Les mauvais traitements psychologiques caractérisés par des conflits entre les parents en contexte de Centre Jeunesse

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1 Les mauvais traitements psychologiques caractérisés par des conflits entre les parents en contexte de Centre Jeunesse Mémoire doctoral Marie-Hélène Fauteux Doctorat en psychologie Docteure en psychologie (D.Psy) Québec, Canada Marie-Hélène Fauteux, 2013 i

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3 Résumé Au Québec, depuis 2007, il est possible de retenir un signalement à la protection de la jeunesse pour motif de mauvais traitements psychologiques. Actuellement, la façon dont on a opérationnalisé et balisé les manifestations de mauvais traitements psychologiques permet aux intervenants de la protection de la jeunesse de considérer que certaines formes de conflits parentaux constituent en soi des mauvais traitements psychologiques envers les enfants. La présente étude a pour objectif de décrire 23 situations familiales qui ont été évaluées en contexte de protection de la jeunesse et pour lesquelles l évaluation psychosociale fait ressortir la présence de conflits de couple ou de séparation qui sont qualifiés de mauvais traitements psychologiques envers le ou les enfant(s). Plus spécifiquement, les dynamiques familiales sont décrites en fonction des variables suivantes: 1) les difficultés sociales ou personnelles des parents; 2) l exercice de la coparentalité; 3) la présence de violence pendant la vie conjugale, que ce soit sous forme de violence commune ou de dynamiques de contrôle et de pouvoir, et l impact du type de violence sur le conflit après la rupture; 4) la présence de triangulation et de conflit de loyauté chez les enfants et 5) l impact de la situation conflictuelle sur les enfants, en termes de préjudice à leur développement psychologique, social et affectif et du maintien de leur relation avec leurs parents. Les liens entre les variables découlant de la description des situations familiales sont explorés et décrits. Parmi ces variables, le manque d objectivité de la perception parentale se présente systématiquement en présence d autres variables de l analyse : difficultés de fonctionnement relationnel de certains parents; coparentalité hostile ou désengagée; présence de triangulation et de conflit de loyauté. Le manque d objectivité semble aussi associé à la chronicité et à la sévérité du conflit entre les parents ainsi qu à l impact du conflit sur les enfants. La présence élevée, dans l échantillon à l étude, d indices découlant du conflit parental et associés, dans la littérature, à un risque élevé pour les enfants sur le plan adaptatif, incite à adopter la perspective de la protection de la jeunesse et de considérer que certains conflits intenses et chroniques constituent en soi une forme de mauvais traitements psychologiques. iii

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5 Remerciements Je tiens avant tout à remercier les intervenants à la protection de la jeunesse qui ont tous accepté, malgré leur horaire chargé, de s engager à témoigner, pour cette recherche, du travail qu ils accomplissent auprès des familles. J ai pu constater avec admiration le professionnalisme et l humanité avec lequel ils abordent l évaluation des situations familiales. Je veux aussi remercier Marie-Hélène Gagné, ma superviseure de recherche, qui m a accompagnée dans le parcours parfois sinueux que constitue une analyse qualitative. Merci de m avoir permis de me joindre à cette recherche dès la cueillette de données. Merci pour tes patientes et rigoureuses annotations et commentaires, qui m ont permis de garder le cap. Merci aussi à Véronique, qui m a assisté avec beaucoup d intelligence dans la codification des vignettes et dans la catégorisation. Ce mémoire doctoral n aurait pu être mené à son terme sans le support de personnes chères. Un merci tout spécial à mon conjoint, Nicolas, qui m a supporté tout au long des hauts et des bas de ce cheminement. Merci à mes filles, Capucine et Éliane. Votre présence dans ma vie m a servi de moteur au cours des quatre dernières années. Je vous aime. Merci à mon père et à ma mère pour les multiples coups de main qui ont aussi aidé à rendre tout ça possible. Merci à mes frères François et Nicolas pour votre dernière relecture. Merci à mes sœurs pour vos encouragements. Merci à mes superviseurs de clinique, Claire Baudry, Jean Brin, Louis Boivin, Joanne Tendland, François Faucher. Vous m avez tous apporté des idées, des couleurs, qui m ont permis d affiner mon regard et ma sensibilité clinique. Merci aux collègues du labo. Merci à Karine, Sonia, Marie-Ève, Francis, Thomas, les amis du labo d à côté. Ça a été bien de vous savoir pas loin, de vous entendre rigoler, de savoir que je peux prendre une pause, pour sortir des histoires de conflit, pour décompresser. Merci à mes amies Emmanuelle, Sabrina, Isabelle, à mon ami Sébastien, fidèles au poste pour un p tit café, des confidences, des états d âme... Le doctorat restera une expérience mémorable, grâce à vous. v

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7 Table des matières Résumé... iii Remerciements... v Table des matières... vii Introduction... 1 Chapitre 1 : Problématique... 3 Conflit de couple et de séparation : Mise en contexte... 7 Conflits de couple, séparation et adaptation de l enfant... 8 Taux de séparation et de divorce... 9 La séparation et le conflit en contexte de protection de la jeunesse... 9 Trajectoires conflictuelles post-séparation Circonscrire le lien entre mauvais traitements psychologiques et conflits parentaux Question et objectifs de recherche Chapitre 2 : Méthodologie Contexte Échantillon Source de données Procédures Stratégie d analyse qualitative Chapitre 3 : Résultats et discussion Description des parents Relation entre les variables décrivant les parents Comportement de l enfant dans la dynamique conflictuelle Relation entre les variables décrivant les parents et la réaction des enfants Lien entre conflit parental et maltraitance psychologique Synthèse des résultats Forces et limites de l étude Conclusion et retombées cliniques Références Annexes vii

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9 Liste des tableaux Tableau 1: Unions antérieures et recomposition familiale Tableau 2:Temps écoulé depuis la rupture Tableau 3: Personne qui assume la garde de l'enfant au quotidien ou, si l'enfant est placé, qui en assumerait la garde au quotidien Tableau 4: répartition des motifs de signalement retenus pour l'ensemble de tous les signalements recensés dans les 23 situations familiales Tableau 5: Répartition des capacités parentales au sein des couples parentaux Tableau 6: Caractéristiques des intervenants Tableau 7: Description du processus d'évaluation (n=23) Tableau 8: Difficultés liées au fonctionnement relationnel des parents Tableau 9: Répartition des difficultés liées au fonctionnement relationnel des parents au sein des couples parentaux Tableau 10: Dynamiques de violence conjugale en fonction du sexe et du rôle joué dans la dynamique Tableau 11: Répartition des couples parentaux en fonction de leur style et du sous-type de coparentalité exercé Tableau 12: Perception du parent envers l'autre parent Tableau 13: Répartition de l'objectivité des parents au sein des couples parentaux Tableau 14: Dynamiques de violence conjugale et difficultés liées au fonctionnement relationnel des parents Tableau 15: Objectivité et difficultés de fonctionnement relationnel des parents Tableau 16: Coparentalité et perception des parents Tableau 17: Objectivité des parents et temps écoulé depuis la rupture Tableau 18: Sous-type de coparentalité en fonction du temps écoulé depuis la rupture Tableau 19: Maintien de la relation parent-enfant Tableau 20: Répartition des enfants qui ont développé un conflit de loyauté en fonction de la présence d'objectivité chez les parents Tableau 21: Facteurs associés à un risque accru d'impact du conflit parental sur le développement de l'enfant ix

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11 Introduction Les parents de J, une fille de 8 ans, sont séparés depuis qu elle a 4 ans. Depuis la séparation, c est la guerre entre ses parents. Lors des visites à leur père, une fin de semaine sur deux, l échange des enfants se tient à la maison de la famille. Les parents communiquent uniquement par écrit, à l aide d un journal, afin d éviter les conflits lorsqu ils se parlent. Le père de J. lui dit fréquemment, à elle et à son jeune frère de 5 ans, que sa mère les néglige, qu elle garde contact avec eux uniquement pour l argent de la pension alimentaire. Lorsque les enfants reviennent d une fin de semaine passée chez leur père, leur mère les questionne; elle semble inquiète et tente d obtenir tous les détails des moments passés avec leur père, des gens qu ils ont rencontrés, des mots et des gestes de leur père. Lorsque les enfants se réjouissent des bons moments passés avec leur père, leur mère ne semble pas se réjouir avec eux; elle se renferme, semble triste. Le père se bat depuis des années pour obtenir la garde complète des enfants. Il note toute information qui pourrait nuire à la mère et à ses droits de garde. Au cours de leur dernière visite, il a demandé aux enfants de raconter, devant la caméra, un épisode au cours duquel leur mère a «été méchante avec eux», une fois où elle a crié fort. En contexte de protection de la jeunesse, les situations familiales semblables à celle de J. peuvent être considérées comme une forme de mauvais traitements psychologiques envers l enfant. Elles correspondent à un profil de fonctionnement familial proposé par Malo et Gagné (2005) dans leur guide de soutien à l évaluation du risque de mauvais traitements psychologiques envers les enfants, sous le titre des «feux croisés». Dans ces situations, l enfant se retrouve témoin, pris à partie ou même utilisé lors de la communication négative entre les parents. Ce type de fonctionnement psychologiquement maltraitant a été intégré au guide de Malo et Gagné suite à des discussions avec les intervenants jeunesse, à partir de l expérience clinique de ceux-ci. Cependant, contrairement aux 4 autres profils identifiés dans le guide, il n avait pas été validé scientifiquement. La présente étude dépeint comment se présentent les situations familiales qui sont évaluées en contexte de protection de la jeunesse pour motif de «mauvais traitements psychologiques» caractérisés par des conflits entre les parents. Cette étude clarifie le lien entre les mauvais traitements psychologiques et les conflits de couple ou de séparation. Elle décrit les interactions présentes au sein de ces situations familiales et explore les processus par lequel les conflits qui y sont présents pourraient entraver le développement des enfants qui y vivent. Elle propose des pistes d intervention et de prévention dans ce domaine. 1

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13 Chapitre 1 Problématique Conflit de couple et maltraitance psychologique envers les enfants Les liens entre les mauvais traitements psychologiques faits aux enfants et les conflits entre les parents peuvent être analysés sous un angle conceptuel ou un angle empirique. Dans le cas de l angle empirique, on conçoit le conflit de couple et la violence envers l enfant comme deux éléments distincts d adversité familiale, qui peuvent coexister et même s alimenter l un l autre ou interagir sur divers aspects du développement, de l adaptation ou de la santé de l enfant. Cette perspective est illustrée, dans l étude de Gagné, Drapeau, Melançon, Saint-Jacques et Lépine (2007), où les conflits parentaux et les conduites parentales psychologiquement violentes sont conceptualisés comme deux variables distinctes, toutefois associées, susceptibles de contribuer toutes les deux aux difficultés d adaptation de l enfant. Lorsque des conflits parentaux intenses perdurent dans le temps et perturbent plus sérieusement l enfant qui y est exposé, le conflit comme tel peut être conceptualisé comme une manifestation de maltraitance psychologique envers l enfant. Sur ce plan, les manifestations de conflit de couple ou de séparation en viennent à faire partie de la définition opérationnelle du mauvais traitement psychologique. C est la perspective adoptée par le système québécois de protection de la jeunesse, pas tellement dans le libellé de la loi mais dans la manière dont, en pratique, on a opérationnalisé et balisé les manifestations de mauvais traitements psychologiques. En effet, l article 38 c de la Loi sur la Protection de la Jeunesse (LPJ) définit comme suit les mauvais traitements psychologiques : Lorsque l'enfant subit, de façon grave ou continue, des comportements de nature à lui causer un préjudice de la part de ses parents ou d'une autre personne et que ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation. Ces comportements se traduisent notamment par de l'indifférence, du dénigrement, du rejet affectif, de l'isolement, des menaces, de l'exploitation, entre autres si l'enfant est forcé à faire un travail disproportionné par rapport à ses capacités, ou par l'exposition à la violence conjugale ou familiale (Québec, 2010). L exposition aux conflits parentaux n est pas normée explicitement dans cette définition. Dans la pratique, toutefois, lorsqu il est jugé que le conflit parental risque de compromettre ou compromet effectivement le développement de l enfant, le système de protection de la jeunesse retient les motifs de compromission du développement relatifs aux conflits parentaux sous l article 38 c «mauvais traitements psychologiques». En effet le système de protection de la jeunesse a opérationnalisé la notion légale de mauvais traitements 3

14 psychologiques en treize problématiques spécifiques (voir annexe A). Trois de ces problématiques concernent des conflits entre les parents ou les adultes de la maisonnée : conflit de couple, conflit de séparation et conflit entre deux adultes présents dans la situation familiale. Dans certains cas et sous certaines conditions, on conçoit donc les manifestations du conflit entre adultes comme une forme de maltraitance psychologique envers l enfant qui y est exposé. C est précisément ce genre de situations qui sera étudiée dans le présent mémoire. Les mauvais traitements psychologiques et le conflit de couple constituent des problématiques socio-familiales dont la prévalence est élevée dans la population générale, qui sont toutes deux des menaces au développement, à l adaptation et à la santé des enfants et des adolescents. Dans la littérature scientifique, la maltraitance envers les enfants et les conflits conjugaux constituent cependant deux domaines de recherche distincts, qui ont été étudiés en parallèle au cours des dernières décennies. Aussi, les deux concepts seront présentés séparément dans un premier temps. Mauvais traitements psychologiques Définition Une discussion est toujours en cours quant à la meilleure façon de définir les mauvais traitements psychologiques. Baker (2009), dans une revue de littérature, fait le survol des définitions des mauvais traitements psychologiques ayant cours aux États-Unis. Elle constate que les définitions légales diffèrent d un état à l autre et sont la plupart du temps basées sur l impact qu a le comportement parental sur l enfant et non sur le comportement parental en soi. Quant aux définitions opérationnelles qui sont développées et utilisées par les chercheurs, elles diffèrent aussi largement entre elles et sont parfois définies du point de vue de l impact sur l enfant, parfois à partir de la comparaison à une norme sociale définissant un comportement parental acceptable. Une source d ambiguïté réside dans les différentes terminologies utilisées par les chercheurs: «emotional abuse», «psychological maltreatment», «mental injury», «psychological abuse», «emotional neglect» sont tous des termes faisant référence plus ou moins au même construit, avec parfois quelques nuances, ce qui ajoute à la confusion conceptuelle. Au Québec, depuis 2007, il est possible de retenir un signalement à la protection de la jeunesse pour motif de mauvais traitements psychologiques. La définition du mauvais traitement psychologique mise de l avant par la loi de la protection de la jeunesse englobe à la fois le préjudice subi par l enfant, donc l impact, et la nature du geste parental (voir la définition en page 3). Comme la présente étude s inscrit dans un contexte québécois de protection de la jeunesse, c est cette définition qui lui servira de base. 4

15 Mauvais traitements psychologiques : Prévalence Une enquête téléphonique menée au Québec en 2004 auprès d un échantillon représentatif de 3148 mères (Clément, Chamberland, Côté, Dubeau, & Beauvais, 2005) a permis de mettre en lumière, à l aide d une traduction du Parent-Child Conflict Tactics Scales (PCCTS), qu au moins une agression psychologique par année est rapporté dans 79,6 % des foyers. Ce taux diminue à 52% lorsqu on compte trois épisodes similaires ou davantage. Comparé à la même enquête, menée en 1999 (Clément, Bouchard, Jetté, & Laferrière, 2000), une baisse de 5% de l utilisation de la violence physique est notée, baisse contrebalancée toutefois par une augmentation similaire d agressions psychologiques. Il est possible que cette augmentation soit due au fait que les parents compensent l utilisation de comportements physiquement violents par l utilisation de stratégies psychologiquement violentes pour la gestion de la discipline. Il est aussi probable, cependant, que la sensibilisation des parents aux conséquences de gestes psychologiquement violents fasse en sorte qu ils y soient plus sensibles donc plus conscients et qu ils nomment davantage ces comportements lors de l enquête (Clément & Chamberland, 2007). Les jeunes que l on retrouve dans les services de protection de la jeunesse présentent généralement les situations de maltraitance les plus sévères. En général, leur sévérité va bien au-delà de celle des incidents rapportés dans les enquêtes populationnelles comme celle de Clément et al. Au Canada, les situations retenues suite à un signalement aux services de protection de la jeunesse parce qu elles présentent effectivement de la maltraitance ou un risque de maltraitance représentent environ 16 enfants sur 1000 dans la population générale. C est ce que révèle une enquête pancanadienne de Trocmé, Fallon, MacLaurin, Sinha, Black, Fast, et al. (2008) menée auprès d intervenants de la protection de l enfance de 112 services de protection Canadiens. Cette enquête a documenté les signalements retenus de cas d abus physique, sexuel, négligence et maltraitance émotionnelle chez des enfants de moins de 16 ans. Cette étude révèle que la négligence (34% des cas d abus) et l exposition à la violence conjugale (34% des cas) sont les formes de maltraitance les plus fréquemment recensées comme principale forme de maltraitance. L abus physique (20%) constitue la troisième, et la maltraitance psychologique se retrouve au 4 e rang (9%). Toutefois, il faut prendre en considération que plusieurs formes de maltraitance sont souvent recensées chez un même enfant. Ainsi, les situations dans lesquelles une forme quelconque de mauvais traitement psychologique a été documentée représentent 29 % de tous les cas investigués. Les signalements et interventions en protection de la jeunesse ayant pour motif unique la maltraitance psychologique demeurent rares jusqu à récemment (Levesque, 1998; Loue, 2005 ; Trocmé, et al., 2008; Trocmé, Tourigny, MacLaurin, & Fallon, 2003). Au Québec, le mauvais traitement psychologique est retenu comme motif de compromission dans un pourcentage assez élevé de signalements depuis que la loi le permet. Dans une étude menée auprès des 5

16 services de la protection de la jeunesse de la région de Québec, Chavarria (en cours) a recensé 3102 signalements retenus du 1 er septembre 2007 au 31 août Parmi ceux-ci, 834 cas (27%) ont comme motif de compromission le mauvais traitement psychologique; dans 648 de ces 834 cas, le mauvais traitement psychologique survient en concomitance avec un autre motif de compromission. Pour 6% de tous les signalements le motif de compromission retenu est le mauvais traitement psychologique uniquement. En somme, les mauvais traitements psychologiques font souvent partie d un portrait regroupant de multiples formes de maltraitance dans les familles signalées aux services de la protection de la jeunesse et demeurent rarement le motif premier ou la cause unique de rétention d un signalement. Développement des enfants et mauvais traitements psychologiques Les mauvais traitements psychologiques surviennent souvent dans des contextes familiaux où d autres formes de violence ou de maltraitance sont aussi présentes (Clément, et al., 2005). Aussi, il est difficile d isoler l impact des mauvais traitements psychologiques sur l adaptation psychosociale de l enfant. Il reste que plusieurs problèmes ont été associés à un vécu de maltraitance psychologique. Les recensions des écrits sur la question rapportent, dans la petite enfance et l enfance, un développement de l attachement problématique, une communication déficiente ou inexistante avec les proches, des difficultés académiques, des problèmes de comportement, de l encoprésie et de l énurésie qui peuvent amener le rejet des pairs, un déficit d estime de soi et un sentiment d inutilité. Un développement physiologique compromis est aussi possible; le développement du cerveau de l enfant peut même en être affecté (Gagné, 2001; Iwaniec, 2006). À l adolescence, le passage à travers les enjeux liés au développement de l identité et de l indépendance, à l acceptation sociale, au niveau d activité sexuelle peuvent s avérer plus difficiles si l adolescent est victime de maltraitance psychologique. Quant à la santé mentale, elle semble être menacée par la maltraitance psychologique, qui est associée à des sentiments dépressifs, un sentiment de désespoir et une estime de soi compromise. L adolescent intérioriserait les paroles blessantes et démesurément critiques de ses parents et finirait par se les appliquer à lui-même. Les mauvais traitements psychologiques peuvent, d autre part, mener à des difficultés dans les relations interpersonnelles. Des déficits apparaîtraient aussi au niveau scolaire, difficultés qui agiraient comme une menace supplémentaire à l établissement de l estime de soi. Les problèmes de comportement, en plus des difficultés à se faire des amis, l isolement et l évitement social, seraient aussi des résultats des mauvais traitements psychologiques subis. Ainsi, on retrouverait plus de jeunes qui font abus de drogues et d alcool, plus de comportements délinquants et de grossesses non 6

