciências, São Cf. Zaslavsky, 1988; Harris, 1987; Langdon, 1988; Gerdes, 1986b, d, 1988 a, b, c, d, e, f, 1989a.

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45 L ethnomathématique en Afrique Chapitre 3 Exemples de conscientisation culturelle des futurs enseignants de mathématiques 1 Étude de constructions axiomatiques alternatives de la Géométrie Euclidienne dans la formation de professeurs Beaucoup de constructions axiomatiques alternatives pour la Géométrie Euclidienne ont été inventées. Dans la construction d Alexandrov, le très célèbre cinquième postulat d Euclide a été remplacé par l axiome du rectangle : D C D C si, alors A B A B c est-à-dire, si AD = BC et A e B sont des angles droits, alors AD=BC et C et D sont aussi des angles droits. Dans une des séances d un cours d initiation à la géométrie j ai posé une question en guise de provocation aux futurs enseignants de 1 Extraits de l article On culture, geometrical thinking and mathematics education, publié dans la revue Educational Studies in Mathematics, Dordrecht, 1988, Vol. 19, et en Portugais dans le livre: Etnomatemática: Cultura, Matemática, Educação, Université Pédagogique, Maputo, 1991, 64-74; traduit du Portugais par Maria Amélia Russo de Sá, Maputo. 43

46 Paulus Gerdes mathématiques beaucoup d entre eux étaient fils ou filles de paysans : Quel axiome du rectangle utilisent nos paysans dans la vie de tous les jours? Les premières réactions étaient un peu sceptiques: oh, ils ne connaissent presque rien en géométrie.... D autres questions ont suivi: Nos paysans utilisent des rectangles dans leur vie quotidienne?. Construisent-ils des rectangles?. On a demandé aux étudiants originaires de différentes régions du pays d expliquer à leurs collègues comment leurs parents construisent, par exemple, les bases rectangulaires de leurs maisons. En gros, pour la construction il y a deux techniques assez répandues: a) Dans un premier cas, on commence par poser par terre deux bâtons, longs, de bambou, d une longueur identique. Ces deux morceaux de bois se combinent alors avec deux autres, d une longueur identique, mais plus petits que les premiers. Les morceaux de bois sont placés de façon à former un quadrilatère fermé. 44

47 L ethnomathématique en Afrique Finalement, on ajuste la figure jusqu à ce que les diagonales - mesurées avec une corde - soient égales en longueur. A l endroit où les morceaux de bois sont restés par terre, on dessine des lignes et la construction peut alors commencer. b) Dans un deuxième cas, on commence avec deux cordes, d égale longueur, pliées en leur milieu. Un morceau de bambou, dont la longueur est égale à la largeur désirée (pour la maison), est placé par terre et les bouts de ses extrémités fixés dans le sol. Une extrémité de chaque corde est attachée à chacun de ces bouts. Les cordes sont alors tendues et dans les deux extrêmes qui restent, d autres nouveaux bouts sont plantés dans le sol. Ces quatre bouts déterminent les quatre sommets de la maison à construire. 45

48 Paulus Gerdes Sera-t-il possible de formuler la connaissance géométrique contenue implicitement dans ces techniques de construction, sous la forme d un axiome? Quel type d axiome du rectangle suggèrentelles?. Les étudiants découvrent alors les deux axiomes du rectangle alternatifs: a) D C D C si, alors A B A B Soit, si AD = BC, AB = DC et AC = BD, alors A, B, C, et D sont des angles droits. En d autres termes, un parallélogramme avec des diagonales est un rectangle. b) D C D C si M, alors A B A B Soit, si M est le point d intersection de AC et BD et AM = BM = CM = DM, alors A, B, C, et D sont des angles droits, AD=BC et AB=DC. En d autres termes, un quadrilatère dont les diagonales sont égales et se croisent par le milieu, est un rectangle. 46

49 L ethnomathématique en Afrique Mais alors, nos paysans connaissent quelque chose en géométrie, dit un étudiant. Un autre, plus sceptique: Mais ces axiomes sont des théorèmes, n est-ce pas?... Cette séance a permis une compréhension plus approfondie, de la part des étudiants, sur les rapports entre l expérience, les choix possibles entre les axiomes et les théorèmes dans les premières phases de constructions axiomatiques alternatives. Cet exercice prépare les futurs enseignants à d autres discussions dans leur étude, sur les méthodes les plus appropriées pour enseigner la géométrie dans notre contexte culturel. Entonnoir Une construction alternative de polygones réguliers Des artisans du nord du Mozambique fabriquent un entonnoir de la façon suivante: ils commencent par la construction d une natte carré ABCD, mais ils ne la finissent pas; avec les bandelettes d une direction (horizontale dans notre dessin), les artisans avancent seulement jusqu au milieu. 47

50 Paulus Gerdes D FE C C = D G A T H B E = G A T F = H B Alors, au lieu d introduire encore des bandelettes, ils entrelacent les bandelettes verticales de la droite (entre C et E) avec celles de la gauche (entre F et D). De cette façon, la natte n est pas plane, mais elle se transforme en un panier. Le centre T va vers le bas et devient le sommet de l entonnoir. Pour garantir un rebord stable, les deux arêtes AB, BC et CA sont rectifiées avec de petites branches d arbre. Finalement, l entonnoir prend la forme d une pyramide triangulaire. Cela explique, en résumé, cette technique traditionnelle de production. C C A T B A T B J ai posé aux étudiants la question suivante: Que pouvons-nous apprendre de cette technique de production? Le carré ABCD a été transformé en une pyramide triangulaire ABC.T, dont la base ABC est un triangle équilatéral. Peut-être une méthode pour construire un triangle équilatéral? Certains étudiants ont réagi avec scepticisme: Une méthode assez maladroite de faire les choses... Ce à quoi j ai répliqué: Evitez des conclusions précipitées! Quel était l objectif de l artisan? Quel était le nôtre? Pouvons-nous simplifier la méthode de l artisan si l on veut construire un seul triangle équilatéral? Comment construire un tel triangle à partir d un carré en carton? Une réponse à ces questions nous est fournie par les diagrammes suivants: 48

51 L ethnomathématique en Afrique 49 A B C D A B C D T T On plie les diagonales A B C D T F On plie FT A B C D T F A B C D T F On rassemble les triangles DFT et CF de façon à ce que C et D coïncident, que F monte et T descende.

52 Paulus Gerdes D = C D = C F A T B A T B On fixe le double triangle DFT à la face ATC, avec un clip par exemple. Peut-on généraliser cette méthode? Comment transformer un octogone régulier en une pyramide heptagonale régulière? Comment plier un octogone régulier? A 1 A 8 F A 7 A 2 T A 6 A 3 A 4 A 5 On plie les diagonales et FT 50

53 A 1 L ethnomathématique en Afrique A 8 F A 7 A 2 T A 6 A 3 A 4 A 5 A 1 F A = A 8 7 A 6 A 2 T A 5 A 3 A 4 F monte, T descend et A 7 et A 8 se rapprochent jusqu à se superposer. Comment transformer une pyramide heptagonale régulière en une pyramide hexagonale régulière? Comme il est facile de plier les 2 n -gones (en pliant les diagonales centrales quand on commence par un carré) et comme on applique à chaque fois la méthode de l entonnoir simplifié, le nombre de côtés d un polygone régulier (ou de la base polygonale régulière d une pyramide) diminue d un, on peut conclure que tous les polygones réguliers peuvent être construits de cette façon. 51

54 Paulus Gerdes Une fois arrivés à ce point il est possible de regarder en arrière et de demander: Avez-vous appris quelque chose des artisans qui tissent des entonnoirs? Est-il possible de construire un heptagone régulier avec seulement une règle et un compas? Pourquoi pas? Et avec notre méthode? Quelles sont les avantages de notre méthode par rapport aux constructions standardisées avec règle et compas? Quelles sont les inconvénients? Quelle méthode utiliser dans nos écoles primaires? Pourquoi? Des boutons entrelacés au Théorème de Pythagore Au Sud du Mozambique on ferme, en général, le couvercle d un panier avec un petit lacet autour d un bouton carré entrelacé. Le bouton carré, entrelacé avec deux bandelettes, cache certaines considérations géométriques et physiques considérables. Quand on les explicite, l intérêt pour cette ancienne technique devient plus grand. Mais on peut faire encore plus à partir d elle et c est ce que nous essaierons de montrer. Quand on observe le bouton carré entrelacé vu du haut, on voit le patron (a) ou le patron (b), après avoir rectifié les lignes légèrement courbes et en montrant les lignes cachées on obtient: a b Au milieu il y a un deuxième carré. Combien d autres carrés peut-on observer si on rassemble certains de ces boutons carrés entrelacés? 52

55 L ethnomathématique en Afrique Est-ce que d autres figures présentant la même aire (en haut) qu un bouton carré entrelacé? Oui, si on veut, on peut étendre certains des segments ou effacer certains d entre eux. Qu observons-nous? Égalité des aires? 53

56 Paulus Gerdes C = = = = B A Alors, C = A + B: C B A ou 54

57 L ethnomathématique en Afrique C B A c est-à-dire, que l on arrive au Théorème de Pythagore. Les étudiants redécouvrent eux-mêmes cet important théorème et arrivent à le prouver. Un des étudiants observe: Si Pythagore n avait pas découvert ce théorème ou quelqu un avant lui nous on l aurait fait!... Exactement! On stimule le développement de la nécessaire confiance-en-soi mathématique-culturelle quand on explicite la pensée géométrique culturellement congelée dans les boutons carrés entrelacés et, encore plus, quand on l explore en révélant son potentiel. Si Pythagore ne l avait pas... nous l aurions découvert. Le débat commence. Nos ancêtres auraient pu découvrir le théorème de Pythagore? L ont-ils découvert?... Pourquoi nous ne le savons pas?... Esclavage, colonialisme.... Quand on décongèle la pensée mathématique congelée on stimule la réflexion sur l impact du colonialisme dans les dimensions historiques et politiques de l enseignement des mathématiques. 55

58 Paulus Gerdes 56

59 L ethnomathématique en Afrique Chapitre 4 L ethnomathématique et l éducation des enseignants: exemples et illustrations 1 Premier exemple Dans la province de Nampula, au nord-est du Mozambique, on utilise un piège de pêche nommé n lema, dans la langue Makhuwa. Ses inventeurs ont découvert qu un panier avec des espaces ouverts stables et égaux, en hexagone (voir Figure 4.1), peut devenir un piège de pêche assez pratique. Figure 4.1 Dans d autres contextes, d autres peuples, en Afrique et dans d autres continents, comme par exemple les indiens Ticuna, Omagua 1 Extraits de la Conférence de l ouverture Quelques réflexions sur l enseignement mathématique et Le défi au Sud de la quatrième Réunion Nationale de l Enseignement Mathématique du Brésil, Blumenau, Janvier Traduits du Portugais par Maria Amélia Russo de Sá, Maputo. 57

60 Paulus Gerdes et Pukóbye dans le nord-est du Brésil, ont eu aussi leurs raisons pour tresser de façon hexagonale leurs paniers. Comme les pêcheurs mozambicains ils préfèrent les paniers avec de petits espaces ouverts, hexagonaux plus pratiques pour leurs activités quotidiennes: l eau peut s écouler à travers la nasse; les oiseaux transportés dans ces paniers ont une ventilation adéquate; les paniers avec des espaces ouverts hexagonaux ne sont pas lourds et nécessitent moins de matériel pour leur construction, etc. Ce type de panier, avec des espaces ouverts hexagonaux, fait partie de l héritage technologique. En découvrant la technique de sa construction, les inventeurs se sont posés des questions scientifiques telles que: Quelles plantes doit-on utiliser?, Comment préparer les bandelettes?, etc., et, en particulier, des questions géométriques: Dans combien de directions doit-on tresser?, Quel est le meilleur angle entre les directions?, etc. Dans ce contexte, ce type de panier appartient également à l héritage scientifique et/ou mathématique des peuples. Puisque la connaissance de la technique était (et elle l est toujours) transmise de génération en génération, elle s intègre aussi dans la tradition de l enseignement des mathématiques. Sur cet héritage et cette tradition, beaucoup d idées géométriques intéressantes peuvent être élaborées: * Des mosaïques d hexagones réguliers et d autres patrons de revêtement de sol peuvent être trouvés (voir Figure 4.2); 58 Figure 4.2

