M DE STAËL G A U TI E R F R A N! A I S E B I BL I O T H È Q U E P A U L P AR I S I M P R I M E U R U R R I T E T C,

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4 B I BL I O T H È Q U E F R A N! A I S E X I X S I È C L E M DE STAËL T EX T E S C H O I S I S E T C O MM E N TÉ S P A R P A U L G A U TI E R P AR I S L I B R A I R I E P L O N P L O N - NO U R R I T E T C I M P R I M E U R S - É D I T E U R S 8 R U E G A R AN C I È R E 6 Tous dwaal s r éser vés

5 DI SPO SI TI ON S TYP O GRAP HI Q UE S ADOPTÉ E S POU R LA COLLE CTI ON DAN S LE TEXTE Les biographies notices et commentaire s sont im p rimé s e n gros c aractère s. Les citations et l es té r es ' extr aits sont imprimé s e n petits car ac Les extr aits qui se rapportent à un ou vr a ge impo rtant et q u i fo rment un tout sont sign alé s e n h aut de l a p a ge p a r un double tr ait q ui encadr e le titre courant DAN S LA TABLE D E S MATI ÈRE S Le s tit res et l es somm aire s des ch apitres sont im p rimés en itali q u e. Les tit res des extraits et des citation s sont imprimés en rom ain Co py r i g h t 1 9 l 4 b v Plon Nou r r it e t C ie.

6 M ADA M E D E S T A EL C H AP I T R E P R E MI E R M A D A M E D E S T A É L A V A N T L A R EV O L U T I O N Anne- Louise- Germain e Necker naquit à P aris le 22 avril trois ans avant Napoléon deux ans avant Ch a t eaubriand. Il a des e xistences u un simple rapprochement y q l aurore éclaire. de Mme Staël avait vingt trois ans à de la Ré volution trente- quatre au début du Consulat trente six quand parut le Génie du christianisme. Comme Napoléon comme Chateaubriand elle a eu la bonn e fortun e de naître ason heur e a la veille du plus formidable conflit d inté et d rêt s idées. Elle était née à Paris mais elle n etait pas Fran çaise. p ère le banquier ecker Son N é tait Genevois sa mère ; Suzanne Curch od Etrangère elle était p ar Vaudoise. sa naissance étrangère elle resta son mariage et on p ar ; le l bien voir en ui fit l sous la République d exil ant abord et ensuite sous l Em fut la cause de b eaucoup d e p ir e. Ce ses Elle s en étonna s en indigna non sans malheurs. rai son disant qu elle écrivait assez le français pour bien être Française et qu elle faisait quelque honneur à l a France. Mais en revanch e elle doit à son caractère d étran gère la liberté l originalité de ses jugements sur nos mœurs notre politique notre littérature ; et elle a servi de trait d union entre les autres nations et la France. Deux influences ont été toutes puissantes sur sa j eunesse MADA ME DE ST AEI '1

7 2 MA D A M E D E S T A EL. C H A P. l e t sur sa vie celle de son p ère et celle j e n e dirai p as de sa mère mais du salon de sa mère. M. N ecker entre autres rares bonheurs a en celui d etre un grand homme p our sa femme et pour sa fille. I l n est p oint de vertu q ue celleci l ui ait refusée e xcellent épou x p ére incomp il est de plus un grand énie une grande arable g âme un être supérieur un écrivain plein d éclat et de magni ficence (1 ) istre du Min roi Louis XVI il eût mené la Révolution on abien si l laissé Cette lu eût il faire. sion naïve les mérites p olitiques de son p ère a été fat ale sur de à. Mme St aël tous les hommes politiques u elle ren q a contre elle les comp are dans le secret de son cœur Necker et tous elle les juge m ême Nap oléon et surtout M. Napoléon inférieurs à son modèle. plus D e il a rendu Necker La j eune Mme heur euse. Germaine a v u l exal de ce conj les tation bonheur ugal élans mystiques de l une les soins tendr es de l autre et elle en est restée toute p é nétrée. Dans le mariage hors du mariage elle a ch erché sa vi e entière inutilement un s econd Que de pleurs que de sanglots l ui a coûtés le M. Necker. souvenir dou x et torturant de cette félicité entrevue qu elle ne devait j amais connaître On en trouve l écho dans cette page Depuis le moment où ( mon père ) s est marre jusqu a sa mort l a pensée de ma mère a dominé sa vi e ce n était point a la maniè re des hommes publics qu il s occupait de bonheur de sa femme ; ce n était point p ar quelques actions ép arses qui doivent suffire dit- on a l a destinée subordonnée des fem mes ; c était par l expression continuelle du sentiment le plus tendre e t le plus délicat. Ma mère dont toutes les affections étaient passionnées aurait été trés malheureuse si elle n avait fait que u on ce a pelle excellent mariage si elle q p c onnmmément un ; avait été liée à. un homme seulement bon seulement généreux. Il lui fallait trouve r dans le cœur de son premier ami cette s ensibilité sublime appartient qu aux esprits q ui n supérieurs e t q ue l es rit su rieu détruit presque toujours p arce qu il. p p é r d au ins i au res p re d t dési tres p enchants que vie domes l rs a ( I ) w mv/ère de A] N ez -[mr et de sa r ie p ri rée p assim.

8 MA D AM E D E S T A EL A V A N T L A R E V O L U T I O N 3 tiq Il ue. avec lui Dieu lui épargné le malheur de lui survivre paix vie a lui fallait etre unique elle l a trouvé elle a passé sa et respect à sa cendre E lle a. p l us mérité q u e moi d être h eureuse. ( D u caractère de M N ecker et de sa vi e privée des Œuvres com p lètes de Mme de Sta el.) t. XVII p Voil à pour l influence p atern elle. L autre influence de sa j eunesse c est le sal on de sa mère. Mme Necker p ersonne grave et fort guindée trempée en dedans et au dehors dans un baquet d em p ois donna à sa fille un e éducation si ngulière. Elle avait le salon le plus célèbre de la fin du dix huitième siècle elle l él ev a dans ce s alon p our et p ar le monde. D ès qu elle eut dix o u douze ans Germaine entendit p arler Diderot Suard Grinun Galiani Buffon Mar mont el d Thom as Al emb e1 t H el v étius E ll è Raynal. fut enfant a douze elle les honneurs de p rodi g e av ait ans la Corres p ondance de Grimm el l e écriv ait des comédies ; elle faisait pleurer Marmont el. bon M. inquiet Necker Le de tant de p i éc ocit é l avait ée baptis Mme de S ainte É Le rés critoire ul tat de cette éducation le voici Germai ne : Necker prit bonne heure un gout très des choses de de Vif l esprit la passion de la gloire qui est une chos e très noble mais le besoin de la on des aussi représentati suf fra g es du monde et des applau dissements du monde ell e a vécu toute sa un vie sur 11 y a du saltim théâtre. banque dans sa conduite s un j o Benj écriait ur amin Constant Le mot est dur il n est pas tout afait inj uste Mais il faut marier cette j eune fil le entrepris e difficil e l oiseau! Les Necker voulaient rare un gendre protestant comme homme de qualité digne de la haute situation eux Necker ancien général des finances en contrôleur pass e de le red evenir et di ne aussi des mérites de g Ger de M. main e. France n offrant ri en q ui vaille on j ette les yeu x La ( 1 ) B aron ne (l OB E RK 1 R C H M émoires t. I ( 2 ) ' l. XI I p. 1 c omédie e n deux actes j 1 8 p.. 65 se ptembre ( édit. Tourneux ) p our une ouée à S ai nt- Ouen les I n con vé nients de la «vie de P aris. Grimm en p u bl i e l extrait. ( 3 ) Jo urnal in time.

