COUR PENALE INTERNATIONALE



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Transcription:

ICC-01/04-01/06-917 30-05-2007 1/10 EO PT COUR PENALE INTERNATIONALE Original : Français No : Date de dépôt : 29 mai 2007 LA CHAMBRE PRELIMINAIRE 1 Composée comme suit : M. le Juge Claude Jorda Mme la Juge Sylvia Steiner Mme la juge Akua Kuenyehia Greffier : M. Bruno Cathala SITUATION EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO AFFAIRE LE PROCUREUR c/thomas LUBANGA DYILO Public Demande d intervention, à titre d amicus curiae, de l Ordre des Avocats de Paris (Règle 103 du Règlement de Procédure et de Preuve) Le Bureau du Procureur M. Luis Moreno Ocampo Mme Fatou Bensouda M. Ekkehard Withop M. Thomas Lubanga Dyilo Les conseils des victimes Autres Représentants : M. Luc Walleyn L Ordre des Avocats de Paris M. Franck Mulenda Yves Repiquet, Bâtonnier Mme Carine Bapita Buyangandu 1

ICC-01/04-01/06-917 30-05-2007 2/10 EO PT Vu la «Demande de ressources additionnelles en vertu de la Norme 83-3 du Règlement de la Cour», déposée par Thomas Lubanga Dyilo le 3 mai 2007 (ICC-01/04-01/06-878), Vu la demande d intervention sur «Demande de ressources additionnelles en vertu de la Norme 83-3 du Règlement de la Cour», déposée par Thomas Lubanga Dyilo auprès de la Chambre Préliminaire 1 le 24 mai 2007 (N ICC-01/04-01/06), 1. L Ordre des Avocats de Paris a l honneur de soumettre à la Chambre Préliminaire 1 une demande d intervention en tant qu amicus curiae en vertu de la règle 103-1 du Règlement de procédure et de preuve 1, relative à la question des ressources raisonnablement nécessaires pour assurer la défense effective et efficace de Monsieur Thomas Lubanga Dyilo 2. Présentation du Barreau 2. Près de vingt mille avocats sont inscrits au Barreau de Paris, qui regroupe en son sein la plus grande proportion d'avocats étrangers en Europe. 3. Le Barreau de Paris est administré par un Conseil de l'ordre composé de quarante deux membres et présidé par un Bâtonnier élu qui le représente dans tous les actes de la vie civile. L Ordre des Avocats de Paris est un ordre professionnel qui défend l'intérêt général de la profession d'avocat. Il est chargé d une mission de service public. L Ordre des avocats de Paris, sous l'impulsion du Bâtonnier traite les dossiers concernant la profession d'avocat, son organisation, son avenir, mais aussi la justice et son administration, la sauvegarde des droits de l'homme et le respect des libertés fondamentales. L Ordre des Avocats de Paris assure la gestion de l'aide juridictionnelle et reçoit pour cela une dotation globale de l'état qu'il reverse aux avocats. 1 Règle 103-1 du Règlement de procédure et de preuve : «A n importe quelle phase de la procédure, toute Chambre de la Cour peut, si elle le juge souhaitable en l espèce pour la bonne administration de la justice, inviter ou autoriser tout Etat, toute organisation ou toute personne à présenter par écrit ou oralement des observations sur toute questions qu elle estime appropriée». 2 Règlement de la Cour, Norme 83-1 2