61 L ethnomathématique en Afrique * Avec les triangles équilatéraux ainsi trouvés, d autres polygones peuvent être construits. A partir de ces nouvelles figures, on peut constater, par exemple que: * les angles d un triangle équilatéral mesurent un tiers d un angle de 180 o (voir Figure 4.3); Figure 4.3 * la somme des mesures des angles (internes) d un polygone de n côtés est égale à 3(n-2).60 o (voir Figure 4.4); Figure 4.4 * les aires de figures semblables sont proportionnelles aux carrés de ses côtés (voir Figure 4.5); * la somme des n premiers nombres impairs est n 2. 59

62 Paulus Gerdes = = 9 Figure 4.5 * Quel type de figures planes peuvent être faites avec des espaces ouverts hexagonaux? La Figure 4.6 présente deux exemples: un triangle et un grand hexagone. De combien de bandelettes a-t-on besoin, au minimum, pour chaque figure? Figure 4.6 Que se passerait-il si les trous du triangle étaient des pentagones au lieu d hexagones? Que se passerait-il si les trous dans le bord de l hexagone étaient en forme de pentagone au lieu d être hexagonaux? Que se passerait-il si le trou central de l hexagone tressé était un pentagone? Et s il était carré? On obtiendrait, à chaque fois, une belle bassine tressée. Que se passerait-il si on ajoutait une ligne périphérique de plus de trous hexagonaux? Ou de trous en forme de pentagone? Ou une ligne où les trous hexagonaux et pentagonaux apparaitraient 60

63 L ethnomathématique en Afrique en alternance? Ça donne un joli chapeau, qui pourrait être la structure de la couverture d un théâtre ou d un pavillon sportif. Mille et une questions surgissent (presque) spontanément. Par le jeu et l expérimentation, les participants de nos séminaires inventent de nouvelles formes, posent de nouvelles questions, formulent de façon enthousiaste de nouveaux problèmes, etc. Questions et problèmes qui, à leur tour, en suscitent d autres, et ainsi de suite. Revenons à nos paniers et à la sagesse de leurs constructeurs. * Les faces des paniers avec des espaces ouverts hexagonaux, comme nous l avons vu, présentent, de fait, le patron-de-trous hexagonal régulier. Dans leurs sommets la situation est, cependant, différente. Les artisans ont découvert que, pour pouvoir tourner les faces dans leurs sommets il faut réduire le nombre de bandelettes. Dans ces sommets les six bandelettes qui circonscrivent un hexagone doivent être réduites à cinq. Et, de cette façon, on peut avoir dans ces petits sommets des espaces ouverts en forme de pentagone. À partir de ce savoir, fruit de l expérience, on peut deviner la connaissance physicotopologique selon laquelle, en général, pour augmenter la courbure d une surface dans un point donné, il faut diminuer la quantité de matériel dans la proximité immédiate de ce même point. D autres questions deviennent alors possibles: Quel type de paniers (fermés) peut-on tresser, qui présentent dans tous leurs sommets des trous pentagonaux? Quel type de paniers nécessitent le minimum de bandelettes? Le plus petit panier possible, fait de six bandelettes, est une balle semblable au moderne et bien connu ballon de football (voir Figure 4.7). Figure

64 Paulus Gerdes 62 La balle est régulière dans l espace. En d autres termes, si l objet tourne on n arrive pas à distinguer les trous en forme de pentagone. Qu est-ce que cela implique? Par exemple, les centres de ces trous constituent les sommets d un polyèdre régulier de 12 sommets. Avec combien de faces? Quelle forme auront les faces? De cette façon on a inventé l icosaèdre régulier. D autres implications? Il ya 20 intersections de trois bandelettes. Donc, il y a un polyèdre régulier de 20 sommets. Combien de faces aura ce polyèdre? Quelle sera la forme des faces, etc.? On abouti à la découverte du dodécaèdre régulier. Peut-on fabriquer d autres balles tressées? Qu arrive-t-il si les espaces ouverts sont carrés au lieu d être pentagonaux? Qu arrive-t-il s ils sont triangulaires? Et on abouti à la découverte de l hexaèdre (cube), octaèdre et tétraèdre réguliers. Beaucoup de questions intéressantes se posent à ce moment: * est-il possible d entrelacer d autres polyèdres semiréguliers? Semi-régulier en quel sens? * tous les polyèdres réguliers sont-ils découverts? * que se passe-t-il si le matériel d un des sommets augmente? * les balles trouvées sont entrelacées avec 6, 4 et 3 bandelettes respectivement. Est-il possible de tresser des balles avec 5 bandelettes? * si la balle est tressée avec 6 bandelettes de différentes couleurs, quelles seront les combinaisons de couleurs dans les croisements des trois bandelettes? Toutes les possibilités sont réalisées? Qu arrive-t-il dans les croisements centralement opposés?, etc., etc. * Où se trouvent les utilisations d hexagones réguliers dans le secteur de production? Et des pentagones?... Dans les batteuses pour la moisson du riz. Pourquoi? Où se trouvent des hexagones dans la nature? Et des pentagones? Et des triangles réguliers? Dans les cercles d intérêt avec de futurs enseignants de mathématiques (de l école secondaire et de l enseignement préuniversitaire) au Mozambique, nous avons exploré la potentialité

65 L ethnomathématique en Afrique mathématique du panier à espaces ouverts hexagonaux. La participation à ces cercles d intérêt était volontaire. J ai remarqué l enthousiasme, la disponibilité et le dynamisme des participants. Très rarement les gens s apercevaient que le temps imparti à la séance était fini. Tous sentaient qu ils étaient en train de créer, de (re)inventer et de faire des mathématiques qui les intéressaient. Figure 4.8 Deuxième exemple: l exploitation de la géométrie d un sac à main Observons ce type de sac à main, assez commun au Mozambique (Figure 4.8). Les sacs se composent de trois cylindres superposés, dont un des rebords est éliminé, étant donné que l on coud l une à l autre les deux moitiés du rebord. Les fabricants des paniers ont l habitude de décorer ces sacs avec des bandes ornementales. * Qu est-ce que doit faire le vannier pour être sûr que le motif choisi se répète un nombre naturel de fois dans le mur circulaire sans laisser un seul espace ouvert ou un seul motif incomplet? Quels calculs doit-il faire? Le nombre total de bandelettes doit être un multiple entier du nombre de bandelettes nécessaires pour produire une fois le motif. Toutes les bandes ornementales sont symétriques et beaucoup d entre elles présentent une symétrie de rotation d un angle rase. En d autres termes, il n y a pas de différence si on le regarde du bas ou du 63

66 Paulus Gerdes haut: l impression est toujours la même. La Figure 4.9 présente des exemples de tels ornements. Beaucoup des questions se posent: Figure 4.9 * Peut-on inventer d autres ornements du même style? * Dans quels autres contextes peut-on trouver des cylindres ayant le même type de symétrie de rotation? Figure # Dans la céramique? La Figure 4.10 présente des patrons symétriques que les femmes d une coopérative de

67 L ethnomathématique en Afrique céramique des banlieues de Maputo (la capitale du Mozambique) utilisent dans la décoration des pots et des vases. # Dans les jeux des enfants? Beaucoup d enfants mozambicains aiment courir avec des pneus (voir Figure 4.11). Les deux bouts de bois sont placés dans une boîte métallique. La base de cette boîte glisse avec de l eau et du savon ou avec de l huile dont on enduit le fond des pneus. Les enfants ont découvert: (Dessin: Marcos Cherinda) Figure 4.11 * selon quel angle il faut pousser les bouts de bois pour courir plus vite; * selon quel angle il faut pousser les bouts de bois pour pouvoir freiner et s arrêter; * selon quel angle il faut pousser les bouts de bois pour tourner, etc. Il y a beaucoup d autres façons de s amuser avec les pneus. La Figure 4.12 présente deux exemples. Dans le dernier cas le pneu est utilisé comme un tremplin. 65

68 Paulus Gerdes (Dessins: Marcos Cherinda) Figure 4.12 Si on regarde attentivement les pneus que peut-on observer de particulier sur leurs profils? Assez souvent les profils des pneus présentent la même symétrie que les sacs à main et les pots (voir les exemples de la Figure 4.13). Pourquoi? Est-il possible d inventer d autres profils pour des pneus? Quels seront les plus adéquats? Pourquoi? 66

69 L ethnomathématique en Afrique Figure 4.13 Figure

70 Paulus Gerdes * Dans quels contextes culturels peut-on trouver des figures ayant une symétrie de rotation de 180 o?... Des tatouages (voir l exemple de la Figure 4.14). Est-ce que le même type de symétrie se trouve aussi dans la nature? Etc. Troisième exemple: l exploitation du potentiel géométrique de l anse d un panier Un des mes étudiants, futur enseignant de mathématiques, a contacté des vanniers et avec eux il a appris à fabriquer certains types de paniers. Dans le séminaire l étudiant a expliqué à ses collègues la façon de faire un panier du type khuamo présenté dans la Figure On fait l anse cylindrique de ce panier, en tressant quatre bandelettes de façon croisée une vers le haut - une vers le bas (voir Figure 4.16), autour du noyau formé par un groupe de bandelettes parallèles. Après l analyse faite en collectif, diverses questions ont été posées pour l expérimentation, la recherche et la réflexion: Figure Figure 4.16

71 L ethnomathématique en Afrique * Quel est le chemin fait par chaque bandelette? Quelle est la particularité de l hélice circulaire? * L anse ne peut-elle être faite qu avec quatre bandelettes? Qu arrive-t-il avec 3, 5, 6 ou, par exemple, 20 bandelettes? * Peut-on tresser les bandelettes d une autre façon que 1-vers-lehaut-1-vers-le-bas? Existent-ils d autres possibilités? Qu arrivet-il si on en tresse 2-vers-le-haut-1-vers-le-bas, ou 3-vers-lehaut-3-vers-le-bas? (Figure 4.17) Figure 4.17 * Peut-on trouver ce type de cylindres tressés dans d autres circonstances? Y-a-t-il des exemples dans la production industrielle? Des câbles, des lacets...pour produire des lacets, combien de bandelettes utilise-t-on? Un nombre pair, impair, multiple de quoi? Pourquoi? * Les hélices circulaires sont apparues quand, pour la première fois dans l histoire? D où est venue l inspiration d Archimède quand il a inventé sa fameuse pompe? Comment fonctionne cette pompe? Qui sait si ce type de pompe est utilisé aujourd hui encore? Dans certaines usines au Mozambique on utilise la pompe d Archimède pour le transport de produits, tels que les noix de cajou. * Où se trouvent les hélices circulaires dans la nature? Dans la génétique, dans la recherche de la molécule de DNA... Etc. En résumé, la problématisation de la géométrie de l anse d un 69

72 Paulus Gerdes panier traditionnel soulève beaucoup de questions intéressantes, oblige à une réflexion sur les mathématiques, sur l origine des idées mathématiques, sur les rapports entre les mathématiques, la technologie et les sciences de la nature. En d autres mots, ce contexte culturel est un terrain fertile pour l exploitation éducative, pour faire et inventer des mathématiques. La réflexion sur ce contexte culturel est une contribution pour la valorisation de la sagesse des artisans, une contribution pour la création d attitudes positives par rapport au travail manuel. Tout cela augmente la confiance-en-soi culturelle, sociale et individuelle des participants. Le dernier exemple que nous présenterons est un peu plus élaboré, pour pouvoir mieux illustrer la profondeur qu on peut atteindre dans le domaine des mathématiques avec une approche ethnomathématique d une part et la conscientisation culturelle dans le contexte de la formation des enseignants de mathématiques, d autre part. Quatrième exemple: l exploitation du potentiel mathématique des SONA La tradition lusona 1 appartient au patrimoine culturel des peuples Tchokwe, Lunda, Lwena, Xinge e Minungo qui habitent le Nord-est de l Angola, et des peuples Ngangela et Luchazi du Sud-est de l Angola et de l ouest de la Zambie. Les Tchokwe sont particulièrement connus pour leur bel art de décoration, qui peut être apprécié dans les mats, les paniers tressés, dans les travaux en fer, en céramique, dans les calebasses gravées, dans les tatouages et aussi dans les peintures sur les murs et les dessins dans le sable. Au centre du village ou dans les champs, assis autour du feu ou à l ombre des arbres, les Tchokwe passent beaucoup de leur temps libre à discuter, faisant des illustrations avec des dessins, par terre (lusona, pl. sona). Beaucoup de ces dessins appartiennent à une vieille 1 70 L histoire et les potentialités scientifiques de la tradition lusona sont analysées dans mon livre: Geometria SONA, Université Pédagogie, Maputo, Version française: Une tradition géométrique en Afrique. Les dessins sur le sable, L Harmattan, Paris, 1995, Tome 1: Analyse et reconstruction, 247 p.; Tome 2: Exploration éducative et mathématique, 184 p.; Tome 3: Analyse comparative, 144 p.