17 désirées chez les adolescents qui ont été victimes d abus. En résumé, on retrouverait donc à la fois des problèmes d intériorisation comme la dépression et d extériorisation comme la délinquance chez les jeunes victimes de maltraitance psychologique (Gagné, 2001; Iwaniec, 2006). Des recherches plus récentes appuient ces constats. Les mauvais traitements psychologiques vécus dans l enfance semblent associés à une estime de soi, à une satisfaction de la vie et à une perception de soutien social plus basses (Festinger & Baker, 2009). Ils semblent nuire à l établissement de schèmes relationnels et de relations saines (Crawford & O'Dougherty Wright, 2007) et ils sont associés à davantage de problèmes d intériorisation et d extériorisation, d autant plus si plusieurs types de violence sont présents dans le contexte familial (Arata, Langhinrichsen-Rohling, Bowers, & O'Brien, 2007). Une analyse du contenu de 345 demandes d aide acheminées à un service d aide anonyme par des jeunes de 9 à 17 ans qui font face à des manifestations de violence psychologique parentale (Gagné, Melançon, Pouliot-Lapointe, Lavoie, & Roy, 2010) a montré que la majorité des jeunes expriment un niveau de détresse modéré (54,5%), ou très élevée (32,9%). Les émotions les plus courantes nommées par ces jeunes en lien avec le contexte de maltraitance psychologique sont la lassitude et l accablement, les sentiments dépressifs, la peur, l impression d être démuni et impuissant, et un sentiment de souffrance généralisée. En bref, bien que les définitions des mauvais traitements psychologiques fassent encore l objet de discussions, les chercheurs s entendent à l effet que leur présence est associée à des difficultés importantes chez les enfants qui en sont victimes. Ils se présentent fréquemment au sein des familles, sous diverses manifestations. Il est primordial de poursuivre l identification de ces manifestations afin d offrir des bases solides à la prévention et à l intervention dans ce domaine. Conflit de couple et de séparation : Mise en contexte La présence de divergences d opinions ou de sentiments survient inévitablement au sein d un couple, amenant ponctuellement des conflits. Ceux-ci ne sont toutefois pas nécessairement malsains. Dans son ouvrage intitulé «La survie du couple», Wright (1990) présente son «art du combat loyal» comme une manière saine d être en conflit au sein d un couple. De fait, ce sont les conflits hostiles, intenses et qui demeurent non résolus qui ont l impact le plus négatif sur l enfant (Saint-Jacques & Drapeau, 2009). Une étude de Buehler, Krishnakumar, Stone, Anthony, Pemberton, Gerard, et al. (1998), menée auprès de 337 jeunes de 10 à 15 ans, dont les parents sont séparés ou non, révèle que les conflits voilés, qui se manifestent notamment par la triangulation de l enfant, sont aussi préjudiciables. 7

18 Le conflit conjugal et la séparation conjugale sont deux problématiques très liées mais pourtant différentes; il est possible de vivre des conflits sérieux sans être séparé et de se séparer sans qu il y ait de conflit important. Dans les cas où les parents sont séparés, les recherches montrent clairement que les conflits entre les exconjoints et l absence de coopération parentale comptent parmi les plus puissants facteurs de prédiction des difficultés d adaptation des jeunes à la séparation de leurs parents (Saint-Jacques & Drapeau, 2009). Conflits de couple, séparation et adaptation de l enfant En ce qui a trait au conflit parental en contexte de séparation, selon une recension de littérature de Hetherington, Bridges, et Insabella (1998) sur l adaptation des enfants au divorce de leurs parents, les conflits entre parents précédant et suivant le divorce semblent être liés chez leurs enfants à la présence de dépression, à des compétences sociales et à des performances académiques défaillantes ainsi qu à des troubles de la conduite. Selon deux autres recensions plus récentes (Drapeau, Gagné, & Hénault, 2004; Lansford, 2009), lors d un divorce, la séparation conjugale et les conflits pré-séparation contribuent tous deux de manière indépendante aux difficultés d adaptation chez les jeunes. L impact de la séparation et celui du conflit s additionnent. Aussi, il est préférable pour un enfant de demeurer dans une famille unie conflictuelle que dans une famille désunie où le conflit perdure. Si la séparation n apporte pas de solution aux conflits, les enfants qui la subissent présentent plus de difficultés d adaptation que ceux des familles intactes conflictuelles. De plus, il semblerait que les conflits qui perdurent après la séparation sont particulièrement préjudiciables pour l enfant puisque ce dernier peut se retrouver plus directement impliqué dans les conflits. Il en devient l un des enjeux cruciaux car il est l un des seuls liens qui demeurent entre les ex-conjoints. De fait, les enfants semblent bénéficier de la fin d une union très conflictuelle dans la mesure où les conflits ne perdurent pas après la rupture. D un autre côté, les enfants souffrent de la séparation lorsque le niveau de conflit pré-séparation est peu élevé. Les enfants vivant dans des foyers hautement conflictuels ressentent un soulagement lors de la séparation car ils sont alors moins exposés aux conflits, alors que les enfants peu exposés à des conflits perçoivent la transition familiale comme un événement imprévu, négatif et incontrôlable. Le niveau de conflit présent dans le couple prédirait mieux l adaptation de l enfant que la séparation en soi (Drapeau, Gagné, Saint-Jacques, Lépine, & Ivers, 2009; Lansford, 2009). Ainsi, dans une étude menée auprès de 275 parents impliqués dans des conflits de garde, Trinder, Kellet et Swift (2008) retrouvent le meilleur niveau d adaptation chez les enfants dont le parent rapporte avoir le moins de tension avec l autre parent et le moins de questionnement au sujet des capacités parentales de l autre parent. Par contre, une adaptation plus difficile est rapportée, particulièrement chez les garçons, lorsque les parents sont impliqués dans des disputes légales concernant la garde suivant la séparation ou un divorce. 8

19 Le portrait des familles québécoises a beaucoup changé au cours des dernières décennies, laissant place à une augmentation du taux de séparation et de divorce, et donc à une possibilité accrue de conflit postséparation. Voyons, dans la section suivante, comment la situation se présente. Taux de séparation et de divorce Selon des données québécoises : Les familles ont changé de façon marquée comparativement à Les familles biparentales intactes, qui représentaient alors 79% de l ensemble de la population, ne forment plus que 67% des familles avec enfants en Le pourcentage de familles recomposées est passé de 5 à 11% entre 1984 et 1990 et s est stabilisé par la suite. Le recul des familles intactes s est surtout effectué au profit des familles monoparentales, dont le pourcentage a crû de 16% à 23%. (Le Bourdais et Lapierre-Adamyck, 2005, p.73) Ces auteures précisent aussi que les familles en union libre (6% des familles avec enfants en 1984 et 25% en 2001) ont remplacé les familles de couples mariés (78% des familles avant 1984, 52% en 2001). De plus, en 2005, presque 60% des naissances se produisent hors mariage. L instabilité conjugale est deux fois plus élevée chez les couples vivant en union libre que chez les couples qui se sont mariés. En résumé, le portrait de la famille québécoise s est beaucoup modifié au cours des dernières décennies, laissant place, entre autres, à une forte augmentation du nombre de séparations et de recompositions familiales. La séparation et le conflit en contexte de protection de la jeunesse La clientèle des services de protection de la jeunesse est particulièrement affectée par la séparation conjugale. Selon une étude de Saint-Jacques, Cloutier, Pauzé, Simard, Gagné et Poulin (2006) menée auprès de 741 enfants qui reçoivent des services de protection de la jeunesse, de 20 à 30 % de ces enfants viennent de familles recomposées et 75% viennent de familles dont les parents sont séparés. Les unions conjugales tendent à être instables dans les familles recomposées qui reçoivent des services de la protection de la jeunesse. Les enfants de ces familles vivent souvent des transitions multiples, avec plusieurs épisodes de recomposition familiale. En plus de l'accumulation de facteurs de stress associée aux transitions familiales, ces jeunes sont donc confrontés à une plus grande instabilité familiale que dans la population normale. L échantillon à l étude provient d une population de nature clinique. Il faudra en tenir compte dans l interprétation des résultats. 9

20 Trajectoires conflictuelles post-séparation Une étude de Gagné, Drapeau, Melançon, Saint-Jacques et Lépine (2007) menée auprès de 143 dyades parent-enfant de familles biparentales et séparées, révèle que les enfants de familles séparées rapportent des conflits parentaux plus sévères, plus de triangulation dans les conflits et des alliances plus intenses avec un des parents comparé à des familles biparentales intactes. De fait, bien que les conflits surviennent dans les familles biparentales intactes, séparées ou recomposées, des études canadiennes, états-uniennes et australiennes suggèrent la présence élevée de conflits dans 20 à 35% des séparations pour les 2 à 3 premières années suivant un divorce, pourcentage qui diminue ensuite progressivement (Drapeau, 2009). Une étude longitudinale questionne 123 enfants de 8 à 11 ans et leurs parents, séparés, quant à la perception qu ils ont du conflit parental (Drapeau, et al., 2009). Cette étude identifie quatre trajectoires conflictuelles dans les familles séparées. La première trajectoire, recensée dans le quart des situations familiales, montre un niveau relativement élevé de conflits pendant la séparation, puis un déclin graduel du conflit dans les premières années suivant la séparation. Une autre trajectoire, représentée par le quart des parents, montre un niveau bas de conflit pendant la séparation, ce niveau demeurant bas par la suite. Selon les auteures, cette trajectoire impliquerait le risque le plus bas pour les enfants, ceux-ci n étant exposés à aucun conflit postséparation. Les résultats montrent aussi que certains parents ont maintenu un haut niveau de conflit qui a perduré pendant plusieurs années suivant le conflit. Cette trajectoire représente le tiers de l échantillon et constituerait un risque élevé pour les enfants parce qu ils continuent à être chroniquement exposés au conflit parental. Une dernière trajectoire, représentée par 10% de l échantillon initial, est formée de parents chez qui le niveau de conflits suivant la première année de séparation est bas, mais remonte par la suite. Dans cette étude, trois variables semblent caractéristiques des conflits qui durent, voire qui s intensifient dans le temps : un faible revenu familial, la perception, par les parents, qu un faible degré d entente était présent pendant la séparation, ainsi que des problèmes relationnels de l enfant avec la mère. Circonscrire le lien entre mauvais traitements psychologiques et conflits parentaux La définition des mauvais traitements psychologiques inscrite dans la LPJ indique que l enfant subit des comportements de nature à lui causer un préjudice (Québec, 2010). Tel qu indiqué plus haut, les conflits intenses et ceux qui perdurent dans le temps sont les plus susceptible d amener un impact négatif sur le développement psychologique et social de l enfant. La présence de certains autres facteurs pourrait aussi augmenter les risques d impact du conflit parental sur le développement de l enfant. Ces facteurs, présentés ci-dessous, sont la coparentalité, la triangulation et le conflit de loyauté, l aliénation parentale ainsi que la violence familiale et conjugale. 10

21 Coparentalité Un des mécanismes explicatifs de l influence des conflits entre les conjoints sur l adaptation des enfants implique que les problèmes relationnels entre les ex-conjoints ont le potentiel de modifier les autres soussystèmes relationnels de la famille. Par une sorte d effets en cascade, les conflits entre les conjoints nuisent à la qualité des relations parents-enfants et à l exercice de la coparentalité, et ce sont ces processus plus proximaux qui agissent sur l adaptation de l enfant (Cox, Paley, & Harter, 2001; Doyle & Markiewicz, 2005). Le concept de coparentalité fait référence à la façon dont les parents, ou figures parentales, sont en rapport l un avec l autre dans leur rôle de parent. Plus précisément, il concerne le soutien et la coordination que les parents manifestent en matière d éducation (McHale & Irace, 2011). L exercice de la coparentalité est une tâche complexe, d autant plus dans une situation de séparation conjugale. Dans les études sur la question, les auteurs présentent trois types de relations coparentales consécutives à la séparation (Baum, 2003; Hetherington & Kelly, 2002; Maccoby, Depner, & Mnookin, 1990). Un type «coopératif», lequel décrit les parents qui communiquent fréquemment entre eux à propos de l enfant et qui se disputent rarement. Un second type, dit «désengagé» ou «parallèle», implique des parents qui sont désengagés l un envers l autre, ce qui les amène à communiquer très peu entre eux. Le risque majeur associé à ce second type est une absence de coordination entre les maisonnées. Un troisième type, dit «conflictuel», est caractérisé par des parents qui gardent le contact, mais d une manière hostile. Dans ce troisième type, les conflits à propos des enfants sont importants, les parents contestent mutuellement leurs compétences, sapent leur autorité respective et sabotent les contacts de l enfant avec l autre parent. Ce troisième type est celui qui représente les risques les plus élevés pour l enfant sur le plan adaptatif. Ce type de coparentalité caractérise probablement plusieurs des familles qui font l objet d une évaluation en protection de la jeunesse à cause de graves conflits conjugaux. En effet, selon les auteures, les études montrent que les conflits entre les exconjoints rendent plus difficile l exercice de la coparentalité. Réciproquement, la reconnaissance mutuelle des compétences parentales de l autre et de son rôle primordial dans la vie des enfants entraînerait une diminution des conflits entre les conjoints. La notion de coparentalité sera mise à profit lors de la description des dynamiques familiales de notre échantillon. Triangulation et conflit de loyauté Un autre facteur qui pourrait amener un conflit parental à être plus nocif qu un autre pour l enfant est le niveau d implication de l enfant dans le conflit. Selon Drapeau et ses collaboratrices : «Trianguler consiste à demander à l enfant de prendre parti, d espionner l autre parent, de faire le messager à propos de sujets délicats et à dénigrer l autre parent en présence de l enfant sans que l autre parent soit présent» (Drapeau, et al., 2004, p. 181). 11

22 Ce phénomène pourrait contribuer au sentiment qu a l enfant d être pris entre ses parents, à son sentiment d être en conflit de loyauté. De Becker (2011), clinicien dans un service belge de psychiatrie infantile et juvénile, dans une recension des écrits et une réflexion clinique sur le conflit de loyauté, cite les nombreux impacts sur le développement des capacités relationnelles que peut avoir sur l enfant le fait d être plongé au cœur d un conflit de loyauté. Il retient la définition suivante du conflit de loyauté: D une façon générale, le conflit de loyauté peut se définir comme un conflit intrapsychique dont l origine est liée à l impossibilité de choisir entre deux solutions possibles, choix qui engage le niveau des affects envers des personnes fondamentales en termes d attachement, à savoir chacun des parents. L enfant ne peut gérer sereinement cet état, une situation rapidement insoutenable conduisant au désarroi puisque, dans l absolu, père et mère lui sont chers (de Becker, 2011, p. 340). Dans une étude effectuée auprès de 632 jeunes adultes, Amato et Afifi (2006) démontrent que les enfants de parents mariés vivant de hauts niveaux de conflits sont plus à risque de vivre un conflit de loyauté que les adolescents vivant dans des familles où des bas niveaux de conflits sont présents. Ce haut niveau de conflits est associé à un bien-être subjectif plus bas et à une plus faible qualité de la relation parent-enfant. Les auteurs notent que le conflit de loyauté décroît généralement dans la décennie suivant une séparation alors qu il persiste même à l âge adulte chez les enfants de familles biparentales très conflictuelles. La triangulation et le conflit de loyauté pourraient constituer des variables médiatrices ou modératrices de l impact du conflit parental sur le développement de l enfant. Aussi, lors de l analyse, une attention particulière sera portée à l identification de ces variables et à la façon dont elles se présentent dans les situations familiales. Aliénation Parentale Le «syndrome d aliénation parentale» peut être décrit comme suit : Un trouble qui survient presqu exclusivement dans le contexte de disputes pour la garde légale des enfants. C est un trouble dans lequel l enfant, programmé par le parent dit «aimé», s enrôle dans une campagne de dénigrement du parent dit «rejeté». L enfant démontre peu sinon aucune ambivalence quant au rejet, qui s étend souvent à la famille élargie du parent méprisé. (Gardner, 1998, pp. 1-2, traduction libre) La définition avancée ici par Gardner, son idée de définir l aliénation parentale comme un syndrome et l idée, défendue par certains, de l inclure dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) donne lieu à une polémique; plusieurs auteurs croient qu il serait plus juste de faire d une telle problématique une description systémique et contextualisée (Kelly & Johnston, 2001). Le fait de rejeter un parent ou de faire alliance avec l autre serait lié à beaucoup de facteurs différents et complémentaires (Gagné, Drapeau, & 12

23 Hénault, 2005). Décrire l aliénation parentale comme un syndrome ne permettrait pas d envisager tout le contexte d apparition de comportements d alliance ou de rejet. Kelly et Johnston proposent une définition qui exclut le comportement programmateur du parent et met l accent uniquement sur le comportement aliéné de l enfant: Un enfant aliéné en serait un qui exprimerait, librement et de façon persistante, des émotions et des croyances déraisonnablement négatives à l encontre d un parent. Ces croyances sont significativement disproportionnées par rapport à l expérience réelle qu a l enfant avec ce parent (Kelly & Johnston, 2001, p. 251, traduction libre). Pour éviter le conflit de loyauté ou pour mettre en place un support mutuel suite à la séparation, il arrive en effet qu un enfant forme alliance avec un de ses parents (Kelly & Johnston, 2001). De telles alliances peuvent être transitoires et réversibles, mais d autres sont très fortes et entraînent le rejet de l autre parent. Dans de tels cas, la relation entre un enfant et le parent rejeté peut en souffrir et l enfant est alors privé d un pilier développemental important. Dans un essai sur l aliénation parentale inspiré de leur expérience clinique, Hayez et Kinoo (2005), deux psychiatres, font l inventaire des motivations pouvant amener un enfant à faire alliance avec un parent ou à rejeter l autre parent : à un extrême, les auteurs positionnent le parent rejeté comme étant le «repoussoir» de l enfant; c est lui qui, par les conduites précédant ou suivant la séparation, amène le rejet de l enfant. Ainsi, ce parent peut avoir eu des comportements violents envers l autre parent, avoir été très peu investi dans la relation avec l enfant précédant la séparation, ou avoir commencé une nouvelle relation avec un partenaire qui rejette l enfant, subtilement ou non. Les enfants peuvent s être sentis trahis si ce parent est parti subitement avec un nouveau partenaire, ou même vivre des abus physiques, sexuels ou émotionnels de la part de ce parent ou de son entourage. À l autre extrême, les auteurs positionnent le parent aimé comme instigateur du rejet de l autre parent par l enfant. Le parent aimé a ainsi, dans le but d influencer l enfant ou non, subtilement ou non, un discours dénigrant à l endroit de l autre parent. Le parent gardien est ainsi aliénant de deux façons, en aliénant l autre parent, en le rendant étranger à l enfant, mais aussi en aliénant l enfant à lui-même, en détruisant ou en manipulant l image que l enfant a de son autre parent. C est à cet extrême, pas si fréquent selon les auteurs, que se situe le «syndrôme d aliénation parentale». Dans d autres cas assez rares l enfant serait le seul responsable du refus de contact avec un des parents. Les auteurs expliquent ce refus, chez les enfants très jeunes, par le fait que l autre parent soit devenu étranger, par l existence d un conflit de loyauté lié à la séparation seule et non au comportement des parents, ou par des visites précédentes qui n ont pas bien fonctionné, ce qui amène une première expérience de visite négative, qui fera anticiper avec angoisse les visites subséquentes. Les auteurs précisent que, dans la plupart des cas où il y a alliance, les causes sont 13

