ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE



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Transcription:

ECOLE DES MINES DE DOUAI DELANNOY (Marc) DEMARLE (Benoît) ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE L'utilisation du carbone et des composites dans la réalisation de châssis de voitures de course : état de l'art Promotion 2009 Année Scolaire 2005-2006

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3 REMERCIEMENTS Nous tenons à remercier Monsieur Jean-Luc CAENEN responsable du service des formations à l Ecole des Mines de Douai, notre parrain, pour son aide tant sur la réalisation que sur l orientation de cette étude bibliographique.

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5 TABLE DES MATIERES Résumé et mots matières... 7 Abstract and keywords... 9 Introduction... 11 I. L historique de la conception des châssis de voiture de course 13 Avant-propos : la conception d un objet...15 1) Généralités sur les châssis...16 2) La conception d un châssis...18 3) Les différents types de châssis...21 4) Conclusion de la première partie...26 II. La conception moderne des châssis de voiture de course : carbone et composites... 27 1) Le matériau composite dans l automobile...29 2) Le châssis en composite...37 3) Avantages et inconvénients des composites...46 4) Conclusion de la deuxième partie...50 III. L avenir et la limite de l utilisation des composites... 51 1) L aspect environnemental...53 2) L aspect économique...58 3) Difficultés technico-économiques...59 4) Difficultés culturelles...60 5) Conclusion de la troisième partie...61 Conclusion... 63 Références bibliographiques... 65 Glossaire... 69

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7 RESUME Lors d une course automobile, on a tendance à croire que seules les compétences du pilote sont à l origine de la victoire. Cependant, il n y a pas de bons pilotes sans bonnes voitures. En effet, derrière les performances se cache tout un travail de conception et de réflexion autour des caractéristiques du véhicule, notamment celles liées à son châssis. Le châssis d une voiture de course joue un rôle capital dans les performances de l automobile. C est pourquoi, il a toujours été au centre des recherches effectuées par les grandes écuries de course, dans le but d augmenter les performances de leurs voitures. Depuis les années 50, on a cherché à améliorer la conception du châssis, de part sa forme mais aussi de part les matériaux utilisés. On a ainsi construit des châssis tubulaires puis monocoques en utilisant l acier ou l aluminium. Dans les années 80, les constructeurs automobiles ont assisté à l émergence d un tout nouveau type de matériau : les composites et notamment ceux à base de carbone. Ces matériaux révolutionnaires ont ouvert de toutes nouvelles perspectives. De part leur structure, les composites allient robustesse, légèreté et malléabilité lors de la fabrication du châssis. Après être restés longtemps dans le milieu de la compétition, les composites apparaissent maintenant dans l ensemble du milieu industriel de l automobile. On construit maintenant des voitures «grand public» alliant les technologies de l acier et des composites. Au travers de cette utilisation grandissante des composites, il apparaît une rivalité entre les promoteurs de l acier et ceux des composites. MOTS MATIERES - Automobile - Carbone - Châssis - Conception - Composite - Légèreté - Performance

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9 ABSTRACT At the time of a motor race, one tends to believe that only competences of the pilot are at the origin of the victory. However, there are not good pilots without good cars. Indeed, behind the performances is hidden a whole work of design and reflexion around the characteristics of the vehicle, in particular those related to its frame. The frame of a racing car plays a capital part in the performances of the car. That s why; in the research center it always was carried out by the large racing stables, with an aim of increasing the performances of their cars. Since the Fifties, one sought to improve the design of the frame, in its form but also in the materials used. One thus built tubular frames then monocoque by using steel or aluminium. In the Eighties, the car manufacturers saw the emergence of a very new type of material: composites with carbon. These revolutionary materials opened a lot of new prospects. By their structure, the composites combine robustness, lightness and malleability at the time of manufacture of the frame. After having remained a long time restricted to the world of the competition, the composites appear now in the rest of automobile manufacturer circle. One now builds cars "general public" combining technologies of steel and the composites. Through this growing use of the composites, it a competition has arisen between the promoters of steel and those of composites. KEYWORDS - Car - Composites - Carbon - Design - Frame - Lightness - Performances

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11 INTRODUCTION En compétition automobile, le but est d aller toujours plus vite. Les écuries F1 sont ainsi soumises à une énorme pression et sont donc obligées de développer sans cesse de nouvelles technologies (nous avons, en effet, pu observer une évolution constante depuis 50 ans sur les Formule 1). Parmi les composantes d un véhicule de compétition, le développement du châssis est primordial si l on veut améliorer les caractéristiques de la voiture. Sa conception a beaucoup évolué pour aujourd hui atteindre un excellent compromis entre légèreté, aérodynamisme et fiabilité mécanique (tout en respectant les différents règlements internationaux). C est ainsi qu est apparu le matériau composite au sein du châssis de la Formule 1. Composés d une matrice (souvent organique) et de fibres, les composites présentent de multiples avantages. Au vu de leur succès, les composites envahissent peu à peu l industrie automobile et apparaissent sur de nombreux modèles de véhicules destinés au grand public. Cependant, tout cela se fait au détriment de matériaux traditionnels tel que l acier et provoque des tensions entre les producteurs d acier et de composites.

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13 Partie I L historique de la conception des châssis de voiture de course

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15 Avant-propos : la conception d un objet La conception d un objet, quel qu il soit, va se dérouler de façon différente selon le but poursuivi. On distingue trois grands types de conception : la création : l objet fabriqué étant conçu ex nihilo à partir d une idée originale : c est une conception innovante. Par exemple, c est le cas de la création du disque compact. l optimisation : la conception vise alors à optimiser une caractéristique de l objet, qui n est pas modifié dans son principe de fonctionnement. C est notamment le cas lorsque l on passe par le changement de matériau pour diminuer le prix ou améliorer une performance. Par exemple, on peut citer le cas de l étude d une bouteille de boisson gazeuse qui était précédemment fabriquée en verre et que l on veut réaliser en plastique pour en diminuer la masse, et/ou la fragilité. la variation : le principe de fonctionnement est conservé, mais le changement des dimensions ou une modification de détail impose une conception nouvelle. C est le cas, par exemple, du passage d un petit réservoir à une grande citerne. Ses trois règles générales ont été, selon les époques, appliquées à la conception des châssis de voiture de course. En effet, depuis le début de la course automobile, les ingénieurs et les chercheurs ont tour à tour créé, optimisé ou varié. Nous allons maintenant exposer ces trois aspects de la conception d un châssis de voiture de course au travers des différentes réalisations passées, présentes ou à venir.

