La prévention au champ avant tout
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- Fabienne Fontaine
- il y a 8 ans
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1 01 Limiter les risques La prévention au champ avant tout La maîtrise de la qualité sanitaire des céréales se dote d outils de prévention efficaces. Blé tendre, blé dur et maïs disposent chacun d une grille d évaluation du risque mycotoxines. Si les connaissances sont les plus avancées sur blé, le complexe fusarien du maïs n a pas livré tous ses secrets et la recherche écrit ses premières pages sur les toxines T-2 et HT-2. Le point sur les actions de préventions au champ. Blé tendre/blé dur Donner la réplique au DON Suite à une année 2007 pleine d enseignements sur les contaminations en DON sur blé, ARVALIS-Institut du végétal a fait évoluer ses outils de prévention du risque. L es facteurs agronomiques prédisposant au risque DON sur blé sont maintenant clairement établis. L agriculteur peut jouer sur deux leviers prépondérants avant l implantation de la culture : la gestion des résidus (selon le précédent et le travail du sol) et le choix variétal (sensibilité à la fusariose et à l accumulation de DON). En cours de culture, un traitement adapté à la floraison contre les Fusarium producteurs de DON permet également de limiter le risque. L objectif est d éviter au maximum de cumuler les facteurs prédisposant à la production de Emmanuelle Gourdain e.gourdain@arvalisinstitutduvegetal.fr ARVALIS Institut du végétal Une grille d évaluation du risque DON sur blé dur est maintenant disponible. DON pour s assurer un risque agronomique le plus faible possible. Cet objectif constitue un point clé de la stratégie de gestion du risque DON de Valfrance, décrite plus loin dans ce dossier (p 49). Des grilles pour bien se positionner Le risque DON peut être évalué à partir des grilles agronomiques proposées par ARVALIS Institut du végétal. Sur blé tendre, la grille publiée en 2005 a été mise à jour avec deux nouveautés (tableau 1). Sur les 6 classes de risque (de 1 à 6, du plus faible C. Maumené, ARVALIS-Institut du végétal D après l enquête SCEES 2006, les parcelles à risque DON élevé (précédent maïs non labouré) représentent 8 % des surfaces en blé tendre et pas plus de 3 % en blé dur. 32
2 Grille d évaluation du risque DON sur blé tendre (tab. 1) Système de culture Sensibilité variétale Niveaux de risque (1 = le plus faible) Céréales à pailles, colza, lin, pois, féverole, tournesol Betteraves, pomme de terre, soja, autres Maïs, sorgho, (fourrages) Peu 1 1 Peu Peu 2b 2b 2b Peu 3 Peu () 2b 3 Peu (3) 4 (4) 5 (5) 6 () : précédent maïs fourrage Grille d évaluation du risque DON sur blé dur (tab. 2) Système de culture Autres Maïs, sorgho, (fourrages) Sensibilité variétale Très Très (b) c (b) c a a Niveaux de risque (a = le plus faible) Très (c) d b b b c (c) (d) e Très (e) f () : précédent maïs fourrage Chaque classe est associée à un niveau de risque de dépasser la limite réglementaire de 1750 μg/kg en blé dur. Par exemple, la classe a correspond à 5 % de risque, contre 65 % pour une parcelle en classe f. E n risque 1, aucune parcelle ne dépasse la limite réglementaire alors que 50 % des parcelles sont au-delà de cette limite en risque 6. d 33
3 au plus élevé), le niveau de risque 2 représentait une grande part de l assolement. Il a été segmenté en deux classes ( et 2b) selon la sensibilité variétale. Rappelons que le classement des variétés vis-à-vis de leur sensibilité à la fusariose des épis et à l accumulation de DON est réactualisé chaque année. Le classement 2008 est disponible dans le numéro de mai de Perspectives Agricoles, page 56. Par ailleurs, le niveau de risque après maïs fourrage a été dissocié de celui après maïs grain en techniques sans labour (au profit de la classe inférieure). Une grille du même type vient d être validée sur blé dur grâce aux enquêtes parcellaires réalisées depuis 2001 avec les organismes stockeurs partenaires (tableau 2). Tout comme le blé tendre, elle répartit les niveaux de risque DON en 6 classes (de a à f) en prenant en compte gestion des résidus et sensibilité variétale (lire encadré «la variété pour limiter le risque DON» p 71). L année 2007 (comme 2000 et 2003) a connu des niveaux élevés de teneurs en DON. Malgré tout, les grilles ont montré leur robustesse sur les enquêtes parcellaires réalisées cette année. Prendre en compte le climat Pour affiner la prévision du risque DON à la parcelle, un outil d aide à la décision baptisé Myco-LIS est disponible depuis 2006 sur blé tendre. Il intègre les données climatiques réelles autour de la floraison et permet une gestion globale du risque, du champ au silo. En 2007, cet outil avait prévu un risque global de contamination en DON moyen à faible chez nos partenaires, mais avec des niveaux parfois très élevés sur les parcelles présentant un risque