24 multiples et complexes plutôt qu uniques; la transmission de l image négative de l autre parent peut se faire de façon plus ou moins consciente, le parent peut être particulièrement méfiant envers l autre parent, le conflit peut être très fort et les enjeux de pouvoir très importants, pouvant ainsi influencer indirectement l enfant. L enfant peut donc rejeter un de ses parents pour une variété de motifs réalistes et raisonnables; il faut donc bien distinguer ces situations des cas réels d aliénation (Hayez & Kinoo, 2005; Kelly & Johnston, 2001). Pour ce faire, Kelly et Johnston (2001) mettent de l avant un continuum représentant le niveau d intensité de la réaction de l enfant au conflit, en termes de maintien d une relation positive avec les deux parents ou d affinité, d alliance, de détachement ou d aliénation envers l un d eux (annexe B). Dans la recherche actuelle, une attention particulière sera portée à la relation de l enfant avec chacun de ses parents ainsi qu aux variables pouvant influencer cet aspect. Violence conjugale La présence de violence conjugale pourrait être un facteur qui augmente le risque d impact sur le développement de l enfant. Buehler et ses collègues (1998) ont démontré que les types de conflits parentaux empreints d une hostilité manifeste (attaques verbales et physiques et comportements tels que gifles, des cris, du mépris et de la dérision) seraient fortement associés à des problèmes de comportements extériorisés et intériorisés chez les enfants. Il faut distinguer la notion de conflit de couple et celle de violence conjugale ou familiale, bien que ces problématiques soient souvent associées. En effet, la violence familiale et conjugale peut être ou non présente dans les situations de conflit. À cet effet, notons que le système de la protection de la jeunesse fait référence à des comportements différents en ce qui a trait à l exposition à des conflits et à l exposition à de la violence conjugale et familiale (voir annexe A). Dans une recension des écrits, Straka et Montminy (2008) mettent en lumière deux types de violence dans les relations conjugales. Le premier type implique de l abus, du terrorisme. Des enjeux de pouvoir et de contrôle sont présents. Selon ces auteures, la violence y est à peu près toujours initiée par l homme; la femme use rarement de violence physique et lorsqu elle le fait c est généralement pour se défendre. Un autre type de violence ressort, celui où la violence est plutôt utilisée de part et d autre de façon ponctuelle, à bout d arguments, lorsqu un conflit dégénère. Il y a distinction entre «abus» et «violence commune»; les termes «abus» et «abuseur» désignent une relation dans laquelle sont présents les enjeux de pouvoir et de contrôle, alors qu ils sont absents dans les situations de «violence commune». Il est probable que, dans les faits, les enjeux de pouvoir et de contrôle soient présents à différents degrés, dans diverses situations et qu ils soient présents chez les partenaires des deux sexes. Il est possible aussi que le conflit subisse une escalade et que de la violence «commune» puisse se transformer en abus. La 14

25 distinction entre «abus» et «violence commune» proposée par Straka et Montminy (2008) inspire, dans la présente étude, une prise en compte des enjeux de pouvoir et de contrôle dans les familles où il y a signalement pour maltraitance psychologique caractérisée par des conflits entre les parents. Concernant les problématiques de violence conjugale, un modèle d implication paternelle post-séparation différent est rapporté dans les situations d abus ou et de violence «commune». Ainsi, les pères qui ont abusé de la mère avant la séparation resteraient plus impliqués et utiliseraient leurs liens avec leurs enfants pour continuer d exercer un contrôle sur leur ex-conjointe, alors que les pères des couples où a lieu une violence non liée aux enjeux de contrôle, auraient plutôt tendance à se désengager vis-à-vis des enfants (Hardesty & Ganong, 2006). En contexte d abus, on rapporte une augmentation du risque de comportements violents entre conjoints suivant la séparation (Hotton, 2001). Dans une recherche qualitative menée auprès de 25 mères divorcées ayant vécu de la violence conjugale, Hardesty et al. (2008) identifient un lien entre la capacité des parents à exercer une coparentalité en lien avec les besoins des enfants et la présence ou non de comportements d abus avant la séparation. En résumé, le conflit de couple et le conflit de séparation sont des problématiques qui surviennent souvent en contexte familial et leur prévalence tend à augmenter avec le taux de séparation et de recomposition familiale. Les conflits parentaux chroniques et la séparation conjugale auraient des impacts importants sur le développement de l enfant. Les conflits parentaux sévères et chroniques pourraient constituer, en soi, une forme de mauvais traitement psychologique, à cause de leur impact sur le développement de l enfant. La présence d une coparentalité de type parallèle ou hostile, de triangulation, d un conflit de loyauté, d aliénation parentale, de violence conjugale ou d une combinaison de ces facteurs sont des éléments qui pourraient amplifier ou causer directement l impact des conflits parentaux sur le développement de l enfant. Les situations familiales qui font l objet de la présente étude seront examinées à la lumière de ces différents facteurs. Perspective théorique : l approche systémique Le présent projet de recherche propose une description qualitative des situations familiales dans lesquelles les conflits de couple ont été considérés par le système de protection de la jeunesse comme des mauvais traitements psychologiques envers les enfants. Les mauvais traitements psychologiques et les conflits conjugaux sont des problématiques familiales comptant de multiples acteurs et des interactions complexes. La perspective systémique permet d envisager les dynamiques familiales dans toute leur complexité. Cette perspective exige qu on s intéresse aux interactions plus qu aux comportements individuels. En effet, selon Minuchin (1985), d un point de vue systémique, l individu est en interdépendance avec le système dont il fait partie; il contribue à ce système qui, à son tour, influence son comportement. Cet auteur pose les trois 15

26 principes de base du modèle systémique: (1) Chaque système forme un tout organisé dont les éléments sont nécessairement interdépendants; (2) Les patrons constituant un système sont circulaires plutôt que linéaires, c est à dire que les modèles causals ne sont pas linéaires (A cause B) mais prendraient plutôt la forme d un cercle ou d une spirale (A et B s inter influencent); (3) Les systèmes ont des caractéristiques homéostatiques qui les amènent à demeurer stables, formant ainsi des patrons de comportements répétitifs. L analyse et l interprétation des données recueillies dans la présente étude a été faite à la lumière de ces principes. Question et objectifs de recherche Question de recherche La présente recherche permet de répondre à la question suivante : comment se présentent les situations familiales qui sont évaluées en contexte de protection de la jeunesse et pour lesquelles l évaluation psychosociale fait ressortir la présence de conflits de couple ou de séparation qui sont qualifiés de mauvais traitements psychologiques envers le ou les enfant(s)? Objectifs spécifiques 1. Décrire les situations familiales en fonction des dimensions suivantes: 1) les difficultés sociales ou personnelles des parents; 2) l exercice de la coparentalité; 3) la présence de violence pendant la vie conjugale; 4) la présence de triangulation et de conflit de loyauté chez les enfants; 5) l impact de la situation conflictuelle sur les enfants, en termes de préjudice à leur développement psychologique, social et affectif et du maintien de leur relation avec leurs parents. 2. Identifier des profils de cooccurrence entre ces différentes dimensions du fonctionnement familial, de manière à présenter un portrait plus intégré de ces familles. 3. Documenter, dans ces situations familiales, la présence de facteurs découlant du conflit et associés, dans la littérature, à la compromission du développement social et psychologique de l enfant. 16

27 Chapitre 2 Méthodologie Contexte Les données qui sont utilisées dans le présent mémoire ont été recueillies en dans le cadre du projet de recherche : «Exploration de deux laboratoires naturels pour étudier l aliénation parentale», dirigé par Marie-Hélène Gagné. Le but initial de l étude de Gagné et de ses collègues était d explorer les situations de maltraitance psychologique caractérisées par des conflits familiaux en contexte de centre jeunesse afin de vérifier s il s agit d un terrain propice à l étude de l aliénation parentale. Sur une période de 7 mois, 51 situations familiales ont été recensées et documentées. Ces situations ont été évaluées par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) et on y a décelé la présence de mauvais traitements psychologiques caractérisés par des conflits de couple ou par des conflits entre les personnes qui ont la garde des enfants. L échantillon du présent mémoire est issu de ces 51 situations. Le devis utilisé dans ce mémoire est un devis qualitatif. Il mettra aussi à profit certaines données quantitatives de type descriptives. Le bassin dans lequel l échantillon a été sélectionné est constitué de tous les cas évalués par la DPJ dans la région de Québec entre le 1 er octobre 2009 et le 1 er mars 2010, desquels l évaluation a confirmé la présence de conflits parentaux. Cela correspond à 56 situations familiales différentes, dont cinq ont été exclues; 3 situations familiales ont été exclues parce qu elles ne correspondaient pas aux critères de l étude, 2 l ont été parce que l intervenant ayant fait l évaluation n était plus à l emploi du Centre jeunesse de Québec-institut universitaire (CJQ-IU) et que personne d autre n était en mesure de fournir de l information détaillée sur le dossier. Il s agit donc de 51 situations familiales dans lesquelles les enfants ont été exposés à des conflits parentaux importants, tel qu évalué par la DPJ suite au signalement d au moins un enfant de la famille. À l issue de son évaluation, l intervenant a jugé que les faits étaient fondés et les a qualifiés de «mauvais traitements psychologiques» en vertu de l article 38 c de la Loi de la protection de la jeunesse. Échantillon Sélection de l échantillon Pour la présente étude qualitative, 23 situations familiales ont été sélectionnées sur les 51 recensées. Les critères d inclusion étaient, premièrement, de présenter plusieurs indicateurs de conflit élevé (11 familles). Ces 11 situations ont été sélectionnées par un jury formé de la chercheure principale, de la directrice de recherche et d une assistante de recherche. Ces situations présentaient de hauts niveaux de conflits entre les parents, des niveaux élevés de triangulation et une probabilité élevée que les relations parent-enfants soient affectées 17

28 par le conflit. Afin de répondre au critère de diversification, 12 autres situations ont été sélectionnées aléatoirement dans le bassin de données à l aide du logiciel «List Randomizer» (Haahr, 1998). La diversification est présentée comme le critère majeur de sélection en ce qui touche les échantillons qualitatifs par cas multiples (Glaser & Strauss, 1967). En effet, selon Pirès (1997), ces recherches sont souvent appelées à donner le panorama le plus complet possible des problèmes ou situations, une vision d'ensemble ou encore un portrait global d'une question de recherche. D'où l'idée de diversifier les cas de manière à inclure la plus grande variété possible, indépendamment de leur fréquence statistique. Dans la présente recherche, le fait de recueillir à la fois des données issues de situations familiales regroupant plusieurs indicateurs de conflit élevé et des données issues d un processus de sélection aléatoire a permis de varier la gamme possible de situations conflictuelles décrites. Description de l échantillon Les 23 familles du corpus de données comptent entre 1 et 5 enfants par famille, M = 1,8, ÉT=1,1. En tout, ces 23 familles comptent 40 enfants signalés, 20 garçons et 20 filles, âgés entre 1 et 15 ans au moment du signalement, M = 6,85 ans, ÉT = 4,07 ans. Les parents sont séparés dans 19 des 23 familles. La majorité des familles sont recomposées (tableau1). Le temps écoulé depuis la rupture des parents va de quelques semaines à plus de 10 ans (tableau 2). Dans la grande majorité des familles où les parents sont séparés, c est la mère qui assume la garde de l enfant au quotidien ou, s il est placé, qui assumerait la garde au quotidien (14 situations, 60,9% des familles) (tableau 3). Les enfants signalés avaient entre 0 et 13 ans au moment de leur premier signalement à la DPJ, M = 4,6 ans, ÉT = 3,8 ans. Le nombre de signalements à la DPJ, retenus ou non, pour chacun des jeunes se situe entre 1 et huit, avec deux cas qui vont jusqu à 14 et 15 signalements. Le nombre de signalements moyen est de M=4,35, ÉT=3,08. Pour chacun des signalements, plus d un motif peut être invoqué pour retenir le signalement. Au dernier signalement retenu, c est dans 5 situations familiales seulement que le mauvais traitement psychologique caractérisé par des conflits entre les parents constitue le seul motif de signalement retenu après l évaluation de la DPJ. En plus du mauvais traitement psychologique, qui est présent dans toutes les situations, le second motif de signalement le plus retenu est le risque sérieux de négligence (présent dans 43,5% des familles). La négligence sur le plan éducatif vient au 3 e rang des motifs de signalement (30,4%). Les troubles du comportement (8,7%), les risques sérieux d abus sexuel (4,3%), les abus physiques (4,3%) et les risques sérieux d abus physiques (4,3%) constituent les autres motifs de signalement invoqués dans l ensemble des 23 situations familiales (tableau 4). 18

29 Tableau 1: Unions antérieures et recomposition familiale Situation Union(s) antérieure(s) précédent la formation du couple parental à l étude Fréquence (n=23 familles, 46 parents) Pourcentage Union antérieure sans enfants Mère seulement :1 4, 35 Union antérieure avec enfants Mères seulement : 2 Père et mère :1 8, 70 4, 35 Unions antérieures, total des situations familiales 4 situations familiales 17,39 Recomposition familiale après la rupture du couple à l étude Recomposition familiale sans enfants issus de la nouvelle union ni du nouveau conjoint Recomposition familiale avec enfants issus de cette recomposition et/ou du nouveau conjoint Mère seulement : 2 Père seulement : 3 Père et mère : 7 Mère seulement : 2 Père et mère : 2 8, 70 13,04 30, 43 8,70 8,70 Recomposition familiale, total des situations familiales 16 situations familiales 69, 60 19

30 Tableau 2:Temps écoulé depuis la rupture Situation Fréquence Pourcentage Pas de rupture 4 familles 17,4 0 à 6 mois 5 familles 21,7 1 à 2 ans 2 familles 8,7 2 à 3 ans 2 familles 8,7 3 à 4 ans 2 familles 8,7 5 à 6 ans 2 familles 8,7 7 à 8 ans 2 familles 8,7 10 ans et plus 4 familles 17,4 Tableau 3: Personne qui assume la garde de l'enfant au quotidien ou, si l'enfant est placé, qui en assumerait la garde au quotidien Parent gardien Fréquence Pourcentage N/A (parents vivent ensemble) 4 17,4 Père 4 17,4 Mère 14 60,9 Parents (garde partagée) 1 4,3 Total ,0 20

31 Tableau 4: répartition des motifs de signalement retenus pour l'ensemble de tous les signalements recensés dans les 23 situations familiales Article Nb de familles chez qui le motif de signalement est présent % de familles Mauvais traitements psychologiques % Risque sérieux de négligence 10 43, 5% Négligence sur le plan éducatif 7 30, 4% Troubles de comportement 2 8,7% Risque sérieux d'abus sexuel 1 4,3% Abus physique 1 4,3% Risque d'abus physique 1 4,3% Total 100 Parmi les 40 enfants, 8 ont vécu au moins une application de mesure de protection de la jeunesse suite à une entente volontaire ou à une judiciarisation du dossier par la protection de la jeunesse. Le nombre d application des mesures pour ces 8 enfants va de 1 à 3, M=1,8. La plupart des 40 enfants n ont jamais été pris en charge par le système de protection de la jeunesse. Les difficultés affichées par les enfants de l échantillon regroupent une variété relativement hétérogène de comportements internalisés (8 familles) et externalisés (10 familles), de difficultés scolaires (7 familles), de difficultés d attention (5 familles), de défauts de langage (3 familles) ou de comportements pseudo-matures (3 familles). De plus, plusieurs familles de l échantillon sont affectées par un cumul de difficultés chez les enfants. Il reste que dans 7 familles sur 23, aucune difficulté psychologique, cognitive ou sociale n est identifiée chez les enfants par l intervenant qui a procédé à l évaluation du signalement retenu. Au cours de leur évaluation, les intervenants évaluent systématiquement les capacités parentales. Ils rapportent les résultats de leur évaluation en entrevue. Le tableau suivant (tableau 5) décrit la répartition des capacités parentales au sein des couples parentaux. Les mères sont présentées sur l axe horizontal en fonction qu elles ont été décrites comme ayant, ou non, des capacités parentales complètement adéquates par l intervenant à l évaluation, en dehors des capacités liées à la relation entre les conjoints. Toutes les situations où un certain niveau de négligence, de difficulté d encadrement, d imprévisibilité ou de violence était présent de la part du parent envers l enfant ont été classées dans «non adéquat». Les pères sont présentés sur l axe vertical en fonction de ces mêmes caractéristiques. Une des situations n est pas représentée dans ce tableau car le père est complètement absent de la situation. La zone grisée du tableau indique que, dans 21

32 l échantillon à l étude, 5 familles seulement sont exemptes de difficultés quant aux capacités parentales des deux parents. Tableau 5: Répartition des capacités parentales au sein des couples parentaux Mère adéquate Mère non adéquate Père adéquat ***** ******* Père non adéquat **** ****** Note : dans ce tableau, chaque astérisque représente un couple parental Pour les 23 situations familiales, des données qualitatives ont été recueillies auprès de 20 intervenants, certains intervenants ayant répondu pour plus d une famille. Le tableau 6 résume les caractéristiques de ces intervenants. Ceux-ci sont âgés entre 23 et 59 ans, M = 33,65 ans, ÉT = 9,72 ans, et 85% sont des femmes, ce qui est représentatif de la proportion d homme et de femmes dans ce service. La majorité des intervenants (70%) sont formés en service/travail social et tous détiennent un diplôme universitaire, la plupart du temps de 1 er cycle (75%). Le niveau d expérience en intervention psychosociale varie considérablement à l intérieur de ce groupe d intervenant(e)s. Ils ont entre 1 et 34 ans d expérience, pour une moyenne de 11,50 ans et un écart type de 8,51 ans. Tableau 6: Caractéristiques des intervenants Nombre d intervenants Proportion (%) Sexe Féminin Masculin 3 15 Formation (diplôme obtenu) Service social ou travail social Psychoéducation 2 10 Autre 6 30 Niveau de scolarité Universitaire, 1er cycle Universitaire, 2e ou 3e cycle