9 4 M A D A M E D E S T A EL. C H A P. l ' sur l An g l eterre. Mme Necker p ense William à. Pitt le futur en nemi de Nap oléon ; mais il fall ait vi vr e en An gleterre ; sa fil le refuse. Force est de se retourner d autre côté. Depuis vi vait a Paris un gentilhomme s uédois attaché à l a légation de Suède aparis le b aron Eric Magnus de Staël de j olie figure et fort apprécié Aimable insinuant Holstein. des femmes mais oueur et prodigue le baron avait besoin j de refaire sa fortun e. Ses amies Mmes de La Marek de Luxembo urg de Boufflers p ensèrent po ur l ui à Ml le N ecker. Ce fut un siège q ui dura sept années de al 78 ô. Mais en fin d h abil es négociations firen t tomber l a place ; le 1 4 j anvier M. de Stael épousa Germain e Necker avec promesse de l ambassade de Suède à p erp étuité Le monde fut d avis u il faisait une excellente affaire q» ; en pour comme l ui réalité p om elle l affaire était dét es table ils furent tous deux très malheureux. M. de Staël était fort honnête homme et fort galant homme il ne manquait ni d intelligence ni de c œ1 u il poussait a l ex trême le désir de concilier ; il lui arriva d aimer sa femme et de souffrir de s es in fidélités. Quelle est la cause de leu r désunion? On l i g n ore elle est être dans mille ; cir peut- constances de la révèlent le désaccord vie qui conjugale. des âmes et à la de p esantes ch aîn es deviennent longue. Ce qu on p eut dire de certain c est q ue la j eune Mme d e Sta ël était for t gâtée sur l e p ini on de son esprit (1 ) elle trai nait a sa suite un cortège d admirat eurs. Elle j uge a sans doute un peu vi te que son mari l ui était par tro p inégal n a t- elle p as écrit q ue le mariage pour être dans toute sa beauté doit être fondé sur une admiration récipro que Elle n admira p as de Sta el le souvenir de Necker M. ; M. génie domestique e i nsensé adulé d ans sa propre l o xalté grand tort dans l lit esprit de sa fille pa uvre a u famille M. de S i né]. D onc voici Mme de S tael a rnlmssadric e l'ôte ' e. adulée i l ) l a: mo l. e s t de. ma riag e. Mme de l io n ll le i s '. une des n é g o c iath ' ir rs du (2 ) l ' ré l ur e : L l éditio n de des Lallrcs s ur - J J.. Roussea u.

10 M A D AM E D E S T A E L A V A N T L A R EV O L U TI O N 5 dans tout l eclat de son triomph e. est reçu e à la cour ; ell e reçoit à l hôtel de l a rue du Bac la fleur de cette aris Elle qu elle a tant aimée elle est la corresp ondante t ocratie ; du d e Gustave elle trousse lestement roi I I I anec Suède dote en femme du monde q ui sait c e et nt er grivoise p eindre. Le maréchal de premier gentilhom me de chambre D l a uras et chargé du département de l a r Comédie- Française e ç u il y t l a quelques jours ' visite d une demoiselle qui voulait débuter lui E h mademoisell bien e vous ch a1 g er? Mons cela ieu1 di t - il de quels rôles voulez vous m est égal je sais déclamer des vers tout com me on tragi E t comiques ques q ui veut. ce qui vous a appris c est a déclame1? un Ah monsieur est- abbé prenait intérêt a Je puis dire qu il a un soin q ui mi s moi. mais cependant ce n est pas lui qui ext1 ême a été le plus utile Et qui donc e mademoisell? Un grand caire vi m monsieur avec qui j ai passé quelque temps et qui je puis l é di re. m aimait véritablement et a contribué beaucoup a former mon P arbleu dit le cela monte maréchal talent. p ar gr ade. ce mademoiselle E - st? monsieur elle Ali! tout répondit- celui qui s intéresse le plus sincèrement a moi et me donne encore des c est un évêque qui me recommandera si leçons vous le désirez Telle est en 1 78 la j eune 6 M de Stael une femme ala me d esprit qui écrit des lettres plein es des comédies mode ( S o p hi e ou les sentiments secrets ) des tragédies ( Jeann e Gre y) qui s e divertit dans son salon aj ouer au j eu des S y n on y mes ou des F olles en fin qui savoure avec ivresse. en ces années bénies ce que l abbé de Périgord le futur Talleyrand un de s es amis app elle le plaisir de vivre C est en qu elle écrit ses Lettres sur les ouvra g es et le caractère de J. - J. Rousseau ; c est en s eulement qu elle les publie Ce sont ses vr ais débuts en littérature ( 1 ) Lad y Blc n nc rhassc ll t. I -. p ( 2 Voir ) dans l a ( or rcs p o nda n ce de Grimm t. X I V. p 35 1 avril l es syn onymes té ra c ilé f r a n chise. et juin la F olle de la f o rêt de S é na rt de l me D E ( El ) l ittéraire c om p te rendu de Meister j anvie r

11 6 M A D AM E D E S TAEÏ.. C H A P. 1 " bien timides encore. L ouvrage n est tiré qu à. un e vingtain e d exemplaires distribués quelques intimes mais à. ; il est. réimprimé le dès ; il en et il figure au sera. tome I e des r Œuvres com Le p lètes. livre dit- elle fut publié sans mon aveu et ce h asard m entraîn a d ans la carrière littéraire ( 2) H eureux hasard q ui rép ondit au plus cher désir de la j eune ambassadrice. I l ne faudrait pas voir dans ce p etit livre uni q uement l admiration du temps et des femmes de ce temps pour celui q ui fut leur I l est très p ersonnel tout plein idole. d e l auteur de son enthousiasme de son exaltatio de ses n passions de son impatience la gloire est comme tous de ; c les ouvrages de de Mme Staël un prétexte aparler d elle m ême une sorte de confession la confession de la ving y tième O sent en fin l n ivresse de la liberté l espoir année. radieux de la Révolution q ui commence. ( 1 ) Voir n 2 1 de l a Bibli ogra phie. ( 2 ) Préfac e de