73 L ethnomathématique en Afrique tradition: ils se rapportent à des proverbes, à des fables, à des jeux, à des devinettes, à des animaux et ils jouent un rôle important dans la transmission des connaissances et de la sagesse, d une génération à l autre. Les dessins doivent être faits avec souplesse et de façon continue, parce que toute hésitation ou interruption de la part du dessinateur est interprétée par l auditoire comme un signe d imperfection ou de manque de connaissances. Pour faciliter la mémorisation de ses pictogrammes et idéogrammes standardisés, les akwa kuta sona spécialistes de dessin ont inventé une mnémotechnie intéressante: après avoir nettoyé et égalisé le sol, ils marquent avec la pointe des doigts un réseau orthogonal de points équidistants. Le nombre de files et de colonnes dépend du motif à représenter. Ensuite, ils dessinent une Figure 4.d une ou plusieurs lignes, appliquant l algorithme géométrique qui correspond au motif à représenter. La Figure 4.18 en présente un exemple. La plupart des sona présentent une symétrie bilatérale, bilatérale double ou de rotation. Une autre valeur culturelle importante est la monolinéairité des dessins: Beaucoup des sona sont monolinéaires, c est-à-dire qu ils se composent d une seule ligne arrondie fermée qui embrasse tous les points du réseau en référence. Figure 4.18 Dans l article Dessins traditionnels dans le sable en Angola et son utilisation dans l enseignement des mathématiques 2 j ai présenté 2 On possible uses of traditional Angolan sand drawings in the mathematics classroom, Educational Studies in Mathematics, Dordrecht, 1988, Vol. 19, Version en Français: Une tradition géométrique en Afrique. Les dessins sur le sable, L Harmattan, Paris, 1995, Tome 2, p

74 Paulus Gerdes quelques suggestions didactiques. Les exemples donnés concernaient l étude des rapports arithmétiques, progressions, symétries, similarité et les graphes d Euler, la détermination du maximum diviseur commun de deux nombres naturels. J ai aussi préparé un livre pour les enfants de 10 à 15 ans Vivre les mathématiques: dessins d Afrique. 3 Un des exemples présentés peut être vu dans la Figure Le réseau initial a 6x5, c est à dire, 30 points. Le dessin redistribue les points et le lecteur peut voir que 6x5 est égal à ( ) x 2. En extrapolant et en testant on obtient une formule pour la somme des n premiers nombres naturels x5 Figure Dans des séminaires avec de futurs professeurs de mathématiques nous avons essayé et utilisé les potentialités éducatives, artistiques et scientifiques de la tradition des sona. La participation à ces séminaires était sur la base du volontariat et, en général, il était difficile de finir les séances de deux heures parce que, dans leur enthousiasme, les participants perdaient la notion de l heure. Nous présentons ici quelques exemples qui illustrent les questions analysées avec les futurs enseignants Vivendo a Matemática: Desenhos da África, Editora Scipione, São Paulo (Brésil), 1990, 68 p. En Anglais: Drawings from Angola: Living Mathematics, lulu.com, Morrisville NC, 2007 (Aussi publié en Allemand, Hollandais et Italien).

75 * Recréations géométriques 4 L ethnomathématique en Afrique Il y a beaucoup de sona de différentes dimensions mais qui obéissent au même algorithme géométrique. Cela nous a donné l idée d élaborer et d essayer avec des recréations géométriques du type suivant: certaines figures d une série sont données et on doit chercher celles qui manquent. La Figure 4.20 en est un exemple. Figure Lusona: recréations géométriques d Afrique, Institut Supérieur de Pédagogie, Maputo, 1991, 118 p. Deuxième édition : L Harmattan, Paris,

76 Paulus Gerdes * Règles de composition La (re)découverte et la démonstration des règles traditionnelles Tchokwe (reconstruites) pour la construction de dessins monolinéaires plus grands à partir de dessins monolinéaires plus petits sont très adéquates pour la recherche, quand on s adresse à de futurs enseignants. La Figure 4.21 illustre une règle, qui a été appliquée quatre fois dans la représentation traditionnelle d un léopard avec cinq petits (voir Figure 4.22). = Figure 4.21 * Construction systématique de dessins monolinéaires Le lusona de la Figure 4.23 représente un oiseau en train de voler. Il est symétrique et fait d une seule ligne. Comment peuton représenter trois oiseaux en vol dans une formation en V, de façon à que la Figure 4.soit en même temps symétrique et monolinéaire? 74

77 L ethnomathématique en Afrique Figure 4.22 Figure

78 Paulus Gerdes Figure 4.24 Le patron de base peut être celui que la Figure 4.24 illustre. En liant les extrêmes comme le montre la Figure 4.25, on obtient, en fait, un dessin symétrique. Cependant, le dessin est composé de deux lignes. Faisant revenir aux extrêmes de la première ligne du patron de base a et A, à ceux de la deuxième b et B, à ceux de la troisième c et C et à ceux de la quatrième d et D respectivement (voir Figure 4.26), on peut déduire (voir le schèma de la Figure 4.27) qu on obtient un dessin, d une seule ligne et symétrique, quand on lie les extrêmes dans la séquence: aaddbbcca (voir Figure 4.28). Et une question se pose: y-aurat-il d autres solutions? Et comment représenter des formations en V plus grandes? 76 Figure 4.25

79 L ethnomathématique en Afrique A a B b C c d D Figure 4.26 A a B b C c d D Figure 4.27 Figure 4.28 * Combien de lignes sont nécessaires? Les dessins Tchokwe dans les Figures 4.18 et 4.29 sont d une seule ligne et satisfont le même algorithme géométrique. Ils représentent les marques laissées dans le sol par un coq en fuite 77

80 Paulus Gerdes Les dimensions sont, cependant, différentes: 6x5 et 10x9. Le dessin traditionnel des Ngangela de la Figure 4.30 représente le chemin que l insecte ngonge parcourt le long d un arbre. Quand on utilise un réseau de référence de dimensions 10x5 et qu on applique le même algorithme, trois lignes du type coqen-fuite sont nécessaires pour embrasser tous les points du réseau (voir Figure 4.31). Figure 4.29 Figure Figure 4.31

81 L ethnomathématique en Afrique On peut alors chercher à savoir comment le nombre de lignes du type coq-en-fuite dépend des dimensions du réseau de points. Pour obtenir un patron semblable à la Figure 4.29, la largeur du réseau, c est à dire, le nombre de points d une file, doit être pair et la hauteur, c est à dire, le nombre de points d une colonne doit être impair. En essayant avec des valeurs concrètes pour la largeur et la hauteur, en dessinant les figures respectives et en comptant le nombre de lignes du type coq-en-fuite, on peut alors ajouter les données ainsi obtenues dans un tableau comme celui-ci: largeur hauteur Notons la largeur par 2m et la hauteur par 2n+1, où m et n sont des nombres naturels. m et n étant des variables, il est plus facile d analyser le tableau: m n

82 Paulus Gerdes Le nombre de lignes du type coq-en-fuite, dont on a besoin pour embrasser tous les points de réseau de référence, dépend de la largeur et de la hauteur: f(2m, 2n+1). Quand on observe le tableau et qu on ne tient pas compte de la file n=1, on a l impression que les files et les colonnes correspondantes sont égales, c est-à-dire f(2m, 2n+1) = f(2n, 2m+1). En plus, la première file (au moins) paraît périodique. Dans la première file (1,2) elle se répète (période 2); dans la deuxième file (3,1,1) elle paraît se répéter (période 3). Le période paraît égale au nombre de la file (n) plus 1, c est-à-dire, période = n+1. Si l on observe de nouveau le tableau, on devine que dans la principale diagonale, c est à dire, pour m=n, on vérifie f(2m,2n+1) = m+1. En extrapolant sur ces données expérimentales et sur les régularités constatées, on peut arriver au tableau suivant: m n Maintenant les étudiants peuvent vérifier l hypothèse formulée. Par exemple, est-ce que l hypothèse se vérifie dans le cas m=9, n=7? Analysant des questions telles que * Pourra-t-on compléter le tableau jusqu à m=n=20?, * Quel rapport existe entre les nombres de la troisième file et la période de la même file? Qu arrivera-t-il pour

83 L ethnomathématique en Afrique le cas de la quatrième file? Et en général? les étudiants peuvent découvrir que les nombres d une file ou d une colonne quelconque sont des diviseurs de la période respective. Et, étant donné que chaque nombre appartient en même temps à une colonne et à une file, il est un diviseur des deux périodes: soit de la période (= m+1) de la colonne correspondante, soit de la période (= n+1) de la file respective. En conséquence, on peut dire que, en général, f(2m, 2n+1) est un diviseur commun de m+1 et n+1, ou, plus encore, que, f(2m, 2n+1) est le maximum diviseur commun (mdc) de m+1 et n+1. En d autres mots, les étudiants peuvent conclure que f(2m, 2n+1) = mdc (m+1, n+1). La question suivante est: Comment démontrer cette conjecture? Comme variations sur ce thème, il peut survenir d autres questions de recherche intéressantes: * Qu est-ce qui caractérise les réseaux (non)rectangulaires de patrons coq-en-fuite monolinéaires? En d autres mots, sous quelles conditions un patron du type coq-en-fuite peut-il être monolinéaire? (voir la Figure 4.32 à titre d un exemple). Figure

84 * La Figure 4.33 montre une variante du patron coq-enfuite, où les larges zigzags successifs verticaux du patron coq-en-fuite ne sont pas parallèles mais bilatéralement symétriques. Sous quelles conditions des patrons de ce genre sont-ils d une seule ligne? De quelle façon le nombre de lignes dépendra des dimensions du réseau rectangulaire de points de référence? Figure 4.33 * Patrons noirs-blancs sous-jacents 1 Si on dessine un lusona monolinéaire sur du papier quadrillé comme l illustre la Figure 4.34 et si on colorie les petits carrés par lesquels passe successivement la courbe en alternance en noir et en blanc, on obtient un patron noir-blanc sous-jacent. La Figure 4.35 montre le patron sous-jacent au lusona de la Figure La Figure 4.36 montre un autre lusona qui a aussi un échiquier comme patron noir-blanc sous-jacent Voir Gerdes, P.: Une tradition géométrique en Afrique. Les dessins sur le sable, L Harmattan, Paris, 1995, Tome 2, 184 p.; Lunda Geometry: Mirror Curves, Designs, Knots, Polyominoes, Patterns, Symmetries, Lulu.com, Morrisville NC, 2007, 198 p.; Lunda Art, Lulu.com, Morrisville NC, 2008, 20 p.