16 1) Généralités sur les châssis [1], [2], [3] De manière générale, on peut définir le châssis comme la partie centrale de la voiture où tout est rattaché. Cependant, on ne peut pas réduire le rôle du châssis à celui d un simple squelette sur lequel le reste des éléments de la voiture est fixé. En réalité, il est un élément essentiel du véhicule : les performances de la voiture et la sécurité du pilote en dépendent fortement. D un point de vue performance, la masse du châssis va conditionner l ensemble de la conception du véhicule. En effet, si on allège le châssis, deux possibilités s offrent alors aux concepteurs : - soit on décide d utiliser ce gain de masse pour ajouter des éléments supplémentaires. Des éléments de renforts, des structures permettant d améliorer l aérodynamisme de la voiture (tels que les ailerons ou les spoilers) ou même un moteur plus imposant. Dans cette première voie, on s attache à améliorer les performances du véhicule. - soit on décide de conserver ce gain de masse sans changer la structure Dans cette deuxième voie, il s agit de bénéficier d une voiture plus légère, une volonté que l on peut retrouver dans des courses d endurance.

17 De plus, la forme du châssis va jouer un rôle direct ou non sur l aérodynamisme de la voiture. En effet dans le cas d un châssis tubulaire, son aspect va influer sur la forme de la coque qui va reposer sur lui ou du moins il va réduire les possibilités d incorporer une coque dont la forme présentera des caractéristiques aérodynamiques maximales. Dans le cas d un châssis monocoque, sa forme joue un rôle direct sur l aérodynamisme de la voiture. Le principe régissant les lois aérodynamiques d'une voiture de course repose sur la relation qui unit pression et vitesse de l'air de chaque côté d'une surface. Sur le schéma ci-dessous (figure n 2), on a représ enté deux molécules d'air, A et B qui se présentent ensembles devant une lame d'un aileron de la voiture. L'une, la A, passe par en haut, et l'autre, la B, passe par en dessous. Bien que le chemin de la molécule B soit plus long, les deux molécules se présentent ensemble à la sortie de l'aileron. Ceci prouve que la molécule B s'est déplacée plus vite que la molécule A, créant ainsi une dépression qui génère de l'appui. (figure n 1). Figure 1 Ce meilleur appui au sol permet une meilleure stabilité de la voiture permettant ainsi de concourir à des vitesses plus importantes. Figure 2 : modélisation du schéma de deux molécules d air se présentant sur un aileron

18 Il est donc clair que l aérodynamisme est un facteur clé dans le domaine de la course automobile. L élaboration de châssis permettant d obtenir un maximum de performances aérodynamiques s avère un enjeu majeur pour les constructeurs. D un point de vue sécuritaire, pour doter le véhicule d un châssis le plus solide possible (afin d assurer un maximum de sécurité pour le pilote) on peut jouer sur sa forme, sa masse ou le matériau le constituant. Car rappelons-le : même si dans cette Etude Bibliographique nous parlerons majoritairement d objets inertes et de démarches techniques, derrière chaque conception de châssis, outre l aspect performance, il y a un être humain à protéger. Intéressons-nous maintenant à l évolution de la conception des châssis au cours des années. 2) La conception d un châssis [11], [16] De 1950 à 1990, les châssis de voiture de course ont toujours bénéficié des meilleures techniques industrielles. Durant ces quatre décennies, ces techniques ont fortement évolué. Au départ, ils étaient réalisés de manière artisanale : on construisait un moule en bois (appelé «Buck») qui servait de modèle pour la réalisation du châssis final. Dans les années 70, les châssis étaient fabriqués sur un banc d assemblage où l on construisait un modèle type en aluminium (celui intégrait la place des futures pièces se raccrochant au châssis). L inconvénient de cette technique était que tous les éléments étaient fabriqués séparément puis réassembler par collage et rivetage, ce qui donnait un châssis présentant de nombreux joints.

19 Dans les années 80, avec la prise de conscience de l importance de l aérodynamisme, on s attacha à créer des châssis sans joints. Les constructeurs adoptèrent le concept du «moule mâle» en aluminium, celui-ci était recouvert de panneaux en fibres de carbone. On chauffait alors l ensemble dans un four autoclave : la fusion des panneaux permettait ainsi d obtenir une structure sans joints sur laquelle on rajoutait les futures pièces se raccrochant au châssis. Dans les années 90, les progrès dans le domaine des machines outils et de l informatique (notamment la Conception Assistée par Ordinateur : CAO) ont permis d améliorer la précision et la complexité des châssis. En effet, grâce à la CAO, on pouvait piloter les machines outils et créer des châssis de plus en plus performants. Figure 3 : exemple de la conception d un châssis tubulaire à l aide du logiciel Solidworks

20 Aujourd hui, on utilise des «moules femelles», ce moule est creux et l on dépose le matériau à l intérieur. La monocoque est constituée de deux parties assemblées entre elles et porte un joint très fin sur toute sa longueur. Ceci permet de faire jouer à l extérieur de la coque un rôle aérodynamique. Dans la compétition F1, les écuries recherchent le meilleur aérodynamisme possible mais elles sont également soumises aux règlements relatifs à la compétition automobile. Nous allons maintenant exposer les différents types de châssis employés dans le domaine de la course automobile depuis les prémices de ce sport mécanique jusqu à aujourd hui.