12 L E T T R E S L E S O U V R AG E S C A R A C T ER E DE J. - J R O U S S E A U J. - J. R O U S S E A U E T L E S F E M M E S Quoique Rousseau ait tâché d empêcher les femmes de mêler des affaires publiques de j ouer un rôle éclatant qu il a su leur plaire en parlant d elles Ah! s il a voulu les priver de quelques droits étrangers a leur sert comme il leur a rendu tous ceux qui leur appartiennent a jamais! S il a voulu dimi nuer leur influence sur les délibérations des hommes connue consacré l empire qu elles ont sur leur bonheur il a! S les il a fait descend r e d un trône usurpé comme il les a replacées sur celui que la nature leur a desti né! S il s indigne contre elles lors qu elles veulent ressembler aux hommes combien il les adore quand elles se p résentent à. lui avec les charmes les fai blesses les vertus et les torts leur sexe Enfin il croit l amou de! à. grâce obtenue qu importe aux femmes sa sa est q ue raison leu r dispute l em p ire qua nd son cœu r leur est soumis? Qu importe même a c elles que l a natu re a douées d une âme l eur ravisse hon neu celui tendre q u o n le fau x r de gouverner elles ai ment? il l eu est plus doux de senti N o n r r sa s u p é le c roi re fois d essus rio rité de l d elles admire r de mille arrdé endre parce elles soumettre ( le. p de lui q u ado rc n t ; de s e volontai remen d abaisser t to ut a pi eds se s d elles e n do nne r qu l mêmcs l exemple et de ne pas demander d autre retotu que

13 M A D A M E D E S T AEL. C H AP. I celui du cœur dont en aimant es se sont rendues ell dignes. Cependant le seul tort qu au nom des femmes je reprocherais a Rousseau c est d avoir avancé dans une note de sa Lettre sur les s p e ctacles qu elles ne sont jamais capables de peindre la passion avec et Qu il leur refuse chaleur s veut il vérité. ces vains talents littéraires loin de les faire aimer des qui hommes les mettent en lutte avec eux ; qu il leur refuse cette puissante force de tête cette profonde faculté d att ention dont les grands génies sont doués leurs faibles organes s y opposent et leur cœur trop souvent occupé s empare sans cesse de leur pensée et ne l a laisse pas se fixer sur des méditations étrangères a leur idée dominante ; mais qu il ne les accuse pas de ne p eu voir écrire que froidement de ne savoir pas même peindre l amour est par l âme l âme seule qu elles sont distinguées c est C. : elle qui donne du mouvement a leur esprit c est e qui ; ell leur fait trouver quelque charme dans une destinée dont les sentiments sont les seuls événements et les affections les seuls intérêts c est ell e qui les identifie au sort de ce qu ell es aiment et leur compose un bonheur dont l unique source est la félicite des objets de leur tendresse ; d instruction et d expérience c est e enfin qui leur tient lieu ell et les rend dignes de sentir ce qu elles sont incapables de juger. Sapho seule entre toutes les di t a su faire parler l amour femmes Rousseau. elles rougiraient d employer ce langage brûlant Ah quand! signe d un délire insensé plutôt que d une passion profonde elles sau raient du moins exprimer qu elles éprouvent et cet abandon c e sublime cette mélancolique ces sentiments tout douleur puissants qui les font vivre et mourir porteraient peut être plus avant l émotion dans le cœur des lecteurs que t ous les transports nés de l imagination exaltée des poètes. ( Lettre I.) L E S D E R U T S D E L A R EV O L U T I O N l aime de toute la force et toute la vivacité de Je de aussi mes premie sen cette liberté qui ne met entre les rs timents hommes d aut re distinction celles quées q ue mar p ar l a nature ; m avec l au teur e xal tant (l et es Im/l res ( le la ḷ l onta g n e je l a v «nulrais telle q u con it sur le sommet o n l a ç o des e n Alpes leu rs vallées Maintenan un sentiment plus da ns t; inaccessibles. fo rt sans é t re con t rai re sus p end toutes mes idées je crois au lieu de penser ; j adopte au li eu de réfléchir ; mais c ependant

14 je n ai sacrifié jugement qu après en avoir fait un noble usa ge j que le génie le plus étonnant était au ai v u uni eœ1 n le plus pur et l âme la plus à fort e j ai ; que les passions v u le caractère n jamais les facultés les plus sublimes é g ar eraient dont un homme ait été doué et après avoir osé faire cet ; m examen j e me suis livré a l a foi pour m é p ar g n er la peine d un raisonnement qui l a j u stifier ait grande nation Vous toujours. bientôt rassemblée consulter sur vos étonnée de pour droits vous retrouver après deux siècles et peu faite encore être peut- exercice du pouvoir que vous avez obtenu de nouveau je ne vous demande ce sentiment aveugle dont j ai fait p as ma à. l lumière ; mais ne vous défiez pas de l a raison ; et puisque l a succession d événements qui ont agité ce royaume depuis deux années vous a enfin amenée a devoir au progrès seul des l u les avantages que les nations n mi ères ont jamais acquis que par des flots de sang n point le sceau de raison et de eñac ez paix que le destin veut a pp ô votre constitution et quand l accord ser sur unanime vous permet de compter sur le but que vous voulez atteindre prétendez a l a gloire de l obtenir sans l avoir passé toi grand homme si malheureux qu Et on Rousseau ose a peine te etter sur cette terre que tes larmes ont tant regr de fois arrosée que tu le témoin du spectacle imposant! 1 1 es- que v a donner la France d un grand événement préparé d avance et dont porn l a première foi s le has ard ne se mêlera point est peut être c C est la que les hommes te paraîtraient là. plus dignes d estime je me trompe nulle passion per! Ou en sonnell e ne doit maintenant les animer. Ils ne mettront en commun que ce qu ils ont de céleste. Ah! Rousseau quel bonheur pour toi si ton éloquence se faisait entendre dans que cette auguste assemblée Quelle inspiration pour le talent l espoir d être! utile Quelle émotion différente quand la! pensée cessant de tomber sur ell e- même peut voir devant - arr d elle un but qu elle peut attein ch e une action qu elle pro duira! Les peines du cœur seraient suspendues dans de si grandes circonstances l homme ; occupé des idées générales disparait a ses propres Renais Rousseau renais 6! donc yeux. donc de t a cendre Parais et que t es vœux e fficaces encouragent d ans s a ca rrière c elui qui p art de ext l rémité des maux e n ( 1 ) Cet te p ru ne (hélas! in util e ) a é té p ubh e e six mois avan t l o u v e rt ure d es éta t s gé néra ux en ( N o te de l éd itio n des Œ uvres