85 L ethnomathématique en Afrique Figure 4.34 Figure 4.35 Et voilà une première question de recherche: * Quelle sera la condition nécessaire et suffisante pour qu un dessin d une seule ligne produise un patron noir-blanc sousjacent du type échiquier? Figure

86 Paulus Gerdes a b Figure 4.37 La Figure 4.37 montre deux sona qui produisent des patrons noirs-blancs qui sont distincts du patron d un échiquier. * Quels rapports existent entre les dessins du type sona et les patrons noirs-blancs sous-jacents? * De quel type sont les ressemblances entre les dessins monolinéaires qui produisent le même patron noirblanc sous-jacent? La Figure 4.38 en donne un exemple. Si on maintient l algorithme en changeant les dimensions du dessin, les patrons noirs-blancs sousjacents restent-ils les mêmes? Figure

87 L ethnomathématique en Afrique a b Figure 4.39 On appelle dessin-à-deux-couleurs un dessin où il y a un certain mouvement rigide qui change, partout, les couleurs. La Figure 4.39 montre un dessin du type sona et le patron noirblanc sous-jacent qui lui correspond. Le patron est un dessin-àdeux-couleurs, puisque une rotation sur un angle de 180 o inverse les couleurs. * Quels sont les rapports entre les symétries des dessins monolinéaires du type sona et les symétries des patrons noirs-blancs sous-jacents? 85

88 Paulus Gerdes Une autre question intéressante pour la recherche est la suivante: * Qu arrive-t-il aux dessins de deux couleurs sousjacents si on change les dimensions des dessins monolinéaires correspondants? La Figure 4.40 montre un exemple avec des dimensions successives de 5x6, 9x10, 13x14 et 17x18. Pourra-t-on prévoir les patrons noirs-blancs pour les cas des dimensions de 21x22 et 25x26? * Quel sera le patron noir-blanc sous-jacent pour les dimensions de (4n+1) x (4n+2), où n représente un nombre naturel? Et d une façon plus générale: * Étant donné l algorithme d un dessin monolinéaire du type sona, pourra-t-on prévoir le patron noir-blanc sous-jacent? * Pourra-t-on caractériser toute la classe de patrons noirs-blancs produits par des dessins du type sona? Une fois trouvées les conjectures, il reste à les tester et à les démontrer. Considérations finales Dans nos séminaires et cercles d intérêt on vérifie que les étudiants considérés dans la littérature comme des élèves-nontraditionnaux, c est-à-dire, les femmes, les fils d ouvriers et de paysans, les fils d artisans, etc., se montrent extrêmement motivés et intéressés et, la plupart du temps manifestent plus d habilité et de créativité que les autres étudiants. Ces élèves-non-traditionnaux acquièrent de la confiance en soi en travaillant en groupe et en aidant leurs collègues. Notre expérience, d après les exemples ici présentés, suggère que l intégration de l enseignement dans le contexte culturel des étudiants est possible. L encadrement culturel des curricula est un processus et nous avons l impression que le moteur de ce processus réside dans l éducation des enseignants: 86 * Quand les enseignants se considèrent toujours comme des

89 L ethnomathématique en Afrique apprentis, ils sont capables d apprendre avec leurs élèves et avec la communauté où ils vivent; * quand les enseignants expérimentent la joie de découvrir, d inventer, de participer, de se surprendre, de faire, la joie de la beauté; * quand les enseignants se sentent capables de créer et de faire des mathématiques; * quand les enseignants sentent que chaque être humain est capable d inventer et de faire des mathématiques, indépendamment de l origine ethnique, sociale ou culturelle, du sexe et de l âge; * quand les enseignants de tous les niveaux de l enseignement savent et sentent tout cela, alors l enseignement mathématique peut devenir une force libératrice, peut libérer l initiative créatrice. Ainsi on pourra satisfaire une condition nécessaire à une vraie participation démocratique dans la société. De cette façon les mathématiques ne seront plus un instrument de pouvoir dans les mains d une minorité. De cette façon les mathématiques pourront se renouveler, s enrichir, en puisant dans la source d inspiration qui est la culture populaire. De cette façon l enseignement mathématique pourra ouvrir de nouveaux horizons: la dignité humaine et la paix. a Figure

90 Paulus Gerdes b1 c1 Figure

91 L ethnomathématique en Afrique b2 c2 Figure

92 Paulus Gerdes d1 Figure

93 L ethnomathématique en Afrique d2 Figure

94 Paulus Gerdes 92

95 L ethnomathématique en Afrique Chapitre 5 Un motif décoratif amplement diffusé et le Théorème de Pythagore 1 Un motif décoratif amplement diffusé Figure 5.1 La Figure 5.1 montre des variantes d un motif décoratif dont la tradition est ancienne dans tout l Afrique. Il était déjà connu en Egypte ancienne: il apparaît dans la représentation peinte d un panier dans le tumulus de Rekhmire (Thebes, 18ème dynastie, env a.j.c.) (voir Figure 5.2) [Wilson, 1986, p.23]. D autres exemples provenant de diverses régions d Afrique sont illustrés dans la Figure 5.3. Les Tchokwe (Angola) appellent le patron manda a mbaci, c est-à-dire, bouclier de la tortue [Bastin, 1961, p.114, 116]. Les 1 Adaptation condensée d un article publié dans la revue internationale For the Learning of Mathematics (Montréal, Vol. 8, No. 1, 1988, 35-39) et reproduit dans le Chap.5 de Pythagore Africain (1992). 93

96 Paulus Gerdes Ovimbunda (Angola) l appellent olombungulu (étoile), ononguinguinini (fourmis) ou aussi alende (nuages) [Hauenstein, 1988, p.39, 50, 54]. Il apparaît comme motif de décoration sur des peignes dos Yao (Mozambique, Malawi) [Carey, 1986, p.29] et on le trouve fréquemment sur des paniers, dans tout le continent. Panier d Egypte ancienne Figure 5.2 Panier de Lesotho Figure 5.3 Découvrir le Théorème de Pythagore En comptant le numéro de carrés unitaires de chaque file (diagonale) d une étoile (voir Figure 5.5), on observe facilement que l aire d une étoile est égale à la somme des aires du carré gris de 4 par 4 et du carré blanc, 3 par Il y a aussi beaucoup d autres manières d amener les élèves à arriver à cette conclusion. Par exemple, le professeur peut leur

97 L ethnomathématique en Afrique Bracelet du Sénégal a Motif alesu d Angola b Figure 5.4 quatre fois trois fois Figure 5.5 Le motif de l étoile (Figure 5.1) peut être aussi appelé carré denté. Un carré denté, en particulier quand il y a beaucoup de dents, ressemble à un vrai carré. Et de cette façon survient naturellement la question suivante: sera-t-il possible de transformer un carré denté en demander de transformer une étoile faite de carreaux en deux figures similaires monochromatiques. Ou on peut leur demander de découper le carré majeur à l intérieur d une étoile fabriquée en papier ou en carton et d analyser quelles sont les figures que l on peut former avec les autres morceaux (voir Figure 5.14). 95

98 Paulus Gerdes un vrai carré de même surface? En expérimentant (voir Figure 5.6), les élèves peuvent être conduits à la conclusion que c est, de fait, possible. Dans la Figure 5.5 nous voyons que l aire d un carré denté (T) est égale à la somme des aires de deux carrés plus petits (A et B): T = A + B. trop grande trop petit? Figure 5.6 Sur la base de la Figure 5.6, nous constatons que l aire d un carré denté (T) est égale à l aire d un vrai carré (C). En considérant C=T, nous pouvons conclure que A + B = C. Figure

99 L ethnomathématique en Afrique Existent-ils d autres relations entre ces trois carrés? Que se passe-t-il quand on dessine le carré denté et les deux vrais carrés sur papier quadriculé, de telle façon qu ils soient voisins? La Figure 5.7 montre une solution possible. En dessinant, ensuite, le vrai carré final (aire C) dans la même figure, nous arrivons au Théorème de Pythagore dans le cas particulier de triangles rectangulaires de côtés a, b et c avec a:b = n:(n+1), où le carré denté initial a n+1 dents sur chaque côté. C A B A + B = C Figure 5.8 La Figure 5.8 illustre le Théorème de Pythagore dans le cas spécial du triangle rectangulaire (3, 4, 5). À partir de ces expériences, les élèves peuvent être stimulés à conjecturer le Théorème de Pythagore en général. De ce façon, les carrés dentés assument une valeur heuristique pour la découverte de ce théorème important. Ce même processus de découverte suggérera-t-il aussi des démonstrations (nouvelles) du Théorème de Pythagore? Que se passe-t-il quand on inverse le processus? Quand on commence avec deux carrés quelconques et qu on les utilise pour aboutir à un carré denté, à quelle conclusion pourrait-on arriver? 97

100 Paulus Gerdes Une première démonstration Soient A et B deux carrés quelconques. Comme support à la réflexion nous observons la Figure 5.5 : Découpez A en 9 petits carrés congruents et B en 16 petits carrés congruents entre eux, et formez, ensuite, avec les 25 morceaux un carré denté (voir Figure 5.9). Le carré denté obtenu T a évidemment la même surface (T) que A et B réunis: T = A + B. a 98 b Figure 5.9

101 L ethnomathématique en Afrique Figure 5.10 Comme le nouveau carré denté peut facilement être transformé en vrai carré C de même surface (voir Figure 5.10), nous arrivons à la conclusion: A + B = C, c est-à-dire, au Théorème de Pythagore dans toute sa généralité. Une infinité de démonstrations Au lieu de découper A et B en 9 et 16 sous-carrés, nous pouvons les découper, respectivement, en n 2 et (n+1) 2 sous-carrés, où n représente un nombre naturel quelconque. La Figure 5.11 illustre le cas où n=14. À chaque valeur de n correspond une démonstration du Théorème de Pythagore. 3 Autrement dit, il existe (au moins) une infinité (dénombrable) de démonstrations de ce théorème fameux. Pour des valeurs de n relativement élevées, la véracité du Théorème de Pythagore est presque visible à l œil nu. Quand nous prenons la limite n, nous obtenons une démonstration de plus du théorème Ces démonstrations furent élaborées par l auteur en Une autre démonstration au moyen de limites est présentée dans (Gerdes, 1986), reproduite dans le Chap.7 de Pythagore Africain (1992). 99

102 Paulus Gerdes n=14 Figure 5.11 n=1 Figure

103 L ethnomathématique en Afrique Pour n=1 on obtient une démonstration très courte, d utilité pratique qui, dans un processus d enseignement bien structuré, peut être découverte et comprise par la plupart des élèves (voir Figure 5.12). a C A B A + B = C b Figure 5.13 Théorème de Pappus D une manière analogue, une généralisation de Pappus du Théorème de Pythagore aux parallélogrammes peut être facilement découverte. Il existe aussi un nombre infini de façons de la démontrer (La Figure 5.13 illustre le cas où n=3). 101

104 Paulus Gerdes Exemple Dans son livre bien connu The Pythagorean Proposition, Loomis a réussi à réunir 370 démonstrations différentes de ce théorème [1940; 1972, p.269], mettant ses lecteurs au défi de lire et choisir, ou mieux d en trouver une démonstration nouvelle et différente... [p.13]. Notre réflexion sur un motif décoratif amplement diffusé nous a conduit non seulement à un chemin alternatif et actif pour l introduction du Théorème de Pythagore dans la classe, mais aussi à générer une infinité de démonstrations du même théorème. 5 Références bibliographiques Figure 5.14 Bastin, Marie-Louise (1961), Art décoratif Tshokwe, Publicações Culturais da Companhia de Diamantes de Angola, Lisbon. Carey, Margret (1986), Beads and beadwork of East and South Africa, Shire, Bucks Paulus Gerdes a récemment proposé une méthode très ingénieuse, qui permet de démontrer le théorème à partir (d un) motif décoratif observe David Wells dans Le Dictionnaire Penguin des curiosités géométriques (1996, p. 197).

