Clés pour enseigner l histoire des arts en cycle 3 Le Moyen Âge Guillaume LACHAUD Professeur d histoire Carol ZIMMERMANN Professeur d histoire pour la partie musique Henri GONZALEZ Professeur d éducation musicale IUFM Séquences pédagogiques Christine CARRERE Professeur des écoles Pascale DARDEY Conseillère pédagogique éducation artistique Pierre MARTINET Inspecteur de l Éducation nationale Nathalie MOUNET Conseillère pédagogique arts visuels Conseil scientifique Philippe ARAGUAS Professeur d université Marc SABOYA Professeur d université 5
Sommaire PRÉFACE 7 PRÉSENTATION : COMMENT ENSEIGNER L HISTOIRE DES ARTS? 9 INTRODUCTION À L ART MÉDIÉVAL OCCIDENTAL 17 L ARCHITECTURE MILITAIRE. L architecture militaire : cinq siècles d évolution 21. Carcassonne, une cité fortifiée au cœur de l histoire occidentale 29 Présentation des séquences pédagogiques 1. Une cité fortifiée, Carcassonne 40 2. L architecture militaire 42 L ARCHITECTURE RELIGIEUSE. L architecture de l église médiévale 47. La cathédrale Saint-Nazaire et Saint-Celse de Carcassonne 52 Présentation des séquences pédagogiques 1. L architecture religieuse 58 2. Du roman au gothique 60 LE VITRAIL. Le vitrail : technique et évolution 65. Les vitraux de la cathédrale de Carcassonne : un programme iconographique 72 Présentation des séquences pédagogiques 1. Verre et couleurs 78 2. Un récit en lumière 80 14
LA SCULPTURE ROMANE. La sculpture romane 85. Un chef d œuvre de l art roman : le portail de Moissac 89 Présentation des séquences pédagogiques 1. Un récit sculpté 98 2. Sculpter le mouvement 100 LE MANUSCRIT ENLUMINÉ. Le livre au Moyen Âge 105. L évangéliaire de Saint-Nazaire, un manuscrit du XIII e siècle 111 Présentation des séquences pédagogiques 1. Une lettre historiée 114 2. Le tournoi, une fête nobiliaire 116 LA MUSIQUE. La musique au Moyen Âge 121. Les instruments de musique 127 Présentation des séquences pédagogiques 1. Le chant grégorien 130 2. La chanson des troubadours 131 POUR CONCLURE... 133 Présentation des séquences pédagogiques 1. Les arts racontent 134 2. Les arts dialoguent 136 GLOSSAIRE (lexique repéré dans l ouvrage par *) 140 SOMMAIRE DU CD AUDIO 145 SOMMAIRE DU CÉDÉROM 147 CRÉDITS 150 15
La sculpture romane 1. Fonctions didactique et politique de l image À la fin du VI e siècle, le pape Grégoire le Grand explique que «Ce que l écriture est pour ceux qui lisent, l image l offre aux ignorants car, en elle, ils voient ce qu ils doivent suivre. En elle, peuvent lire ceux qui ignorent les lettres». Cependant, l image peinte ou sculptée demeure longtemps à l intérieur du sanctuaire. Elle se déploie au sommet des pilastres ou des colonnes, ou sur des enluminures*, des plaques d ivoire, des pièces d orfèvrerie. L image enseigne alors surtout aux clercs ; elle rappelle la vie des saints, les récits de l Ancien Testament, des Évangiles, le mystère de l Incarnation et tous les dangers qui guettent le pêcheur ici-bas. Mais une révolution se produit à la fin du XI e siècle sous l impulsion de Grégoire VII, élu au trône pontifical (1073-1085) et porteur de la «réforme grégorienne». L Église occidentale entreprend une vaste réforme pour asseoir l autorité du pape, s affirmer face aux pouvoirs temporels, mieux former son clergé, diffuser le message chrétien. Les abbés de Cluny deviennent les principaux défenseurs de la réforme et l image, un médium essentiel. La grande sculpture peut alors s afficher hors du sanctuaire, ou plus précisément à la porte, traitée comme un arc de triomphe. L Empire romain affirmait ainsi l autorité et la puissance de la cité ; le grand portail* roman affirme celles de l Église qui veut se reconstruire. L image a aussi une fonction politique ; en servant le dogme, elle sert les desseins de l Église. Dans ce contexte, le rôle de l ordre clunisien est éminent. Cluny essaime dans tout l Occident ses prieurés* et abbayes*, organisant ainsi les routes de pèlerinages. Les chapiteaux du sanctuaire et plus encore les portails sculptés affirment au monde la présence de l Institution et s adressent aux foules : «le monachisme affirme son pouvoir d intercession», explique G. Duby. 2. Le programme iconographique La règle de saint Benoît impose aux moines de chanter et de prier au nom du peuple pour lui