ICC-01/04-01/06-917 30-05-2007 3/10 EO PT 4. Pour accomplir sa mission, l Ordre des Avocats de Paris compte cent soixante dix employés et vingt neuf directions. 5. L Ordre des Avocats de Paris œuvre également en faveur du développement de la défense dans la justice pénale internationale. Il soutient depuis le début le processus de création de la Cour pénale internationale et a participé aux Commissions préparatoires ainsi qu aux Assemblées des Etats Parties à la Cour. L Ordre des Avocats de Paris s est particulièrement investi sur toutes les questions relatives à la pratique des avocats devant la Cour, qu il s agisse des conseils de la défense ou des représentants légaux des victimes. Il organise chaque année des formations sur la justice pénale internationale et incite les avocats à s inscrire sur la liste des conseils devant la Cour pénale internationale, qui compte aujourd hui dix neuf avocats inscrits au Barreau de Paris. L Ordre des Avocats de Paris est également membre fondateur du Barreau Pénal International. 6. Au niveau national, l Ordre des Avocats de Paris assure la vice-présidence de la Coalition française pour la Cour pénale internationale. Il participe activement au travail nécessaire d adaptation du droit français au Statut de la Cour. 7. L Ordre des Avocats de Paris est une association professionnelle indépendante qui a traditionnellement pour mission de garantir le respect des droits de la défense et notamment celui de tout individu de bénéficier d une défense effective et efficace. C est à ce titre qu il sollicite de la Chambre Préliminaire 1 l autorisation d intervenir au titre de l article 103-1 du Règlement de procédure et de preuve. 3

ICC-01/04-01/06-917 30-05-2007 4/10 EO PT Si la Chambre l autorise, l Ordre des Avocats de Paris soutiendra notamment : I) Considérations générales concernant la nécessité d un ajustement du système d aide judiciaire de la Cour 8. La particularité des affaires devant la Cour pénale internationale nécessite l attribution de moyens exceptionnels. Sur la composition des équipes de la défense intervenant devant la Cour pénale internationale : 9. Le système actuel 3 prévoit l intervention du conseil de la défense en solitaire jusqu à la première comparution de l accusé devant la Cour. Il prévoit également que l équipe de la défense soit composée d un conseil, d un assistant juridique et d un chargé de la gestion des dossiers (qui n intervient pas sur le fond de l affaire) durant toute la phase préliminaire. Mais ce système ne prend pas en compte la réalité du travail de la défense. En effet, l équipe de la défense doit pouvoir assumer l intégralité de ses missions dès sa désignation. 10. La mission de la défense comporte deux principaux champs d intervention : 1) Les missions de défense proprement dites qui portent sur : a. le contentieux de la détention : devant les autorités compétentes de l Etat d arrestation et devant la Cour ; b. l analyse du dossier divulgué par l accusation ; c. durant la phase préliminaire, analyse et discussion de l état détaillé des charges soumises à la Chambre préliminaire ; d. lors de l audience de confirmation des charges, puis lors du procès, discussion de la preuve présentée par le Procureur et présentation de la preuve à décharge ; e. réponse aux demandes de participation déposées par les victimes et à leurs interventions durant la procédure. 3 Projet d ajustement du système d aide judiciaire présenté par le Greffe le 13 février 2007. 4

ICC-01/04-01/06-917 30-05-2007 5/10 EO PT 2) Les missions d investigations : a. recherche de la preuve documentaire : compte tenu de la nature des crimes poursuivis, ce type d investigation suppose d être mené auprès des autorités du pays concerné et donne lieu à des démarches complexes qui se heurtent souvent à la réticence des autorités concernées ; b. recueil de la preuve testimoniale : cette mission consiste à rechercher des témoins qui bien souvent ne sont pas localisés dans la même région ou le même pays. La défense est investie de l ensemble de ces missions dès le début de la procédure c'est-àdire dès la désignation d un conseil. 11. L Ordre des Avocats de Paris, à l issue d un audit interne au cours duquel ont été interrogés des avocats parisiens exerçant devant les juridictions pénales internationales, est arrivé à la conclusion qu un seul conseil pour toute la durée de la phase préliminaire est manifestement insuffisant. Le conseil ne peut être à la fois à La Haye pour répondre aux demandes de participation à la procédure des victimes, être sur le terrain pour rechercher des témoins et dans le même temps assurer la gestion de son cabinet. 12. Il en ressort également que l équipe de la défense doit être complète dès l origine de l affaire afin de : - permettre à la défense de remplir l ensemble de ses missions ; - assurer la qualité de la représentation de la personne bénéficiant de l assistance judiciaire ; - garantir la continuité de la représentation en cas de retrait du conseil au cours de la procédure ou lorsque le conseil principal est dans l incapacité de se rendre devant la Cour. 5