33 Lors du processus d évaluation, les mères des 23 situations familiales sélectionnées ont toutes été contactées par les intervenants. Le père de l enfant et l enfant lui-même ont presque systématiquement été contactés. Les données détaillées relatives au processus d évaluation appliqué par ces intervenants sont présentées au tableau 7. Tableau 7: Description du processus d'évaluation (n=23) Personnes contactées Fréquence en personne Proportion (%) Fréquence par téléphone Proportion (%) L'enfant signalé 22 95, , 78 La mère de l'enfant , 52 Le père de l'enfant 21 91, , 17 La nouvelle conjointe du père 7 30, , 04 Le nouveau conjoint de la mère 3 13, , 35 La fratrie ou la demie-fratrie 10 43, , 04 Un tiers (membre de la parenté, voisin, ami de la famille...) 5 21, , 78 Autres intervenants (CLSC, école, médecin ) 10 43, , 57 L'enfant signalé 22 95, , 78 La mère de l'enfant , 52 Format de la rencontre avec les parents Fréquence Proportion (%) Parents rencontrés ensemble 10 43,48 Parents rencontrés séparément 13 56,52 Outil/Source d'information SSP 22 95, 65 Dossier PJ antérieur 14 60, 87 Dossier scolaire 11 47, 83 Dossier médical de l enfant 6 26, 09 Dossier médical des parents 7 30, 43 Autres 13 56, 52 23

34 Source de données Entrevues Des entrevues individuelles semi-structurées ont été menées avec les intervenants qui travaillent à l étape «évaluation-orientation» au CJQ-IU et qui ont réalisé les évaluations des familles composant la population à l étude. Ces entrevues ont été réalisées à l aide d un questionnaire comportant 16 questions ouvertes (annexe C). Le questionnaire a été conçu par Marie-Hélène Gagné et son équipe. Les différents thèmes abordés lors des entrevues sont une description détaillée de la situation familiale, la présence d indices d aliénation parentale et de violence psychologique, verbale ou physique entre les conjoints et envers l enfant, le contexte et l historique du conflit, le déclencheur de la séparation et la perception qu avait l intervenant de l état de santé émotionnelle, mentale et physique des parents. La relation des parents entre eux et avec leur(s) enfant(s) a aussi été questionnée, en tenant compte des autres personnes pouvant être présentes et influencer la situation. Le continuum de Kelly et Johnston (2001, voir annexe B) a aussi été intégré à l entrevue afin de documenter la réaction de l enfant au conflit entre ses parents. Données extraites de la banque de données informationnelles (BDI) Au Québec, les dossiers de protection de la jeunesse sont informatisés. Tous les intervenants doivent obligatoirement documenter un bon nombre d informations sur les évaluations et les interventions qu ils font avec chacun des acteurs liés aux problématiques familiales qui sont traitées. Le caractère obligatoire du dossier informatisé confère aux données qui y sont inscrites une validité et une uniformité importante. Une partie de l information inscrite aux dossiers est extraite, dénominalisée et rendue accessible aux fins de recherche : il s agit de la banque de données informationnelle du Centre Jeunesse (BDI). Dans le cas du présent mémoire, les données issues de la BDI ont supporté la description détaillée de l échantillon. Pour les besoins de l étude principale (Gagné et al.), une requête a été faite dans la BDI pour identifier toutes les situations correspondant aux critères de sélection de l étude, ainsi que les coordonnées de l intervenant qui en a fait l évaluation. Afin de compléter les données recueillies en entrevues, un certain nombre de variables ont été extraites à l aide de la BDI: les dates relatives au signalement et à l évaluation, l âge, le sexe et l origine ethnique du jeune, sa date de naissance, son statut d autochtone, la personne qui en a la garde, l article ou les articles et la ventilation précise en vertu desquels le signalement a été retenu, le rang selon lequel chaque article est classé en fonction de son importance aux yeux de l évaluateur, la catégorie de personne qui a fait le signalement, le nombre de signalements, d évaluations et de placements auxquels le jeune a eu à faire face depuis le début de son historique avec la DPJ. Dans un deuxième temps, le moteur de recherche a permis d identifier, pour ces cas, le niveau d urgence attribué à la situation au moment du 24

35 signalement et l histoire antérieure du jeune avec la DPJ jusqu à la fin de l évaluation actuelle, i.e. les autres signalements, évaluations et application des mesures, motifs et dates qui y sont associées. La BDI a aussi permis de connaître à quel type de mesures le signalement pour mauvais traitements psychologiques caractérisé par des conflits entre les parents a donné lieu, s il s est ensuivi un placement et si c est le cas, le type de placement. À partir de l information issue de la BDI, certaines variables ont été créées. Il s agit de la durée pendant laquelle chacun des jeunes concernés par les évaluations ont été placés sous une mesure de la protection de la jeunesse, du nombre de signalements, d évaluations et d application des mesures auxquels chacun d eux a eu à faire face, leur âge au moment de chacun des signalements, des évaluations et des applications des mesures. Procédures Rencontres des intervenants à l évaluation Les données issues de la BDI ont été transférées dans deux bases de données distinctes à l aide du logiciel SPSS : l une concernant le dernier signalement reçu, celui qui a fait l objet de la recherche, l autre portant sur l historique du jeune en protection de la jeunesse. À partir des données extraites de la BDI, l intervenant ayant réalisé l évaluation du dernier signalement retenu était identifié puis contacté par téléphone par un membre de l équipe de recherche afin de solliciter sa participation à l étude et prendre un rendez-vous pour l entrevue. Tous les intervenants sollicités ont accepté de participer. Ils ont été rencontrés sur leur lieu de travail dans le cadre d une entrevue individuelle, enregistrée pour fins d analyse ultérieure. La rencontre débutait par la signature du formulaire de consentement (annexe D), se poursuivait par l entrevue et se terminait par la complétion d un bref questionnaire d informations sociodémographiques sur l intervenant et sur les sources d informations utilisées lors de son évaluation (annexe E). Liste de vérification À la fin de l entrevue, un bref retour était effectué à l aide d une liste de vérification afin de s assurer que les informations essentielles avaient été livrées et bien comprises par l intervieweur. Une fois l entrevue complétée, l intervieweur complétait cette liste de vérification à l aide de ses notes d entrevues, constituant ainsi une synthèse du contenu de l entrevue. Ces procédures ont été approuvées par le Comité d éthique de la recherche du CJQ-IU le 9 juillet 2009 (no ). Stratégie d analyse qualitative Selon Mucchielli (1996), au niveau épistémologique, la recherche qualitative se distingue entre autres par un rapport holiste à l objet d étude, voulant prendre en compte la totalité de la situation étudiée; ce rapport est 25

36 aussi direct, la rencontre avec les sujets d étude s effectuant à travers le langage commun, sans moyen technique. Le phénomène des mauvais traitements psychologiques caractérisés par des conflits entre les parents est complexe, impliquant de multiples interactions entre les acteurs composant les situations familiales. De plus, ce phénomène n a été que très peu étudié; aussi, il est avantageux d utiliser un devis de recherche de type qualitatif, permettant d explorer la globalité de la situation étudiée et de tenir compte de sa complexité, de décrire en profondeur et avec souplesse les différents processus à l œuvre au sein de ces familles. L entrevue semi-dirigée laisse place à la diversité et à la richesse de l expérience clinique des intervenants à l évaluation. Un devis d analyse qualitatif permet de conserver cette diversité, cette richesse, tout au long du processus d analyse des données, de rester le plus près possible des données «terrain» au cours de l analyse, tout en tentant d identifier des pistes d intervention qui correspondent aux préoccupations cliniques des intervenants. Analyse par théorisation ancrée Selon Paillé (1994), l'expression «analyse par théorisation ancrée» constitue une traduction et une adaptation de la grounded theory, l'approche de théorisation empirique et inductive mise de l'avant en 1967 par Glaser et Strauss. La principale différence entre l approche proposée par Paillé et celle de Glaser et Strauss est que le premier propose simplement une méthode pour analyser des données, comparativement à Glaser et Strauss qui proposent quant à eux une méthode de recherche, incluant la cueillette des données ainsi que l analyse. Selon Paillé (1994), le produit de l analyse par théorisation ancrée doit toujours être ancré dans les données empiriques. Le matériel empirique est à la fois le point de départ de la théorisation, le lieu de vérification des hypothèses émergentes et le test ultime de la validité de la construction d ensemble. L adéquation entre la théorie et les données empiriques est obtenue entre autres par le biais de la comparaison constante entre la théorisation en construction et la réalité empirique, c'est-à-dire entre les données d analyse (les résultats), et les données du terrain (les données brutes). La génération et la vérification de la théorisation ont ainsi lieu de manière quasi simultanée, dans un processus itératif d analyse des données et de retour au terrain. Dans la présente recherche, le corpus de données a été amassé en une seule série et l analyse a débuté à la fin de la cueillette de données, ce qui n a pas permis un retour au terrain; toutefois, selon Mucchielli (1996) : Il est à la limite possible de conserver au moins l esprit de la comparaison constante avec un corpus qui aurait été amassé en une seule série, donc qui ne correspond pas à l exigence de la simultanéité des périodes de cueillette et d analyse. On pourra alors fonctionner de la façon suivante : la première interview est analysée, puis les catégories et hypothèses générées sont soumises à la deuxième interview prise comme manifestation empirique nouvelle du phénomène, et ainsi de suite ((Mucchielli, 1996, p. 185). 26

37 La méthode d analyse de la présente étude est inspirée du fonctionnement décrit ci-haut par Mucchielli. Le processus d analyse a permis d accomplir trois des six étapes de la théorisation ancrée décrites par Paillé (1994), soient la codification, la catégorisation et la mise en relation. Diverses techniques matricielles (Miles & Huberman, 2003) ont été employées pour parvenir à l étape de la mise en relation. Étape 1 : La codification Selon Paillé, l étape de la codification consiste à Dégager, relever, nommer, résumer, thématiser, presque ligne par ligne, le propos développé à l'intérieur du corpus sur lequel porte l'analyse. Le chercheur procède donc à une lecture attentive de la transcription de l'entrevue, des notes de terrain, etc., puis tente de qualifier par des mots ou des expressions le propos d'ensemble. En analyse par théorisation ancrée, ce que l'on fait, essentiellement, à chacune des étapes, c'est poser des questions au corpus. Pour la codification, ces questions sont: Qu'est-ce qu'il y a ici? Qu'est-ce que c'est? De quoi est-il question? (Paillé, 1994, p. 154) Production de vignettes. La rédaction de vignettes à partir des données audio des 23 situations familiales a permis d obtenir une première simplification des données. Ces vignettes ont été rédigées avec le souci de conserver l ensemble des informations livrées par les intervenants, leurs exemples concrets (les faits rapportés) ainsi que la provenance et la crédibilité qu ils accordaient à leurs sources d information. Lors de la rédaction des vignettes, les faits rapportés par les intervenants étaient séparés de leurs perceptions plus subjectives. La provenance des faits ou des allégations était clairement documentée. Chacune des vignettes était composée des mêmes sections : (1) date et motifs du signalement, composition de la famille (nombre et âge des enfants), motifs retenus et décision de la protection de la jeunesse après évaluation de la situation; (2) histoire socio-familiale et garde des enfants, comprenant la situation de garde actuelle, l histoire de la relation entre les parents, les motifs de la rupture s il y a lieu, les motifs et la trajectoire du conflit, l exposition relative des enfants au conflit; (3) attitudes et comportements de la mère; (4) attitudes et comportements du père; (5) comportements de l enfant; (6) rôle de tierces personnes dans la dynamique; (7) perception de l intervenant. Découpage des vignettes en unités de sens. La codification est une façon d organiser les données brutes pour faciliter l analyse. Les codes obtenus à cette étape ont servi de base à la catégorisation, c'est-à-dire que, peu à peu, les codes identifiés ici ont pris un sens et sont devenus des catégories. Le logiciel N vivo a servi de support à la codification des vignettes. Il a permis de découper leur contenu et de le regrouper en unités de sens. Selon Miles et Huberman (2003), les données coïncident bien avec une liste de codes obtenue de manière inductive, directement à partir des données. L analyste est ainsi plus ouvert et plus sensible au contexte, même si l objectif final est de mettre les observations en cohérence avec une théorie ou une série de construits. Ainsi, deux premières vignettes ont 27

38 été codifiées sans utiliser de grille préalable, en répondant à la question : «de quoi cet extrait de la vignette parle-t-il?». À mesure qu une unité de sens était identifiée, un nom de code lui était attribué, puis ce code était défini clairement. Au fil de la codification, les extraits de textes faisant référence à la même unité de sens, au même thème ont été regroupés sous le même code. Une fois la codification des 2 premières vignettes terminée, les unités de sens identifiées ont fait l objet d une première révision, regroupant entre elles les unités de sens trop spécifiques, scindant les unités trop générales. Au final, 101 codes et leur définition ont ainsi été obtenus à l aide d une méthode de codification inductive. Après la codification d une troisième vignette, des regroupements ont été effectués afin de réduire le nombre de codes, de les clarifier et d en faciliter l analyse. Les observations référant aux différents acteurs des situations familiales ont été regroupées: parents, enfants, beaux-parents, grands-parents, etc. Sept autres vignettes ont été codées en utilisant les codes ainsi obtenus. À ce stade, le contre-codage de trois des vignettes a été complété par une deuxième analyste connaissant bien la problématique à l étude (voir plus loin les stratégies pour accroître la validité). Les directives données étaient de séparer le texte en unités de sens, à partir de la question : «De quoi cet extrait parle-t-il? De quoi est-il question?». Il a aussi été spécifié de regrouper tous les extraits référant aux différentes dimensions d un même thème (par exemple, regrouper les observations concernant la présence et l absence d un élément). Elle devait aussi lier chaque extrait à un seul code, i.e. limiter la codification simultanée du même extrait dans deux codes différents. Une fois ce contre-codage terminée, une comparaison des codes obtenus par les deux chercheures a permis d objectiver la codification à partir d une démarche consensuelle. Une discussion entre les chercheures a permis l élimination de codes redondants, la fusion de certains codes, la création de nouveaux codes. Un consensus entre les chercheures a aussi été obtenu quant au titre et à la définition à donner à chacun des codes conservés. Les chercheures pouvaient passer à l étape suivante. Étape 2 : La catégorisation Selon Paillé, La deuxième étape de l'analyse par théorisation ancrée consiste à porter l'analyse à un niveau conceptuel en nommant de manière plus riche et plus englobante les phénomènes, les événements qui se dégagent des données. (Paillé, 1994, p. 159) 28

39 C est à l étape de la catégorisation que les codes initiaux deviennent des catégories. Selon l auteur, pour la catégorisation, les questions posées au corpus de données sont: «Qu'est-ce qui se passe ici? De quoi s'agitil? Je suis en face de quel phénomène?». Paillé ajoute que la formation des catégories est un processus complexe qui commence à l étape de la codification; les catégories formées seront modifiées, raffinées, définies et redéfinies tout au long de l analyse. Elles possèdent des propriétés, ou des attributs, des caractéristiques qui doivent être définies au fil de l analyse. De plus, ces catégories prennent différentes formes, c est à dire que chacune d elles peuvent regrouper plusieurs dimensions, par exemple en termes d intensité, de constance, etc. Transition des codes aux catégories Au fil de la comparaison des codes obtenus par les deux analystes, une première catégorisation a été amorcée. Ainsi, les analystes, tout en observant et en comparant leurs codes, se demandaient aussi: «De quel phénomène s agit-il? Qu est-ce qui se passe ici?» Ces questions ont alors permis de donner un sens conceptuel aux premiers codes obtenus, transformant ainsi les codes en catégories. Certaines catégories référant au même construit ont été regroupées entre elles, de façon à créer une hiérarchisation de ces catégories, une arborescence de catégories. Par exemple, les catégories référant aux interactions entre les parents ont été regroupées sous une catégorie large, intitulée «interactions parent-parent». Une fois le processus consensuel terminé, une nouvelle vignette a été codée conjointement par les deux chercheures à l aide de l arborescence de catégories. Cette codification conjointe a permis de vérifier que les deux chercheures comprenaient et utilisaient chacune des catégories et leur hiérarchie de la même façon. Comme le suggère Paillé (1994), un premier retour aux données a été effectué à ce moment de l analyse; les 10 vignettes qui avaient servi à l élaboration des premières catégories ont été codées à nouveau à partir de l arborescence de catégories obtenue par consensus. Par la suite, la codification des 13 dernières vignettes a été terminée, certaines vignettes étant codifiées par la chercheure, d autres par l assistante de recherche. Strauss (1987) suggère que la codification et la recodification sont achevées lorsque l analyse parvient ellemême à saturation, i.e. lorsque tous les faits nouveaux peuvent être immédiatement classifiés, les catégories sont «saturées» et un nombre suffisant de régularités émergent. Lors de la codification des 13 dernières vignettes, une seule nouvelle catégorie de contenu a été créée et un consensus entre chercheures a été obtenu pour la création de cette nouvelle catégorie. Révision et choix des catégories Un premier survol des catégories obtenues a permis de constater que certaines d entre elles étaient centrales pour répondre aux objectifs de la recherche. Ces catégories référaient généralement à des questions 29

40 contenues dans la grille de l entrevue. Aussi, il était attendu que chacune des vignettes contienne un minimum d information concernant ces catégories de contenu. À cette étape, un retour systématique au contenu des vignettes a été effectué afin de documenter les catégories identifiées comme primordiales pour répondre aux questions de recherche, comme par exemple la position de l enfant dans le conflit selon le continuum (Kelly & Johnston, 2001), les motifs des conflits et de la rupture, la trajectoire conflictuelle. À ce moment de l analyse, Marshall et Rossman (1999) indiquent que le chercheur doit évaluer les données pour leur utilité et leur centralité. Il doit déterminer à quel point les données sont utiles et éclairent les questions qui sont explorées, à quel point elles sont centrales pour le récit qui se révèle au sujet du phénomène à l étude. Ainsi, un choix des données à retenir et à écarter a été effectué. Les catégories retenues ont été regroupées, chaque groupe représentant une facette des situations familiales. Au plan théorique, les catégories retenues étaient celles qui référaient aux objectifs et aux sous-objectifs de la recherche. Au plan méthodologique, certaines catégories périphériques ou qui étaient insuffisamment documentées ont été rejetées afin de conserver uniquement les catégories centrales, celles qui revenaient le plus souvent au fil de l analyse et donc aussi les catégories bien saturées. À cette étape, un retour systématique aux vignettes a été effectué. Ce retour a permis de confronter les catégories retenues au corpus de données, de vérifier leur utilité et leur pertinence pour décrire les situations familiales. Les catégories étaient alors prêtes à être comparées et contrastées entre elles, à être mises en relation. Étape3 : La mise en relation Pour Paillé, Cette troisième étape consiste à se livrer systématiquement à la mise en relation des catégories, à trouver des liens qui ont habituellement déjà commencé à s'imposer d'eux-mêmes lors du travail de consolidation. À nouveau, l'opération s'accomplit à la lumière de questions précises: «Ce que j'ai ici est-il lié avec ce que j'ai là? En quoi et comment est-ce lié?» (Paillé, 1994, pp ) Afin de mettre en relation, de comparer des catégories relativement indépendantes les unes des autres, il faut d abord s assurer que ces catégories sont mutuellement exclusives. Pour ce faire, une technique inspirée de la méta-matrice partiellement ordonnée a été employée (Miles & Huberman, 2003). Selon ces auteurs, cette technique permet, une fois l ensemble des données descriptives rassemblées sous un format standardisé, de subdiviser les données suivant de nouveaux critères et de regrouper celles qui vont ensemble. Les catégories référant aux mêmes niveaux d interaction (individu, dyade parentale, dyade parent-enfant, système familial), au même type de données (données factuelles et données dynamiques ou relationnelles) et les catégories référant au même moment de la trajectoire conflictuelle (avant ou après la rupture des parents) ont été ainsi 30

