DÉCENTRALISATION DE L EAU CHAUDE SANITAIRE AU CERN? S. Deleval. Résumé

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1 DÉCENTRALISATION DE L EAU CHAUDE SANITAIRE AU CERN? S. Deleval Résumé Les réseaux de distribution de fluides au travers du site du CERN datent dans certains cas, du début du laboratoire et sont toujours exploités à l heure actuelle. Souvent, les conduites sont en mauvais état et nécessitent de nombreuses réparations, généralement ponctuelles et peu durables. Leur maintenance devient de plus en plus lourde à assumer. De plus, dans le cas du réseau d eau chaude sanitaire, le nombre d utilisateurs a diminué au fil des ans. La principale cause est le coût du raccordement au réseau qui est souvent difficile à défendre par rapport à une installation localisée. Ainsi, aujourd hui certaines parties de réseaux sont devenues surdimensionnées par rapport au besoin. Cela engendre des pertes énergétiques disproportionnées, aggravées par l état souvent vétuste de l isolation thermique. D autre part, la multiplication de petites productions d eau chaude sanitaire ne risque-t-elle pas de conduire à un accroissement des frais de maintenance? Ce document présente une analyse technique et économique de la situation actuelle, permettant de se déterminer face à cette alternative.

2 1 INTRODUCTION A l origine, lorsque le CERN ne comptait encore que quelques bâtiments, la production d eau chaude sanitaire était centralisée. On avait des bâtiments relativement regroupés et des réseaux peu étendus. Ceux-ci étaient volontairement surdimensionnés pour faire face aux extensions futures. Ainsi, le CERN s est étendu en restant sur le principe de la centralisation de production d énergie. Les réseaux existants ont grandi et de nouveaux réseaux se sont créés avec parfois la possibilité d être interconnectés. On note que quasiment tous les réseaux sur le site de Meyrin encore en service aujourd hui ont été créés avant Dans un même temps, les bâtiments trop éloignés des réseaux recevaient une production locale. Dans ce document, on entend par production centralisée, une chaudière électrique ou une installation mixte (électrique et eau surchauffée) alimentant en eau chaude sanitaire plusieurs bâtiments via un réseau de distribution cheminant le plus souvent en galerie technique. Les petites productions locales sont des chauffe-eau n excédant généralement pas 200 litres, situés à proximité du local où l eau chaude est nécessaire. Il existe également des installations intermédiaires comme les productions locales alimentant tout un bâtiment (par exemple les foyers hôtels). 2 L EVOLUTION DE L UTILISATION DES RÉSEAUX Au fil des ans, le nombre d utilisateurs des productions centralisées et des réseaux d eau chaude sanitaire a diminué. Par exemple, la production générale d eau chaude sanitaire du bâtiment 200 a été mise à l arrêt, il y a quelques années, faute d utilisateurs. Au plus fort de son utilisation, cette installation fournissait l eau chaude sanitaire à 14 bâtiments. Ce réseau était connecté avec le réseau dont la production générale se trouve au bâtiment 500. Celle-ci a alimenté jusqu à 15 bâtiments contre 8 aujourd hui. Les activités changent, les besoins évoluent et les bâtiments se modifient en conséquence. Les modifications sont en général, financées par le demandeur et le coût du raccordement au réseau est souvent prohibitif par rapport au prix d une production locale située à proximité du lieu de débit. Par exemple, le prix d un chauffe-eau de 200 litres, d une puissance de 3 KW (raccordement électrique compris) équivaut au prix de 14 mètres de tuyaux de diamètre adéquat isolés et avec bouclage (retour de diamètre plus faible). C est-à-dire que dès qu on dépasse cette distance, le prix de la production locale devient meilleur marché que le raccordement au réseau d eau chaude sanitaire. Autant dire que c est presque systématiquement le cas. Cette situation est parfois aggravée par un cheminement tortueux des conduites, qui vient encore gonfler le prix du raccordement. Cela explique pour beaucoup l évolution vers une décentralisation. Enfin, la difficulté de se piquer sur d anciennes conduites corrodées, peut également compliquer le raccordement. La décentralisation de la production d eau chaude sanitaire s effectue donc depuis plusieurs années. D une part, il y a l abandon des réseaux et de l autre l augmentation du nombre de petites productions locales. On peut étayer cela par la figure 1, montrant le nombres de petites productions mises en service par année. On note une sensible augmentation des installations de chauffe-eau durant les vingt dernières années. 2