accorder les faveurs du ciel. En échange, les fidèles accordent leurs faveurs pécuniaires aux monastères. Au XI e siècle, Adalberon, évêque de Laon, explique que l équilibre de la société médiévale repose sur cette organisation : «les uns prient (orant), les autres combattent (pugnant) et les autres encore travaillent (laborant), de telle sorte que la fonction des uns repose sur les œuvres des deux autres, tous offrant leur aide à tous». Le premier usage que les moines font des nombreux dons est d orner la maison du Seigneur. Vitraux, peintures et sculptures sont des offrandes, elles doivent refléter sur la terre les perfections célestes. Le reflet est bien pâle aujourd hui car la polychromie a souvent totalement disparu, et nous peinons à imaginer les intérieurs comme les grands portails sculptés, entièrement peints. Comme le décor est d abord un enseignement, il n est jamais gratuit et obéit à un programme. La sculpture romane offre une grande variété de thèmes iconographiques*. Évidemment, la préférence va souvent au message christique : pour lutter contre les hérésies médiévales qui nient l Incarnation, il faut montrer le corps des prophètes, celui des apôtres et celui du Christ, montrer que le Verbe s est fait chair, qu il a vécu parmi les hommes et qu il est mort pour les sauver. Ainsi les thèmes évangéliques de l Enfance, de la Vie publique ou de la Passion sont-ils fréquents mais en fonction du vocable des édifices et des mentalités dominantes, on insistera sur la vie d un saint, sur la lutte des vices et des vertus ou les correspondances entre Ancien et Nouveau Testament. L abondance du bestiaire* et des motifs ornementaux, végétaux ou géométriques, renvoie aux diverses influences reçues par les sculpteurs 85
romans : celles du monde byzantin ou de l Antiquité romaine notamment. La seule récurrence sensible est celle des programmes sculptés des portails qui tous, entre la fin du XI e et le début du XIII e siècle, témoignent d une «obsession du Salut». Ces cycles iconographiques se développent dans des endroits privilégiés de l église : la crypte*, le chœur* ou le déambulatoire* notamment. 86 LA SCULPTURE ROMANE
3. Le portail roman «Je suis la porte. Si quelqu un entre par moi, il sera sauvé» (Évangile selon saint Jean 10, 9). Le 18 juin 1209, Raymond VI, comte de Toulouse, assassin du légat du pape Pierre de Castellane, est condamné à parcourir nu la ville de Saint-Gilles-du-Gard jusqu au portail de l église où il sera réintroduit dans la communauté des fidèles. Au Moyen Âge, le rite officiel de pénitence se déroulait devant le portail où le pêcheur était réconcilié avec l Église. Ainsi la porte est chargée d un symbolisme très particulier. Elle est un passage d un monde de pêchés vers la Jérusalem céleste que l église préfigure. La charge symbolique en fait un lieu capital y compris pour la vie séculière. La porte de l église ou de la cathédrale* est un lieu de justice au Moyen Âge. On y plaide sa cause, on y prête serment, on y conclut des contrats, y compris de mariage, on y signe des traités. On comprend mieux pourquoi les commanditaires ont développé une telle iconographie au tympan* des églises du XII e siècle. Lorsque le pèlerin pénètre à Moissac, il voit l Incarnation sur l ébrasement* droit, le chemin à suivre (vices et vertus) sur l ébrasement gauche et la fin des temps au-dessus de sa tête, avec le Christ-roi, immense et hiératique, dans sa cour céleste. Tout est là, sous ses yeux : Dieu est l alpha et l oméga, le commencement et la fin. Il voit la promesse du Jugement Dernier et d une vie éternelle. Son horizon terrestre est d ailleurs très court. Au XII e siècle, l espérance de vie est de 30 à 35 ans et l homme est constamment confronté à la mort : la surmortalité infantile, les épidémies et les violences sociales sont des permanences. Les grandes théophanies (apparitions de Dieu) du XII e siècle qui se déploient aux tympans de Toulouse, Moissac, Beaulieu, Conques, Autun, Vézelay ou Saint-Denis présentent des sujets divers : Apocalypse*, Pentecôte ou Jugement Dernier, mais toutes ont un rapport étroit avec la question du Salut. Notre-Dame-la-Grande, XI e siècle, Poitiers, Vienne 87