21 3) Les différents types de châssis [4], [5], [6], [10] 3.1) Le châssis tubulaire en acier (1950 1962) On peut définir de manière générale le châssis tubulaire comme une cage constituée de tubes d acier soudés les uns aux autres. Il fût le premier type de châssis à être utilisé dans la compétition. Bien qu actuellement il soit supplanté par d autres types de châssis, il reste encore utilisé lors de la conception de voiture à coût réduit, par exemple lors de challenges entre grandes Ecoles. Tels que : le challenge AKKA. Sa structure composée de tubes en acier offre une grande rigidité ainsi qu une très bonne résistance aux chocs en cas d accident. Il encaisse plus aisément les contraintes imposées par les suspensions et garantit ainsi un bon comportement du véhicule. La solidité de l acier autorise à concevoir une structure à la fois compacte et résistante. La compacité de la voiture étant un atout en matière d agilité et d efficacité aérodynamique. D un point de vue économique le châssis tubulaire en acier est particulièrement adapté à une production en petite série. Cependant au début des années soixante, la volonté grandissante des écuries à vouloir améliorer les performances de leurs voitures ont amené à la création d un tout autre type de châssis : le châssis monocoque.

22 Figure 4 : exemple de châssis tubulaire en acier

23 Mercedes W196 (1955) Châssis tubulaire Carrosserie en aluminium moteur 8 cylindres en ligne cylindrée 2496 cm3, alésage 76 mm Puissance 280 ch à 8500 tr/mn. Boîte de vitesse à 5 rapports Poids 720 Kg Vitesse maximale 290 km/h Lancia Ferrari (1956) Châssis tubulaires Carrosserie en aluminium moteur 8 cylindres en V à 90 à 2 a.c.t. cylindrée 2488 cm3, alésage 73,6 mm Puissance 250 ch à 8100 tr/mn. Boîte de vitesse à 5 rapports Poids 640 Kg Vitesse maximale 280 km/h Maserati 250 F (1957) Châssis tubulaire Carrosserie en aluminium moteur 6 cylindres en ligne à 2 a.c.t. cylindrée 2494 cm3, alésage 84 mm Puissance 240-270 ch à 7200-8000 tr/mn. Boîte de vitesse à 5 rapports Poids 670 Kg Vitesse maximale 290 km/h Cooper-Climax (1959) Châssis tubulaire Carrosserie en aluminium moteur arrière Conventry-Climax à 4 cylindres double cylindrée 2495 cm3, alésage 94 mm course 89,9 mm, alimentation par 2 carburateur Weber Puissance 240 ch à 6750 tr/mn. Boîte de vitesse à 4 rapports Poids 460 Kg Vitesse maximale 280 km/h Figure 5 : exemples de voitures de courses à châssis tubulaire

24 3.2) Le châssis monocoque (1963 1980) De manière générale, on peut définir le châssis monocoque comme un caisson sur lequel vient s ajouter les autres pièces de la voiture. Ce type de châssis joue à la fois le rôle de châssis et de coque extérieure. Figure 6 : Exemple d un châssis monocoque en aluminium Le châssis monocoque en aluminium Le choix de l aluminium n a lui non plus pas été fait au hasard. Parmi ses nombreuses caractéristiques, l aluminium est le métal le plus léger après le lithium et le magnésium et il a une bonne résistance à la corrosion. De plus, l'aluminium est un métal robuste. En effet, bien que les caractéristiques de l'aluminium pur soient faibles, la réalisation d alliage à base d aluminium permet d obtenir des matériaux résistants pouvant avoir une charge de rupture supérieure à 700 MPa, donc largement équivalente à celles des aciers trempés. L utilisation d alliages à base d aluminium permet donc de concevoir des châssis résistants et très nettement plus légers que les châssis en acier, l aluminium étant 3 fois moins dense que l acier.

25 Le châssis monocoque en aluminium avec une structure en nid d abeille Par la suite, le monocoque rigide en aluminium céda la place à un châssis en nid d'abeille en aluminium. La structure en nid d abeille est un alliage d aluminium ou un papier polyamide. Parmi ses avantages, on peut citer sa très bonne résistance aux impacts, à la fatigue et aux efforts de compression et de flexion. Mais son plus grand avantage vient du fait qu à résistance égale, le gain en masse peut aller jusqu à 66% par rapport à un matériau classique. Figure 7 : Exemple de structure en nid d abeille

26 3.3) Les châssis et les «nouveaux matériaux» (dès 1982) Au début des années 80, les innovations dans le domaine des châssis de voiture de course étaient alors loin d être finies. En effet, afin d améliorer sans cesse les performances de leurs voitures, les grandes écuries de l époque se tournèrent vers de nouveaux matériaux. 4) Conclusion de la première partie Comme nous venons de le voir, le châssis dans une voiture de course constitue un enjeu majeur dans la compétition. C est pourquoi, portée par la volonté des écuries automobiles d améliorer leurs performances, la conception des châssis a toujours bénéficié des meilleures innovations de chaque époque. Dans cette seconde partie nous nous intéresserons aux innovations les plus récentes au travers de l emploi des nouveaux matériaux : les composites.

27 Partie II La conception moderne des châssis de voiture de course : carbone et composites

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29 1) Le matériau composite dans l automobile [7], [8], [9], [12], [13], [14] 1.1) Généralités sur les composites Officiellement, la norme AFNOR NF T50-100 définit un matériau composite comme étant un produit solide comportant au moins deux phases physiques distinctes, composées d un matériau de liaison et d un matériau sous forme granulée, fibreuse ou lamellaire. Un matériau composite est un matériau hétérogène, constitué d au moins deux matériaux non miscibles. Cette association leur confère à l échelle macroscopique un ensemble de propriétés mécaniques, que chacun des constituants pris isolément ne possède pas. A l échelle microscopique, le terme «composite» désigne l association intime d un renfort et d une matrice qui lie les renforts entre eux et dont la résistance mécanique est nettement plus faible. Le renfort : Le renfort a pour mission de supporter l essentiel de l effort mécanique appliqué au matériau composite. Il se présente sous forme fibreuse et est généralement, constitué de plusieurs centaines, voire de plusieurs milliers de filaments de très petit diamètre à très hautes performances mécaniques et de faible masse volumique (fibre de verre, fibre de carbone, Kevlar..).