agronomique fort. Pour vérifier ces prévisions, ARVALIS Institut ARVALIS-Institut du végétal du végétal a mis en place plusieurs opérations de prélèvements d épis avant récolte. Les résultats d analyses ont conforté les tendances et cet La gestion des résidus ne se limite pas à la seule dichotomie labour/non labour. Une enquête réalisée par le SCEES en 2006 sur les pratiques culturales des agriculteurs a permis de montrer que les parcelles en nonlabour étaient en nette progression. Pour l illustrer, les surfaces de blé tendre en risque 4 à 6 (précédent maïs ) de la grille agronomique ont doublé entre les enquêtes de 2001 et de 2006 passant respectivement de 4 à 8 %. Face à cette progression, il devient important de distinguer les accompagnement, apprécié par les partenaires volontaires, pourra se renouveler lors de campagnes difficiles comme Gestion des résidus en non-labour différentes pratiques de gestion des résidus et leurs impacts sur la teneur en DON. Un essai de travail du sol sur précédent maïs grain (figure 1) met en évidence que les parcelles de blé en semis direct sont en moyenne trois fois plus contaminées que les parcelles témoin (broyage/labour). Pour les pratiques intermédiaires, plus la gestion des résidus est fine (broyage et enfouissement), meilleure est la qualité sanitaire. Une technique testée pour la première fois cette année semble La gestion des résidus (couple précédent + travail du sol) constitue un levier agronomique de premier rang pour maîtriser la qualité sanitaire des céréales à paille. prometteuse : le broyage des cannes après semis permet de diviser par deux les teneurs en DON par rapport à un semis direct. Ce procédé présente deux autres avantages : il améliore la décomposition des résidus et, comparé à un broyage avant le semis, il facilite le semis (moins de résidus sur le sol). Le risque se situe au niveau des traces de roues qui peuvent être faites lors du broyage si le sol est très humide. D autres années d essais sont nécessaires pour confirmer l intérêt de cette technique. Impact du travail du sol sur les teneurs en DON du blé tendre (essai longue durée Boigneville- 2007) (fig. 1) DON (% du labour) Broyage Broyage Rotavator Sémavator Semis direct (SD) Semis direct Broyage 1999 à à Résidus en surface en octobre Résidus en surface en juin De toutes les stratégies, un broyage réalisé après le semis permet de diviser par 2 les teneurs en DON par rapport à un semis direct. J. Labreuche, ARVALIS-Institut du végétal 34
4 02 Sous la pression de la réglementation, les organismes stockeurs doivent mettre en place un plan de contrôle des lots de céréales. Différents moyens d analyses, plus simples et plus rapides à mettre en œuvre que les méthodes de référence, sont disponibles. Détection des mycotoxines Vers des outils d analyses rapi Alimentation animale La législation reste floue sur les fusariotoxines P our mesurer la teneur en mycotoxines des lots de céréales, les méthodes de référence par chromatographie sont généralement longues à mettre en place, coûteuses et réservées aux laboratoires. Il existe des méthodes alternatives simples, rapides et plus adaptées aux besoins des organismes stockeurs. Ces tests rapides (ou kits) dosent une seule mycotoxine à la fois et s appliquent sur du grain broyé. Le kit Elisa pour les contrôles fréquents De nombreux fournisseurs proposent des kits Elisa depuis quelques années. Ces outils donnent une estimation quantitative des teneurs en mycotoxine. Ils exigent un environnement de laboratoire avec du personnel qualifié. Il est important de caractériser la capacité de prédiction du kit avant utilisation car elle varie selon le fournisseur Brigitte Mahaut b.mahaut@arvalisinstitutduvegetal.fr ARVALIS Institut du végétal B. Mahaut, ARVALIS-Institut du végétal Les conditions nécessaires au bon fonctionnement du test Elisa en limitent l usage à un environnement de laboratoire (pipettes automatiques, agitateurs, spectrophotomètre ). et la mycotoxine. Les teneurs en DON sont souvent surestimées quand celles en zéaralénone et fumonisines sont plutôt sous-estimées. Ce type de test est plus adapté aux dosages en série. Une réponse en 20 minutes Depuis deux ans, l offre de kits bandelettes s est accrue et trois fournisseurs (BASF, FOSS France SAS et Neogen) se partagent aujourd hui le marché pour les principales fusariotoxines. Selon le kit, le résultat peut être qualitatif (positif ou négatif par rapport à un seuil), semi-quantitatif (positionnement dans une classe de contamination) ou quantitatif. Plus faciles à mettre en œuvre et plus rapides, les kits bandelettes sont bien adaptés pour des mesures isolées. Toutefois, les différentes étapes du test requièrent du soin, un minimum de matériel et doivent être réalisées dans un Les teneurs maximales en fusariotoxines des matières premières et des aliments destinés aux animaux font l objet