41 été regroupées à l intérieur de tableaux thématiques. Ces regroupements ont aussi permis d identifier les redondances et d éliminer des catégories trop semblables. À ce stade, un retour au contexte théorique a aussi permis d étayer le choix de la nomenclature ou de la définition de certaines catégories. Au terme de ce processus, six grands thèmes ont été retenus : difficultés liées au fonctionnement relationnel des parents, dynamiques de violence conjugale précédant la rupture, coparentalité, triangulation, perception actuelle de chacun des parents à l égard de l autre parent, réaction de l enfant à chacun de ses parents et à la dynamique conflictuelle. Une fois ces thèmes obtenus, un retour aux vignettes a permis de faire en sorte que chacun des individus et des situations familiales soit représenté et adéquatement décrit au sein de chaque thème. Dans un second temps, un recours aux techniques matricielles (Miles & Huberman, 2003), particulièrement à des matrices à deux variables ordonnées par site, a permis de vérifier si les différents thèmes peuvent être reliés entre eux. À cette étape, les six thèmes ont été systématiquement croisés les uns avec autres dans des matrices de manière à observer les relations possibles entre des variables relativement indépendantes. Par exemple, une des matrices a permis de vérifier si certaines difficultés liées au fonctionnement relationnel des parents pourraient être en relation avec le type de perception que les parents entretiennent envers l autre parent. Lorsque cela a été jugé utile et pertinent, certains thèmes ont aussi été mis en relation avec des variables issues de la BDI ou des entrevues, en croisant par exemple la perception des parents envers l autre parent avec le temps écoulé depuis la rupture des parents. Les observations relatives aux mères et aux pères ont été documentées séparément. Les matrices qui affichent les patrons de cooccurrence de variables les plus pertinents en fonction des objectifs de cette étude sont présentées et commentées dans la section résultats et discussion. Les stratégies pour accroître la validité Entrevues Les données recueillies ici passent par le filtre de l intervenant. Il s agit d informations de seconde main. Toutefois, le but de l évaluation de la protection de la jeunesse est de matérialiser les faits. Aussi, au cours de leur processus d évaluation, les intervenants tentent de confirmer les informations reçues auprès de plusieurs sources différentes (voir tableau 6). Lors des entrevues, l intervieweur a aussi insisté pour documenter les faits et les séparer des interprétations subjectives des intervenants. Journal de bord Comme l explique Baribeau (2005), dans une approche de théorisation ancrée, les mémos accompagnent tout le processus de la recherche et ont une visée descriptive, analytique et interprétative. La méthode du journal 31

42 de bord a été utilisée dans la présente étude pour laisser des traces sur les réflexions et les démarches de la chercheure tout au long de l analyse. Ce journal a permis de voir et d apprécier les liens entre les données colligées et les analyses effectuées en assurant ainsi la validité interne du processus de recherche (Baribeau, 2005). Objectivation des données Double rédaction des vignettes Lors de la production des vignettes, la chercheure portait attention à séparer les faits des interprétations subjectives des intervenants. De plus, deux des vignettes ont été rédigées de manière indépendante par deux chercheures à partir du contenu de deux entrevues. Dans une perspective d objectivation des données, les deux versions des vignettes ont été confrontées. Les deux versions des vignettes regroupaient les mêmes données, celles de l analyste principale étant même plus détaillées quant aux exemples cliniques concrets. Aussi, l objectivité de la chercheure dans le processus de rédaction a pu être confirmée. Contre-codage Le processus de contre- codage est une technique qui permet de diminuer le biais de l interprétation du chercheur. Cette technique consiste à demander à un second codeur de relire certains passages du matériel original et d effectuer, à son tour, le codage. Selon Miles et Huberman (2003), les définitions s affinent quand deux chercheurs codent la même série de données et discutent de leurs premières difficultés. Cette tâche amène les chercheurs à une vision commune, non équivoque, de la signification des codes et de la meilleure correspondance entre les blocs de données et les codes. Des désaccords indiquent que la définition doit être soit élargie, soit amendée d une autre manière. Afin de vérifier le caractère univoque, clair et précis des codes et catégories, une technique de contre-codage a donc été utilisée. 32

43 Chapitre 3 Résultats et discussion Le premier objectif de cette étude est de décrire les situations familiales en fonction de certaines variables. Le second objectif consiste à vérifier la présence de liens entre ces variables. Dans un souci de clarté, les résultats des deux premiers objectifs ont été regroupés selon qu ils réfèrent, soit à la description des parents et de leur relation, soit au comportement des enfants en réaction à la situation conflictuelle. Ainsi, dans un premier temps, les variables décrivant les parents et leur relation sont présentées, suivies des liens détectés entre ces variables. Dans un second temps, les variables décrivant les enfants et leur réaction à la situation conflictuelle sont exposées. Finalement, les liens entre les variables décrivant les parents et les variables décrivant les enfants seront développés. Pour terminer, les résultats qui répondent au troisième objectif, qui est de vérifier si ces situations conflictuelles constituent en soi une forme de mauvais traitements psychologiques, seront présentés. Description des parents Difficultés liées au fonctionnement relationnel des parents L analyse qualitative du discours des intervenants a permis de dégager la présence de difficultés de fonctionnement relationnel chez certains parents. Les paragraphes suivant décrivent ces difficultés : clivage, intense instabilité et passivité. Dans les cas où le discours de l intervenant n a pas permis d identifier une difficulté de fonctionnement relationnel, le parent a été classifié dans la catégorie «rien à signaler». Clivage Selon Kernberg, Selzer, Koenigsberg, Carr et Appelbaummm (1995), le clivage implique une perception de soi et des autres en «tout bon» et «tout mauvais» qui aboutit à un revirement inattendu, rapide et complet des sentiments et des conceptualisations qu a la personne de soi-même ou de telle personne en particulier. Les descriptions, recueillies auprès des intervenants, de certains parents, correspondent tout à fait à cette définition du clivage; ce sont des parents qui n arrivent pas à avoir une perception nuancée des choses, ils ont une vision dichotomique d eux-mêmes, de l autre parent et même, parfois, de leur enfant. Les intervenants décrivent ici des parents qui ont une grande difficulté à faire la part des choses, à percevoir l autre de manière nuancée. Certains intervenants utilisent le terme de clivage; d autres parleront de rigidité, de vision tout noir/tout blanc. Selon les intervenants, ces parents semblent rigides, éprouvent une difficulté d autocritique et ont tendance à attribuer à l autre parent ou à une cause externe l ensemble des difficultés. Ces parents refusent souvent d entendre parler positivement de l autre parent. La vignette suivante illustre ce type de fonctionnement relationnel : 33

44 Vignette k Madame a une attitude très négative envers Monsieur. Elle serait totalement envahie par son propre vécu négatif avec Monsieur et incapable de faire la différence entre ce qu un père peut offrir à sa fille et ce qu ellemême a vécu en tant que conjointe de cet homme. ( ) Quand la jeune fille parle positivement de son père, ou encore critique sa mère, celle-ci peut devenir très en colère, voire agressive avec sa fille, jusqu à la mettre à la porte. Ce type de fonctionnement relationnel pourrait favoriser l apparition de conflits au sein du couple. À l inverse, un contexte de conflit conjugal ou parental pourrait aussi susciter la présence de clivage. En effet, une étude menée auprès de 25 couples qui ne sont pas en détresse conjugale révèle une tendance chez les deux conjoints à transformer le récit de conflits d une manière à se dépeindre de façon avantageuse et à blâmer l autre pour le conflit (Schüutz, 1999). Intense instabilité Le terme «intense instabilité» regroupe une catégorie de parents «explosifs», dont les émotions et les comportements sont extrêmes et se modifient rapidement. Selon les intervenants, ces parents éprouvent de la difficulté à se contenir et à censurer leurs propos. Chez les mères, ce type de difficulté de fonctionnement relationnel prend davantage la forme d instabilité et de sautes d humeur. Chez les pères, il s agit plutôt d agressivité, de comportements violents qui ont un aspect menaçant pour l intégrité physique de l autre. La vignette suivante propose un exemple de parent «intense et instable» : Vignette c Monsieur quant à lui est beaucoup plus orageux et impulsif. Il a malmené la mère physiquement, entre autres pendant la grossesse et une autre fois où elle avait le bébé dans les bras. Il a aussi déposé l enfant brusquement au moins à deux reprises. La présence de stresseurs environnementaux peut susciter une difficulté ponctuelle à contenir les affects et à réguler les comportements. La situation conflictuelle avec l autre parent, additionnée au contexte de l évaluation de la situation familiale par la protection de la jeunesse, pourrait en soi susciter ce type de réaction chez des parents qui ont par ailleurs un fonctionnement général normal. Il est possible, toutefois, que les difficultés de régulation des émotions et des comportements aient été présentes au départ chez les parents évalués et que ces difficultés aient contribué à l apparition et à la chronicisation du conflit. Passivité Ici, les intervenants décrivent des parents qui se comportent de manière passive, soumise, qui sont «mous». Selon les intervenants, ces parents peuvent sembler très calmes, peu réactifs et ils prennent très peu l initiative de l action. Certains de ces parents, en plus de la passivité, présentent des limites intellectuelles et 34

45 des incapacités relationnelles ou sociales qui interfèrent avec leurs capacités parentales. C est le cas dans la vignette suivante : Vignette o L intervenante décrit la mère : «Une dame passive dans tout, pas juste avec son conjoint». Elle serait dépendante affective, fragile au niveau émotif. Elle n a connu personne d autre que le père de ses enfants. Elle manipule par la pitié. On dénote chez celle-ci un grand manque de maturité. Elle interprète souvent mal les faits, par exemple lorsque le professeur ramène des choses concernant ses enfants, elle réplique lui disant «tu me niaises» La passivité est très présente au cours d un épisode dépressif. De plus, une grande passivité peut avoir été développée en réaction à l exposition chronique à un vécu d impuissance (impuissance acquise), par exemple en réponse à l exposition à de la violence conjugale. Il est possible toutefois que la passivité joue un rôle dans la naissance de dynamiques conflictuelles, par exemple par une demande implicite au conjoint de prendre le contrôle de la relation. Rien à signaler Ici, les intervenants n identifient aucune difficulté de fonctionnement relationnel chez le parent. Certains parents de cette catégorie peuvent toutefois éprouver des difficultés de santé mentale ou des difficultés liées à la consommation de substances psycho actives; c est du point de vue des difficultés liées au fonctionnement relationnel qu aucun problème n a été indiqué par l intervenant. Le tableau 8 montre la répartition des pères et des mères en fonction de leurs difficultés de fonctionnement relationnel. Les catégories décrites ici sont mutuellement exclusives; un même parent ne peut se retrouver dans deux cases du tableau. Toutefois, certains parents qui présentent à la fois les caractéristiques «clivé» et les caractéristiques «intense/instable» à un niveau important ont été regroupés dans la catégorie «à la fois clivé et intense/instable. 35

46 Tableau 8: Difficultés liées au fonctionnement relationnel des parents Difficulté Pères (n) Mères (n) Clivage 4 3 Intense instabilité 4 5 À la fois clivé et intense/instable 3 2 Passivité/ Limites intellectuelles 4 6 Rien à signaler 8 7 Le tableau 8 indique que le clivage, l instabilité ainsi que la passivité ont été décelés par les intervenants chez plusieurs des parents de l échantillon à l étude. Le contexte (conflit, séparation, présence de violence conjugale, évaluation par la protection de la jeunesse) pourrait susciter de façon ponctuelle ce type de fonctionnement relationnel chez les parents. D un autre côté, la présence de difficultés de santé mentale pourrait aussi expliquer en partie la présence des difficultés relationnelles identifiées ici. Ainsi, selon les intervenants, 18 mères et 10 pères ont au moins une difficulté de santé mentale; parmi ceux-ci, 17 parents font un usage régulier de substances psycho actives non prescrites; 7 ont un trouble de personnalité ou des traits de personnalité problématiques diagnostiqués; 5 ont vécu ou vivent actuellement une dépression ou des symptômes dépressifs. L anxiété (2 parents), le trouble affectif bipolaire (2), le déficit intellectuel (2) ainsi que le trouble de l attachement (1) sont les autres problématiques identifiées chez les parents. Les difficultés de fonctionnement relationnel font partie du tableau clinique de plusieurs difficultés de santé mentale, particulièrement dans les troubles de la personnalité. De même, la dépression, l anxiété, le trouble affectif bipolaire, la consommation de substances psycho actives amènent des modifications importantes de l humeur et des comportements. L étude longitudinale de couples conflictuels pourrait permettre de départager la contribution respective du contexte et celle des difficultés de santé mentale aux difficultés de fonctionnement relationnel des parents. De fait, pour 12 parents, aucun problème spécifique, soit de comportement, de consommation ou de santé mentale n a été mentionné par l intervenant. Plusieurs (15) parents sont aussi classifiés dans la catégorie «rien à signaler» des difficultés de fonctionnement relationnel du tableau 8. C est donc dire que plusieurs des parents de l échantillon à l étude n ont pas de difficulté psychologique, sociale ou relationnelle notable. Cependant, il est remarquable que les difficultés de fonctionnement relationnel sont presque 36

47 systématiquement présentes chez au moins un des conjoints formant les couples parentaux, comme en témoigne le tableau suivant (tableau 9), qui décrit comment les difficultés de fonctionnement relationnel des parents sont réparties au sein des couples parentaux. Dans ce tableau, les difficultés liées au fonctionnement relationnel d un des parents sont inscrites sur l axe horizontal et les difficultés de fonctionnement relationnel de l autre membre du couple parental sont inscrites sur l axe vertical. Ici, une des situations familiales n est pas représentée, le père y étant complètement absent et le conflit n étant pas dans un couple mais plutôt entre la mère, son propre père ainsi que la famille d accueil de l enfant. Tableau 9: Répartition des difficultés liées au fonctionnement relationnel des parents au sein des couples parentaux Parent 1 clivé Clivé + Intense Passif Rien à Intense/insta instabilité signaler ble Parent 2 Clivé * * **** Clivé + Intense/instable *** *** Intense instabilité *** **** Passif * * Rien à signaler * Note : chacun des astérisques représente un couple parental. À la lecture de ce tableau, certains constats peuvent être faits. Premièrement, notons qu un seul couple est formé de deux personnes très passives; cette situation a donné lieu à un placement lié à de la négligence. Dans cette situation, les grands-mères sont très impliquées dans la situation familiale et c est surtout elles qui alimentent le conflit. De plus un seul couple est formé de deux personnes n ayant «rien à signaler»; dans cette situation, caractérisée par une problématique de consommation de substances chez les deux parents et par une séparation très récente, le conflit s est résorbé après l intervention. Le conflit ne s est pas chronicisé dans cette situation. Aussi, un seul couple est formé d un parent très passif et d un parent qui n a «rien à signaler». Dans ce cas, l intervention a été axée vers un support au parent qui n a «rien à signaler» et la situation de conflit s est résorbée après le signalement. 37

48 Outre ces trois exceptions, la grande majorité des familles (19/22) se caractérisent par la présence, chez au moins un des conjoints, de clivage, d intense instabilité ou d une association des deux. Celles-ci se retrouvent dans la zone grisée du tableau 8. Il est à noter que c est dans ces couples parentaux que le conflit semble chronique; en effet, dans ces familles, il a été observé que le conflit ne s est pas résorbé en cours d intervention. Il est remarquable aussi que les parents composant ces couples ont rarement tous deux les mêmes difficultés de fonctionnement relationnel; ces couples semblent plutôt constitués de paires complémentaires, un des parents étant passif ou sans difficulté apparente, l autre étant clivé, instable ou les deux. En effet, presque toutes les familles hautement conflictuelles de notre échantillon sont composées d au moins un parent qui est soit clivé, soit instable, soit les deux à la fois. Même si plusieurs parents ne présentent pas ce problème sur une base individuelle, presque toutes les familles de l échantillon doivent composer avec un parent qui présente ce profil. Ainsi, la présence de difficultés relationnelles chez au moins un des parents pourrait être déterminant dans la chronicisation du conflit. En résumé, certains des parents étudiés ici semblent avoir des caractéristiques personnelles en matière de fonctionnement relationnel qui pourraient être liées à la présence de trajectoires hautement conflictuelles. La contribution relative du contexte et des problématiques de santé mentale au développement de ces difficultés de fonctionnement relationnel reste à clarifier. Une étude longitudinale de couples hautement conflictuels et de couples normaux, incluant une évaluation approfondie des traits de personnalité des deux conjoints, pourrait aider à comprendre la relation entre ce type de fonctionnement relationnel et les conflits chez certains parents. Dynamiques de violence conjugale précédant la rupture La présence de violence au sein du couple conjugal pourrait augmenter les risques d impact du conflit parental sur le développement de l enfant (Buehler, et al., 1998). Aussi, la présence des comportements de violence physique et verbale au sein des couples parentaux de l échantillon a été relevée et décrite. La classification des dynamiques de violence conjugale de Straka et Montminy (2008) s est avérée utile pour décrire les comportements de violence entre les parents. Violence commune Dans cette catégorie, la violence est utilisée de façon ponctuelle, à bout d arguments, lorsqu un conflit dégénère. La catégorie «violence commune» regroupe les situations familiales dans lesquelles des comportements violents, verbaux ou physiques, ont été recensés sans toutefois que l intervenant indique un déséquilibre de pouvoir ou qu il identifie clairement la présence d un abuseur et d une victime. La vignette d présente un exemple de couple qui s inscrit dans cette catégorie : 38

49 Vignette d Pendant la vie commune, il y a présence d'épisodes de violence verbale (cris, insultes), et d'événements pendant lesquels les conjoints se lancent des objets. Ils en viennent aussi à "se chamailler", i.e. se bousculer. La violence provient des deux parents. Dynamique de pouvoir et de contrôle Dans cette catégorie, des enjeux de pouvoir et de contrôle sont présents; la violence est à peu près toujours initiée par l abuseur : la victime use rarement de violence (si elle le fait c est pour se défendre). La catégorie «dynamique de pouvoir et de contrôle» regroupe les situations où l intervenant a clairement indiqué qu une dynamique de violence conjugale, caractérisée par la présence d un abuseur et d une victime, était présente, ainsi que les couples au sein desquels un des conjoints était décrit comme très passif et l autre comme impulsif, intense et instable. Dans ces dyades, un des conjoints semble prendre l initiative de l action voire le contrôle de la relation, alors que l autre se comporte comme une victime impuissante. La vignette suivante regroupe des indices qu une dynamique de pouvoir et de contrôle est présente : Vignette f Quand la mère a quitté le père, elle était aux prises avec le cycle de la violence conjugale; elle s'était alors réfugiée dans une maison d'hébergement pour la violence conjugale. ( ) C'est madame qui est partie. Elle a tenté de quitter monsieur plusieurs fois sans y arriver, se sentant trop dépourvue sans lui, se demandant ce qu'elle allait faire avec ses enfants... Le tableau 10 présente la répartition des couples parentaux en fonction de leur appartenance à un type de violence avant la rupture (s il y a rupture). Dans la catégorie «pas documenté», on retrouve les parents pour lesquels les données ne sont pas disponibles quant à la présence ou à l absence de violence pendant la vie commune. Une catégorie «pas de violence» a été intégrée afin de démontrer qu aucune situation où la violence est absente n a été recensée. La catégorie «dynamique de pouvoir et de contrôle» a été subdivisée de manière à présenter, d une part, les individus identifiés comme abuseurs et d autre part les individus identifiés comme les victimes par les intervenants et pour permettre l identification des rôles respectivement joués par les mères et les pères au sein de cette dynamique. 39