15 M \ D AME D E S T AEL. G I I A P. 1 ayant pour but l a perfection des biens ; celui que la France a nommé son ange tutélaire et qui n a vu dans ses transports pour lui que ses devoirs envers ell e ; celui que tous doivent seconder comme s ils secouraient la chose publique ; enfin celui qui devait avoir un juge un adm i rateur un citoyen comme toi ( Let tre I V.) Mais en fin j usqu en Mme de Stael n est malgré ces Lettres q u une femme du monde de beaucoup d esp ri t et d él o q ue n c e. D e g r ands événements approchent qui vont exciter son ambition son intelligence mûrir l donner ce ui q u man que encore la connaissance approfondie des i l ui passions de la et des vie hommes. ( 2 ) N M. eck er al ors premier mi n istre. (Note de l édition des Œu vres com p lètes.)

16 C H AP I T R E I I D E S ET A T S GÉ N É R A U X ( ) A U C O N S U L A T ( 1 800) Q uels sont les sentiments de de Sta el al Mme é gard de la Révolution? Il ont b eaucoup varié non dans ses écrits comme les s Considérations sur l a Révolution f ran ç ai où p e se ostérieur ment elle a essayé de mettre une ité de vues' un faire ill usion mais dans sa conduite réelle. q u i p eut 1 0 Comme tous ses amis les Narbonn e les Talleyrand les Jancourt les Montmorency tous ceu qu x on app ela etc. les constitutionnels elle débute par l enthousiasme c est l â e d or de la lib erté et des lumières g On travaill e au b onheur de l humanité et de la France ; on veut réformer la monarchie introduire la Constitution anglaise mettre de l ordre dans les de fin Mme Staël exul te l artisan de ances. ce grand œuvre le ministre p opulaire q ui sauvera la France et la monarchie c est son p ère c est M. Necker. La p re mière désillusion l ui vient de la chute et de la dis g râce défini tive de ce p ère tant adoré ( septembre 2 0 A l enthousiasme su ccèdent des alternatives d in q ur e tude et d esp La Constitution e en France règn érance. mais ce n est pas la Constitution Que la Consti anglaise. t ution d An g l est plus habilement combinée eterre! E t quelles misérables têtes que celles de nos Fran çais! écrit elle a Nils de Rosenstein ( 1 6 septembre Les Français p araissent s e soucier assez p eu de la Constitution et b eaucoup plus de l égalité et de l abolition des privil èges. Cel a étonn e et chagrine Mme de St aël mais elle p ens e q ue la monarchie tirera son épingle du j eu I l n e s agit que

17 1 2 MA D A M E D E S T A E L. C H AP. l l de l aider au b esoin p ar changement de p ersonnes en un app elant a la place du prisonnier de Varennes un d Orléans ou un prince de Prusse ou d E s p a g ne Le salon de de. Mme St a ël est la forter esse des constitutionnels. Elle est l amie l E g érie de M. Narbonne le chef du parti. E n déc ern de bre Narbonne est nommé ministre de la C est guerre. le plus b eau moment de la puissance de Mme Mais la chute est rapide voit s év an ourr de St aël. le rêve de Mme de Sta el et de ses amis. Les événements se p réci p it ent le 20 juin le 1 0 août les massacres de septembre. I l ne s agit plus de sauver la Constitution mais de sauver sa propre vi e. Mme de St aël cach e ses amis à l ambassade de Suède les aide apasser la frontière m ême se décide ; elle- à p en p omp eu équip age est conduite artir x al H ôt el arrêtée de le relâchée sur l Vil intervention de Manuel procureur de la Commune libre en fin de continuer son voyage 3 0 Elle arrive Copp et dans un état de trouble a in di cible. me serais reprochée j usqu a la p ensée elle Je dira t plus tard comme trop indép endante de la douleur Le profond sentiment du malheur est entré en son âme lui donne une gravité un font contraste avec la sérieux qui j oyeuse agitation d autrefois. Elle arrive a Coppet enceinte. A p eine délivrée elle vole en Angleterre où ses amis l at tendent et le plus cher d entre tous Narbonne. Elle y sé j ourne de j anvier à j uin p our sauver le roi revient aco pp Elle fait de vains efforts en août et publie et ses Réflexi ons sur le procès de l a rei ne. cette d E n fin année et en jusqu au th er 9 midor p endant la Terreur un sentiment la domine annihile tous les autres la Elle a touj ours été du p arti d es pitié. victimes de ; là. certaines contradictions de sa poli vie tiqu e qu o n l ui a durement reprochées avec quelque inj Coppet devient une fabriqu e de fau passep rts x ustice. o et l asile des p re s Elle arrache la mort les Mont c a rits. mo rency les Jaucourt hayla les du ( l famille a de Ma ( 1 ) Voir l es Consiclérali ons sur la Ré volution f ran ç ai se. ( 2 P ) réface de s I v rî fl er ions s ur la

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19 1 4 M A D A ME D E S T A EL. HA P. II C I l faut que l étranger se p ersuade de la force de l a France et fasse la paix avec elle ; il faut que tous les Français se rallient ala République v oil àles deu idées de cette bro x chure q u in s le plus grand de la France et de pir e amour la Mais n e il suffit pas d écrire m ême avec él liberté. o q uen que la est souhaitable p o ur qu c e paix e l e s e fasse ; n e il suffit p as de prêcher la concorde entre les citoyens p our chasser de l esp rit du v ain q uem la crainte d un retour offensif des vaincus et de la p ensée de ceux - ci le so uvenir cuisant de tant de et le secret désir de la maux vengeance. aurait p u répondre d e On Mme Staël p ar ce b eau mot de Necker imp atients aux de l constituante Assemblée à. N soyez p as du temps e errvieux! Le second ouvrage p qui araît à Lausanne vers le mois de mai ( 1 ) sous le titre est Recueil de morceaux détachés purement I l contient l E dont littéraire. p itre au malheur il a été q uestion ou Adèle et E douard ; l E ssai sur les fi cti ons et trois nouvelles M irza e n Lettre d un vo y a g e ur ; Ade lei tle et Théodore trois no u ; H istoire de P auline Ces velles sont des œuvres d e j eunesse de de Stael Mme Je n avais p as vingt ans quand j e les ai écrites dit elle. Cela s e M est une histoire de nègres irza sentimental e voit. et larmoyante dans la note du Les deu autres x temps. valent mieu x la j eune M me de Staël excelle déj dans à. la p einture des gens du monde de la société et de l amour. Adélaïde et Théodore c est l histoire d une j eun e p ersonn e sensible romanesque pupille d un certain baron d Or ville homme à. mode se déb arrasse l a qui d elle en la mariant contre son gré. A D É L A i D E E T T H E O D O R E est dans cette disposition C q u quatorze ans elle à ( Adél arde) arriva chez le baron d il l ava1 t fait venir seule sans une Orville ( 1 ) C Ph f. ili p p e GO D ET M me de Charr i ere t. I l ett re de Mme de Ch arrière du 1 9 mai I p une ( 2 ) Zulma n e f ait p as p artie du recueil dans l exem p laire existant a l a bibliothèque de Zurich.