Dégager l essentiel À l époque romane, la sculpture s impose surtout dans les grands portails, comme ceux de Vézelay, Autun, Conques ou Moissac, lieux d accueil des croyants et pèlerins ; elle se déploie, progressivement au Moyen Âge, à l extérieur comme à l intérieur des édifices religieux. Les récits de l Ancien et du Nouveau Testament ou la vie des saints sont au cœur de l image sculptée : elle illustre souvent le passage vers le royaume céleste tant la question du Salut obsède les croyants ; c est un enseignement fait aux laïcs comme au clergé. La sculpture est aussi un don fait à Dieu pour embellir les églises et les monastères, un moyen d affirmation de l autorité et du rayonnement de l Institution religieuse comme l abbaye Saint-Pierre de Moissac, appartenant au puissant ordre de Cluny, étape sur une route du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Le portail de Moissac impressionne par l image saisissante de l Apocalypse sculptée sur le tympan, où trône un Christ Roi immense entouré de sa cour céleste, et par ses ébrasements où des sculptures mettent en scène le monde du péché opposé au monde de la grâce. La sculpture est d une grande finesse d exécution par ses corps allongés et ses figures contemplatives et extatiques ; son esthétique tout autant que sa symbolique en font un chef-d œuvre de l art roman. Traiter le sujet en classe Séquence 1 Un récit sculpté pages 98 et 99 Séquence 2 Sculpter le mouvement pages 100 et 101 97
Séquence pédagogique 1 Un gros plan sur l emblématique tympan roman de Moissac permet de comprendre la fonction d accueil du porche de l église : les sculpteurs écrivent dans la pierre des récits qui dominent et impressionnent le pèlerin ou le croyant, par leur monumentalité et le thème récurrent du Salut après la mort. Domaine artistique Arts du visuel Liens Pratiques artistiques Français Vocabulaire Porche Portail Tympan Linteau Matériel pédagogique La séquence détaillée 3 fiches élève - Le porche - Le tympan - Le récit biblique Des propositions de corrigés 98
Document en pages 16 et 17 99
Séquence pédagogique 2 Le tympan de Moissac est un exemple de la maîtrise des artistes sculpteurs du Moyen Âge qui parviennent à donner à la pierre légèreté et mouvement. Des figures humaines réalistes voisinent avec un bestiaire fantastique pour produire des images symboliques fortes, à la technique très détaillée. Domaine artistique Arts du visuel Liens Pratiques artistiques Français Vocabulaire Bestiaire Chapiteau Colonne Matériel pédagogique La séquence détaillée 2 fiches élève - Le mouvement - Le bestiaire Des propositions de corrigés 100
Document en pages 18 et 19 101
LA SCULPTURE ROMANE RÉFÉRENCES AUX PROGRAMMES Domaine artistique : les «arts du visuel» Liste de référence * Le Moyen Âge - [ ] - Une fresque ; une sculpture romane ; une sculpture gothique ; un manuscrit enluminé. DOCUMENTS, MATÉRIEL Pour l enseignant - Ressources générales : ouvrage chapitre 4 - Ressources spécifiques Pour l élève Livre de l élève : pages 16 et 17 SÉQUENCE 1 Un récit sculpté OBJECTIFS - Enrichir la mémoire de l élève d une œuvre majeure : le tympan de Moissac. - Faire observer et décrire les éléments constitutifs du porche d une église. - Faire percevoir et comprendre la fonction d accueil du porche. - Favoriser l observation et l analyse des sculptures du tympan. - Faire percevoir et comprendre que le tympan porte un message religieux. - Favoriser la créativité. Vocabulaire à acquérir Porche Portail Tympan Linteau DÉROULEMENT 1. Découverte Observation silencieuse Les élèves découvrent seuls la double page durant quelques minutes. L enseignant leur demande d identifier le type de production dont il s agit et d établir le lien entre le croquis et l image du tympan. Mise en commun, à l oral L enseignant fait un point avec les élèves sur leurs observations. Il définit les termes de porche, portail et linteau. Bâtiment religieux du XII e siècle : l abbatiale de Moissac dans le Tarn-et-Garonne, XII e siècle ; période à situer. Croquis : façade de l abbatiale avec repérage en rouge du tympan et du linteau. Faire la distinction entre porche et portail. Le porche comprend : - le portail : tympan, linteau, trumeau, piédroits et portes ; - la voussure et les ébrasements de gauche et de droite. Tympan et linteau : extrait du portail.