105 L ethnomathématique en Afrique Gerdes, Paulus (1986), Mais duas novas demonstrações do Teorema de Pitágoras, TLANU-minibrochura , Maputo, 8 p. Gerdes, Paulus (1988), A widespread decorative motif and the Pythagorean Theorem, For the Learning of Mathematics, Montréal, Vol. 8, No. 1, Gerdes, Paulus (1992), Pitágoras Africano: um estudo em cultura e educação matemática, UP, Maputo, 103 p. En Anglais: African Pythagoras: A study in Culture and Mathematics Education, UP, Maputo, 1994, 103 p. En Italien: Pitagora africano: Uno studio di cultura ed educazione matematica, Lampi di stampa, Milan, 2009, 115 p. Hauenstein, Alfred (1988), Examen de motifs décoratifs chez les Ovimbundu et Tchokwe d Angola, Universidade de Coimbra, 85 p. Loomis, E. S. (1972), The Pythagorean Proposition, NCTM, Reston, (1940) Wells, David (1996), Le Dictionnaire Penguin des curiosités géométriques, Éditions Eyrolles, Paris. Wilson, Eva (1986), Ancient Egyptian Designs, British Museum, London, 100 p. 103

106 Paulus Gerdes Appendices 104

107 L ethnomathématique en Afrique Chapitre 6 Pensée mathématique et exploration géométrique en Afrique et ailleurs 1 Les éditeurs m ont demandé de contribuer au «Dialogue des rationalités» depuis la perspective particulière de mon expérience de recherche en ethnomathématique l étude des idées et pratiques mathématiques lorsqu elles sont imbriquées dans leurs contextes culturels 2. Puisque la conception des mathématiques comme «indépendante d une culture donnée» et «universelle» a été largement dominante dans le milieu académique, l ethnomathématique n est apparue que relativement tard. Il a fallu attendre qu un professeur enseignant dans la ville de New York, Claudia Zaslavsky, étudie les aspects mathématiques de différentes cultures africaines et publie en 1973 le livre classique: L Afrique Compte!, pour dépasser les préjudices coloniaux. Un des aspects mis en lumière par les études d ethnomathématique est que les mathématiques pratiquées à l université et dans les écoles ne sont pas les seules : chaque être humain et chaque groupe culturel développe spontanément certaines méthodes mathématiques (D Ambrosio 1990) ; il y a dans toutes les 1 Pensée mathématique et exploration géométrique en Afrique et ailleurs, Revue Diogène, UNESCO & Presses Universitaires de France, 2003, No. 202, Pour une introduction à l ethnomathématique, voir D AMBROSIO (1985, 1990), ASCHER (1990) et GERDES (1992b, 1993, 1995). Le recueil compilé par POWELL et FRANKENSTEIN (1997) donne une vision d ensemble d études ethnomathématiques dans leur rapport avec l enseignement. Je remercie Maurice Bazin (Florianópolis, Brésil) pour ses commentaires sur la première version de cet article. 105

108 Paulus Gerdes sociétés humaines une connaissance mathématique qui est transmise oralement d une génération à la prochaine (Carraher 1987, Kane 1987). Certains auteurs appellent certaines formes de mathématiques indigènes (par exemple Gay et Cole 1967, Lancy ), informelles (Posner 1982), non-standard (Carraher 1987), implicites ou nonprofessionnelles (Zaslavsky 1994). Pour expliquer partiellement pourquoi le milieu académique n a pas reconnu certaines formes de mathématiques, Ascher et Ascher (1981, ) ont souligné que «La vue étroite (cantonale) des mathématiciens professionnels fait que la plupart des définitions des mathématiques excluent ou minimisent les aspects implicites et informels. Il s agit, cependant, d une démarche naturelle dans toute classe professionnelle qui cherche à maintenir son exclusivité, en partie, en recréant pour ce faire le passé dans les termes d un progrès unilinéaire vers son propre présent.» L article essaiera de contribuer à la compréhension du raisonnement mathématique, tel qu il est enchâssé dans des pratiques culturelles, en éclairant quelques aspects complémentaires de l exploration géométrique dans divers contextes culturels. Je présenterai à la fin de l article quelques commentaires sur les implications possibles dans l éducation. Un exemple introductif pour l exploration géométrique (Gi)Tonga est la principale langue parlée dans les districts côtiers centraux d Inhambane, une province au sud-est du Mozambique. À cause de leur beauté et de leur caractère pratique, les paniers faits par les vanniers Tonga (pour la plupart des femmes) sont parmi les plus appréciés produits de l artisanat mozambicain. Des paniers de grande qualité et avec beaucoup de variation sont surtout produits sur la presqu île de Linga-Linga, pouvant être atteinte par de petites embarcations. La presqu île est située dans le district de Morrumbene, à environ 500 Km au nord-est de la capitale du pays, Maputo. Quelques paniers sont commercialisés sur les marchés de proximités tandis que la plupart vont se frayer une voie vers les marchés de Paulin Hountondji critique l expression «connaissance indigène» et propose le concept de «connaissance endogène» (HOUNTONDJI 1994).

109 L ethnomathématique en Afrique Maputo et des pays voisins. J ai commencé à collectionner les paniers Tonga juste après l indépendance du Mozambique en Les livres (Gerdes & Bulafo 1994) et (Gerdes 2003a, 2009a) analysent les sacs à main Tonga appelés gipatsi (pluriel : sipatsi). Pour produire ces sacs à main, les artisans utilisent comme tressage de base le sergé deux par-dessus, deux par-dessous (notation : 2/2). En introduisant le long des bandes de la texture certains changements systématiques dans le tressage, ils créent des motifs à bandes attirants. 4 Sac à main gipatsi avec motif à bande Photo 6.1 La Photo 6.1 présente un exemple d un gipatsi (voir aussi la Photo 4.8). Dans une des directions du tressage tous les brins sont colorés, tandis que dans la direction opposée tous les brins gardent leur couleur naturelle. Ces dernières années, les motifs à bandes se sont propagés à d autres objets tressés comme les chapeaux et les paniers plus grands. Les vanniers Tonga démontrent beaucoup d esprit de création en inventant de nouveaux motifs à bandes. Un catalogue de 362 motifs à bandes différents est compris dans (Gerdes 2003a) et une 4 Voir pour une brève introduction GERDES 1998, chapitre 1 ou GERDES 1999, p

110 mise à jour avec 58 motifs à bandes nouveaux dans (Gerdes 2003b). 5 Récemment, les vanniers de paniers Tonga ont créé une série intéressante de motifs dans le plan (Gerdes 2003c). À l opposé des motifs à bandes, ces motifs ne sont pas le résultat de changements dans le tressage. À travers (de grandes portions de) la texture, le sergé reste le même. Le sergé trois au-dessus, trois au-dessous (3/3) est le plus courant. Les motifs, par contre, sont produits en répétant dans les deux sens du tressage des ensembles d un certain nombre de brins (disons n brins), de sorte que le premier brin de l ensemble est coloré et que les autres brins gardent leur couleur naturelle. Dans les deux sens de tressage, les motifs dans le plan ont la même périodicité (période = n). Nous allons utiliser la notation [m/m, n] pour indiquer la classe de motifs dans le plan, pour lesquels le sergé m/m est utilisé et qui ont une période n. La Photo 6.2 en est un exemple. Elle montre un panier décoré avec deux motifs [4/4, 4] différents. Panier avec deux motifs [4/4, 4] Photo Un catalogue actualisé de 708 motifs est compris dans (Gerdes 2009a).

111 L ethnomathématique en Afrique Après avoir vu pour la première fois les corbeilles Tonga avec des motifs dans le plan, j ai ressenti immédiatement, en tant que mathématicien, une stimulation et un défi me poussant à analyser quels et combien de motifs dans le plan existaient faits de brins tressés du type [m/m, n] qui pourraient être construits pour certaines valeurs de m et de n. Texture de tressage d un motif dans le plan appartenant à la classe [3/3, 4] Figure 6.1 Le motif dans le plan de la Figure 6.1 appartient à la classe [3/3, 4]. Une unité de tressage de base de période 4 est répétée (Figure 6.2). Unité de tressage de base 3/3 de période 4 Figure 6.2 On peut se demander combien de motifs différents dans le plan 109

112 Paulus Gerdes appartiennent à la classe en question. À première vue, on pourrait penser que le nombre de motifs distincts [3/3, 4] est égal à 4, car il y a quatre possibilités d introduire un brin coloré en direction verticale après avoir sélectionné un brin coloré pour le premier brin horizontal de son unité de tressage de base (voir la Figure 6.3). 110 Quatre possibilités Figure 6.3 La Figure 6.4 est une visualisation des motifs respectifs dans le plan générés par les quatre unités de tressage de base. Ils sont très similaires. Le premier peut être transformé dans le deuxième par une rotation de 90 suivie par une réflexion ; le troisième peut être transformé dans le premier par une translation, etc. Les quatre motifs peuvent être considérés comme des instances du même motif dans le plan. En général, deux motifs dans le plan sont considérés des instances du même motif dans le plan si l une peut être transformée dans l autre par une (séquence de) rotation(s), translation(s), et/ou réflexion(s). Un seul motif dans le plan appartient à la classe [3/3, 4]. Un peu comme si les vanniers étaient entrés en compétition avec moi, je m aperçus lors des visites aux marchés pendant les semaines suivantes, que les vanniers Tonga venaient de créer plus de motifs dans le plan. En outre, ils avaient trouvé toutes les possibilités pour les valeurs de m et n prises en considération. Dans les conditions posées par les vanniers et en prenant en compte les symétries, ils avaient découvert toutes les solutions possibles. Les paniers avec ces motifs dans le plan ont commencé à apparaître à Maputo dans la deuxième moitié de Les mêmes techniques, le même matériau et les mêmes couleurs étaient utilisés pour les produire. Il s agit peut-être de l imagination créative d un vannier ou d un petit groupe de vanniers. Malheureusement, la variation des motifs sera difficile à observer pour la plupart des clients potentiels et dans l immédiat elle n ajoute (que peu ou) rien à la valeur commerciale des paniers. L invention des motifs dans le plan répond, cependant, à la recherche intellectuelle, géométrique et artistique de leur(s) créateur(s).

113 L ethnomathématique en Afrique a b c d Visualisation des motifs générés par les quatre unités de tressage de base possibles Figure 6.4 Un panier à part renforce notre conclusion (Photo 6.3). Le vannier a utilisé exceptionnellement un sergé moins équilibré, dans une direction «deux au-dessus, trois au-dessous» et par conséquent «deux au-dessous, trois au-dessus» dans l autre direction. C est le sergé 2/3. L artisan a choisi une période 5 : dans les deux directions, quatre brins naturels suivent chaque fois après un brin coloré (Figure 6.5). L option pour le sergé 2/3 a permis au vannier de produire un motif dans le plan avec des crochets qui montrent une symétrie axiale. Ceci aurait été impossible si le vannier avait utilisé un sergé m/m 111

114 Paulus Gerdes équilibré. La sélection du sergé 2/3 provient d une analyse attentive et rationnelle et reflète l intérêt particulier de l inventeur du motif pour la symétrie. Panier avec motif [2/3, 5] Photo 6.3 a b Texture de tressage d un motif [2/3, 5] et visualisation Figure