20 D E S ET A T S G EN ER AU X A U C O N S UL A T 1 5 femme même pour l accompagner ; mais tout ce que le luxe invente l att endait avec p rofusion. Les amies du baron d Or Vi lle s empressèrent aut de jeune Adélaïde et chacune d elles oru l a pour lui p rouve son se chargea de r diriger attachement une partie de ne lui donna bons ni mauvais sa On ni toilette. conseils ces en rapportèrent au hasard conduite danres s sur l a qu elle tiendrait mais es occupèrent beaucoup de son ; ell S amour - propre parce qu ell es attachaient du prix a ses succès. Quand les femmes d un certain âge ne sont pas j alouses d une jeune personne ell es placent leur vanité sur elle ; il faut qu un succès leur appartienne d une mamere ou d une autre pour qu elles le voient avec plaisir. Adélaïde était étourdie de tout ce qu elle voyait elle voulait parler d amour ; ces dames lui répondaient que le ai moyen vr jamais mettre des couleurs fortes quand on était brune d en inspirer c était de ne ni douces lorsqu on était blonde. Elle voulait être dévote ; le baron d Or ville l de e voulait lire ac c abl ait Ell plaisanteries. ; ne lui en en laissait le Enfin ces dames sans être p as temps. rn allronnêt es étaient tellement frivoles qu ell es avaient l art de faire dispa raitre la journée sans en qu e aperçut ni par la peine n S le bonheur. ni p ar Cependant le baron s ennu y a des égards qu il fallait avoir it pour une jeune fille ; il était inquiet d en répondre lorsqu un matin M. de Linières honnête homme mais aussi sot qu on en puisse trouver en France vint lui dire qu il avait quatre vingt mille livres de rente soixante ans et beaucoup d amour pour sa nièce et qu il l é p ouserait si on le voul ait dans les huit j ours. Le baron ne vit pas une objection a faire a la convenance de cette preposition et sa parole fut donnée. Adélaïde a qui cependant on en parla en fut désespérée son roman de bonheur était détruit ; elle combattit plus longtemps qu on ne devait l attendre d une fille de quinze ans ; mais au milieu d un bal on obtint enfin son Le lendemain du jour fat al e écrivit ell aveu. une lettre pleine de mélancolie a sa tante : Il n y a plus pour d esp érance lui disait elle ils ont fini mon Le aveni r. d aime1 est pour jamais interdit je sans bonheur rn ourrai avoi senti ne peut plus rien m arriver qui r l a vie i l m int é resse tout m est egal. Quelques jours après elle lui man dait : I l faut s étourdir il faut se laisser emporter par le tourbillon. Je n ai ni malheur ni bonheur je ne puis rêver avec plaisi r j e cede a u t or rc n t z j tout ce qui me dérobe airn e le tem p s»

21 1 6 MA D A M E D E C H A P. I l Adelaide de vient veuve elle rencontre Heureusement ; le comte dont elle s é Théodore p La p enr de cet t rend. ure amour rapp elle certaines pages de la Pr i n cesse de Cl é ves. Adél arde était avide de voir un homme que les gens de la cour citaient comme le plus aimable et sa tante comme le plus sen sible l un et l autre avantage peut- être étaient nécessaires a son a esprit et son donc le projet de plaire ne Jarn ais l occ u p a cœur. si et de Linières entrent dans d Mme Orf euil Mme fortement. un château simplement mais noblement arrangé ; en appro chant elles entendent rire aux éclats deux vieilles du salon femmes es de la princesse de Bostain ami ; en ouvrant porte l a elles voient son qui causait avec Adélaïde ne savait pas fils elles. se résoudre parler aux vieilles femmes mais comme e ell serr tait que était bien de s en e en estima le comte c ell occuper Théodore il vint devant d elle figure était noble et - au s a intéressante toutes ses mani ères avai ent de la grâce et de l a dignité ; elles invi taient a l et rendaient aisanc e l a farnili arité à. impossible. Il av ait surtout dans le regard quelque chose de sensible et de rêveur qui succ écl ait presque à l instant même à l expression de l a gaieté et semblait indiquer qu elle n était pas l état h abituel de son âme. M me de Lini ères fit beaucoup de frais pour lui ; il y répondit sans aucun empressement de se montrer mais avec celui de la faire valoir ; au lieu de s occuper de sa réponse il préparait cell e d Adél aïde ; et si elle avait en moins d esprit elle s en serait cru plus q u à lui. La visite finit le comte demanda permission de les accompagner l a ; il revint le et tous les j ours qui suivirent aucune affaire ne lendemain le retenait jamais il donnait toute sa vi e. ordres d prévenant Adélaïde cesse aux Sans ses devan heures ç ant ses désirs sans parler de son sentiment il l ex p rimai t tantôt par son dévoue ment tantôt par le culte qu il rendait aux charmes d Adél aïde. Appellera t- ou fl atterie l ench ant ement qu il exprimait pendant qu elle lui parlait? C est un autre art que celui de la louange c est le don de l amour. Théodore possédait ce charme d une mani ère irrésistible ; il semblait vivre dans c e qu il aimait servir pr opre en s abandonnant aux mouvements de l amour- son cœur agir involontairement comme la réflexion aurait pu le conseiller et tel qu Emile en portant sa maitresse au but il criait victoire pour elle ; enfin il embellissait tant l existence de celle qu il préférait ; plaisir gloire bonheur tout ét ait si bien son ouvrage qu a son départ on perdait a la fois lui et soi