30 Figure 8 : Evolution de l utilisation des renforts Il correspond au squelette du composite. Cette morphologie particulière du renfort résulte du fait que, lors de son utilisation, une structure n est pas sollicitée mécaniquement de la même façon dans toutes les directions : certaines sont sollicitées en traction, d autres en compression L utilisation d un renfort fibreux permet de renforcer le matériau (c est-à-dire optimiser son comportement mécanique) dans les directions préférentielles (figure n 9); les matériaux composites permettent d onc la réalisation d un compromis entre la texture du matériau et l état de charge mécanique auquel il doit répondre, compromis impossible à réaliser avec des matériaux homogènes et isotropes. Figure 9 : L importance de l utilisation des renforts

31 La matrice : A quelques exceptions près (réalisation de cordages par exemple), les fibres ne peuvent être utilisées seules : il est nécessaire de les placer dans un produit d emballage, la matrice. Trois familles principales de matériaux fibreux correspondent à des matrices de nature différente : organique, métallique ou céramique. Les composites les plus répandus actuellement sont les matériaux composites à matrice organique (99% du marché), l emploi de composites à matrice métallique ou céramique restant, en effet, très limité. Les matrices organiques sont obtenues à partir de polymères* thermoplastiques (polymères pouvant être fondus et resolidifiés autant de fois qu on le désire sans perdre ses caractéristiques) ou thermodurcissables (polymère qui une fois fondu subit un durcissement irréversible); ces derniers sont les plus utilisés actuellement. Dans le cas des résines thermoplastiques, la plasticité nécessaire à la mise en forme est obtenue à volonté par simple chauffage de la matrice, le matériau reprenant sa rigidité lors du refroidissement. Cette particularité permet leur emploi pour des applications en très grande série telles que les pièces d automobile. Outre une cadence plus élevée de fabrication, une opération de recyclage de pièces peut aussi être envisagée. Les principales résines thermoplastiques sont à base de polyamide (PA), de polypropylène (PP) ou de polyester saturé. L utilisation des résines thermoplastiques est encore limitée, car leur emploi est plus délicat et nécessite d opérer à température élevée. Pour les résines thermodurcissables, la mise en forme est effectuée impérativement avant l étape de polymérisation* au cours de laquelle le matériau devient, de façon irréversible, rigide ; les produits couramment utilisés sont à base de résines polyester insaturé, époxyde ou phénolique.

32 Parmi les composites à matrice organique, on peut opérer une classification selon leurs performances. On distingue : - les composites de grande diffusion (GD), peu coûteux et largement utilisés dans l industrie. - les composites à hautes performances (HP), beaucoup plus onéreux ont un emploi restreint mais d excellentes propriétés mécaniques. Lorsque que l on évoque les matériaux composites on parle parfois de charges et d additifs. Ces produits sont incorporés dans les résines afin d améliorer leur caractéristiques et réduire leur coût. Leurs applications dans les composites sont limitées. Dans tous les cas, les propriétés des composites vont dépendre : - de la nature de la matrice - de la nature, de la forme et de l arrangement (appelé texture) du renfort - de la proportion relative des deux constituants - de la qualité de la liaison entre le renfort et la matrice - du procédé de fabrication employé

33 1.2) Les composites carbone/carbone Ce matériau d'abord développé dans l'aérospatiale est 5 fois plus léger et 2 fois plus résistant que l'acier. Dans les grandes écuries de course automobile, ce matériau est de nos jours très présent. En effet, on développe de plus en plus des châssis en carbone. En réalité, il s agit actuellement de châssis en composites contenant des fibres de carbone comme renfort. Elles sont associées avec une matrice qui est du carbone amorphe*. Ce type de composite est appelé composite carbone/carbone. La fibre de carbone (figure n 10) est une forme de graphite dans laquelle les feuilles, formées de plans d'atomes de carbone liés en cycles hexagonaux, sont longues et fines. On peut les imaginer comme des rubans de graphite. Des paquets de ces rubans s'assemblent pour former des fibres, d'où le nom "fibres de carbone". Figure 10 : Exemple de fibres de carbone Les fibres de carbone se présentent comme n'importe quels tissus mais elles peuvent être chauffées, leur procurant alors une incroyable solidité. Il n est pas question ici d entrer dans le détail des technologies (fort complexes) de fabrication de ces matériaux. Nous nous limiterons aux grands principes de réalisation (voir figure n 11). Des filaments acryl iques de tergal ou de rayonne (obtenus à partir de la distillation de houille ou de pétrole) sont oxydés à chaud (300 C) puis chauffés à 1500 C dans une atmosphère d azote. Il ne subsiste alors que la chaîne hexagonale des atomes de carbone. On obtient alors des filaments noirs et brillants.

34 Figure 11 : Procédé de fabrication des composites carbone/carbone La façon dont ces fibres sont disposées est très importante car les fibres jouent un rôle primordial dans l'absorption des efforts et des forces subies par la monoplace vers d'autres parties du châssis. La fibre est travaillée pour s'adapter exactement au moule du châssis. Figure 12 : Différents types de tissage

35 Le nombre de couches nécessaires diffère d'une zone à une autre, plus les pièces sont soumises à des contraintes importantes, plus elles auront de couches. Le nombre moyen est d'environ douze couches. Pour renforcer la rigidité, une couche en nid d'abeille d'aluminium est positionnée au milieu des couches de carbone. Les propriétés des composites carbone/carbone recherchées sont, outre la faible masse volumique du matériau (entre 1,5 et 2 g/cm3), essentiellement des propriétés thermomécaniques exceptionnelles se conservant jusqu à des températures de plus de 2000 C. En effet, ces composites présentent : - une bonne résistance à l abrasion oxydante - une bonne tenue aux chocs thermiques (passages possibles de la température ambiante à plus de 2000 C dans les applications fre inage) - un coefficient de frottement élevé - une très grande conductivité thermique* : deux fois plus grande que celle de l acier) Figure 13 : Résistance en traction en fonction de la température