2. Analyse guidée Travail de recherche - Première partie : la fonction d accueil du porche En petits groupes : fiche 1. Mise en commun, à l oral L enseignant recueille les éléments au tableau, en apportant le vocabulaire et les informations nécessaires à l analyse du porche. Des éléments de réponses sur le corrigé de la fiche 1. Le porche doit impressionner le fidèle : - par sa monumentalité (par rapport à l échelle humaine) ; - par sa structure en voûte fermée, zone de passage de l espace public profane à l espace sacré ; - par le décor sculpté : présence d un Christ immense en majesté sur un trône (représentation du Christ du Jugement Dernier par opposition à celle du Christ enfant ou du Christ sur la croix) ; il tient dans sa main gauche le livre de vie scellé par deux fermoirs et bénit le croyant de sa main droite (aujourd hui disparue). Du portail se détache l image d une grande croix formée, pour la partie verticale par le trumeau et le trône de Dieu sur le tympan, pour la partie horizontale par le linteau. Le porche est chargé d un fort symbolisme : il est le passage du monde des péchés vers la Jérusalem céleste que l église préfigure ; le croyant doit le franchir en situation de soumission et de repentir. Travail de recherche - Deuxième partie : le tympan, un message sculpté En petits groupes : fiche 2. Mise en commun, à l oral L enseignant recueille les éléments au tableau, en apportant le vocabulaire et les informations nécessaires à l analyse du tympan. Il met en exergue la symbolique de la composition du tympan : l obtention du Salut éternel, le passage vers le paradis. Des éléments de réponses sur le corrigé de la fiche 2. Le demi-cercle du tympan (arcade monumentale) illustre le paradis. Le tympan est la narration d un évènement biblique. Ici, il s agit du Salut des humains, sujet obsessionnel au Moyen Âge où l homme est constamment confronté à la mort (espérance de vie de 30 à 35 ans, épidémies, conflits ). Le terme de «Salut» sera à définir en classe pour éviter toute confusion avec le sens commun du mot. Dans l axe : un Christ immense qui domine par sa position centrale sur le tympan et par sa taille, trois fois supérieure à celle de tous les autres personnages et animaux ; seule figure frontale du tympan, son visage sévère et impassible impressionne. Ce Christ du Jugement Dernier tient dans sa main gauche le livre de vie scellé par deux fermoirs et bénit le croyant de sa main droite (aujourd hui disparue). Ses pieds reposent sur la mer de cristal, comme mentionné dans les textes bibliques. Autour du Christ, le tétramorphe symbolise les 4 évangélistes qui ont écrit les 4 évangiles de la vie de Jésus-Christ (1 ange et 3 animaux qui rugissent d admiration) ; Jean est représenté par l aigle, Luc est symbolisé par le taureau, le lion désigne Marc et l homme ailé évoque Mathieu. Chacun tient son livre. Deux anges pressent les évangélistes vers Dieu. Un groupe de 24 vieillards assis sur des tabourets : ils tiennent une coupe (d où s exhalent des parfums) ou un instrument de musique (utilisé pour chanter les louanges du Seigneur) ; ils contemplent le Christ : même orientation des visages et des corps, expressions de louange ; le nombre 24 est le symbole de la sagesse, de la reconnaissance, les vieillards incarnent l humanité toute entière jugée digne d entrer au paradis. Ils sont répartis sur 3 niveaux, en référence aux trois marches à gravir pour gagner le ciel. Travail de recherche - Troisième partie : le tympan, un récit sculpté En petits groupes : fiche 3. p. 2 LA SCULPTURE ROMANE. SÉQUENCE 1
UN RÉCIT SCULPTÉ EX TR AI TS 2 1. Complétez le tableau et terminez les repérages en couleur sur la photographie. Personnages ou animaux Nombre Taille Jésus-Christ (à colorier en bleu) 1 Le plus grand. Anges (coloriés en orange) 2 De taille moyenne. 4 De petite taille. 24 De très petite taille. Les évangélistes (*) : 1 ange et 3 animaux (à colorier en jaune) Les vieillards (à colorier en vert) Localisation Au centre et en haut de la composition. Caractéristiques Lui seul fait face au croyant. Il est assis sur un trône. Il tient un livre dans sa main gauche et, de sa main droite, il accorde sa bénédiction aux humains dignes d accéder au paradis. De part et d autre du Christ. Anges ailés. Autour du Christ. Tous sont ailés : 1 ange et 3 animaux fantastiques (aigle, taureau et lion). Tous regardent le Christ. Une ligne de 14 puis deux de 3 et deux de 2. Ils sont répartis symétriquement par rapport au Christ. Ils sont assis sur des trônes et portent des couronnes ; ils tiennent des instruments de musique ou des coupes. Tous regardent avec admiration le Christ, ce sont des images des heureux élus. (*) Les évangélistes portent les 4 livres dans lesquels sont consignées la vie et les paroles de Jésus-Christ. 2. Pourquoi les personnages sont-ils de taille différente selon vous? La taille du personnage est liée à son importance au royaume des cieux. Le Christ en Majesté, assisté de ses évangélistes, accueille les vieillards au paradis. 3. Lequel préférez-vous? Justifiez votre choix, en quelques lignes, au dos de cette page. 2