22 D E S ET A T S G EN ER AU X A U C O N S U L A ' I même ; on ne retrouvait plus ni ses agr éments ni ceux q u rl savait faire naître ; le néant succédait a la vi e ; les j ouissances qui semblaient indépend antes de lui son absence. disp araissaient pendant E n mai M de Sta el est de reto ur Paris avec nre a Benj n ami Constant cet de de ami Mme Ch cet arrière ancien chamb ellan du duc de Brunswick dont elle a fait la connaissance en Suisse à. la fin de tomb e en Elle pleine réaction th ermidorienn e ; les émigrés rentrent en France complotent contre la Rép ublique. La situation de Mme de Staél est délicate elle est prise entre ses symp a thies p our l aristo cratie et ses convictions républicain es. Elle est persuadée comme elle l a dit dans les Réflexions a M Pitt et. aux Fran ç ai que la épublique s R est le seul gouvernement possible en France mais elle veut que cette Républi q ue soit ouverte tous à. aux émi g rés. c omme aux républicains. Le résultat le plus clair de cette attitude est que les deu partis x l de tr acc usent ahi E horreur n son. royalistes susp ecte républicains elle s e promène aux aux entre ces frères enn emis a itant en v le r ameau d g ain oli vier. D e mai à août elle écrit ses Réflexions sur la p aix i éloquent app el la concorde qu ntérieure a elle n a pas pu blié alors p arce que les événements devaient le rendre inutile. R EF L E X I O N S S U R L A P A I X I N T ER I E U R E C est un projet presque puéril aux yeux des politiques profonds qu une réunion quelconque contre des part is di fférents. Tous les livres concorde tous les discours se terminent par une invitation a l a que l on est à peu près convenu de considérer connue une formule d usage ; et le seul effet de cet avant- coureur de la péroraison est le plaisir q u é p rouv ent les lecteurs en prévoyant ace sig nal la fin prochaine de l ouvrage. Mais cette invitation à la c onc orde est aussi un élo

23 1 8 M A D AM E D E S T A EL. C H A P. I l quent app el la j ustice la e a al pit1 enthousiasme à. aux plus nobles facultés humaines Qu on est las d entendre parler de justice modi fiée p ar les circonstances de déprédations iniques q u il n est pas encore temps de réparer! All! le malheur est il relatif et peut- on sus pendre aussi les irréparables effets de la douleur? Il est si peu de souffrances particulières utiles au bonheur public que les res sources da génie suppléeraient heureusement a tous les moyens tirés du mal ; et l on se plaît penser que les andes à. g r fac ùltés de l esprit pourraient accomplir tous les vœux du cœur. Découvrez rendez nous le plaisir de l admiration! Il y a trop lon emps que dans carrière du beau l g t l a homme n a étonné l homme ; il y trop longtemps que l a âme froissée _ n é p rouve la seule j ouissance céleste restée sur cette triste plus terre cet abandon complet cette émotion intel d enthousiasme l ect uelle qui vous fait connaître par l a gloire d un autre tout ce que vous avez vous même de facultés p om juger et pour sentir. Mais la défiance qui met a défiance ce germe de mort des états populaires ; la l aise l envie veut écarter toutes les classes d hommes anciens ou nouveaux e se plaît soupçonner qu ell à. ; veut écarter tous les constitutionnels surtout en révoquant en doute leur amour pour la Quel fatal sentiment que celui de l a défiance! et que les craintes qu il ins p ire les jugements qu il fait porter sont a la fois misérables et funestes! combien il écarte d hommes dis combien il donne tingues si naturellement borné d amis Un esprit défiant est p erfides il suppose si peu de grandeur dans l âme qu il ne s attache jamais aux véritables dangers qui menacent l a patrie. Un homme honnête de quelque opinion q u il soit ne peut être l objet du sou p ç on ; ses moyens sont purs force est calculée il existe des principes dont il ne peut s écarter sa ; il a un caractère qu il doit conserver ce qu il dit : il faut qu il le soutienne s il manquait a sa p arole il serait plus nul p l us avili le lendemain que l homme mép risé qui n ayant p ris aucun engagement conserve toujours l a seule espèce de puissance qu il puisse avoi r les ressources de l in trigue. Comment se défier de l es p rit qui raison ne? I l trace sa route il montre s o n but. Un gouvernement fondé sur les principes peut- il craindre l es a rmes de la pensée?

24 D E S E T A T S G EN E R A U X.\ U C O N S U L.\ T 1 9 Enfin un caractère distingué une âme élevée qui c e voilà. met le comble aux inquiétudes des et cepen défiants voilà. dant les véritables républicains. Quel gouvernement est plus favorable à l asc endant du talent qu une république? Que faire du mérite personnel dans les routines de mon archie et l a? quell e serait donc enfin l a république qui n appellerait pas a son secours à son établissement l exal t ation des plus hautes vert us? ( C hap. les royalistes sont vaincus en Verrdémiair e s1 n vient ; déroute les n e sont pas p d e ; Réflexions Mme ubliées. Staël à. so n tour est m enacée a la tribun e de la Conv en tion forcée de quitter la France. E n un arrêté du Directoire est pris contre elle ; elle est décré tée d arrest a au cas où elle rentrerait en France lle E y ren tion cep endant chaque année mais simplement tolérée et tre ra touj ours sous le coup d un e exp ulsion la q ui met au déses C est de croire que les un e erre1 u malh de e1 n s de Mme Staël d atent du Consulat et de l E m p ir e ; N ap o léon n a fait que suivre la tradition républicaine établie avant l ui D cette ép oque date le livre de de Sta el intitulé e Mme po ir. De l influence des p a ssions sur le bonheur des individus et des n atio ns. Elle y travaille dès puisque Zulma en est un fr a gment détaché nrais c est en octobre s eulement que le livre voit le j o ur à. Lausanne ch ez le libraire Jean Mo urer. Il est incomplet d ailleurs la seconde partie le bonh eur des nations n a j amais eté publiée C est le premier grand livre et l un des plus séduisants de M me de Staël nulle part ell e n e nous montre mie ux le fond de son âme p assionnée et nralh cureuse. On est étonné de voir ce ( 1 ) P aul GAUTI ER le P remier civil de fil me de S ta el ( Revue des D eux M ondes juin 1 906) et M me de S ta el et la p olice du Directoire ( Re r uc B leue ( 3 ) C est un e erreur de p en ser c onnu e on l a dit parfo is q u e l e livre q u i suit D es circonsta nces actuelles est l a sec onde p a rtie des P as sions. Il f e rin e a l ui seul un tout. I l est p ossible d a ille urs q u e Mme de Staël ait utilisé dans c et ouvrage l es fragments de l a p a rtie p oliti q ue des P p assion s a ein e c ommen cé e dit elle en