36 Propriétés des composites carbone/carbone (C/C) Masse volumique (g /cm3)... 1,4 à 2,0 Résistance en traction (MPa)... 60 à 700 Module de traction (GPa)... 15 à 380 Résistivité (en 10 3 Ω cm)... 0,5 à 3,0 Coefficient de frottement : À sec... 0,15 C/C contre acier lubrifié... 0,03 C/C contre C/C... 0,16 à 0,20 Tableau 1 : Propriétés des composites carbone/carbone (C/C) Différents types de composites carbone/carbone ont été développés par l industrie. On trouve les composites carbone/carbone Haute Résistance (HR), Haut Module (HM) et même les composites Très Haut Module (THR). Caractéristiques Carbone HR Carbone HM Carbone THM Masse volumique (kg/m 3 ) 1750 1810 1950 Module de Young 220 400 600 (GPa) Contrainte à la rupture 3000-5000 2800 2000 (MPa) Diamètre (µm) 8 8 8 Tableau 2 : Caractéristiques des différents composites C/C

37 2) Le châssis en composite [15], [20], [21], [22] 2.1) L évolution de l utilisation des composites L utilisation des matériaux composites dans l automobile n est pas un phénomène récent. C est à partir de 1980 que les Grands Prix ont connu un bouleversement technologique lorsque les ingénieurs de l'automobile ont appliqué aux voitures de course les connaissances de l'industrie aéronautique, en particulier celles empruntées au programme spatial américain de la fin des années soixante et des années soixante-dix. En effet, les progrès dans la conception des ailerons amenèrent une augmentation de l'appui au sol et les recherches en vue d'améliorer la rigidité du châssis conduisirent les concepteurs à se tourner vers les matériaux onéreux de l'industrie aéronautique : les composites. Malgré les quelques inconvénients associés aux composites (que nous développerons par la suite), leurs énormes avantages de gain de masse et de sécurité ont amenés les écuries à les utilisés de plus en plus; dans un souci d optimiser au maximum les performances des monoplaces. Dans un premier temps (1980) on opta pour un châssis hybride composite/aluminium : il s agissait alors de panneaux d aluminium en nid d'abeille recouverts d'un matériau composite. Dans les années qui suivirent, au regard de l avantage majeur d un matériau composite, un pas de plus fût fait dans la conception des châssis : le châssis entièrement en composite. A l'époque, la plupart des concepteurs considéraient cela comme une solution peu pratique, voire dangereuse. Mais l entreprise McLaren sentit l énorme potentiel de ce nouveau matériaux et créa la MP4/1 : la première voiture de course dont le châssis monocoque était entièrement en matériau composite. Cette machine, révolutionnaire fut interdite par la FISA et ne fut jamais utilisée en course.

38 Ce n est que quelques années plus tard que les voitures dotées de châssis en composite furent autorisées pour devenir aujourd hui le matériau prépondérant dans le domaine de la course automobile. Actuellement, avec l amélioration continue des matériaux composites, les grandes écuries ont recourt à des châssis en composites carbone/carbone (figures n 14 et 15). Ceci toujours dans une volonté de réduire de plus en plus la masse globale du châssis mais également car les composites permettent de créer des formes beaucoup plus complexes que les métaux, ce qui est un atout majeur dans l aérodynamisme. Figure 14 et 15 : exemples de châssis en composite : la F1 championne du monde 2005 de Renault (photographies réalisées le 9 mars 2006 à Maubeuge Construction Automobile)

39 2.2) Les procédés industriels de mise en œuvre des composites dans l élaboration des châssis Intéressons-nous aux différents procédés de mises en œuvre des composites dans l industrie. Il ne s agit pas ici de dresser une liste exhaustive des différents procédés de mise en œuvre des composites mais de s intéresser aux procédés applicables dans l industrie automobile. a) Moulage au contact Ce principe de mise en œuvre est le plus ancien. On l emploie pour des matrices thermodurcissables du type polyester ou époxyde. Avant la pose des fibres, le moule est enduit d une sorte de vernis, le «gel coat». On dispose successivement dans le moule les armures (fibres) et la résine (figure n 16). Après chaque couche, un débullage es t réalisé grâce au passage d un rouleau chassant les bulles d air et permettant ainsi de mieux faire pénétrer la résine dans les mailles des fibres, cela améliore l homogénéité de l ensemble. Cette technique ne demande pas d investissement (les machines utilisées ont un faible coût et le moule peut être en bois, en plâtre, mais ne permet pas d obtenir des pièces ayant d excellentes propriétés mécaniques. Les caractéristiques finales dépendent de la qualité de la main-d œuvre. On peut disposer de la même façon les armures sur une mousse préalablement découpée aux cotes exactes. Figure 16 : Procédé de moulage au contact

40 b) Moulage sous vide L imprégnation peut être réalisée comme pour le moulage au contact. On peut aussi utiliser des produits pré-imprégnés. La technique consiste ensuite à faire le vide entre une membrane déformable et le moule. Par ce procédé, on réalise un compactage des différentes couches et on élimine correctement les résidus gazeux. Ce dégazage peut être amélioré en intercalant entre le composite et la membrane un tissu de drainage. On obtient ainsi des pièces reproductibles, présentant de bonnes caractéristiques mécaniques. c) Moulage sous pression L imprégnation est réalisée comme précédemment, la pression permet d avoir un excellent compactage, d ajuster le taux de résine, d avoir une très bonne reproductibilité. Suivant la manière dont la pression est exercée, on aura les procédés de fabrication suivants. Figure 17 : Procédé de moulage sous pression