115 L ethnomathématique en Afrique Après avoir noté le caractère profondément mathématique du travail des artisans, on peut envisager, pour utiliser les mots de Maurice Bazin (2002), de faire de l «ethnomathématique pour le Peuple». Ceci pourrait consister pour le moment dans une prise de contact avec le système éducatif régional, en organisant des ateliers avec les enseignants, en langue locale, en exhortant chacun à analyser «mathématiquement» les paniers produits sur place, avec la participation des vanniers eux-mêmes. De cette façon, l étude formelle reviendrait vers les inventeurs et vers la mise en valeur de la culture qui l a rendue possible en premier lieu. L exemple Tonga illustre également la relation forte entre les formes de l art africain et la géométrie, analysée dans (Njock 1985) 1. Un exemple de similarité et de diversité culturelle dans l exploration géométrique L étude de l éveil et du développement de la pensée géométrique dans les différentes activités culturelles est un champ de recherche relativement nouveau et demande le développement de méthodes adéquates 2. Un point de départ méthodologique pourrait être le suivant. Le chercheur peut étudier tout d abord toutes les techniques habituelles de production (par exemple, le tressage) des produits du travail utiles traditionnellement, comme les nattes, les paniers, les pièges, etc., et demander à chaque étape du processus de fabrication quels sont des aspects de nature géométrique qui jouent un rôle dans l atteinte de l étape suivante. Ce point de départ méthodologique se révèle fertile, ce qui peut être illustré par l exemple suivant. Sur plusieurs continents, les artisans, hommes et femmes, ont produit des corbeilles tressées avec une bordure circulaire et une partie basse tressée de serges. La Figure 6.6 montre le modèle géométrique 1. Pour d autres exemples d activités féminines, et la pensée artistique et géométrique en Afrique australe, voir GERDES 1996, 1998a. 2. Voir mon étude sur l éveil de la pensée géométrique à l aube de la culture (GERDES 1990a, 1992, 2003d), l article de LUQUET sur l origine psychologico-culturelle des concepts mathématiques (LUQUET 1929) et le livre de EGLASH sur les structures fractales dans les cultures africaines (EGLASH 1998). 113

116 Paulus Gerdes de certains de ces paniers tressés vus d en haut. Structure de motif géométrique avec des carrés concentriques Figure 6.6 L histoire de la découverte et de l invention des paniers circulaires tressés de serge peut être résumée comme suit (Gerdes 2000a, 2003e) : depuis la plus ancienne technique de tressage «un audessus, un au-dessous» (notation 1/1), les artisans des différentes cultures sont passés au tressage «deux au-dessus, deux au-dessous» (2/2) ou «trois au-dessus, trois au-dessous» (3/3). Quelques artisans ont conçu l idée de fixer une natte à une bordure circulaire ; ces artisans ont appris qu une natte carrée est plus avantageuse que les autres nattes rectangulaires pour pouvoir produire un panier bien équilibré ; puis ont découvert qu il est plus facile de fixer une natte carrée tressée à la bordure circulaire si les lignes médianes du carré sont rendues visibles d une façon ou d une autre (Figure 6.7). 114 Lignes médianes d un carré Figure 6.7 Une manière de rendre visible une ligne médiane est d introduire une ligne de discontinuité dans la structure du tressage (la Figure 6.8

117 L ethnomathématique en Afrique en est un exemple) : sur l intersection des lignes de discontinuité apparaissent automatiquement des ensembles de carrés dentés concentriques ou des croisements en forme de X (voir les exemples sur la Figure 6.9) Exemple d une ligne de discontinuité dans la structure de tressage Figure Exemples de structures avec des carrés dentés concentriques (a) et en forme de X (b) Figure 6.9 Les structures avec une ou deux lignes de discontinuité peuvent être remplacées par des structures de tressage plus complexes provenant de l introduction de plus de lignes de discontinuité ou de la variation des couleurs des bandes, par une opération d abstraction à partir de l importance des lignes de discontinuité perpendiculaires. Les 115

118 Paulus Gerdes formes géométriques comme celle sur la Figure 6.7, peuvent prendre de la valeur par elles-mêmes et être transposées à d autres contextes culturels. Le même peut se produire avec les motifs plus complexes. La découverte de l importance des lignes médianes perpendiculaires reflète la compréhension du fait que la fabrication des paniers circulaires pourrait être facilitée. Après la compréhension de cette importance, la réalisation peut varier d une culture à l autre et d une période à l autre, en découvrant différentes structures d ensembles de carrés dentés concentriques et des structures en forme de X ; un supplément de variabilité culturelle fait son apparition dans les phases suivant l introduction de motifs plus complexes et la transposition à d autres contextes culturels, comme effet d une plus grande liberté conquise par les artisans. Même dans la phase d élaboration des motifs plus complexes, des développements parallèles frappants peuvent se produire, comme l introduction des spirales tressées (voir la Figure 6.10), au XI e siècle en Arizona, par les vanniers Anasazi, et par les vanniers Makhuwa des XIX e /XX e siècles au Nord-est du Mozambique (Gerdes 2000). 116 Structure de motif géométrique avec des spirales Figure 6.10 La découverte et le développement des paniers tressés circulaires exemplifient un processus plus général de similarité et de diversité

119 L ethnomathématique en Afrique dans l exploration géométrique, surtout dans les contextes culturels les plus anciens. La relative uniformité des idées géométriques de base L uniformité relative des structures idéales reflète l unité de l humanité, ou plus précisément, l unité de la fabrication d outils à partir des sources naturelles : des situations similaires conduisent en général à des problèmes similaires et à des essais de solution comparables, même si la diversité des détails est potentiellement très grande. Par conséquent, l activité sociale, combinée avec la constitution générale de l être humain, a permis l élaboration des mêmes formes géométriques de base (voir, par exemple, Gerdes 1990a, 1992, 2003d). La multiplicité des formes dans la nature est si grande qu il devient nécessaire d expliquer comment les humains ont acquis pas à pas la capacité de percevoir certaines formes de la nature. Il n y a pas de formes dans la nature qui conduisent a priori à l observation humaine. La capacité des êtres humains à reconnaître les formes géométriques dans la nature et également dans leurs propres produits s est formée pendant l activité de production. La capacité à reconnaître l ordre et les formes spatiales régulières dans la nature a été développée à travers l activité du travail. La régularité est le résultat du travail créatif humain et non sa condition préalable. Ce sont les avantages pratiques réels de la forme régulière inventée qui conduisent à une conscience croissante de l ordre et de la régularité. Les mêmes avantages stimulent la comparaison avec d autres produits du travail et avec les phénomènes naturels. La régularité du produit travaillé simplifie sa reproduction, et de cette façon la conscience de sa forme et l intérêt manifesté pour elle se trouve renforcé. En même temps que le degré croissant de conscience se développe une valorisation positive de la forme découverte : la forme est alors utilisée même là où elle n est pas nécessaire, car elle est maintenant considérée comme belle. Le cylindre, le cône ou d autres formes symétriques des récipients, les motifs hexagonaux des paniers, des chapeaux, des raquettes pour la neige, etc. peuvent apparaître à première vue comme le résultat d impulsions instinctives ou d un sens inné pour ces formes. Ou bien, ils pourraient être générés par un «esprit culturel» collectif 117

120 Paulus Gerdes ou un «archétype», ou également, de manière mécanique, comme une imitation des phénomènes naturels, par exemple, de la structure cristalline ou des rayons de miel. En réalité, cependant, les humains créent ces formes dans leur activité pratique pour pouvoir satisfaire leurs nécessités quotidiennes. Ils les élaborent. La compréhension de ces formes matériellement nécessaires est apparue et s est développée à travers l interaction avec le matériau donné afin de pouvoir produire quelque chose d utile : des arcs, des barques, des haches à main, des paniers, des pots, etc. C est de la reconnaissance de ces nécessités et des possibilités ainsi acquises de les utiliser pour atteindre certains buts qu est surgie la liberté humaine de fabriquer des choses qui sont utiles et considérées comme belles. En réfléchissant à l art et aux jeux des formes qui se créent pendant l activité, la pensée mathématique des origines a commencé à se libérer de la nécessité matérielle : la forme s émancipe de la matière, laissant ainsi émerger le concept et la compréhension de la forme : la voie est libre pour un développement intra-mathématique. Pendant ce jeu entre les besoins intéressant la société, les possibilités matérielles et l activité expérimentale, certaines formes - par exemple, les formes symétriques ont démontré par elles-mêmes leur caractère optimal. Penser en termes d ordre et de symétrie ne nécessite pas une explication mythique. Ceci reflète l expérience de production dans la société. Dès que cette expérience s est renforcée elle-même jusqu à permettre à la régularité d acquérir une valeur esthétique, alors de nouvelles formes, dans un certain sens ordonnées, ont pu être créées, sans qu il y ait une urgence matérielle, immédiate et incontournable, qui les demande. Dans ce processus, la pensée mathématique se développe pas à pas, c est-à-dire la capacité de créer des formes pensables ou imaginables. Exemples de sona Figure

121 L ethnomathématique en Afrique Un exemple d exploration géométrique, reconstruction et potentiel Un exemple très intéressant en Afrique de la création de formes imaginables est l émergence de la géométrie «sona». Cette tradition a été surtout développée parmi les Cokwe (Chokwe, Tshokwe) de l Angola du Nord-est. La culture Cokwe est réputée pour son art décoratif, y compris les dessins faits dans le sable appelés sona (singulier : lusona). Chaque garçon apprenait la signification et l exécution des sona les plus faciles. Par contre, les plus compliqués n étaient connus et développés que par peu d experts. Il y avait des conteurs qui utilisaient les sona comme des illustrations. Les dessins étaient exécutés rapidement de la manière suivante : après avoir nettoyé et lissé le sol, les experts en dessin fixaient d abord avec les bouts de leurs doigts un réseau de points équidistants et traçaient ensuite une figure linéaire qui entoure les points du réseau. Une fois dessinés, les motifs étaient en général balayés immédiatement. Le commerce des esclaves, la pénétration et l occupation coloniale ont provoqué la perte d une grande partie des connaissances sur les sona 3. La Figure 6.11 présente quelques exemples de sona relativement faciles. L algorithme utilisé pour leur construction semble avoir été dérivé du tressage des nattes. Exemples de sona mono-linéaires symétriques Figure 6.12 Comme le suggèrent les exemples de sona sur la Figure 6.12, la symétrie et la monolinearité ont joué un rôle important en tant que valeurs culturelles : la plupart des dessins sont symétriques et/ou monolinéaire. Monolinéaire veut dire être composé d une seule ligne (lisse) ; une partie de la ligne peut croiser une autre partie de la ligne, 3 Sur la base de l analyse des sona rapportés par les missionnaires, les administrateurs coloniaux et les ethnographes, il est possible de reconstruire des éléments mathématiques dans la tradition sona (GERDES 1993/4, 1995b, 1997a voir ASCHER 1991, KUBIK 1988). 119

122 Paulus Gerdes mais une partie de la ligne ne peut jamais toucher une autre partie de la ligne. Deux sona mono-linéaires symétriques appartenant à la même classe Figure 6.13 Les experts en dessin ont développé toute une série d algorithmes géométriques pour la construction de motifs symétriques monolinéaires. La Figure 6.13 montre deux sona monolinéaires appartenant à la même classe dans le sens qu en dépit des dimensions différentes des grilles sous-jacentes aux deux sona sont dessinés en appliquant le même algorithme géométrique. Les experts en dessin ont également inventé différentes règles pour construire des sona monolinéaires. La Figure 6.14 montre un exemple de l usage d une règle de chaînage. On y indique comment l apparence du dessin monolinéaire sur la Figure 6.14c peut être expliquée sur la base de la mono linéarité des deux motifs sur la Figure 6.14a et de la manière dont ils ont été enchaînés ensemble (voir la Figure 6.14b). a b c 120 Diagramme de l application d une règle de chaînage Figure 6.14