50 Tableau 10: Dynamiques de violence conjugale en fonction du sexe et du rôle joué dans la dynamique Dynamique conjugale Pères (n) Mères (n) Pas documenté 3 3 Pas de violence 0 0 Violence «commune» 8 8 Dynamique de pouvoir et de contrôle Abuseur 8 4 Victime 4 8 À la lecture de ce tableau, certains constats peuvent être faits. D abord, l absence de situations dans lesquelles aucune violence n a été recensée semble indiquer que la violence physique ou verbale est systématiquement présente au sein des situations familiales hautement conflictuelles signalées à la protection de la jeunesse, à divers niveaux d intensité. Selon une enquête canadienne (Hotton, 2001), dans une population générale de couples séparés, 28 % des femmes et 22% des hommes qui ont été en contact avec leur ex-conjoint(e) ont eu au moins une expérience de violence avec ce partenaire au cours des 5 années précédant l enquête, alors qu ils vivaient avec lui ou après la séparation. Le fait que la violence soit systématiquement recensée dans les situations familiales de la présente étude illustre la nature clinique de notre échantillon. Bien que la violence est systématiquement présente dans l échantillon, elle se présente sous différentes formes : les deux types de violence décrites par Straka et Montminy (2008) y sont représentés. Toutefois, selon ces auteures, dans les dynamiques de pouvoir et de contrôle, l abus est patriarcal et la violence est presque toujours initiée par l homme. Dans l échantillon actuel, deux fois plus de pères que de mères sont identifiés comme abuseurs, mais les mères sont tout de même relativement présentes parmi les abuseurs (4 mères). Il semble donc que le rôle d abuseur ne soit pas réservé aux pères, du moins dans la population de la protection de la jeunesse de Québec. Les femmes qui abusent physiquement ou verbalement leur conjoint pourraient être moins facilement détectées par les intervenants, ou moins souvent dénoncées par leur conjoint, ce qui expliquerait qu elles sont moins souvent recensées dans la littérature que les hommes abuseurs. Coparentalité Le type de coparentalité exercé entre les parents pourrait aussi jouer un rôle dans l impact du conflit parental sur le développement de l enfant. Dans l échantillon à l étude, le type de coparentalité exercé par les parents 40

51 suite à la rupture a pu être examiné dans 19 des 23 couples parentaux. Les 3 couples vivant toujours ensemble et une des mères n étant pas en contact avec le père ont été exclus de ces observations. Les trois types de coparentalité relevés dans la littérature (Baum, 2003; Hetherington & Kelly, 2002; Maccoby, et al., 1990) sont présents dans l échantillon à l étude. Toutefois, parmi les couples correspondant aux types de coparentalité conflictuelle et parallèle, des sous-groupes ont été identifiés. Ces sous-groupes permettent de décrire les couples parentaux en fonction de dynamiques et de contextes qui les caractérisent. Coparentalité de type coopératif Le type «coopératif» de coparentalité, qui décrit des parents qui communiquent fréquemment entre eux à propos de l enfant et qui se disputent rarement, est absent des situations familiales au début de l intervention de la protection de la jeunesse. À la fin de l intervention, deux situations sur 23 se rapprochent de cette définition. Dans ces situations, c est l intervention de la protection de la jeunesse qui soutient l instauration d une coparentalité de coopération. C est le cas dans la vignette qui suit : Vignette e Les contacts père-fils ont été introduits de manière graduelle, en commençant par une journée, puis deux jours incluant un coucher. Ce processus s est fait de façon consensuelle avec les parents, la mère voulant éviter que le père se désengage de sa relation avec son fils. La mère sait que l enfant a besoin de garder le contact avec le père. De plus, l enfant réclame de voir son père. Le père a une perception positive de la relation mère-fils. Il ne profite pas du signalement pour interférer dans la relation mère-fils. Il croit que c est bon pour son fils de maintenir le contact. La mère a une perception positive de la relation père-fils et des capacités parentales du père. Coparentalité désengagée ou parallèle Un second type de coparentalité, dit «désengagé» ou «parallèle», implique des parents qui sont désengagés l un envers l autre, ce qui les amène à communiquer très peu entre eux. Le risque majeur associé à ce second type serait une absence de coordination entre les maisonnées. Ce type de coparentalité est présent dans cinq des situations familiales étudiées. Dans quatre de ces 5 situations, le désengagement semble découler du fait que le parent qui détient la garde, typiquement la mère, tente d exclure complètement l autre parent de sa vie et de la vie de l enfant. Dans ces situations, la communication entre les parents est minimale ou rompue. Les besoins de l enfant quant à son désir de maintenir les contacts avec l autre parent, au partage de ses biens personnels, au partage de l information le concernant sont souvent mis de côté par le parent gardien de manière à prioriser la coupure la plus complète possible vis-à-vis l autre parent. Le parent gardien exerce un contrôle strict et rigide sur les 41

52 visites. Des signalements abusifs (non fondés) sont présents dans trois de ces situations. C est d ailleurs le cas dans la vignette qui est présentée ci-dessous pour illustrer ce type de coparentalité. Vignette s Monsieur va chercher les enfants après l école le vendredi et les y reconduire le lundi matin. Les parents n ont aucun contact entre eux. ( ) Lorsque l intervenante a rencontré le garçon pour évaluer le signalement, notamment les allégations d abus physique, le garçon lui a rapporté que sa mère lui avait dit qu une dame allait venir le questionner et qu il devait dire qu il avait été abusé physiquement, qu il devait lui en parler. ( ) Madame se montre très rigide dans l application du jugement de la Cour supérieure, notamment concernant la garde et les droits de contact. Par exemple, si elle a une urgence et doit faire garder ses enfants, elle va appeler tout le monde avant d appeler Monsieur, car selon le jugement il a le droit de les avoir seulement une fin de semaine sur deux. Monsieur se montre beaucoup plus calme, plus positif que Madame. Il se dit excédé des conflits, dit qu il voudrait avoir une relation plus mature avec son ex-conjointe, être capable de se parler pour le bien des enfants. Il revendique une forme de coparentalité. Par ailleurs, dans une des situations où la coparentalité est désengagée ou parallèle, le désengagement découle du fait que le parent non-gardien s investit très peu auprès de l enfant. Cette situation, décrite dans la vignette ci-dessous, donne lieu à un placement car les deux parents sont trop envahis par leurs propres difficultés pour être en mesure de donner les soins à l enfant. Vignette d Le père ne fait aucun commentaire, n'a aucune demande quant aux contacts mère-enfant. Il ne se préoccupe pas des suites et des impacts possibles sur l'enfant de la tentative de suicide de la mère. Le père semble particulièrement inconscient des enjeux liés à la situation. Il est très peu engagé dans la relation avec l'enfant. Le père peut passer des semaines sans prendre de nouvelles. Coparentalité conflictuelle Un troisième type de coparentalité, dit «conflictuel» ou «hostile», est caractérisé par des parents qui gardent le contact, mais d une manière hostile. Ici, les conflits à propos des enfants sont importants, les parents contestent mutuellement leurs compétences, sapent leur autorité respective et sabotent les contacts de l enfant avec l autre parent. Les études recensées mentionnent que c est le type de coparentalité qui représente les risques les plus élevés pour l enfant sur le plan adaptatif (Baum, 2003; Hetherington & Kelly, 2002; Maccoby, et al., 1990). Ce type de coparentalité caractérise la majorité des familles étudiées ici (12/19), 42

53 alors que dans l étude de Hetherington et Kelly (2002), c est la coparentalité de type désengagée qui était la plus représentée, ce qui illustre la nature clinique de l échantillon à l étude. Dans 6 de ces 12 situations, un des parents, généralement le père, a été peu investi auprès des enfants suite à la séparation conjugale. C est au moment où celui-ci reprend contact avec l enfant ou augmente sensiblement le nombre de ces contacts que le conflit parental s installe ou s amplifie entre les conjoints. L augmentation des conflits découle, soit d une dégradation récente de la santé mentale du parent gardien ou de ses comportements (consommation, prostitution, négligence), soit d une prise de conscience par le parent non gardien que le parent gardien a des comportements qui pourraient entraver le bon développement de l enfant. Dans ces foyers, les enfants sont exposés à la consommation, à de la prostitution et à de la négligence qui pose un problème réel pour la sécurité ou le développement de l enfant selon l évaluation. Dans ces situations, les critiques mutuelles s articulent typiquement autour des droits de visite et des compétences parentales. Une dispute pour la garde légale des enfants est présente dans ces 6 situations. En voici un exemple : Vignette k Les deux ex-conjoints sont en conflit autour des droits de visite du père. Par exemple, Madame reproche à Monsieur de ne pas lui rapporter les vêtements de M. quand elle va chez lui, et il rétorque qu elle ne lui fournit pas de vêtements. Madame reproche à Monsieur de ne pas venir chercher M. à l heure prévue, alors que lui dit qu il était à l heure mais que c est Madame qui a tardé à faire sortir la jeune. Ils se critiquent et se dénigrent mutuellement devant les intervenants, mais Monsieur fait généralement preuve de plus de retenue que Madame devant leur fille.( ) De plus, elle en veut aussi à Monsieur d avoir fait un signalement à la DPJ et d avoir révélé des choses sur son mode de vie (elle travaille comme danseuse nue). Elle croit que cela ne serait jamais arrivé si sa fille n avait pas eu de contacts avec son père et que sans Monsieur, elle aurait pu continuer à avoir le même mode de vie elle ne semble pas voir que par ailleurs, le comportement de sa fille est inquiétant et que celui-ci aurait probablement fini par amener une intervention de la DPJ de toute façon. Dans les 6 autres situations où la coparentalité est conflictuelle, le conflit parental prend la forme d une dynamique de harcèlement et de contrôle. Un des parents surveille l autre parent, l appelle constamment, le menace. L autre parent, qui tient à maintenir les contacts avec son enfant, subit ce harcèlement. Dans ces situations, il arrive qu un interdit de contact soit prononcé par un tribunal. C est le cas dans une des familles étudiées ici. Si les parents respectent l ordonnance du tribunal, une coparentalité de type hostile deviendra alors parallèle. La vignette h présent ce sous-type de coparentalité conflictuelle. 43

54 Vignette h Madame a des comportements harcelants et intrusifs avec Monsieur. Il lui est arrivé de le suivre à la sortie de la garderie pour voir où il habite. Elle est déjà entrée chez lui sans autorisation. Elle téléphone sans cesse chez lui, chez ses parents, veut toujours savoir où il est et avec qui. Elle cherche à soutirer des informations sur Monsieur auprès de diverses personnes, comme les intervenantes de la Maison de la famille. Elle a déjà appelé le 911 pour le faire rechercher. La police l a retrouvé chez une copine, et Madame a menacé d aller battre la copine avec une batte de baseball. Monsieur dit qu il n en veut pas à Madame, il comprend qu elle a un passé lourd et qu elle a besoin d aide. Il ne veut pas que la situation dégénère en guerre, car il est conscient que lui et son ex-conjointe resteront toujours les deux parents de l enfant. Son discours est centré sur les besoins de l enfant, et il ne souhaite pas évincer Madame car il sait que son fils a besoin de sa mère. Mais il souhaite que Madame cesse de le harceler et de le blâmer, aimerait qu elle tourne la page. Le tableau 11 montre la répartition des couples en fonction du style et du sous-type de coparentalité exercé. En résumé, le type de coparentalité conflictuel est présent en grande majorité au sein des situations familiales étudiées ici. La coparentalité parallèle est aussi présente, mais dans une moindre mesure. Certains des couples parentaux étudiés arrivent à développer une coparentalité de coopération suite à l intervention de la protection de la jeunesse. Les éléments qui pourraient expliquer l installation, au sein des couples parentaux, d un type ou l autre de coparentalité sont nombreux. Parmi ces éléments, la perception de chacun des parents à l égard de l autre parent constitue une piste qui sera explorée plus loin. Tableau 11: Répartition des couples parentaux en fonction de leur style et du sous-type de coparentalité exercé Style de coparentalité Sous-type Nombre de couples De coopération Pas de sous-type identifié 2 Retour du père et dispute pour la garde 6 Conflictuelle Harcèlement/contrôle 6 Parent gardien exclut l autre parent 4 Parallèle Désinvestissement du parent non-gardien 1 Triangulation Selon Drapeau et ses collaboratrices : «Trianguler consiste à demander à l enfant de prendre parti, d espionner l autre parent, de faire le messager à propos de sujets délicats et à dénigrer l autre parent en 44

55 présence de l enfant sans que l autre parent soit présent» (Drapeau, et al., 2004, p. 181). Dans l échantillon, le blâme ou le dénigrement de l autre parent devant les enfants est présent dans presque toutes les situations (20 situations/23). Vignette i Il tente de saboter la relation mère-filles en véhiculant des messages négatifs sur Madame, par exemple en disant aux filles que leur mère les néglige. Le blâme ou le dénigrement peut passer par des allégations non fondées d un parent envers l autre parent, qui sont faites à la DPJ ou au tribunal. C est le cas dans dix des 23 situations. Dans cinq situations, le parent demandera à l enfant de témoigner contre l autre parent, soit auprès des intervenants de la DPJ, au tribunal ou par l entremise d enregistrements vidéo. Les enfants sont utilisés pour espionner l autre parent (on leur demande de rapporter ses faits et gestes) dans trois situations. Dans deux situations, l enfant est rejeté par le parent s il démontre de l intérêt à développer une relation positive avec l autre parent. La triangulation peut aussi prendre des formes plus subtiles ou indirectes, par exemple lorsqu un parent interdit à l enfant d apporter ses propres vêtements ou objets chez l autre parent. Il peut aussi s agir de comportements non-verbaux, comme chez cette mère qui pleure lorsque sa fille quitte pour se rendre chez son père ou lorsque le parent devient très en colère ou renfermé lorsque l enfant parle de son autre parent. Une forme ou l autre de triangulation est présente dans la très grande majorité des couples parentaux de l échantillon. Dans deux des trois situations familiales où la triangulation est absente, les parents sont toujours en couple; le signalement a découlé du fait que les enfants sont directement exposés aux conflits entre leurs parents. Dans la troisième situation, le conflit parental s est résorbé après la séparation des parents, le père s étant complètement désinvesti de la situation. Perception parentale Comme il a été décrit ci-haut, les blâmes, les critiques envers l autre parent sont présentes dans presque toutes les situations familiales, particulièrement dans les familles où les parents sont séparés. Par ailleurs, au fil de l analyse, il ressort que certains parents ont effectivement des comportements ou des attitudes qui justifient que l autre parent s en inquiète. Aussi, il s est avéré utile de départager les perceptions négatives «réalistes» des parents de leurs perceptions excessivement négatives ou blâmantes. La section qui suit décrit la perception qu entretient chacun des parents envers l autre parent. Cet élément pourrait jouer un rôle dans l instauration de dynamiques de triangulation et dans le style de coparentalité présent entre les parents. Les catégories décrites ici découlent d une co-construction : (1) de l intervenant qui rapporte ce qu il a vu et 45

56 compris de la situation, et (2) du chercheur qui a analysé leur discours. Chacune des catégories présentées est suivie d une vignette servant à l illustrer. Rien à reprocher Dans cette catégorie, l intervenant indique que le parent reconnaît les capacités de l autre parent, ne s interpose pas dans la relation de ce dernier avec les enfants et fait globalement confiance à l autre parent. Vignette i Pour sa part, Madame est moins dénigrante et colérique que Monsieur. Elle fait attention à ses mots devant les filles, elle n a rien à reprocher au mode de vie de Monsieur et souhaite que les filles soient en relation avec leur père. Inquiétudes fondées Ici, selon l intervenant, le parent perçoit objectivement les lacunes de l autre parent et s inquiète à bon escient de leurs conséquences sur l enfant. Vignette j Monsieur adopte un discours un peu plus nuancé, moins dramatique et moins haineux. Il reconnaît que Madame s occupe bien de son fils, mais il est conscient qu elle le dénigre devant l enfant, et il est inquiet des conséquences. Inquiétudes basées sur la réalité mais possiblement exagérées Selon l intervenant, l inquiétude du parent se fonde sur des faits vérifiés mais semble excessive et hors proportion avec les faits. Vignette f La mère est constamment inquiète face à la relation du père avec ses filles. L'intervenante croit qu'elle est impossible à rassurer; peu importe tout ce qu'on fait pour surveiller le père. Comme si elle revivait toute la violence physique et psychologique qu'elle a vécu auprès du père. Elle a du mal à faire la part des choses entre son vécu personnel et le vécu de ses filles auprès du père. Utilisation de la DPJ pour «gagner» contre l autre parent et/ou perte d objectivité Dans cette catégorie, selon l intervenant, le parent semble plus préoccupé de nuire à son ex-conjoint que du bien-être de son enfant. La perception qu a le parent de l autre n est pas objective; les sentiments négatifs, le conflit amènent une perception distordue des capacités parentales de l autre parent; le parent attribue tous les torts à l autre parent. Vignette n 46

57 Son attitude envers Madame est blâmante : il dit qu elle ne les nourrit pas bien, n assume pas le suivi médical comme il faut, etc. Parfois, il lui reproche une chose et son contraire, il se contredit dans ses reproches. L intervenante croit que ses attitudes et comportements blâmant et critiques sont simplement une expression de la grande colère qu il ressent contre son ex-conjointe. Le tableau 12 présente la répartition des pères et des mères en fonction du type de perception qu ils entretiennent envers l autre parent. Les deux premières lignes du tableau présentent les parents qui ont une vision relativement objective de l autre parent, alors que les deux dernières lignes regroupent les parents moins objectifs. Tableau 12: Perception du parent envers l'autre parent Perception Pères (n) Mères (n) Rien à reprocher 4 7 Inquiétudes fondées 10 5 Inquiétudes possiblement exagérées 3 2 Utilisation de la DPJ / perte d objectivité 6 9 Ce tableau permet de constater que la perception des parents est répartie relativement également entre «objective» et «non-objective», les femmes (11) étant représentées à peu près autant que les hommes (9) dans les catégories «non-objective» (deux dernières lignes). Le tableau suivant présente la répartition de l objectivité des parents au sein des couples parentaux. Une des familles, dont le père est absent, n est pas représentée ici. Tableau 13: Répartition de l'objectivité des parents au sein des couples parentaux Père objectif Père non objectif Mère objective * * * * * * * * * * * Mère non objective * * * * * * * * * * * Note : Chaque situation familiale est représentée par un astérisque (*) Dans 15 familles, au moins un des parents (sinon les deux) n est pas objectif vis-à-vis l autre parent (zones grisées du tableau 13). Sept familles regroupent des parents qui ont tous les deux une vision objective de 47