41 Moulage au sac en autoclave : La pression est exercée par l intermédiaire d une membrane en insérant la pièce et le moule dans un autoclave ; les produits volatils sont éliminés en faisant le vide entre la membrane et le moule. Un tissu de drainage permet d assurer le débullage de façon uniforme. L ajustement de la quantité de résine s obtient par l intermédiaire de la pression, un tissu d absorption récupérant la résine en excès. Ce procédé permet d élaborer des pièces reproductibles présentant de très hautes qualités mécaniques. Ce mode de mise en œuvre est essentiellement utilisé pour réaliser des composites hautes performances destinées à l industrie aéronautique et spatiale ou aux sports automobiles. Moulage à la presse : La pièce est comprimée entre un moule et un contre-moule par l intermédiaire d une presse ; dans cette technique, suivant la forme des pièces, l élimination des produits volatils ainsi que la pression exercée ne sont pas uniformes en tous les points de la structure. Ce procédé n est pas applicable pour des pièces de faible conicité, mais il permet des cadences de fabrication intéressantes. Moulage à l aide d un mandrin expansible : La pièce est drapée dans un moule. On insère ensuite, avant de fermer le moule, un matériau expansible, un élastomère silicone par exemple dont le coefficient de dilatation est 10 fois celui de l aluminium. Le moule est mis en étuve et sous l effet de la température le mandrin expansible assure la pression. Il est nécessaire de calculer la forme du mandrin pour ajuster la valeur de la pression appliquée.

42 d) Moulage par projection simultanée Figure 18 : Procédé de Moulage par projection simultanée Ce type de procédé est inspiré du moulage au contact. Les fibres alimentent un coupeur qui les débite aux longueurs désirées, puis elles sont projetées sur le moule entre les jets de résine afin que l ensemble se dispose simultanément sur le moule. Ici aussi, on se sert d un rouleau pour chasser les bulles d air. Après le durcissement, on démoule la pièce ainsi réalisée. Ce type de fabrication permet d obtenir des cadences plus élevées que lors du moulage au contact. On peut également obtenir des pièces plus grandes et réaliser des formes plus complexes, notamment en variant l épaisseur. Enfin, les fibres présentent une forme peu couteuse et les moules employés restent peu onéreux. Figures 19 et 20 : Exemples de Procédé de Moulage par projection simultanée

43 Cependant, la méthode requiert une grande habileté de la part de l opérateur qui est à l origine de la régularité de la projection et par conséquent des caractéristiques mécaniques du produit. On remarque donc, de plus faibles caractéristiques que lors du moulage au contact. Ce procédé est employé dans les mêmes domaines que le moulage au contact mais avec la possibilité de réaliser des pièces plus grandes (par exemple pour la construction navale). e) Moulage par RTM (Resin Transfert Molding, Injection de résine liquide) Il s agit d un moulage par injection basse pression de résine liquide, couramment appelé procédé RTM (Resin Transfer Molding). La pièce est réalisée par infiltration d une résine thermodurcissable dans une ébauche fibreuse sèche, placée dans un moule fermé. On injecte une résine liquide dans le renfort, positionné au préalable dans l empreinte constituée par le moule et le contre-moule. Les fibres qui se présentent généralement sous forme de mats sont imprégnées sous faible pression après fermeture du moule, puis l ensemble durcit. On peut activer le durcissement en chauffant le moule à 80 C. On peut également faire le vide dans le moule lors de l injection de la résine, ce qui nécessite une bonne étanchéité des demi-moules. Figure 20 : Procédé de moulage par RTM

44 Ce procédé présente plusieurs avantages : les pièces réalisées sont de bons aspects, c est-à-dire lisses et réguliers, et les caractéristiques mécaniques sont satisfaisantes. Les investissements en matériels et main d œuvre sont assez faibles. L inconvénient principal de ce procédé vient du fait que les renforts ont tendance à bouger lors de l injection de la résine. De plus, la réalisation de pièces compliquées est limitée et nécessite l emploi de préformes en fibres. Cette méthode est employée dans la construction navale, dans le domaine des transports (habillage interne des véhicules, carrosseries). Figure 21 : Exemple du procédé de moulage par RTM f) Moulage par centrifugation Cette technique consiste à introduire la résine et les fibres dans un mandrin tournant entre 2000 et 5000 tours/minutes. La force centrifuge projette les matériaux contre la paroi et assure le bon mouillage des fibres. L ensemble est ensuite porté en étuve afin d assurer la polymérisation de la résine. Ce procédé convient parfaitement à la production de corps creux cylindriques ou légèrement coniques. Il est aussi possible de disposer des mats et des tissus à l intérieur du mandrin. Enfin, le démoulage de la pièce est simplifié par le retrait de durcissement.

45 Figure 22 : Procédé de moulage par centrifugation Cette méthode permet de réaliser des pièces de grande dimensions, de bel aspect, d épaisseur régulière et possédant une très bonne étanchéité. De plus, il est possible de réaliser des pièces à structure sandwich par garnissages successifs. Toutefois les formes sont limitées à des pièces de révolution simple et toute irrégularité de forme entraîne des variations d épaisseur et de teneur en fibre. Les machines employées doivent être précises et parfaitement équilibrées, ce qui implique un investissement élevé et de faibles cadences. On utilise ce moyen pour fabriquer des canalisations, des tubes, des mats de bateaux. Usinage et assemblage : l usinage des composites s effectue généralement sans difficulté. On utilise habituellement des outils à pointe de carbure de tungstène ou des outils diamantés pour le perçage. L ébarbage, le sciage et le meulage s effectuent avec des fraises ou des disques diamantés. Afin de limiter les poussières volantes, cet usinage s effectue soit avec projection d eau sur l outil, soit avec une gaine aspirante. On utilise également des procédés d usinage par découpe au jet d eau ou au rayon laser. L assemblage s effectue le plus souvent par collage, après ponçage des parties à assembler. Les adhésifs sont à base de polyuréthanne, de résines acryliques ou époxydes.