ICC-01/04-01/06-917 30-05-2007 6/10 EO PT 13. Une équipe complète de défense serait composée de trois conseils dès le début de la procédure : - un conseil pour assurer la représentation de la défense à La Haye ; - un conseil pour diriger les enquêtes ; - un conseil pour travailler sur l analyse du dossier sur le plan factuel et juridique. Il faudrait également pouvoir compter sur deux assistants juridiques et un enquêteur. Sur les ressources financières des équipes de la défense intervenant devant la Cour pénale internationale : 1) Sur les frais d enquête 14. Le système actuel prévoit un budget correspondant à quatre vingt dix jours d enquête. Selon le Greffe, ce budget tient compte de la nécessité de conduire des enquêtes durant la phase préliminaire. Ce budget ne prend pas en considération la nécessité de conduire des enquêtes après la phase préliminaire jusqu à la fin de la procédure, du moins jusqu à la fin du procès de première instance. L égalité des armes est compromise car le Procureur peut enquêter pendant toute la durée de la procédure sans être limité dans le temps. La défense devrait donc pouvoir continuer à mener des enquêtes après la phase préliminaire. 15. Le financement des enquêtes prévoit treize mille euros pour les voyages. Mais compte tenu du coût d un voyage en Afrique, le montant alloué est notoirement insuffisant. D autant plus, que pour enquêter sur le terrain, il faut au moins être deux pour pouvoir assumer la charge de travail mais également pour des raisons évidentes de sécurité. 16. Enfin, le financement des enquêtes de la défense a été prévu pour une moyenne de vingt cinq à trente témoins. Mais ce chiffre ne tient pas compte des démarches préliminaires qui doivent auparavant être effectuées auprès de très nombreux témoins potentiels généralement en exil et situés le plus souvent dans des pays différents. 6

ICC-01/04-01/06-917 30-05-2007 7/10 EO PT 17. Le financement des enquêtes doit donc être reconsidéré au vu de critères objectifs permettant un exercice réel des droits de la défense. 2) Sur la rémunération des conseils 18. La Règle 22 du Règlement de Procédure et de Preuve prévoit que : «le conseil de la défense doit être une personne d une compétence reconnue en droit international ou en droit pénal et en matière de procédure, et avoir acquis l expérience nécessaire du procès pénal en exerçant des fonctions de juge, de procureur ou d avocat ou quelque autre fonction analogue» et la Norme 67 du Règlement de la Cour prévoit que le conseil doit avoir acquis au moins dix ans d expérience. 19. La Cour a donc choisi, à juste titre, de faire appel à des avocats confirmés et spécialisés pour traiter les dossiers exceptionnels qui seront portés devant la Cour. Pour les inciter à exercer devant la Cour, la rémunération du conseil doit permettre à celui-ci d assumer la charge du dossier sans mettre en péril son exercice professionnel. II) Considérations particulières concernant la nécessité d un ajustement de l aide judiciaire accordée à la défense dans l affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo 20. L affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo est exceptionnelle, il est donc essentiel d accorder des moyens supplémentaires à la défense. Sur le caractère exceptionnel de l affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo : 21. L affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo est exceptionnelle parce que : - il s agit de la première affaire devant la Cour pénale internationale. Il y a donc un travail considérable d interprétation des textes et de construction d une jurisprudence nouvelle et fondatrice ; 7