3 Nbre Année Figure 1: Nombre d installations de petites production locales par année 3 SITUATION ACTUELLE 3.1 Les installations centralisées Les productions centralisées A la figure 2, on voit que le nombre d interventions de maintenance sur les grosses productions d eau chaude sanitaire par année n est pas en franche augmentation. Des problèmes importants sur certaines installations peuvent modifier la tendance d une année à l autre. Nbre Année Figure 2 : Nombres d interventions de maintenance par année sur les grosses productions centralisées d ECS 3

4 Il faut donc essayer de discerner la maintenance «classique» due à l usure des installations, de problèmes particuliers. Par exemple, pendant l année 1993 on a eu 28 interventions sur la même installation, alors que la moyenne du nombre d interventions par année par installation est de 4,2. Ces données ne nous permettent pas de tirer une tendance générale sur la fréquence des interventions. L entretien régulier de ces installations permet de maintenir une fiabilité relativement constante Les conduites L état des réseaux a évolué différemment suivant la situation et le mode de construction. L âge de la conduite intervient également, mais les réseaux ayant quasiment tous plus de 25 ans ce facteur devient moins important que la qualité des tubes par exemple. Des conduites qui ont 25 ans sont parfois moins bien conservées qui celles qui en ont 35. A la figure 3, on observe le nombre de fuites sur les réseaux de distribution d eau chaude sanitaire lors de la décennie passée. On note une légère tendance à l augmentation de celles-ci dans les six dernières années. Outre l état général des conduites en question, il peut y avoir des agressions extérieures qui accélèrent l apparition de fuites à certains endroits comme le ruissellement d eau (étanchéité, ou une fuite sur une autre conduite). On peut remarquer ainsi en galerie des endroits bien précis où il y a un grand nombre de réparations sur plusieurs conduites différentes. Nbre Année Figure3 : Nombre de fuites par année sur les réseaux de distribution d eau chaude sanitaire Les interventions sur une conduite qui fuit sont relativement simples. Un collier serrant un morceau de caoutchouc est disposé à l endroit de la fuite. Ces réparations ne sont pas très fiables et il est fréquent qu il faille intervenir à nouveau au même endroit quelques temps plus tard. Sur certains tronçons de conduites, on voit ainsi apparaître des colliers tous les 20cm. Des réparations plus conséquentes ont eu lieu sur des parties vraiment trop endommagées. Lors de ces réparations, on a pu se rendre compte de l état intérieur des conduites. On a noté ainsi une obturation partielle des tuyaux pouvant aller jusqu à la moitié de la section. Cet encrassement des conduites n est pas uniforme et avec des tronçons neufs, l équilibrage du réseau devient extrêmement difficile. Notons que l encrassement et le mauvais équilibrage sont deux facteurs favorisant le développement de la bactérie Legionella. En effet, les résidus de corrosion et d entartrage sont composés majoritairement de fer, nutriment nécessaire à la Legionella [1]. 4