46 3) Avantages et inconvénients des composites [17] L utilisation des composites dans l automobile de course apporte un réel gain de masse et d autres avantages techniques, cependant elle présente également des inconvénients. 3.1) Inconvénients A priori, de part leurs caractéristiques intrinsèques, les matériaux composites, à matrices thermoplastiques et/ou thermodurcissables, présentent trois handicaps majeurs à être utilisé dans le domaine automobile par rapport aux matériaux métalliques : - un prix au kilogramme souvent plus élevé. Bien qu il soit difficile de prendre en compte les coûts de la main d œuvre, de la quantité réelle de matière engagée, des équipements, des outillages et des frais généraux ; en 2002 on estime le prix du kilogramme des composites s établissant à 1128 euros par tonne à l import et à 1056 euros par tonne à l export. - des procédés de mise en œuvre des pièces finies souvent lents. Ces deux points étant défavorables à une production de masse contrairement à l acier.

47 3.2) Avantages En contrepartie de ces quelques inconvénients, les matériaux composites possèdent des avantages importants tels que : Une densité faible, en comparaison avec les matériaux les plus utilisés dans la conception des châssis de voiture de course : l acier et l aluminium. Matériau Acier Aluminium Composites Densité 7,8 2,7 Entre 1 et 2 Une meilleure sécurité : Les matériaux composites vont participer à l amélioration de la sécurité des véhicules grâce à leur destruction progressive et donc à leur capacité d absorption progressive d énergie (Figure n 22). Ceci permettant une amélioration de la résistance au crash (choc à grande vitesse) des véhicules et la réduction de leur agressivité vis à vis des autres véhicules. Figure 23 : Capacité d absorption des matériaux composites

48 Les matériaux composites sont très résistants à la fatigue*. Figure 24 : Résistance à la fatigue Des technologies de mise en œuvre par moulage (injection ou compression) qui limitent la quantité de matière engagée au juste nécessaire et compensent ainsi le coût de la matière de base au kilogramme. En effet, à l aide des composites il est possible de fabriquer des pièces complexes en un seul tenant, ce qui lui confère un avantage face à l acier : l utilisation des composites réduit très fortement le nombre de pièces à assembler. De plus ces procédés offrent la possibilité d obtenir des formes beaucoup plus complexes qu avec l acier. Les composites ne se corrodent pas. Et ils sont insensibles aux produits chimiques courants dans l automobile (graisses, peintures, solvants ). Un comportement acoustique souvent favorable. Nous pouvons regrouper différentes caractéristiques des composites en les comparant avec les autres matériaux utilisés dans la conception des châssis.

49 Figure 25 : Caractéristiques comparées de différents matériaux utilisés dans l automobile Ces différents avantages font des composites des matériaux concurrentiels aux matériaux métalliques, notamment l acier. En effet, à l heure actuelle (2006) il est possible d obtenir des composites dont les caractéristiques mécaniques sont équivalentes à l acier, tout en étant très nettement plus légers.

50 4) Conclusion de la deuxième partie Comme nous venons de le voir, l utilisation des nouveaux matériaux dans la réalisation des châssis de voiture de course a permis d atteindre des performances jusqu alors impossibles; notamment au travers de la réduction de masse. Cependant, en règle générale, les innovations réalisées dans les secteurs de pointe finissent par trouver leurs applications dans le domaine de l industrie grand public. L automobile obéit également à cette loi. Et en ce qui concerne la conception des châssis de voiture de course, les différentes avancées effectuées se sont répercutées dans le secteur de l automobile de tourisme : notamment en ce qui concerne la réduction de masse du châssis. Contrairement au domaine de la compétition où le gain de masse est utilisé afin d améliorer les performances, au sein de l automobile grand public, la réduction de masse des châssis s inscrit dans une véritable politique environnementale. C est pourquoi, dans cette dernière partie, nous étudierons quelles ont été les conséquences, sur l automobile grand public, des progrès technologiques effectués sur les châssis dans la course automobile et comment ces progrès s inscrivent dans la politique environnementale actuelle. Nous verrons au travers de ceci quelles sont les limites de l utilisation des matériaux composites dans l automobile grand public, comme dans l automobile de course.

51 Partie III L avenir et la limite de l utilisation des composites

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53 1) L aspect environnemental [12] Toute activité humaine pollue. Dans l optique du développement durable, il ne s agit pas de cesser toute activité, mais de minimiser l impact de cette activité sur l environnement. Il vaut mieux prévenir que guérir et cette prévention doit être effectuée tant qu il en est encore temps, avant que tout ne soit figé et irréversible, donc en amont de l action, au moment de la conception d un produit. 1.1) La politique de l allégement Au cours des années, le poids moyen des voitures de tourisme n a cessé d augmenter. Ceci s explique d une part par la création de voitures de plus en plus grandes en termes de dimensions, mais aussi par l apparition de très nombreux équipements qui n existaient pas encore voici 15 ans. On peut citer l ajout : de l airbag : 1,5 à 3,5 kg, du compresseur de la climatisation : 7 kg, du moteur lève vitre : 0,8 kg ou même de l ABS: 1,6 kg. En Europe, par exemple, de 1998 à 2004, le poids moyen des véhicules a augmenté de 1178 à 1292 kg (+9,67%), et la puissance des moteurs de 69 à 81 KW (+17,4%). Or, quel que soit le véhicule, la consommation est étroitement liée à la masse déplacée. Donc pour réduire la consommation des moteurs, à puissance égale, il faut diminuer la masse des véhicules. La réduction de cette dernière devient un objectif prioritaire.