123 L ethnomathématique en Afrique Plusieurs sona mentionnés dans la littérature ne sont clairement pas conformes aux valeurs culturelles. Parfois, la symétrie ou la monolinearité a été brisée afin de donner au dessin une signification spécifique. Plus souvent, il s agirait de fautes ou d erreurs. Certains experts en dessin ont pu commettre des fautes, car ils ont été contactés lorsqu ils étaient déjà vieux. Il peut s agir d erreurs dans la transmission de la connaissance sona d une génération à l autre ou de fautes de la part de l observateur, qui avait peu de temps pour faire ses copies, puisque les dessins étaient normalement effacés immédiatement après la fin de l histoire. L effacement a pu être un moyen de protéger la connaissance. Dans ce cas, certaines fautes dans la transmission de sona peuvent être une expression de résistance culturelle : les experts en dessin ont pu faire consciemment des fautes pour tromper l observateur l homme «blanc», associé au commerce d esclaves, à l administration coloniale et au christianisme. Après avoir reconstruit certains éléments de la tradition sona (Gerdes 1993/4, 1995b, 1997a ; voir Ascher 1991, Kubik 1988), il est devenu possible d essayer d explorer son potentiel géométrique, à la fois dans l éducation mathématique (voir Gerdes 1990b, 1997b, 2002a) et dans la construction de la théorie mathématique. Mon expérience personnelle de recherche m a appris que les sona représentent un champ très fertile pour d autres explorations mathématiques. J ai été conduit successivement à la découverte et à l analyse des courbes en miroir, des motifs lunda (voir les deux exemples sur la Figure 6.15) et de la symétrie lunda 1, des motifs Liki (Gerdes 2002b) et des différents nouveaux types de structures algébriques comme les matrices cycliques périodiques et les matricescylindre, -hélice et -échiquier (Gerdes 2002b, c, d, e). Robert Lange a créé des carreaux sona à l Université Brandeis (Massachusetts, Etats- Unis). Franco Favilli et ses étudiants de l Université de Pise (Italie) sont en train de développer un logiciel pour les sona. Il est probable que les nouveaux chercheurs abordant le sujet produiront rapidement bien plus de résultats intéressants. Le potentiel éducatif et scientifique des sona démontre en outre la force imaginative et la créativité des experts en dessin Cokwe et la profondeur de la connaissance mathématique qu ils ont commencé à édifier. Ceci fait un contraste tranchant avec ce qu un ethnographe de 1. Pour une introduction, voir GERDES 1999, chapitre

124 Paulus Gerdes la période coloniale a écrit sur la connaissance mathématique des Cokwe. Il a décrit quelques rudiments d arithmétique, de calcul du temps et de vocabulaire géométrique (ligne, courbe, point, etc.), mais a suggéré que les Cokwe n eussent pas de connaissances mathématiques (Santos 1960). Le même auteur a cependant publié une étude intéressante sur les sona (Santos 1961). Apparemment, il n a vu aucune relation entre les sona et les mathématiques. Son évaluation reflète l horizon de sa formation ethnographique et son éducation scolaire dans le domaine des mathématiques en métropole. Cet exemple peut servir à poser la question importante : qui définit une activité, une idée ou une théorie comme mathématique. Qui définit «Qu est-ce la pensée mathématique?»? Que peut-on dire sur le fond socioculturel de l auteur? En parlant dans les réunions professionnelles des mathématiciens, j ai constaté que les aspects mathématiques et le potentiel du sona étaient appréciés et absorbés rapidement par la communauté mathématique internationale. 122 Exemples des motifs lunda Figure 6.15 L intelligibilité interculturelle de la pensée mathématique Les idées géométriques sont développées dans divers contextes culturels, suivant parfois des voies différentes, parfois des voies parallèles. Le raisonnement peut présenter des différences, mais manifeste souvent de fortes similitudes, peut-être surprenantes,

125 L ethnomathématique en Afrique reflétant la constitution spécifique des êtres humains et ce qui est similaire dans les contextes où ils vivent. Ayant été élevé dans plusieurs contextes culturels, un chercheur (ou même tout être humain) peut avoir développé une certaine aptitude pour les idées mathématiques. De la même manière que tout musicien (ou même tout être humain) peut développer une certaine compréhension et un goût pour l expression musicale, et que tout linguiste (ou même tout être humain) peut développer une certaine compréhension et une reconnaissance des phénomènes concernant le langage. Dans ce sens, la pensée mathématique est tout aussi généralement humaine que l utilisation d une langue ou une activité musicale (jouer ou écouter). Le goût pour est le résultat d un processus d enculturation mathématique spécifique à une culture (voir Bishop, 1988). Dans une perspective ethnomathématique, les mathématiques deviennent le produit de toutes les cultures, l expérience des mathématiques scolaires d un chercheur n étant qu une des formes de l expérience mathématique. Les mathématiques ne sont pas le produit d une sphère culturelle particulière ( occidentale ), mais une expérience humaine commune. Dans le processus de l étude des idées mathématiques dans différents contextes culturels, la compréhension de ce que sont les mathématiques (ou mieux de ce qui constitue l activité mathématique) peut être approfondie. La pensée mathématique n est intelligible que sur le plan interculturel. La valeur socio-pédagogique de l ethnomathématique Dans «Éduquer ou périr» Joseph Ki-Zerbo souligne la nécessité pour l Afrique de nouveaux systèmes d éducation, enracinés proprement à la fois dans la société et l environnement, et pouvant de ce fait générer la confiance en soi d où jaillit l imagination (1990, 104). Je voudrais conclure cet article par une courte remarque sur la valeur socio-pédagogique de l ethnomathématique : chaque culture présente ses propres points de départ qui rendront plus facile l apprentissage : c est comparable au fait qu une personne est plus à l aise dans sa langue maternelle. Même si, sur le plan global la pensée mathématique a des traits communs à tous les êtres humains. L éducation des enseignants joue un rôle crucial dans ce processus. En réfléchissant sur notre pratique de l éducation des 123

126 Paulus Gerdes enseignants de mathématiques après l indépendance du Mozambique, nous avons suggéré quelques dimensions relationnées du développement d une conscience parmi les enseignants de mathématiques concernant les bases sociales et culturelles des mathématiques et l éducation mathématique (Gerdes 1998b). On peut énumérer brièvement : (a) la conscience de mathématiques en tant qu activité universelle, (b) la conscience du développement multilinéaire des mathématiques, (c) la conscience des mathématiques et de l éducation mathématique en tant que processus socioculturels et (d) la conscience du potentiel mathématique des élèves. Il est particulièrement important que les enseignants ne s habituent jamais à sous-estimer les capacités, le savoir-faire et la sagesse de leurs élèves et des communautés dont ces élèves font partie. Les gens peuvent se trouver en train de faire des mathématiques, engagés dans une forme de pensée qui implique des processus mathématiques, sans qu ils appellent eux-mêmes leur activité mathématique ; ils peuvent même dire qu ils ne connaissent pas les mathématiques ou qu ils sont incapables d en faire. Les enseignants qui deviennent conscients de ces phénomènes et des raisons qui les expliquent, n accepteront pas des allégations comme «peur des mathématiques» et «je n ai pas de compétence mathématique» comme naturelles, normales ou insurmontables lorsqu elles viennent des élèves ou de leurs parents. Au contraire, l enseignant essaiera de situer ces allégations dans leur contexte social, culturel et historique, car il est motivé pour les affronter à travers son activité et son attitude afin de mettre en valeur le fond culturel des élèves. BIBLIOGRAPHIE ASCHER, Marcia, Ethnomathematics: a Multicultural View of Mathematical Ideas, Pacific Grove Ca., Brooks & Cole ASCHER, Marcia et ASCHER, Robert, Code of the Quipu: a Study in Media, Mathematics, and Culture, Ann Arbor, University of Michigan Press BAZIN, Maurice, Ensinar matemática e ciência indígena ou como aprendi do povo tuyuka (manuscrit),

127 L ethnomathématique en Afrique CARRAHER, Teresa, CARRAHER, David et SCHLIEMANN, Analúcia, «Written and oral mathematics», Journal of Research in Mathematics Education, 8, 1987, p BISHOP, Alan, Mathematical Enculturation: a Cultural Perspective on Mathematics Education, Dordrecht, Kluwer D AMBROSIO, Ubiratan, «Ethnomathematics and its place in the history and pedagogy of mathematics», For the Learning of Mathematics, Montréal, 5(1), 1985, p D AMBROSIO, Ubiratan, Etnomatemática: arte ou técnica de explicar e conhecer, São Paulo, Editora Ática EGLASH, Ron, African Fractals: Modern Computing and Indigenous Design, Piscataway, Rutgers University Press GAY, John et COLE, Michael, The New Mathematics and an Old Culture, a Study of Learning among the Kpelle of Liberia, New York: Holt, Rinehart & Winston GERDES, Paulus, Ethnogeometrie. Kulturanthropologische Beiträge zur Genese und Didaktik der Geometrie, Bad Salzdetfurth, Verlag Franzbecker 1990a (2 e édition 2002). Vivendo a matematica: desenhos da África, São Paulo, Editora Scipione 1990b. Sobre o despertar do pensamento geométrico, Curitiba, Universidade Federal de Paraná 1992a. Etnomatemática: Cultura, Matemática, Educação, Maputo, Universidade Pedagógica 1992b. L ethnomathématique comme nouveau domaine de recherche en Afrique: quelques réflexions et expériences du Mozambique, Maputo, Universidade Pedagógica Geometria Sona: Reflexões sobre uma tradição de desenho em povos da África ao Sul do Equador, Maputo, Universidade Pedagógica 1993/4 (3 volumes). Ethnomathematics and Education in Africa, Stockholm, University of Stockholm Institute of International Education 1995a. Une tradition géométrique en Afrique. Les dessins sur le sable, Paris, L Harmattan 1995b (3 volumes: Analyse et reconstruction, Exploration éducative et mathématique, Analyse 125

128 Paulus Gerdes comparative). Femmes et Géométrie en Afrique Australe, Paris, L Harmattan Ethnomathematik dargestellt am Beispiel der Sona Geometrie, Heidelberg, Spektrum Verlag 1997a. Recréations géométriques d Afrique Lusona Geometrical recreations of Africa, Paris, L Harmattan 1997b. Women, Art and Geometry in Southern Africa, Lawrenceville NJ, Africa World Press 1998a. «Culture and mathematics teacher education», Journal of Mathematics Teacher Education, 1(1), 1998b, p Geometry from Africa: Mathematical and Educational Explorations, Washington DC, The Mathematical Association of America Le cercle et le carré: Créativité géométrique, artistique, et symbolique de vannières et vanniers d Afrique, d Amérique, d Asie et d Océanie, Paris, L Harmattan Lusona: recreações geométricas de África, Maputo, Moçambique Editora et Lisbonne, Texto Editora 2002a. «From Liki-designs to cycle matrices», Visual Mathematics, 2002b, 4(1) ( «Helix matrices», Visual Mathematics, 2002c, 4(2) ( «Cylinder matrices», Visual Mathematics, 2002d 4(2) ( A note on chessboard matrices, Visual Mathematics, 2002e 4(3) ( Visual Mathematics, 5(1) ( Sipatsi: Cestaria e Geometria na Cultura Tonga de Inhambane, Maputo, Moçambique Editora 2003a. «Plaited strip patterns on Tonga handbags in Inhambane (Mozambique) An update, Visual Mathematics, 5(1), Belgrad 2003b ( 126

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130 Paulus Gerdes POWELL, Arthur B. et FRANKENSTEIN, Marilyn (éds), Ethnomathematics: Challenging Eurocentrism in Mathematics Education, New York, State University of New York Press SANTOS, Eduardo dos, «Sobre a matemática dos Quiocos de Angola», Garcia da Orta, 3(2), 1960, p «Contribuição para o estudo das pictografias e ideogramas dos Quiocos», Estudos sobre a etnologia do ultramar português, 2, 1961, p ZASLAVSKY, Claudia, Africa Counts: Number and Pattern in African Culture, Prindle, Weber and Schmidt, Boston 1973 (édition nouvelle: Brooklyn, NY, Lawrence Hill Books 1999). En Français: L Afrique Compte! Nombres, formes et démarches dans la culture africaine, Paris, Éditions Du Choix, «Mathematics in Africa: Explicit and implicit», dans I. GRATTAN-GUINNESS (éd.), Companion Encyclopedia of the History and Philosophy of the Mathematical Sciences, Londres, Routledge, 1994, p