5 Le nombre de fuites sur les réseaux augmente sensiblement avec l âge des conduites mais les réparations étant rapides et ne nécessitant pas beaucoup de matériels, le coût de la maintenance reste faible. En résumé, nous pouvons dire que le coût des interventions de maintenance sur ces anciens réseaux de distribution d eau chaude sanitaire n est pas encore un facteur justifiant leur abandon complet. Cependant, il arrivera un moment où les réparations deviendront difficiles voir impossibles. Le prix d une rénovation sera alors très élevé par rapport au nombre d utilisateurs Le calorifuge Sur les anciens réseaux de distribution d eau chaude sanitaire, bon nombre de calorifuges, n étaient pas protégés par une tôle extérieure comme c est le cas actuellement. Ils ont donc été endommagés aux endroits les plus exposés aux chocs. Lors de fuites, le calorifuge est retiré parfois sur de grandes distances puisque l eau ne sort pas spécialement du calorifuge à l endroit où la fuite se trouve. Or les anciens calorifuges ne permettent généralement pas un remontage après dépose. Ils sont donc détruits lors du démontage. 3.2 L état des petites productions locales La maintenance préventive sur les petites productions est quasiment inexistante. Les fuites sur le ballon et le claquage de la résistance électrique sont les principales causes de panne. Cela entraîne quasi systématiquement le remplacement complet du chauffe-eau. En effet soit la réparation est plus onéreuse que l achat d un appareil neuf, soit techniquement la réparation n est pas acceptable. Par exemple, on ne change pas la résistance sur un ballon en mauvais état. La prolifération de petites productions d eau chaude n engendre pas d augmentation des interventions de maintenance cependant la durée de vie ce type d installation est nettement plus courte que celle d une production centrale. Celle-ci est très variable selon les conditions d utilisation. 4 ASPECT ÉNERGÉTIQUE Du point de vue énergétique, une grosse production centralisée bien dimensionnée par rapport au besoin, avec un réseau calorifugé, peut atteindre un rendement comparable à celui d un chauffe-eau proche des points de débit. Cependant dans la réalité, les calorifuges sont endommagés et leur détérioration engendre des déperditions supplémentaires. De plus, il est difficile d obtenir des mesures précises de débits sur des conduites aussi ancienne. Le débitmètre à ultrasons ne donne aucun résultat sur des conduites corrodées et encrassées. Lors de changement de parties de conduites, on a cependant pu établir des bilans. Par exemple au bâtiment 500, la puissance perdue quand l installation tourne a vide, c est-à-dire sans consommation, a été estimée à une dizaine de kilowatts (sur une production de 180 KW). Ces pertes ne sont pas négligeables, elles représentent de l ordre de 4000 CHF par an pour ce réseau. 5 CONCLUSION La décentralisation de la production d eau chaude sanitaire n est pas un phénomène nouveau. Elle a commencé il y a bon nombre d années. Cependant cette tendance nous amène aujourd hui à des situations parfois aberrantes en faisant par exemple fonctionner une grosse production pour quelques utilisateurs. Dans un premier temps, nous avons vu quels étaient les signes de cette tendance comme notamment l augmentation du nombre de mises en service de petits chauffe-eau. Les causes de ce phénomène ont également été abordées. L état actuel des installations a été décrit et même si le nombre d interventions de maintenance sur les grosses productions et sur les réseaux de distribution d eau chaude sanitaire n augmentent pas vraiment au fil des ans, d un point de vue technique, il arrivera un moment où la réparation deviendra difficile. Il faudra remplacer. A ce moment-là, les montants à injecter dans ces installations seront disproportionnés par rapport au nombre d utilisateurs des réseaux en question. 5

6 Le point du vue énergétique tant à conforter cette position. Les pertes engendrées par les défauts d isolation des réseaux sont sensibles et des réfections importantes de calorifuge sur des conduites vétustes ne sont pas concevables. Il convient donc d anticiper cette décentralisation et de mettre en oeuvre des solutions adaptées au cas par cas. Pour les utilisateurs restants connectés aux réseaux, on ne pourra se contenter d attendre une demande de modification pour installer une production locale, car la situation telle qu elle est pour le moment est coûteuse. Des solutions ont déjà été trouvées, seul reste l accompagnement financier. REFERENCE: [1] Tours aéroréfrigérantes et réseaux ECS conception et exploitation: les erreurs à éviter, S. Oberty, G. Nicolas, CVC, décembre