54 En effet, les directives de l'union Européenne sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) conditionnent toute la Recherche et Développement (noté R&D) sur les allégements et l'utilisation de matériaux plus légers. La filière automobile, principale émettrice de GES, est concernée au premier chef. Pour la France, les émissions de CO² ont totalisé 150 Mt pour l ensemble des véhicules en 2000. L'objectif à atteindre pour 2008 sera de 140g de CO²/km (5,6 litres/100 km) pour un véhicule à essence. En 2012, il devra passer à 120g de CO²/km (4,8 litres/100 km). De gros progrès sont donc nécessaires sachant qu actuellement ce taux est de 169g de CO²/km (7 litres/100 km). De ce fait, autour de la voiture, une bataille colossale est en cours, diminuer le poids des véhicules pour diminuer la consommation de carburant est donc devenu un objectif majeur des constructeurs. En effet, réduire la consommation de carburant s'impose par tout moyen : rendement moteurs, aérodynamisme, frottements et surtout par des allégements matière car on considère que 75% de la consommation de carburant d un véhicule est directement liée à son poids. Les constructeurs ont calculé qu'un gain de 10 % sur le poids d'une voiture permettait de diminuer la consommation d'environ 5 % en moyenne et de 10 % en ville. De manière plus concrète : un allégement de 100 kg s'accompagne d'un gain de consommation moyen de 0,4 litre/100 km (en fait 0,2 à 0,7 litre/100 km selon le véhicule et la conduite en ville ou route), c'est à dire une moyenne de 5g de CO 2 /km. Le plastique et l'aluminium peuvent être utilisés dans ce but car ils apportent une diminution de poids appréciable. Cependant comme nous l avons vu dans la partie 2, les matériaux composites offrent un meilleur gain de masse.

55 Figure 26 : Utilisation des matériaux composites pour les voitures de tourisme Mais cette politique de l allégement a un prix : les gains de masse deviennent donc rapidement de plus en plus difficiles et ils se font kg par kg avec des coûts de R&D de plus en plus élevés. Au-delà de cette vision à courte échelle de la pollution directe d un véhicule, les constructeurs se doivent également d en évaluer l impact sur l environnement pendant la totalité du cycle de vie du produit : de la conception à l élimination. Car effet, on ne peut pas parler d un matériau sans en étudier l impact sur l environnement.

56 1.2) Le recyclage et le respect de l environnement La proportion de matières plastiques et de composites dans l'automobile ne cesse d'augmenter. Elle représente actuellement environ 12% du poids d'un véhicule. Ce développement est notamment dû aux exigences du marché auxquelles ces matériaux ont su répondre: diminution de la consommation en carburant, esthétique, confort, sécurité. Mais ces matériaux, notamment les composites sont difficilement recyclables. Ceci est dû à leur grande variété, à leur faible niveau de compatibilité chimique, à la présence de charges, additifs et à la difficulté de mettre en place des procédés pour leur valorisation. Dans le cas des composites, il existe deux grandes voies pour les recycler : cela dépend en effet du type de composite que l on rencontre. Les composites à matrice thermoplastique ne posent pas de gros problèmes : on peut les rebroyer, les reformuler et les réutiliser soit par remoulage direct, soit par addition avec du polymère vierge. Il n en est pas de même pour ceux à matrice thermodurcissables dont la transformation est irréversible (et la mise en décharge de plus en plus onéreuse, voire à terme interdite). Une solution est de les rebroyer et à utiliser les produits résultants comme charges, mais ce système conduit à sa propre limite et le faible prix des charges classiques rentabilise mal l opération. Il est néanmoins toujours possible de les éliminer par combustion, la résine rend alors une partie de son énergie de constitution. Sous l impulsion des législations françaises et européennes, le traitement des déchets de matières plastiques est devenu une préoccupation de tout premier plan, pour les industriels

57 En effet, la directive européenne 2000/53/CE relative au traitement des Véhicules Hors d'usage (VHU) donne les objectifs suivants: - 85% de la masse des véhicules devra être valorisable en 2005 dont 80% par recyclage des matériaux - 95% de la masse des véhicules devra être valorisable en 2015 dont 85% par recyclage des matériaux Pour atteindre ces objectifs, les constructeurs devront donc prendre en compte dès la conception la réutilisation et le recyclage de l'ensemble des matériaux. Ils devront alors justifier de solutions fiables et satisfaisantes notamment pour les composites face aux autres matériaux.

58 2) L aspect économique [17], [18], [19] Le taux de croissance des matériaux de synthèse, après avoir connu une allure exponentielle dans les années 1960 à 1980 s est ralenti, mais il reste encore très élevé et de nouveaux développements sont attendus car on demeure encore loin de la phase de saturation. Figure 27 : Evolution de la production de différents matériaux Outre le fait qu on ne revient pas sur des substitutions réussies, même une nouvelle crise pétrolière n aurait que peu d effet sur ces polymères qui ne consomment en fait que 5 % du pétrole (position qui reste marginale face aux transports et au chauffage environ 80 %).

59 Les composites de synthèse ne représentent, en masse, que 5 % des plastiques mais de l ordre de 10 % de ceux-ci en coût (forte valeur ajoutée). Sous la pression écologique actuelle, on a trop tendance à oublier les atouts spécifiques apportés par les plastiques, en particulier, la baisse de coût drastique qu ils ont permis de réaliser dans les industries de grandes séries comme par exemple l automobile. Ceci grâce à la possibilité de pouvoir réaliser, souvent en une seule opération, un produit fini multifonctions, léger, rigide ou souple, avec une large possibilité de formes, dans des conditions économiques satisfaisantes. 3) Difficultés technico-économiques [14] En tant que nouveaux matériaux (en comparaison à l acier par exemple), l utilisation des matériaux composites est soumise à des contraintes techniques et économiques. Ces contraintes se caractérisent par des insuffisances dans les domaines suivants: - une acquisition de données physiques de base fiables et utilisables dans les modèles de simulation et, ce, particulièrement pour les matériaux nouveaux tels que les composites - une connaissance des lois de comportement des matériaux, comme par exemple une modélisation de choc à grande vitesse - une prédiction de la durabilité du matériau : résistance aux intempéries, à la fatigue et à l endommagement - une automatisation et une fiabilisation des procédés de mise en œuvre