131 L ethnomathématique en Afrique Chapitre 7 Paroles, gestes et symboles 1 Le continent africain est riche en moyens de compter très variés Au cours des âges, les peuples de l Afrique subsaharienne ont inventé, par centaines, des systèmes cohérents de numération. Comme dans le reste du monde, ils ont découvert qu il est extrêmement difficile de compter et de calculer si l on utilise un mot, ou un symbole, complètement différent pour chaque quantité, c est-à-dire pour chaque nombre. Ces systèmes divers se divisent en trois catégories : systèmes parlés, systèmes gestuels et systèmes symboliques utilisant des parties du corps ou des objets pour désigner les nombres. Au lieu d inventer un mot pour chaque nombre, on compose le plus souvent de nouveaux mots à partir de ceux désignant les nombres de base, en utilisant leurs relations arithmétiques. Il existe de nombreux exemples de ce procédé dans les systèmes africains parlés de numération. Dans la langue makhuwa du nord du Mozambique, ce sont les mots «thanu» (5) et «nloko» (10) qui constituent la base du système de numération. Ainsi le 6 se dit «thanu na moza» (5 plus un) et 7 «thanu na pili» (5 plus deux). 20 se dit «miloko mili» (dix fois deux) et 30 «miloko miraru» (dix fois trois). Les bases de numération les plus communes sont 10, 5 et 20, combinés ou séparément. Une autre langue du Mozambique, le nyungwe, n utilise que la base 10, alors que le balante de Guinée- 1 Collaboration de Marcos Cherinda. Publié (sans figures) dans: Le Courrier de l UNESCO, Numéro spécial Naissance des Nombres : Comptes et Légendes, Paris, Novembre 1993,

132 Paulus Gerdes Bissau ne connaît que les bases 5 et 20. La langue bété de Côted Ivoire utilise les trois bases 5, 10 et 20. Cela donne, pour dire 56, par exemple, «golosso-ya-kogbo-gbeplo», soit, «20 fois 2 plus 10 (et) 5 (et) 1». Les Bambara du Mali et de la Guinée ont un système fondé sur le 10 et le 20 dans lequel le mot vingt, «mugan», signifie «une personne» et le mot quarante, «debé», désigne aussi la natte sur laquelle dorment mari et femme, qui possèdent chacun dix doigts et dix orteils. Les Boulanda d Afrique de l Ouest ont un système à base 6, si bien que 7 se dit ; 8, 6 + 2, etc. Le système des Adeles est un peu plus compliqué : 6 se dit «koro» ; 7 «koroke» (6 + 1 = 7) ; 8 «nye» et 9 «nyeki» (8 + 1 = 9). Chez les Houkou d Ouganda, on forme les mots correspondant à 13, 14, 15, en ajoutant 1, 2, 3 à la base 12 : ainsi «bakumba igimo» (13), signifie en fait 12 plus un. Mais on peut utiliser aussi la base décimale, , 4, 5, etc. L avantage d utiliser une base aussi petite que 5 est que cela facilite le calcul oral ou mental. Par exemple, équivaut dans ce système à (5 + 2) plus (5 + 3). Comme = 5, on arrive facilement à trouver comme équivalent , soit ou encore 3 fois 5. Le principe de duplication Un cas particulier de numération par addition est celui où l on est en présence de deux nombres égaux ou de deux nombres égaux à l unité prés. Par exemple, les Mbai comptent de 6 à 9 de la manière suivante : «mutu muta» (3 + 3), «sa do muta» (4 + 3), 2soso» (4 + 4) et «sa dio mi» (4 + 5). Chez les Sango du nord du Congo, 7 se dit «na na-thatu» (4 + 3), «mnana» (4 + 4) et 9 «sano na-na» (5 + 4). L utilisation du principe duplicateur pour former les nombres de 6 `9 pourrait s expliquer par le souci de faciliter le calcul mental, et en particulier la multiplication par deux. Par exemple, si l on ignore le réponse, deux fois sept équivaut à 4 + 3, mais comme = 10, la réponse peut se dire aussi Il existe depuis toujours en Afrique subsaharienne une solide tradition de calcul mental, et les opérations de multiplication orale et mentale étaient souvent (et sont encore dans certains cas) fondés sur la duplication à répétition. D autres langues africaines n utilisent pas seulement l addition et 130

133 L ethnomathématique en Afrique la multiplication, mais aussi la soustraction pour former les noms de nombres. Ainsi les Yorouba du Nigéria utilisent pour dire 16 l expression «eerin din logun», qui signifie «quatre avant vingt», alors que chez les Louba-Hemba du Congo sept se dit «habulwa mwanda» («un avant huit») et neuf «habulwa likuni» («un avant huit»). Les systèmes oraux de numération peuvent varier considérablement à l intérieur d un espace géographique très restreint. En Guinée-Bissau, le système décimal des Bijago côtoie celui à base 5 et 20 des Balante ; les Manjaco utilisent un système décimal comportant exceptionnellement des mots composés comme pour 7 et pour 9 ; quant aux Feloup, ils emploient un système à bases 10 et 20 qui sert également du principe duplicateur dans des formes comme pour 7 ou pour 8. Les mots désignant les nombres peuvent être des adjectifs ou des substantifs, si bien que les structures verbales désignant les nombres sont parfois des formes composites qui incluent plusieurs opérations arithmétiques. Ainsi dans la langue Tswa du centre du Mozambique, 60 se dit «thlanu wa maluma ni ginwe», ce qui signifie «cinq fois dix (multiplication) plus une fois (dix) (addition)». Pour les nombres les plus importants, on a fréquemment recours soit à des mots entièrement nouveaux, soit à des termes plus ou moins dérivés de la base de numération. Ainsi les Bangongo du Congo disent «kama» (100), «lobombo» (1000), «njuku» (10 000), «lukuli» ( ), alors que les Ziba de la République-Unie de Tanzanie emploient pour les mêmes nombres les mots «tsi-kumi», «lukumi» et «kukumi», qui sont évidemment tous composés à partir de «kumi» (10). Compter par gestes Beaucoup d Africains comptent par gestes. Les Yao du Malawi et du Mozambique désignent du pouce de la main droite 1, 2, 3 ou 4 doigts tendus de la main gauche pour représenter les nombres correspondants. Le poing fermé représente le nombre 5 auquel on ajoute un, deux, trois, quatre doigts de la main droite pour exprimer 6, 7, 8 et 9. Dix est représenté par les doigts des deux mains jointes (Figure 7.1). 131

134 Paulus Gerdes Le comptage Yao Figure 7.1 En revanche chez les Makondé du nord du Mozambique, on compte sur les doigts de la main droite avec l index de la main gauche pour les nombres 1 à 4, le poing fermé signifiant 5. On procède de façon symétrique, en inversant le rôle des mains, pour les nombres de 6 à 9, les deux poings fermés signifiant 10 (Figure 7.2).

135 L ethnomathématique en Afrique Le comptage makondé Figure 7.2 Les Chambaa de la République-Unie de Tanzanie et du Kenya utilisent le principe duplicateur pour compter par gestes, c est-à-dire 133

136 Paulus Gerdes qu ils utilisent les deux mains à la fois : deux fois 3 doigts tendus pour 6 ; 4 et 3 pour 7 ; 4 et 4 pour 8 (Figure 7.3) Le comptage chambaa Figure

137 L ethnomathématique en Afrique Pour les nombres supérieurs à 10, les Sotho du Lesotho utilisent plusieurs personnes pour représenter les centaines, les dizaines et les unités. Pour le nombre 368, par exemple, un premier individu tend 3 doigts de la main gauche pour signifier 300, le deuxième le pouce de sa main droite pour signifier six fois dix, et le troisième 3 doigts de la main gauche, ce qui signifie 8 (Figure 7.4). C est donc un système de comptage par position puisque chaque personne représente les unités, les centaines, etc., en fonction de la place qu elle occupe. La représentation de 368 par les Sotho Figure 7.4 La fréquence des bases 5 et 10 est peut-être liée à la pratique du calcul digital. Mais l existence de bases de calcul permettait aussi de compter plus vite. Ainsi les vanniers makondé comptent par 4 et non 1 par 1 les brins d osier qui forment le fond de leurs paniers (Figure 7.5) Comptage par groupes de quatre Figure

138 Paulus Gerdes Systèmes d entaille Les systèmes d entaille sont d usage courant en Afrique subsaharienne. Au Mozambique, les jeunes Chuabo utilisent le système suivant quand ils jouent au football. Ils ôtent la nervure centrale d une feuille de cocotier, et chaque équipe reçoit l une des deux moitiés de la feuille, dites «mulobuó». Chaque fois qu une équipe marque un but, elle fait un pli à son «mulobuó» (Figure 7.6). A la fin de la partie, il suffit de compter les plis, ou de comparer la longueur des feuilles, pour savoir qui a gagné. 136 Le «mulobuó» Figure 7.6 Chez les Tswa, toujours au Mozambique, on utilise les arbres pour se remémorer l âge des enfants. A chaque naissance, on pratique une entaille dans un arbre et une entaille supplémentaire chaque année jusqu à ce que l enfant soit assez grand pour savoir compter. On utilise aussi ce système d encoches sur une tige pour compter les têtes de bétail. Les Makondé, eux, préfèrent faire des nœuds sur des cordelettes (Figure 7.7). Un mari qui part en voyage pour onze jours présente à sa femme une cordelette avec 11 nœuds et lui dit : «Ce nœud-là (il le touche), c est aujourd hui, et je m en vais ; demain (il touche le deuxième nœud), je serai en route et j aurai encore 2 jours de voyage ; mais ce jour-là (il saisit le cinquième nœud) je serai arrivé. Je resterai là-bas le sixième jour, et je m en retournerai le septième. N oublie pas, femme, de défaire un nœud chaque jour, car le dixième jour tu auras à préparer le repas pour mon retour le lendemain.» Ce système des nœuds était aussi utilisé par les femmes enceintes qui comptaient ainsi le retour de la pleine lune pour savoir quand elles allaient accoucher, et également pour connaître l âge des gens. Sur une première cordelette, on faisait un nœud la première nuit de la pleine lune, et lorsqu on arrivait au douzième nœud, on faisait un nœud sur une deuxième

139 cordelette pour comptabiliser les années. L ethnomathématique en Afrique Écrit sur le sable Une cordelette avec des nœuds Figure 7.7 Certains peuples d Afrique subsaharienne pratiquent une forme d «écriture» des chiffres. Chez les (Bu)Shongo (dans l est du Congo), on compte simultanément par 3 e par 10. C est-à-dire qu on effleurait le sable avec 3 doigts pour indiquer 3 objets. Après avoir ainsi tracé 3 fois 3 bâtons dans le sable, un trait plus long pour l objet suivant indiquait qu on était arrivé à 10 (Voir un exemple dans la Figure 7.8). Représentation de 36 objets Figure 7.8 Les Fulani ou Fulbe (Peul), pasteurs semi-nomades du Niger et du Nigéria septentrional, placent, dans un certain ordre, des bâtons sur le seuil de leur demeure pour indiquer l importance de leur troupeau. Aux bâtonnets disposés en V équivalent à 100 têtes de bétail, en X à 50 têtes (Figure 7.9). Les bâtonnets verticaux représentent les unités et les bâtonnets horizontaux les dizaines. Le symbole suivant, figurant sur le seuil d un riche propriétaire, VVVVVVXII, signifie qu il possède 652 vaches. 137

140 Paulus Gerdes Le comptage peul Figure 7.9 Les Akan/Achanti de Côte d Ivoire, du Ghana et du Togo, utilisaient des figurines de pierre, ou de métal, ou simplement des grains, comme unités monétaires, le poids de chaque figurine étant censé correspondre à l équivalent en poudre d or. Ces figurines représentent des animaux, des nœuds, des outils, des sandales, des tambours, et parfois des motifs géométriques : étoiles, cubes ou pyramides à degrés. Bon nombre d entre elles présentent des signes gravés correspondant à des chiffres (Figure 7.10). Bien que les langues parlées par les Achanti n utilisent que la base 10, leurs poids monétaires utilisent également la base 5 : 5 = 6 = = 7 = = et 8 = = 9 = = 9 = = 138

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