58 l autre parent. Ces familles pourraient présenter un type de coparentalité différente des autres familles. Cet aspect sera approfondi plus loin. Description des parents : résumé En définitive, les parents et leurs interactions ont été décrits en fonction de cinq variables : les difficultés liées au fonctionnement relationnel, la dynamique de violence conjugale présente avant la rupture, les types et les sous-types de coparentalité, la présence de triangulation et la perception que les parents entretiennent envers l autre parent. Les constats généraux qui ressortent sont les suivants : D abord, les couples parentaux étudiés ici sont très largement formés d au moins un individu qui présente des difficultés de fonctionnement relationnel. Ensuite, la violence est présente dans tous les couples parentaux étudiés ici. Les deux types de violence décrits par Straka et Montminy (2008) y sont présents. De plus, les trois types de coparentalité recensés dans la littérature (Baum, 2003; Hetherington & Kelly, 2002; Maccoby, et al., 1990) sont présents dans l échantillon à l étude, la coparentalité hostile étant la plus présente, suivie de la coparentalité de type parallèle. Les dynamiques et les contextes sous-jacents à l instauration des types de coparentalité parallèle et conflictuelle peuvent différer entre les familles. D autre part, la triangulation est très présente au sein des situations familiales étudiées et prend généralement la forme de blâmes ou de dénigrement envers l autre parent en présence de l enfant. Finalement, la description de la perception qu entretiennent les parents envers l autre parent permet de départager les parents qui ont une perception objective de l autre parent de ceux qui entretiennent une vision démesurément négative de l autre parent. La majorité des couples est formée d au moins un parent qui a une vision non objective de l autre parent. Dans la section suivante, les relations qui ont été détectées entre les variables décrites ci-haut sont exposées et discutées. Relation entre les variables décrivant les parents À cette étape de l analyse, chacune des variables a été mise en relation avec les autres variables à l aide de techniques matricielles (Miles & Huberman, 2003). Concrètement, il s agit d inscrire une variable et ses caractéristiques sur un axe de la matrice. L autre variable et ses caractéristiques sont inscrites sur l autre axe. L appartenance commune de chaque individu ou de chaque couple parental aux caractéristiques des deux variables peut ainsi être documentée. De fait, ces matrices permettent de détecter en un coup d œil la tendance de la caractéristique spécifique d une variable à survenir en même temps que la caractéristique spécifique d une autre variable. Par exemple, l analyse a permis de vérifier si, chez les parents, un type précis de difficulté de fonctionnement relationnel survient couramment en même temps qu un type de violence conjugale. 48

59 Uniquement les matrices pour lesquelles un patron de cooccurrence était présent de manière significative ont été présentées ici. Ainsi, des liens ont été mis en lumière entre les difficultés de fonctionnement relationnel des parents et deux autres variables : les dynamiques de violence conjugale ainsi que la perception des parents. Ces liens sont exposés dans un premier temps. Dans un second temps, les liens entre la perception des parents et le style de coparentalité sont décrits. Ces deux dernières variables sont finalement examinées à la lumière du temps écoulé depuis la rupture. Difficultés de fonctionnement relationnel et dynamiques de violence conjugale Le tableau 14 présente, sur l axe horizontal, le type de violence conjugale présent dans le couple avant la rupture. Sur cet axe, la dynamique de pouvoir et de contrôle est subdivisée afin de documenter l appartenance de chaque parent à un rôle, celui d abuseur ou de victime. Les difficultés de fonctionnement relationnel des parents sont inscrites sur l axe vertical. Le croisement de ces variables a permis de vérifier si un type de fonctionnement relationnel survient typiquement au sein d un type de violence conjugale et si les rôles d abuseur et de victime sont typiquement adoptés par les parents ayant un certain type de fonctionnement relationnel. Selon le tableau 14, les parents qui sont décrits comme à la fois rigides et intenses/instables sont tous inscrits dans une dynamique de pouvoir /contrôle et tiennent le rôle de l abuseur (zone grisée du tableau). Les victimes, quant à elles, se situent systématiquement soit dans la catégorie «passivité», soit dans la catégorie «rien à signaler». Selon la définition de Straka & Montminy (2008), un déséquilibre du pouvoir est présent dans les dynamiques de pouvoir et de contrôle. Ce déséquilibre pourrait être présent dès la formation du couple; il est possible qu une personne plus dépendante, ou plus passive, cherche naturellement un conjoint qui pourrait l aider à se mettre en action, et qu inversement, la personne plus impulsive et directive cherche à lier une relation avec une personne qui la suivra sans s opposer. Dans une optique systémique toutefois, les comportements individuels s inter-influencent. Une personne passive pourrait laisser place à la possibilité qu une autre personne, plus «active», prenne le pouvoir dans la situation familiale. Inversement, un conjoint très impulsif ou violent pourrait amener l autre à développer un sentiment d impuissance et à devenir passif de manière à éviter les conflits. Des difficultés de fonctionnement relationnel, déjà présentes chez les individus dans une certaine mesure, pourraient ainsi se renforcer à travers une dynamique de pouvoir et de contrôle. 49

60 Tableau 14: Dynamiques de violence conjugale et difficultés liées au fonctionnement relationnel des parents Violence commune Pouvoir/contrôle Abuseur Victime Rigidité, clivage **** **, À la fois rigide et Intense/instable ****** Intense instabilité **** **** Passivité *** ******* Rien à signaler ********* ***** Note : dans ce tableau, chaque astérisque représente un individu : un des deux parents ou une des personnes qui exerce couramment la garde( un grand père et un parent d accueil). Dans un autre ordre d idées, comme il a été noté plus haut, plusieurs femmes s inscrivent en tant qu abuseurs dans une dynamique de pouvoir et de contrôle, alors que Straka et Montminy (2008) suggèrent que ces cas sont très exceptionnels. Ceci pourrait découler de la nature clinique de l échantillon à l étude. Pourtant, à la lumière de cette matrice, un autre élément pourrait expliquer la faible représentation des femmes comme abuseurs dans la littérature. En effet, comme il a été vu dans la description des difficultés de fonctionnement relationnel des parents, la description des femmes dans la catégorie «intenses et instables» est légèrement différente de celle des hommes de cette catégorie; les femmes sont décrites comme ayant de fréquentes sautes d humeur, des «crises», alors que chez les pères, l impulsivité est associée à de l agressivité, des comportements violents qui ont plus facilement un aspect menaçant pour l intégrité physique de l autre. C est ainsi que la dynamique d abus d une femme envers un homme pourrait être moins facile à détecter; la femme peut sembler moins physiquement menaçante mais il n en s agit pas moins d une situation de débalancement du pouvoir. Difficultés liées au fonctionnement relationnel et perception des parents En plus d être liées au type de violence présent au sein du couple parental, il semble que certaines difficultés de fonctionnement relationnel surviennent systématiquement avec certains types de perception chez les parents. Pour former le tableau 15, les quatre différentes catégories de perceptions parentales présentées plus haut ont été regroupées. Les perceptions de type «rien à reprocher» et «inquiétudes fondées» forment le groupe «objectif» présenté sur l axe horizontal. Sur le même axe, les perceptions de type «inquiétudes possiblement exagérées» et «utilisation de la DPJ/perte d objectivité» forment le groupe «pas objectif». L axe vertical présente les difficultés de fonctionnement relationnel des parents. 50

61 Tableau 15: Objectivité et difficultés de fonctionnement relationnel des parents Objectif Pas objectif Rigide, clivé ******* Clivé + intense / instable * **** Intense et instable **** *** Passif /Limites intellectuelles ******** ** Rien à signaler **************** * Note : dans ce tableau, chaque astérisque représente un individu : un des deux parents ou une des personnes qui exerce couramment la garde. Au vu de cette matrice, les parents clivés ou qui sont à la fois clivés et instables ont généralement une perception qui n est pas objective de l autre parent. Cela découle logiquement; le clivage constitue justement une difficulté à éprouver les choses de manière nuancée, objective. L intense instabilité semble quant à elle être liée à un manque d objectivité dans certains cas seulement. De fait, la difficulté à s autoréguler sur le plan affectif pourrait aussi se manifester par une instabilité des perceptions entretenues vis-à-vis de l autre parent. La perception qu ont les parents intenses/instables de l autre parent pourrait ainsi avoir tendance à changer rapidement. D ailleurs, une des situations regroupant deux parents à la fois intenses et instables a posé un problème de classification lors de l analyse du type de perception qu ils entretenaient l un envers l autre : la perception de ces parents était changeante, passant à plusieurs reprises au cours de l évaluation d un pôle très positif à un pôle très négatif. Ces parents ont rompu et repris la relation à de nombreuses reprises au cours des mois qu a duré l évaluation. D un autre côté, trois des parents qui n ont pas été décrits comme très clivés ou rigides semblent aussi entretenir une vision qui n est pas objective de l autre parent. L analyse de ces trois parents indique qu il s agit de trois mères, dont deux sont décrites comme passives et une comme n ayant rien à signaler. Ces mères ont toutes été victimes de la violence conjugale du père. Les intervenants disent d elles qu elles ont peur du père. Le vécu de violence pourrait avoir créé chez ces femmes une forme d hyper-vigilance envers les comportements du père, les amenant à perdre leur objectivité vis-à-vis de lui. En résumé, la présence d un fonctionnement relationnel de type «clivage» chez un parent pourrait amener celui-ci à percevoir l autre parent de façon démesurément négative. La présence d un fonctionnement de type 51

62 «intense et instable» pourrait créer des fluctuations dans la perception d un parent envers l autre et amener un cycle chronique de retour/rupture de la relation au sein de la dynamique familiale qui pourrait, en soi, constituer un élément d adversité familiale pour l enfant. Les individus décrits comme «passifs» ou chez qui aucune difficulté de fonctionnement relationnel n est identifiée ont tendance à maintenir une perception objective de l autre parent. Le vécu passé des conjoints pourrait avoir une influence sur la capacité des parents à être objectif vis-à-vis de l autre parent, plus particulièrement les contextes dans lesquels une dynamique de violence conjugale a précédé la rupture. Coparentalité et perception des parents La capacité à entretenir une coparentalité de coopération pourrait prendre racine dans la perception que les parents entretiennent l un envers l autre. En effet, il est probable que la confiance mutuelle entre les conjoints suscite la coopération et qu à l inverse une perception négative de l autre parent nuise à la coopération. Le tableau 16 est la matrice qui fut utilisée pour vérifier si le style de coparentalité présent dans les couples parentaux avait un lien avec l objectivité de la perception des parents envers l autre parent. Le style de coparentalité du couple parental est présenté sur l axe horizontal. Les couples qui vivent toujours ensemble au moment de l évaluation ont également été inscrits sur cet axe afin de visualiser la nature des perceptions entretenues par les parents de ces couples. L axe vertical indique la nature de la perception des deux parents au sein des couples conjugaux. Tableau 16: Coparentalité et perception des parents Coparentalité de Coparentalité Coparentalité Pas de rupture coopération parallèle conflictuelle Deux parents objectifs ** * * *** Un seul parent objectif **** ****** Deux parents non ***** objectifs Note : dans ce tableau, chaque astérisque représente un couple parental La zone grisée du tableau indique que les couples dont un des parents ou les deux parents ne sont pas objectifs s inscrivent tous, soit dans un style de coparentalité parallèle, soit dans un style conflictuel. Toutes les 52

63 situations où les deux parents manquent d objectivité s inscrivent systématiquement dans le type de coparentalité conflictuelle. D un autre côté, les trois couples dont les conjoints vivent toujours ensemble (pas de rupture) sont formés de deux parents objectifs. Il est possible que le fait de conserver une opinion objective les uns des autres permette aux parents de demeurer en couple. D un autre côté, le fait de se côtoyer quotidiennement pourrait favoriser la capacité à avoir un regard objectif sur l autre. L examen approfondi des quatre situations de rupture dans lesquelles les deux parents sont objectifs a révélé que, dans deux des cas, le conflit s est résorbé au cours de l intervention de la protection de la jeunesse. De fait, ce sont les deux seuls couples qui ont pu instaurer une coparentalité de coopération après la rupture. Aussi, l objectivité pourrait constituer un levier qui permettrait de passer d une coparentalité hostile à une coparentalité de coopération. Par ailleurs, deux des couples dont les deux parents entretiennent une perception objective de l autre parent s inscrivent pourtant dans une coparentalité, soit hostile, soit parallèle. L examen de ces couples indique qu ils sont tous deux formés de parents très dépourvus. Ces deux situations sont caractérisées par la présence de problèmes très importants de santé mentale chez les deux parents et ont donné lieu au placement de l enfant. Dans ce type de situations, les conflits pourraient prendre une forme plus chaotique, découlant moins de la relation entre les parents que des difficultés que chacun d eux éprouvent à un niveau individuel. Il a été remarqué plus haut que trois mères qui avaient un vécu de violence conjugale entretenaient une vision non objective du père. La perte d objectivité pourrait constituer une variable médiatrice entre le vécu de violence conjugale et la difficulté à exercer une coparentalité de coopération, ce qui expliquerait les résultats de Hardesty et al. (2008), qui identifient un lien entre la capacité des parents à exercer une coparentalité en lien avec les besoins des enfants et la présence ou non de comportements d abus avant la séparation. Perception parentale, sévérité et chronicité du conflit Les observations notées ci-haut indiquent que le manque d objectivité des parents pourrait être lié à la sévérité du conflit. En effet, l examen des deux situations familiales où l intensité du conflit a diminué suite à l intervention de la protection de la jeunesse pour laisser place à une coparentalité de coopération révèle que, dans ces situations, la perception des deux parents vis-à-vis l autre parent a changé en cours d intervention : elle est devenue plus nuancée, plus objective. Le manque d objectivité pourrait également être lié à la chronicité d un conflit. 53

64 Afin de vérifier cette hypothèse, l introduction d un facteur temporel dans l examen des situations conjugales semblait pertinente. C est ainsi que la variable «temps écoulé depuis la rupture», présentée au tableau 2 dans la section «description de l échantillon», a été introduite dans les matrices. Le tableau suivant (tableau 17) permet d examiner l évolution de la perception des parents en fonction du temps écoulé depuis la rupture. Le nombre d années écoulées depuis la rupture est inscrit sur l axe vertical alors que l axe horizontal décrit les couples en fonction de l objectivité de leur perception. Cette matrice présente un patron de cooccurrence entre le temps écoulé depuis la rupture des parents et leur capacité à être objectifs. En effet, les parents des couples qui n ont pas rompu ou qui ont rompu depuis moins de 6 mois ont tendance à être tous les deux objectifs, alors que ceux des couples qui ont rompu depuis plus d un an sont généralement composés d un ou deux parents non objectifs. Un processus qui amène les parents à rigidifier leur perception envers l autre parent pourrait survenir au cours de la première année suivant la séparation. Cependant, il est plus probable que les signalements concernant les ruptures récentes représentent davantage des situations de crises ponctuelles qui ont tendance à se résorber avec le temps alors que les signalements relatifs à des séparation plus anciennes concernent des conflits plus cristallisés; les situations de rupture récente et ancienne constitueraient donc deux types de trajectoires conflictuelles différentes. En effet, le manque d objectivité est représenté dans la grande majorité des situations de rupture ancienne. Dans la seule situation de rupture ancienne où les deux parents sont objectifs, le conflit s est résorbé en cours d intervention. Tableau 17: Objectivité des parents et temps écoulé depuis la rupture Père et mère objectifs 1 seul parent objectif 2 parents non objectifs Pas de rupture * * * * 0 à 6 mois * * * * * 1 à 2 ans * 2 à 3 ans * * 3 à 4 ans * * * 5 à 6 ans * * 7 à 8 ans * * 10 ans et plus * * * * Note : Chaque situation familiale est représentée par un astérisque (*) 54

65 Notons que les situations de rupture plus ancienne pourraient correspondre à deux des trajectoires conflictuelles identifiées par Drapeau et al. (2009), soit celle où un haut niveau de conflit a perduré pendant plusieurs années suivant le conflit et celle qui est formée de parents chez qui le niveau de conflits suivant la première année de séparation est bas, mais remonte par la suite. Ces trajectoires représenteraient, selon les auteures, un risque élevé pour les enfants parce qu ils continuent à être chroniquement exposés au conflit parental. Temps écoulé depuis la rupture et coparentalité Les dynamiques conjugales se transforment dans le temps en fonction du contexte dans lequel elles s inscrivent. Toute typologie, en apparence statique, rend difficilement cette évolution. Aussi, il a semblé pertinent de voir de quelle façon les sous-types de coparentalité identifiés dans la section descriptive (ref. tableau 11) évoluent en fonction du temps. Le tableau 18 regroupe, sur l axe horizontal, trois des quatre soustypes de coparentalité identifiés. Le sous-type «désengagement», a été exclu dans un souci de simplification (ce sous-type est représenté par un seul couple parental). La matrice présentée au tableau 18 indique une nette tendance, pour le sous-type de coparenatlité conflictuelle caractérisé par le harcèlement et le contrôle, à être davantage présente dans les premiers temps suivant la rupture, alors que les autres dynamiques semblent s installer quelques années après la rupture. L examen approfondi des situations où le harcèlement et le contrôle sont présents après la rupture indique que dans toutes ces situations, une dynamique de violence de type «pouvoir/contrôle» était présente avant la rupture. Les situations où une dynamique d abus était présente avant la rupture sont également présentes au sein des autres dynamiques, qui se développent plus tard. Ainsi, les observations de Hardesty et Ganong (2006) selon lesquelles les pères qui ont abusé de la mère avant la séparation resteraient plus impliqués et utiliseraient leurs liens avec leurs enfants pour continuer d exercer un contrôle sur leur ex-conjointe se vérifie pour les vingt-quatre mois qui suivent la rupture. Toutefois, le harcèlement et le contrôle pourrait se transformer peu à peu dans la majorité des cas et laisser place à d autres types de dynamiques. Ces observations sont toutefois fondées sur la répartition de couples différents en fonction du temps, et non sur l observation longitudinale de mêmes couples. Seule une étude longitudinale basée sur l observation au long cours de dynamiques conjugales pré et post-rupture pourrait confirmer cette hypothèse. 55

66 Tableau 18: Sous-type de coparentalité en fonction du temps écoulé depuis la rupture Conflictuelle (Retour + dispute) Conflictuelle (Harcèlement/contrôle) Parallèle (Exclusion/rejet) 0-6 mois **** 1-2ans ** 2-3ans * 3 ans et + ***** ** *** Note : Chaque situation familiale est représentée par un astérisque (*) Résumé des relations entre les variables décrivant les parents En somme, la perception des parents ainsi que leurs difficultés de fonctionnement relationnel semblent liées aux dynamiques de violence et de coparentalité présentes chez les conjoints avant et après la rupture. Ainsi, les difficultés de fonctionnement relationnel des parents semblent liées au type de violence présent dans le couple avant la rupture. Les difficultés de fonctionnement relationnel semblent aussi liées au type de perception que les parents entretiennent les uns vis-à-vis les autres. Cette perception quant à elle semble avoir un rôle à jouer dans le type de coparentalité présent après la rupture. Une perception objective est présente dans les couples vivant une coparentalité de coopération, alors qu une perception non-objective est systématiquement présente dans les situations de non-coopération. Dans une perspective systémique, les difficultés relationnelles et la perception qu ont les individus pourraient à la fois être influencés par, et influencer la dynamique conflictuelle. Finalement, l inclusion du facteur temps dans l analyse suggère une modification de la dynamique entre les parents en fonction du temps. Les dynamiques de pouvoir et de contrôle, lorsqu elles sont présentes avant la rupture, pourraient se poursuivre un certain temps à la suite de la rupture, puis se modifier par la suite. Cette hypothèse devrait toutefois être confirmée à l aide d un devis de recherche longitudinal. Déjà, au vu des variables décrivant les parents, il apparaît que les facteurs associés à une augmentation de l impact du conflit parental sur le développement de l enfant : conflit sévère et chronique, présence de violence conjugale, coparentalité parallèle et hostile, triangulation, sont présents à des niveaux importants au sein des situations familiales étudiées. Les sections qui suivent décrivent comment les enfants réagissent à ces 56