25 eo M A D A M E o n S T A E L C H A P. 1 1 q ue C hateaubriand doit a cet o uvrage en particulier dans le Génie du christi anisme chapitre des passions. ( S e conde partie livre I I I.) Que s est donc proposé Mme de Staël? 1 0 Tout d abord de donner une idée vraie des habitudes de ' sa vie et de la nature de son caractère (Préface ) Elle est diffamée p chassée de ce E ersécutée n France. moment m ême ( octobre elle est Elle veut exilée. rentrer aparis tête haute montrer à tous par un ouvrage q ui la peigne au naturel c e qu elle est une femme malh eu reuse calomniée extraordinaire p ar sa faculté de penser et de sentir. 2 0 deuxième lieu c E n est un livre de psychologie r evo l inspiré p ar les événements tragi ues dont utionn air e q l auteur a été le La Révolution a fait ce livre témoin. et la Révolution en est l est très vrai que l homme âme. en son fond n e varie Mais les manifestations des guère. forces u il porte en q l ui varient in fini suivant le temps la société les passions mises en j Le livre de La Bruyère eu. était la représentation exacte de l homme du Fran ç ais l à. de la cour et de la ville à. la fin du dix septième siècle sous le règne de Louis XI V ; il n est p as il ne p eut être le p ortrait du Fran ç ais de la Révolution. D e l amour de la g loire D e l ambiti on De la van ité D e l envie et de la ven g ea nce De l es p r it de p ar ti D u cri me ces titres seuls montrent la nouveauté du livre de Mme de Sta el ; ils sont les reflets éclatants ou sinistres de la grande éruption rév o l utionn aire. 8 0 C est aussi la premi ere tentative philosophique critique impartiale autant q u on pouvait l être au lende main de la Terreur po ur j uger la Révol ution av ec équité j usque dans ses fu reurs et dans ses crimes. Rien ne sert d e maudire il faut com p rendre ; de tels évén ements sont l indice de fo rces secrètes dont on n avait p as calculé la puissance. Ces forces Mme de Sta el les étud ie les décrit ; t el un clinicien a u ch ev et du malade observe les s y m p tûmes de son mal. 4 0 La conclusion c es t que le sal ut est en avant non

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27 DE L I N FL U E N C E DE S P A S SI O N S S U R L E B O N H E U R D E S I N D I V I D U S E T D E S N A T I O N S I N T R O D U C T I O N D É F E N S E D E L A U T E U B R. U T D U L I V R E Je m att ends aux diverses objections de sentiment et de raisonnement qu on pourra faire contre le système développé dans cette pre mière partie Rien n est plus contraire il est vrai aux premiers mouvements de l a jeunesse que l idée de se rendre indépendant des affections des autres ; on veut d abord consacrer sa être aimé de ses amis captiver faveur vie a a l a p ub Il semble qu on ne s h est jamais assez ala dispo q mi ue. s ou de ceux qu siti on aime u on ne leur ait jamais assez prouvé q qu on ne pouvait exister sans 6 11 X ' que l occupation les services de tous les j ours ne satisfassent pas assez au gré de la chaleur de l âme le besoin qu on a de se dévouer de se livrer en entier aux autres. On se fait un avenir tout c o mposé des liens qu on a formés ; on se confie d autant plus a leur durée que l on est soi même plus incapable d ingratitude ; on se sait des droits a la reconnaissance ; on croit a l amitié ainsi fondée plus qu elle seule est le but. à. aucun autre lien de l a terre tout est moyen L on veut aussi de l estime publique mais il semble que v os amis vous en sont les garants ; on n a rien fait que pour eux

28 I N FLU E N C E D E S P AS S I O N S le savent ils le diront comment la vérité et vérité du ils l a sentiment ne elle pas comment ne? elle pas finirait persuaderait- p ar être reconnue? Les preuves sans nombre qui s échappent d elle de toutes parts doivent enfin l emporter sur fabrication l a de c Vos paroles votre vos accents l l a air qui alomnie. voix vous environne tout vous semble empreint de ce que vous êtes ement et l on ne croit pas a d être réell l a p oss longtemps ibih té mal jugé c est avec ce sentiment de confiance qu on vogue à pleines voiles dans Tout ce qu on tout ce qu on vous l a a su vie. a dit de la mauvaise nature d un grand nombre d hommes s est classé dans votre tête comme l histoire prend en morale sans l avoir éprouvé. comme tout ce qu on a p ne On s d avise appliquer aucune de ces idées générales 51 sa situation particulière ; tout ce qui vous arrivera tout ce qui vous entoure doit être une exc e p qu on d esprit Ce a n point d influence sur conduite a l a : tion. où il y un il est seul qu la a cœur Ce on a pas senti écouté. soi même est connu de pensée sans jamais diriger les l a actions. n Mais vingt cinq ans cette époque précise où cesse a a l a vie de croître il se fait un cruel changement dans votre e xistence on commence a juger votre situation ; tout n est plus avenir dans votre destinée ; à beaucoup d é g ards votre sort est fixé et les hommes réfléchissent alors s il leur convient d y ils lier le y y voient moins d S avantages qu ils n si avaient cru leur. de quelque manière leur attente est trompée au moment où ils sont résolus a s éloigner de vous ils veul ent se motiver à eux mêmes leur tort envers vous ; ils vous cherchent mi lle défauts pour s absoudre du plus grand de tous les amis qui se rendent coupables d in g rat it vous accablent pour se ude j ustifier ; ils nient le ils supposent l exigence ils essaient enfin dévouement de moyens séparés de moy ens contradictoires pour envelopper votre conduite et l a leur d une sorte d incertitude que chacun explique a son gré. Quelle multitude de peines assiège alors le cœur qui voulait vivre dans les autres et se voit t ronr p é dans cette illusion La perte des affections les plus chères n empêche p as moi ns. de senti jusqu au plus faible tort de l ami qu on aimait le r Votre système de est chaque coup ébranle l ensemble vie attaqué cel ui la aus si s éloi g n e de moi es t une ensée p do u loureuse q ui donne au dernie r lie u qui se brise p rix qu 11 avait Le n p as auparavant.. p ublie aussi dont on avait é p rouvé perd la laveur tou te s o n i ndulgence aime les succès qu il il il devie nt l ad ve rsaire de do nt il c oi n est e prévoit lui- cause ce qu il a dit l attaque l a il ; q il encourageait 1il c e u

