L INDE, PAYS DES TISSUS toran (dessus de porte) Depuis l Antiquité, le monde entier apprécie les cotonnades colorées, les soieries chatoyantes, les broderies sophistiquées tissées en Inde. Au cours des siècles, ces tissus ont séduit Grecs, Romains, Arabes, Chinois puis Européens. Les nombreuses techniques de broderie utilisées par les artisans du sous-continent et leur maîtrise de la teinture ont attiré les marchands de tous les pays. Certaines étoffes sont même devenues des noms communs, comme le madras, chaîne de soie et trame de coton, ou le cachemire, précieuse laine des chèvres de cette région à cheval entre l Inde, le Pakistan et la Chine. Aujourd hui encore, malgré la mécanisation généralisée de l industrie textile, certaines communautés abritent toujours des artisans héritiers d une longue tradition. Ces paysans qui vivent loin des centres urbains, dans des régions souvent arides (Rajasthan, Gujarat) perpétuent ce savoir faire ancestral avec des pièces de broderies et des étoffes tissées aux motifs inspirés de la vie quotidienne ou de la très riche iconographie religieuse hindoue.
Tentures murales (chakla), harnachements pour animaux, robes de mariées et écharpes nuptiales (bukhani), bourses et sacs (bujki) pour la dowry (dot), toran (dessus de porte) : la variété est grande et les motifs nombreux. BANJARA : LES VRAIS GITANS Paru et Old Mama, vendeuses Banjara (Anjuna) Venus des plaines désertiques du Thar aux confins du Pakistan, les nomades Banjara ont essaimé dans toute l Inde, surtout dans le Sud. On trouve leurs thandas (campements) en Andhra Pradesh, Maharashtra, Karnataka et bien sûr à Goa, où les touristes sont nombreux. Ces tribus ont quitté l Inde de l Ouest (Rajasthan, Sind et Penjab) il y a mille ans, pour arriver en Europe au quinzième siècle. Ils ont donné naissance aux différents peuples nomades européens : Manouches, Gitans, Tsiganes, Bohémiens, Roms.
De plus en plus sédentarisés, les Banjara ont néanmoins conservé leurs coutumes et parmi elles la confection de vêtements, tissus et accessoires brodés. Ces pièces sont souvent décorées de morceaux de miroirs et de cauris (coquillages). Les cauris sont utilisés pour les objets de cérémonie et seules les femmes mariées peuvent les porter sur leurs vêtements. DES PIÈCES ANCIENNES ET RARES Les femmes Banjara sont partout à Goa durant la saison (novembre à avril). Boucles d oreille, anneaux de nez, bracelets de poignets et de chevilles : on les reconnaît aisément à leurs bijoux en métal, nombreux et lourds. Elles vendent leurs sacs, bourses et tissus colorés agrémentés de pièces de monnaie, de morceaux de miroirs et de coquillages sur les marchés ou au bord des routes.
vendeuse Banjara à Vagator (Goa) Ce commerce leur permet d envoyer de l argent à leur famille qu elles rejoignent quand vient la mousson. Avec l arrivée massive de métiers à tisser industriels, les pièces anciennes comme celles que nous vous proposons sont de plus en plus rares.
Elles datent des années 1920 à 70, avant que la modernité ne bouleverse le mode de vie de ces tribus. La patience et le savoir faire requis pour créer ces broderies au tissage serré disparaissent petit à petit, une évolution qui fait de ces pièces des témoignages d une époque bientôt révolue. Il s agit de galla (ou gala), un rectangle de tissu qui sert à protéger la nuque des femmes lors du transport de l eau.
galla banjara
Les galla font partie d un ensemble de trois pièces : l indhoni, un anneau de gros coton posé sur le crâne pour accueillir la jarre ou le pot, un petit carré brodé qu on place sur l indhoni pour une meilleure stabilité, et le galla qui protège le cou et les épaules des éclaboussures. indhoni banjara
Les autres pièces sont des ornements pour vaches et buffles, des petits sacs pour transporter la dot et un ornement de hanche, ainsi que des torans qu on accroche au-dessus des portes pour attirer prospérité, fertilité et bonheur au foyer. Ces pièces ont entre 50 et 100 ans d âge.