ICC-01/04-01/06-917 30-05-2007 8/10 EO PT - pour la première fois devant une juridiction pénale internationale, les inculpations portent sur l utilisation d enfants soldats. Il n existe donc pas de jurisprudence préalable sur ce point ; - il s agit de la première affaire dans laquelle les victimes peuvent participer ; o Il faut donc discuter les modalités de participation des victimes, situation sans précédent. o Les parties en présence sont plus nombreuses, le nombre de requêtes et observations est donc plus élevé. - le futur conseil de Thomas Lubanga devra reprendre un dossier commencé depuis plus de onze mois. Il aura donc besoin d un temps conséquent pour prendre connaissance de l historique du dossier. L attribution de moyens supplémentaires à la défense permettra au nouveau conseil de reprendre le dossier plus rapidement et évitera de retarder et allonger indéfiniment la procédure devant la Cour. 22. Tous ces éléments, spécifiques à l affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, sont source d une charge de travail substantielle. En atteste le rythme soutenu des requêtes et décisions. Entre mai 2006 et mars 2007, deux cent décisions ont été rendues par la Cour, quatre cent trente requêtes, décisions, actes de procédure, ont été publiés sur le site de la Cour pénale internationale, avec une moyenne de deux à trois requêtes par jour. Dès lors, il apparaît clairement que l affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo impose un travail exceptionnellement soutenu pour la défense. Sur le travail préalable requis dans le cadre de l ouverture d un procès : 23. La charge de travail devrait encore s intensifier lors de l entrée dans la phase du procès. En effet, o les victimes auront probablement une plus grande liberté d intervention ; o le nombre de divulgations sera beaucoup plus important ; o le conseil de la défense ne pourra pas bénéficier du soutien du Bureau du conseil public pour la défense. Ce dernier ayant fait savoir qu il n a pas 8

ICC-01/04-01/06-917 30-05-2007 9/10 EO PT vocation à traiter des questions de fond et à intégrer une équipe de la défense 4. Sur les droits fondamentaux de l accusé : 24. En vertu de l article 67 5 du Statut de la Cour pénale internationale, il appartient à la Cour de s assurer qu aucune partie n est placée dans une situation désavantageuse lorsqu elle présente sa cause et il lui appartient également de garantir des ressources suffisantes à la défense afin d assurer le droit à un procès équitable. 25. L Ordre des Avocats de Paris souhaite donc fournir une expertise technique des moyens réellement nécessaires pour : - garantir les droits fondamentaux de l accusé tels que le droit à un procès équitable et à l égalité des armes 6 ; - permettre à la défense de fournir un travail conforme au standard de qualité exigé par la Cour ; - éviter le ralentissement des procédures et tout retard dans le bon déroulement de l ensemble de l affaire. 26. La question des ressources nécessaires pour assurer une défense effective et efficace est primordiale dans le cadre particulier de l affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo et de manière plus générale pour l administration de la Cour pénale internationale. 4 ICC-01/04-01/06-823, 12 fevrier 2007, Observations du Bureau du conseil public pour la défense sur la décision de la Chambre Préliminaire 1, «Decision on the defense request for extension of time». 5 Article 67 du Statut de la Cour pénale internationale : «Lors de l examen des charges portées contre lui, l accusés a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement, compte tenu des dispositions du présent statut, équitablement et de façon impartiale. Il a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes : b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et communiquer librement et confidentiellement avec le conseil de son choix». 6 Article 14 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques, entrée en vigueur le 23 mars 1976 et Article 67 1b) du Statut de la Cour pénale internationale. 9

ICC-01/04-01/06-917 30-05-2007 10/10 EO PT 27. Par ces motifs, L Ordre des Avocats de Paris vous demande de bien vouloir: - accueillir la présente demande d intervention, à titre d amicus curiae ; - permettre à l Ordre des Avocats de Paris de produire un mémoire relatif aux conditions économiques, matérielles et humaines indispensables à une défense effective et efficace dans l affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo ; et si la Chambre Préliminaire 1 le juge à propos, - permettre à l Ordre des Avocats de Paris de faire des présentations orales au soutien de son mémoire. Yves Repiquet Bâtonnier de l Ordre des Avocats de Paris 10