d une recommandation européenne (recommandation 2006/576). Cette recommandation concerne notamment les teneurs en DON, zéaralénone et fumonisines. Par exemple, un lot de blé ne doit pas dépasser 8000 μg/kg de DON et un lot de maïs, μg/kg de fumonisines. Mais, ces limites maximales recommandées sont difficilement applicables du fait qu elles ne concernent que les animaux les moins (sans préciser lesquels) et que la législation reste muette sur le type de prélèvement et la qualité des analyses. La recommandation s adresse aux États et non aux fabricants d aliments sans indiquer comment ils doivent les appliquer. Il est probable que cette législation se durcisse dans l avenir et que les limites maximales recommandées deviennent obligatoires. Reste à savoir à quelle échéance. François Grosjean 42
5 des environnement maîtrisé. Les bandelettes semi-quantitatives ou quantitatives font appel à un lecteur. Certaines sociétés proposent des mallettes complètes et bien conçues. Les kits bandelettes sont bien adaptés aux besoins des organismes stockeurs. Même s il reste trop long (15 à 25 minutes hors broyage) pour devenir un contrôle systématique des lots à la réception, ce test pourra être utilisé pour estimer une tendance annuelle et lors du transfert ou de l expédition des céréales. Dans le cadre du projet de recherche RARE coordonné par l IRTAC, les bandelettes existantes pour le DON et les fumonisines ont été évaluées par différents laboratoires dont celui d ARVALIS-Institut du végétal. Les résultats obtenus sont satisfaisants pour le dosage du DON. Ils doivent être encore améliorés pour les fumonisines. ARVALIS Institut du végétal participe à la mise au point de méthodes de références et de techniques alternatives plus rapides pour mesurer les teneurs en mycotoxines des céréales. C. Druesne 43
6 03 Perspectives Contrôler D. Caron, ARVALIS-Institut du végétal la synthèse des mycotoxines La recherche s active pour comprendre les mécanismes de production et d accumulation des mycotoxines dans les grains. De nombreux partenariats se concentrent autour de cet objectif et les questions trouvent petit à petit leurs réponses. D es programmes de recherche sont en cours pour mieux caractériser les Fusarium et l impact des interactions plante/champignon sur la production de mycotoxines (toxinogénèse). La caractérisation de l inoculum fusarien revêt moults aspects : identification et caractérisation des espèces toxinogènes, détermination du pouvoir pathogène et potentiel toxinogène des souches, interactions entre espèces, modélisation des mécanismes d infection Florence Forget fforget@bordeaux.inra.fr INRA Laurent Guerreiro l.guerreiro@arvalisinstitutduvegetal.fr ARVALIS Institut du végétal Les pistes de recherche suivent trois grands axes : caractériser les espèces fongiques productrices de mycotoxines, décrypter la toxinogénèse et identifier les résistances variétales. Les espèces de Fusarium sont en effet très diverses et, au sein d une même espèce, la toxinogénèse peut varier selon les individus. Si cette diversité est particulièrement importante chez les espèces productrices de trichothécènes (DON), les souches fusariennes productrices de fumonisines semblent beaucoup plus homogènes. Les souches appartenant aux espèces Fusarium verticillioides et Fusarium proliferatum sont toutes susceptibles de produire des niveaux très élevés de fumonisines, en conditions optimales. L INRA dispose d amorces moléculaires pour détecter la présence de la majeure partie des espèces fusariennes dans un échantillon de blé, orge ou maïs. La PCR quantitative permet d aller plus loin et précise la proportion des espèces présentes dans un échantillon de grains. Ces informations ouvrent la voie à une meilleure prévision du risque. Quantifier précocement la contamination des grains par des espèces toxinogènes pourrait représenter un indicateur précoce du niveau de contamination en toxines. Le chemin est cependant encore long car il reste à préciser les interactions entre espèces toxinogènes, susceptibles de modifier les dynamiques de colonisation des champignons et de synthèse des toxines. Par exemple, en maïs, les expérimentations menées par Daniel Caron (ARVALIS Institut du végétal) semblent suggérer qu une infection précoce du grain par Fusarium graminearum, producteur de DON, faciliterait l installation et le développement de Fusarium Pierre angulaire de la maîtrise du risque, la caractérisation du pouvoir pathogène et toxinogène des Fusarium est suivie par l INRA (ascospores vues au microscope électronique). verticillioides, producteur de fumonisines. Intervenir à la source Les mécanismes de biosynthèse des mycotoxines et leur régulation à travers le «dialogue» plante/champignon sont également explorés. Les chercheurs souhaitent identifier les facteurs qui modulent cette biosynthèse et sur lesquels il serait possible d agir. L objectif est de la bloquer. Deux pistes sont possibles : développer de nouvelles ma- D. Caron, ARVALIS-Institut du végétal 44