29 M A D A ME D E S T A E L. C H A P. I l veut le détruire ; cette injustice de l opini on fait souffrir aussi de mi lle manières en un jour. Tel individu qui vous déchire n est pas digne que vous regrettiez son suffrage ; mais vous souffrez de tous les détails d une grande peine dont l histoire se déroulé à. v os yeux ; et déjà certain de ne point éviter son pénible terme vous éprouvez cependant la douleur de chaque Enfin le cœur se flétrit vie se décolore l pas. a ; on des torts a a son qui dégoûtent de soi comme des autres qui tour déc ou ragent du système de perfection dont on s etait d abord enor g u on ne sait plus a quelle idée se reprendre quelle route eilli suivre désormais a force de s être confié sans réserve on ser a it prêt à. soupçonner injustement. E st - ce l a sensibilité est ce la vertu qui n est qu un fantôme? Et cette plainte sublime éch a p p ee a Brutus dans les champs de doit ell Phih pp es e égarer la vie ou commander de se donner la mort est? a cette 23 époque C funeste où terre semble manquer sous nos pas où plus l a incertains sur l avenir que dans les nuages de l enfance nous doutons de tout ce que nous cro y i ons savoir et recommençons l existence avec l espoir de nroins ; c est a cette époque où le cercle des jouissances est parcouru et le tiers de la vie a peine atteint que ce livre peut être utile il ne faut pas le lire avant je ne l ai même commencé conçu cet m object moi ni ni qu a age. era peut être aussi qu en voulant dompt er les On passions je cherche a étouffer le des plus belles actions principe des hommes des découvertes des sentiments gêné sublimes reux quoique je ne sois pas entièrement de cet avis je con viens qu il y quelque chose de and dans p assion a gr l a ; qu e ell ajoute pend ant qu elle du r e a l asé endant de l homme ; qu il accomplit alors presque tout ce qu il p roj ett e t ant la volonté ferme et suivie est une force active dans l ordre moral. L homme alo rs enr p orté p ar q uelque chose de plus puissant que lui use sa vie mais s en sert avec plus d énergie. Si l ame doit être considérée seulement comme une cette impulsion impulsion est plus vive quand passion l a l excit S faut aux hommes il e. sans passions l intérêt d un grand spectacle s ils veulent que les gladiateurs s détruisent a leurs yeux tandis qu ils ne entrese ro nt que témoins de ces affreux sans doute il l es combats faut c nfl arnmer de toutes les manières c es êtres infortunés dont les sentiments impétueux animent ou renversent le théâtre du mais quel bien en résult nronde era t pour eux quel bonheur il? général on obtenir ces encouragements do rures aux peut- p ar passions de l âme? Tout ce qu il faut de a vie rnouvonrerrt l a

30 vesc e nc e de telle ou telle passion. sociale tout l clan nécessaire à.la vertu existerait sans ce mobile destructeur. dira t on c est a diriger les passions et non Mais a les vaincre qu il faut ses Je n consacrer entends pas efforts. comment on dirige ce qui que deux états pour l homme : n existe qu en dominant ; ou il est certain il n y a d être le maître au dedans de lui et alors il n a point de passions ; ou il sent qu il règne en lui- même une puissance plus forte que lui et al ors il dépend entièrenrent d ell e. Tous ces traités avec l a pas sion sont purement imaginaires elle est comme les vrais tyrans sur le trône ou dans les fers. Je n ai point imaginé cependant de consacrer cet ouvrage à. l a destruction de toutes les passions mais j ai taché d offri r un système de vi e qui ne fût p a s sans quelques douceurs a l époque où 8 évanouissent les esp érances de bonh eur positif dans cette vie : ce systeme ne convient qu aux caractères naturell ement passionnés et qui ont combattu pour reprendre l empire ; plusieurs de ces jouissances n appartiennent qu aux ames jadis ardentes et nécessité de ces sacrifices l a ne peut être sentie que p ar ceux qui ont été E n malheureux. effet l on n était pas né passionné qu am si ait a craindre on de quel effo rt aurait- on besoin que se passerart - rl en soi q ui put occuper le moraliste et l in q ui ét er sur l a destinée de l homme? Pourrait- on aussi me reprocher de n avoir pas traité séparé ment les jouissances attachées à l ac c om p h ssement de ses devoirs et les peines que font éprouver le remords qui suit le tort dans ou le crime de les avoir bravées deux idées l existence s appliquent? Ces p renri ères é g al enrent a toutes les situations à. tous les caractères ; et ce que j ai voulu montrer seulement c est le rapport des passions de l homme avec les impressions agréables ou doul o1 u euses qu il ressent au fond de son cœur. E n suivant ce plan je crois de nrême avoir éprouvé qu il n est point de bonheur sans la vertu ; revenir a ce résultat par toutes les routes est une nouvelle preuve de sa vérité. Dans l an al yse des diverses affections morales de homme il se rencontrera quelquefois des allusions à la révolution de France nos souv e nirs sont tous empreints de ce terrible événement d ailleurs j ai voulu que cette première partie fût utile seconde que 51 l a : l examen des hommes un a put au calcul des effets préparer de leur réunion J e n ai je le qu en tra espéré répète masse. l vaillant a l indépendanc e morale de r endrait l homme ou sa li berté politique plus facile puisque chaque r estriction u il q faut imposer a ce tte liberté est toujours commandée p ar l effer

31 M AD A ME D E S T A EL. C H AP. 1 1 ï Enfin de quelque mamere que l on juge mon plan ce qui est certain c est que mon uni que but a été de combattre le malheur sous toutes ses formes d étudier les pensées les sentiments les institutions qui causent de la douleur aux hommes pour chercher quelle est réflexion le mouvement l a la combinaison q ui pourraient diminuer quelque chose dé l intensité des peines de l âme : l image de l infortune sous quelque aspect qu elle se présente et me poursuit et m acc abl e. Hélas j! ai tant éprouvé ce que c était que souffrir qu un attendrissement inexprimable une inquiétude douloureuse s em parent de moi a l a pensée des malheurs de tous et de cha cun ; des chagrins inévitables et des tourments de l ima g in a tion ; des revers de l homme juste et même aussi des remords du coupable ; des blessures du cœur les plus touchantes de toutes et des ts dont on rougit sans les éprouver moins re gre ; enfin de tout ce qui fait verser des larmes ces larmes que les anciens recueill aient dans une urne consacrée tant la douleur de l homme était auguste a leurs yeux. Ah! ce n est pas assez d avoir j uré que d a ns les limites de son existence de quelque injustice de quelque tort qu on fût l objet ou ne causerait jamais volontairement une peine on ne renorrc erait jamais volontairement a la p ossibih té d en soulager une il faut essayer encore si quelque ombre de talent si quelque faculté de medi tation n e pourrait pas faire trouver l a langue dont la mélancolie ébranle doucement le cœur ne pourrait pas aider a découvrir a quelle hauteur p hi1 0 S 0 p l ri q ue les larmes qui blessent n attein dra ient plus. Enfin si le temps et l étude apprenaient comment on peut donner aux principes politiques assez d évidenc e pour qu ils ne fussent plus l objet de deux religions et par conséquent des plus sanglantes fureurs il semble que l on aurait du moins offert un examen complet de tout ce qui livre l a destinée de l homme a l a puissance du malheur L A M B I T I O N l ambition temps es D ans l es de ré vol utim1 t d ac seule q ui peut obtenir Il encore moyens uérir des s uc c ès. res te des q c du pouvoir mais l opinio n qui dist ribue la gloire n existe pl us ; le p euple l1 : au li e u de juger ; j ouan t un rôle acti f dans t o us les événemen ts il p rend p a rti pou r con tre tel tel homme. l l n y a plus dans une nation que des combattants ;