67 facteurs. Elles présentent, premièrement, une description du comportement des enfants dans ces situations et deuxièmement, d un aperçu de la relation entre les variables relatives aux parents et des variables relatives au comportement des enfants. Comportement de l enfant dans la dynamique conflictuelle. Préjudice au développement psychologique, social et affectif de l enfant La description de l échantillon indique la présence, chez les enfants de la majorité des familles étudiées, de difficultés d ordre psychologique et social. Il reste que dans 7 familles sur 23, aucune difficulté psychologique, cognitive ou sociale n est identifiée chez les enfants par l intervenant qui a procédé à l évaluation du signalement. La méthodologie de la présente étude ne permet pas de vérifier la présence d un lien entre les mauvais traitements psychologiques caractérisés par le conflit parental et les difficultés d adaptation présentes chez les enfants. En effet, les difficultés présentes chez les enfants peuvent s expliquer par de nombreux autres éléments d adversité bio-psycho-sociale ayant affecté la trajectoire de vie de ces enfants. La description de l échantillon indique d ailleurs que des éléments d adversité comme la négligence, la violence, les difficultés relatives à l encadrement parental sont présents dans la plupart des familles étudiées (voir tableau 5). C est pourquoi l analyse a plutôt mis l accent sur l interférence du conflit parental avec le maintien du lien parent-enfant et sur les attitudes et comportements qu ont les enfants en réponse à la situation conflictuelle. Maintien de la relation avec les parents La qualité de la relation de l enfant avec chacun de ses parents pourrait être particulièrement affectée par le conflit parental, surtout dans les familles étudiées ici, où la triangulation est très présente. En effet, dans l échantillon, la présence d au moins un parent qui blâme, critique ou dénigre ouvertement l autre parent a été recensée dans 20 situations familiales sur 23. Le maintien de la relation parent-enfant a été évalué à l aide du continuum de Kelly et Johnston (2001, voir annexe B) lors des entrevues auprès des intervenants de la protection de la jeunesse. L analyse de ces évaluations révèle que dans les faits, l enfant n a vraiment rompu avec un des ses parents que dans deux situations. De plus, ces ruptures ne sont pas définitives; l enfant reprend contact ponctuellement avec le parent rejeté. Par ailleurs, l analyse des données révèle que plusieurs enfants maintiennent une «distance réaliste» vis-àvis un de leurs parents. En effet, les intervenants interrogés situent relativement souvent les enfants dans la catégorie du «rejet réaliste» du continuum de Kelly et Johnston (2001) (11 familles). Ces enfants ne rompent toutefois pas complètement le contact avec leurs parents. Dans ces familles, l agressivité, l impulsivité, les 57

68 tentatives de manipulation d un des parents ou l exposition à la prostitution ou à la consommation dans le milieu parental pourrait susciter une réaction de méfiance, une distance de l enfant vis-à-vis un des parents ou les deux. En effet, lorsque ces situations sont examinées à la lumière de ce que rapporte l intervenant de son évaluation des compétences parentales, le détachement de l enfant vis-à-vis un de ses parents semble tenir à des lacunes parentales bien réelles : présence de violence, de négligence, de difficultés importantes d encadrement, de comportements à risque de la part du parent (consommation de substances, prostitution) qui poussent l enfant à craindre les contacts avec lui. En fait, dans la seule situation où un enfant fait preuve de «rejet réaliste» vis-à-vis un père dont les compétences parentales ont été évaluées comme adéquates, il le fait en réaction aux tentatives de manipulation de ce père pour l aliéner de sa mère. En bref, ces observations confirment l analyse de Hayez et Kinoo (2005) selon laquelle l enfant peut rejeter son parent pour une variété de raisons autres que l aliénation parentale, des raisons relatives à des difficultés bien réelles présentes dans leur milieu familial. Dans une perspective systémique, il est possible toutefois que, dans ces situations, la présence de difficultés au niveau des capacités parentales chez un parent interagisse avec la présence de blâmes et de reproches chez l autre parent. Bien que les capacités du parent soient réellement discutables, l attitude négative de l autre parent envers celui-ci pourrait aussi contribuer, voire amplifier la distance prise par l enfant. Le parent blâmant pourrait ainsi utiliser des éléments de la réalité afin de favoriser que l enfant privilégie le lien avec lui au détriment du lien avec l autre parent. L étude de la relation parent-enfant dans des familles dont les parents sont séparés mais pas en conflit et qui présentent certaines difficultés relatives aux capacités parentales pourrait aider à départager le rôle du conflit et des capacités parentales dans les comportements de «distance réaliste». Le tableau suivant (tableau 19) résume la répartition du maintien de la relation parent-enfant dans les familles étudiées. Comme certaines familles comptent plus d un enfant, c est le nombre de familles qui est indiqué ici et non le nombre d enfants. Les familles qui regroupent à la fois des enfants dont la relation est bonne et des enfants qui entretiennent une distance réaliste vis-à-vis du parent ont été inclues dans «distance réaliste». Tableau 19: Maintien de la relation parent-enfant Relation parent-enfant Nombre de familles Distance réaliste (au moins un enfant) 11 Bonne relation de tous les enfants avec les 2 parents 10 Rejet d un parent 2 58

69 Dans 10 situations, les intervenants ont jugé que les enfants maintiennent une bonne relation avec leurs deux parents. Il semble donc que chez ces enfants, la situation conflictuelle n a pas d impact sur le maintien de leur relation avec leurs deux parents. Plusieurs de ces enfants dont les parents sont pourtant aux prises avec des conflits qui ont été considérés comme une forme de mauvais traitements psychologiques, maintiennent une bonne relation avec leurs deux parents. Lorsqu ils rejettent un parent, ils semblent le faire davantage en réaction à un parentage inadéquat qu en raison du conflit. Toutefois, si le conflit parental n entrave que rarement le maintien de la relation parent-enfant, il est possible que l enfant réagisse d une autre façon au conflit qui sévit entre ses parents. La formation d un conflit de loyauté pourrait être l une de ces réactions. Présence d un conflit de loyauté Selon de Becker (2011) le conflit de loyauté est liée à l impossibilité de choisir entre deux solutions possibles, choix qui engage le niveau des affects envers des personnes fondamentales en termes d attachement, à savoir chacun des parents. L enfant ne peut gérer sereinement cet état, ce qui conduit à du désarroi puisque son père et sa mère lui sont chers. Les intervenants interrogés utilisent le terme de conflit de loyauté pour décrire certains enfants. Plus spécifiquement, le conflit de loyauté a pu être décelé dans le comportement des enfants vis-à-vis leurs parents. En effet, les intervenants rapportent que certains enfants mentent à un de leurs parents ou aux deux quant à la teneur réelle de leurs sentiments envers l autre parent; à un parent, ils dissimulent leur affection ou leur attachement envers l autre parent. C est le cas chez huit enfants, provenant de sept situations familiales différentes. Il semble étonnant que, malgré la teneur élevée de comportements de triangulation chez les parents, c est dans 7 familles uniquement que les intervenants décèlent un conflit de loyauté dans les comportements d un enfant. L âge relativement élevé de ces enfants, ceux-ci étant âgés entre 6 et 15 ans, pourrait indiquer que l enfant doit avoir un certain âge pour développer ce type de problématique en réaction au conflit, ou que ce type de comportement se développe dans le temps. Il est possible aussi que le conflit de loyauté soit présent chez les enfants sans qu il puisse être décelé dans ses comportements. Le conflit de loyauté se déroule en effet au niveau intrapsychique (de Becker, 2011); les intervenants à l évaluation n ont pas d instrument ou de stratégie pour évaluer systématiquement la présence d un tel élément. Les conséquences pour l enfant de l adoption d un comportement de dissimulation de ses sentiments et pensées pourraient se situer dans la sphère du développement de l identité, particulièrement pendant la période de l adolescence. En effet, des recherches récentes, portant notamment sur le développement de l identité à l adolescence, ont permis d observer la présence de différents «selfs» plus ou moins contingents 59

70 avec la nature véritable de la personnalité et influencés par les demandes de l environnement (Harter, Bresnick, Bouchey, & Whitesell, 1997). En d autres mots, les adolescents peuvent se créer des identités qui leur correspondent plus ou moins de manière à répondre aux demandes de l environnement. Cela semble être le cas dans le cas du conflit de loyauté; l enfant montre une identité non conforme à la réalité de ses sentiments réels. Des liens ont été identifiés entre la présence élevée d une perception de faux self chez les adolescents et certains indices de détresse psychologique (Weir & Jose, 2010) ou de difficultés relationnelles (Sippola, Buchanan, & Kehoe, 2007). Bien que les conséquences de comportements liés au conflit de loyauté sur le développement de l identité des enfants n aient pu être étudiées ici, il serait intéressant de vérifier en quoi le fait, pour ces enfants, d avoir à dissimuler à leurs parents la vraie nature de leurs sentiments pourrait interférer dans le développement de leur identité, particulièrement pendant la période critique que représente l adolescence pour les enjeux identitaires. Intervention de l enfant lors de conflits entre les parents Un dernier comportement recensé chez les enfants en réaction au conflit parental est l intervention de l enfant lors des conflits entre les parents. Les quatre enfants qui ont ce type de comportement sont des filles et sont âgées, deux de 11 ans, et deux de 14 ans. Ce sont des enfants qui, par ailleurs, maintiennent une bonne relation avec leurs deux parents et ne dissimulent pas la teneur de leurs sentiments envers l autre parent. Le fait d intervenir lors des conflits pourrait être présent chez des enfants moins aux prises avec un conflit de loyauté, qui se sentent plus à même d affirmer la perception positive qu ils ont de leurs deux parents. Le fait d intervenir activement lors des conflits pourrait constituer, pour ces enfants, une façon d entretenir le sentiment d avoir du contrôle sur la situation conflictuelle. Résumé du comportement de l enfant dans la dynamique conflictuelle Tout compte fait, en réaction à la dynamique conflictuelle entretenue par leurs parents, les enfants maintiennent généralement une bonne relation avec leurs deux parents. Lorsque les enfants étudiés ici se distancient d un parent, cela semble davantage être lié aux capacités parentales de ce parent qu à la situation conflictuelle. Certains enfants semblent être aux prises avec un conflit de loyauté, bien que ce ne soit pas apparent chez la majorité d entre eux. Compte tenu de la nature intrapsychique du conflit de loyauté, le développement d instruments et de procédures d évaluation ciblés pourrait être nécessaire pour évaluer sa présence chez les enfants. Finalement, quelques enfants, qui entretiennent un bon lien avec leurs deux parents, interviennent pour tenter de résoudre le conflit entre leurs parents. La section suivante présente une description des liens qui ont été identifiés entre les variables décrivant les parents et la réaction des enfants au conflit. 60

71 Relation entre les variables décrivant les parents et la réaction des enfants Perception du parent et conflit de loyauté La présence d un conflit de loyauté observable chez les enfants sous la forme de dissimulation a pu être liée au manque d objectivité chez les parents. Ainsi, la matrice présentée au tableau 20 démontre comment survient ce type de comportement en fonction de l absence d objectivité chez un ou deux parents. Tableau 20: Répartition des enfants qui ont développé un conflit de loyauté en fonction de la présence d'objectivité chez les parents Père et mère objectifs Un parent non objectif * * * * * Deux parents non objectifs * * Conflit de loyauté apparent Note : Chaque enfant est représentée par un astérisque (*); un seul enfant par situation familiale Selon ce tableau, dans l échantillon à l étude, aucun conflit de loyauté apparent n est développé dans les familles où les deux parents sont en conflit tout en demeurant objectifs quant aux capacités de parentage de l autre parent (zone grisée). C est lorsque les enfants sont exposés à un ou deux parents qui ne sont pas objectifs qu un tel conflit se développe. Cette matrice semble indiquer que la perception parentale joue un rôle dans la réaction de l enfant au conflit conjugal. De fait, la perception parentale pourrait être centrale tant dans la compréhension des dynamiques parentales conflictuelles que dans les conséquences du conflit sur les enfants. Manque d objectivité du parent et conséquences pour l enfant Le fait qu un des parents ou les deux entretienne une perception non objective de l autre parent pourrait jouer un rôle dans l impact de la situation conflictuelle sur le développement de l enfant. En effet, les familles dans lesquelles le manque d objectivité est présent sont aussi celles qui présentent des styles de coparentalité hostile ou parallèle. Ces styles de coparentalité sont associés à un impact plus grand du conflit sur le développement de l enfant. L analyse des données indique aussi que les comportements de triangulation sont présents dans les familles où au moins un des parents n est pas objectif. Selon la littérature, la triangulation est liée à l apparition de conséquences plus importantes du conflit sur le développement des enfants. De plus, 61

72 les enfants dont le comportement décèle un conflit de loyauté ont au moins un parent qui manque d objectivité. Le fait d être aux prises avec un conflit de loyauté augmenterait aussi le risque d impact du conflit sur l enfant. La section suivante présente un bilan général des situations familiales de l échantillon. Lien entre conflit parental et maltraitance psychologique La recension de littérature présentée plus haut indique que la présence de certaines variables dans les situations familiales conflictuelles augmente la probabilité que le conflit parental ait un impact sur le développement psychologique et social de l enfant. Ces variables sont : la présence d un conflit sévère et chronique, la présence de violence physique ou verbale entre les parents, l exercice d une coparentalité de type hostile ou parallèle, la présence de triangulation et de conflit de loyauté. Pour répondre au troisième objectif de cette recherche, le tableau 21 documente la présence de ces variables au sein de chacune des 23 situations familiales étudiées. Un conflit est identifié comme chronique ou sévère dans les cas où le conflit a été présent de manière intense pendant plus de trois ans ou dont l intensité ne s est pas résorbée à un niveau significatif en cours d intervention, du point de vue de l intervenant à l évaluation. Les caractéristiques «violence physique ou verbale», «coparentalité hostile ou parallèle», «triangulation» et «conflit de loyauté» sont identifiées comme présentes peu importe l intensité de leur présence dans les situations. Dans le tableau 21, le gris indique la présence des variables associées à l augmentation du risque d impact du conflit parental sur le développement de l enfant. La très haute teneur en gris semble indiquer à quel point ces variables sont présentes au sein des situations familiales étudiées ici. À part le conflit de loyauté, chacune des variables est présente dans au moins 19 familles sur les 23 à l étude. De plus, 17 des 23 familles comprennent 4 ou 5 de ces variables. Les mauvais traitements psychologiques sont définis comme des comportements subis par l enfant et qui sont de nature à lui causer un préjudice (Québec, 2010). La plupart des situations conflictuelles étudiées présentent une accumulation de variables associées à une augmentation du risque d impact du conflit sur le développement psychologique et social de l enfant ce qui tend à confirmer que la majorité de ces situations de conflit parental pourraient constituer, en soi, une forme de mauvais traitements psychologiques envers les enfants. 62

73 Tableau 21: Facteurs associés à un risque accru d'impact du conflit parental sur le développement de l'enfant a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w Conflit chronique/sévère Violence physique ou verbale Coparentalité hostile/parallèle Triangulation Conflit de loyauté Note : Dans ce tableau, si la caractéristique est présente, la case est grise. Lorsque la caractéristique est absente, la case est blanche. Les cases noires indiquent que la caractéristique mentionnée ne s applique pas. Pourtant, le degré selon lequel ces variables nuisent au développement de l enfant et le nombre de variables qui doivent être présentes pour que le développement soit effectivement compromis n est pas clair. Bien que plusieurs des enfants maintiennent une bonne relation avec leurs deux parents et que peu d entre eux ait développé les signes observables d un conflit de loyauté, la grande majorité des enfants recensés présente des difficultés d ordre psychologique, cognitif ou social (voir description de l échantillon). Les autres facteurs d adversité familiale peuvent avoir amené ces difficultés, mais il est possible aussi que l exposition au conflit parental s additionne à la pression générale exercée sur l enfant. Six familles seulement présentent des enfants chez qui le développement semble normal selon l intervenant à l évaluation. Ces enfants sont par ailleurs âgés entre 5 mois et 3 ans. Ainsi, les enfants plus jeunes pourraient être protégés du conflit parental. Le fait qu ils soient à un âge préverbal pourrait indiquer un lien entre la compréhension verbale du conflit et un impact sur le développement. Les enfants d âge préverbal pourraient aussi être moins directement impliqués dans le conflit, ne pouvant, à leur âge, rapporter les faits et gestes de l autre parent ou témoigner contre eux. Toutefois, l impact sur les jeunes enfants pourrait être présent à un niveau subtil, difficile à observer chez des enfants d âge préverbal. Les intervenants ne semblent pas disposer d instruments d évaluation du développement psychologique et social spécifiques aux enfants de cet âge et aucune procédure d évaluation approfondie ne semble être employée auprès de ces enfants. Le fait que plusieurs facteurs de risques soient présents et que les difficultés soient beaucoup moins recensées à un âge préverbal pourrait indiquer, non pas l absence de difficultés, mais plutôt la nécessité de développer des outils d évaluation spécifiques à cette tranche d âge. Certaines familles présentent moins de facteurs de risque que d autres. C est le cas des familles «a», «e», «g» et «m», qui présentent un ou deux facteurs de risques seulement. Ces familles représentent les deux 63

74 familles où le conflit s est résorbé au cours de l intervention (a et e) et deux des trois familles où les conjoints vivent toujours ensemble (g et m). Ces données confirment que, comme l indiquent Gagné et al. (2007), les enfants de familles séparées vivent des conflits parentaux plus sévères, plus de triangulation dans les conflits et des alliances plus intenses avec un des parents comparé à des familles biparentales intactes. Ainsi, dans les familles où les parents ne sont pas séparés, l impact du conflit parental découlerait davantage de l exposition directe au conflit que de mécanismes comme la triangulation et le conflit de loyauté, qui semblent être plus présents chez les couples séparés. Ces observations expliquent les données selon lesquelles l impact de la séparation et celui du conflit s additionnent et pourquoi, si la séparation n apporte pas de solution aux conflits, les enfants qui la subissent présentent plus de difficultés d adaptation que ceux des familles intactes conflictuelles (Drapeau, et al., 2004; Lansford, 2009). En définitive, la compilation des éléments du conflit parental qui sont associés, dans la littérature, à un risque accru de difficultés d ordre psychologique et social indique qu au moins un de ces éléments est systématiquement présent dans les familles étudiées ici. Un cumul de ces éléments semble être la norme ici, ce qui indique que les conflits parentaux retenus par la protection de la jeunesse et analysés dans la présente étude constituent bel et bien une forme de mauvais traitement psychologique envers les enfants de ces familles. Synthèse des résultats Le modèle proposé à la figure 1 constitue un résumé des variables décrites dans la présente étude et des liens qui ont été observés entre ces variables. Les situations familiales étudiées ont été décrites en fonction de plusieurs variables : difficultés de fonctionnement relationnel des parents, dynamiques de violence conjugale, présence de triangulation et de conflit de loyauté, impact de la situation conflictuelle sur les enfants. Figure 1: description de la dynamique conflictuelle entre les parents 64

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