7 La génomique qui cherche à identifier des gènes impliqués dans l expression d un caractère agronomique ouvre des perspectives pour sélectionner des variétés plus résistantes, mais aussi pour affiner les modèles de prévision. tières actives fongicides neutralisant cette synthèse ou stimuler des processus biochimiques de la plante (ou du grain). Une des réactions précoces de défense des plantes à une infection par Fusarium est la production de molécules oxygénées réactives, stressantes pour le champignon. Les premiers travaux ont montré que la biosynthèse des trichothécènes était activée par de telles conditions oxydantes. Il est alors logique de penser que certains métabolites secondaires des grains, tels les composés phénoliques et caroténoïdes, qui sont de puissants antioxydants, pourraient interférer avec les voies de toxinogénèse. De fait, l acide férulique, un des acides phénoliques majoritaires des grains, possède une activité inhibitrice vis-à-vis de l accumulation de trichothécènes. Ces connaissances pourraient orienter la sélection variétale pour développer ces caractères dans le matériel génétique. On recherche des facteurs biochimiques de la plante ou du grain capables d inhiber la synthèse de mycotoxines. L INRA et ses partenaires étudient en parallèle la cinétique de toxinogénèse sur épis afin de préciser la période exacte de production de mycotoxines et de définir quel stade de remplissage du grain est concerné. Les résultats obtenus permettront de mieux caractériser la nature du substrat grain rencontré par Fusarium lorsqu il produit ses toxines et donc de mieux préciser la nature des A.M. Rivière, Perspectives Agricoles Les cinq barrières de protection des variétés La communauté scientifique a déterminé cinq types de résistance variétale. Type I : la plante résiste à l installation du champignon et reste indemne de symptômes sur feuille et sur épi. C est la source de résistance la plus rencontrée en Europe. Type II : la plante résiste au développement du champignon sur l épi : il se pose, mais ne colonise pas tout l épi. Type III : le champignon se développe sur l épi, mais ne pénètre pas dans le grain. Type IV : la présence du champignon dans le grain n engendre pas de pertes de rendement. Type V : le grain est capable de dégrader les mycotoxines ou d inhiber leur biosynthèse. Cette hypothèse a été récemment découverte. Les types I et II sont communément décrits et validés. Le type V commence à l être. Les types III et IV sont encore sujets à discussion. Une fois ces types de résistance identifiés, il sera possible d avoir une préconisation variétale minimisant le risque fusariotoxines. Ces «barrières de protection» devraient se cumuler dans chaque variété pour garantir l efficacité et la durabilité de leur résistance. métabolites secondaires susceptibles d interférer avec la toxinogénèse. Développer les résistances variétales La sélection de variétés tolérantes à la fusariose constitue une des voies les plus prometteuses à moyen et long terme. Des variétés exotiques de blé tendre comme Frontana (au Brésil) et Sumaï3 (en Chine) sont très résistantes et restent quasiment indemmes de symptômes lors d une contamination artificielle avec de la fusariose. Les régions des chromosomes responsables de leur résistance ont été identifiées et les sélectionneurs, grâce au marquage moléculaire, sont en passe de les intégrer dans leur matériel génétique. Des variétés adaptées au contexte pédoclimatique français qui posséderont ces sources de résistance pourraient être rapidement disponibles pour les producteurs. Les résistances variétales ne se limitent pas à l absence de symptômes sur épi. Aujourd hui, les résistances variétales les plus répandues sont de type I ou II : la plante empêche l inoculum fusarien d atteindre l épi. Mais des travaux ont avancé l hypothèse que certaines variétés seraient capables d interférer spécifiquement avec l accumulation d e toxines produites par le champignon. On parle de résistance de type V. Le champ d action des résistances variétales ne se limite donc pas à l absence de symptômes sur épis. Une connaissance plus approfondie des mécanismes en jeu et des sources génétiques impliquées dans ces mécanismes constitue le chantier de la recherche fondamentale d aujourd hui. Elle se dote d outils capables de caractériser les forces en présence, du pathogène à la variété. Les voies de progrès sont nombreuses pour résoudre la question de la qualité sanitaire des céréales et peut-être pourra-t-on un jour se libérer partiellement de l influence du climat! Pour lire à livre ouvert dans les variétés ou les champignons, la connaissance du génome apportera de nouvelles solutions. 45
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