Thème 2 : Obligations et droits des commerçants (suite)

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1 Thème 2 : Obligations et droits des commerçants (suite) Sanctions pour défaut d inscription Lorsque le Ministère du commerce met en demeure un commerçant et que ce dernier ne procède pas à l immatriculation, il s expose à une amende de 1000 à 5000 DHS. La même sanction est prévue pour les commerçants immatriculés mais qui omettent d indiquer sur leurs papiers de commerce destinés au tiers, le numéro et le lieu d immatriculation au registre central analytique. Mais en cas de déclaration frauduleuse, la sanction est aggravée par une peine d emprisonnement d un mois à un an qui s ajoute à la peine d amende précédente. Le juge pouvant condamner le contrevenant à l une de ces deux peines. La même sanction est réservée aux commerçants de mauvaise foi qui omettent la publicité des informations sur leurs papiers de commerce Les effets de l inscription Effets sur la qualité de commerçant des personnes physiques : On dit que l immatriculation au registre de commerce produit un effet probatoire, c'est-à-dire qu elle crée à l égard de toute personne physique une présomption légale de qualité de commerçant. Les personnes assujetties et qui ne sont pas immatriculées sont soumises à toutes les obligations découlant de la qualité de commerçant. Cela veut dire que la personne ne peut pas évoquer le défaut d immatriculation pour se soustraire aux responsabilités et obligations inhérentes à la qualité litigieuse. Par conséquent, un tiers peut assigner un commerçant de fait devant un tribunal de commerce ou demander sa mise en redressement ou liquidation. - La responsabilité solidaire En cas de cession ou de location du fonds de commerce, la personne immatriculée reste solidairement responsable des dettes de son successeur ou de son locataire tant qu elle ne se fait pas radier du registre du commerce ou qu elle n a pas fait modifier son inscription avec la mention expresse de la vente ou la location. L assujetti ne peut être rayé des rôles d inscription à l impôt des patentes afférentes à l activité pour laquelle il est immatriculé. Ainsi, le commerçant immatriculé au registre de commerce qui ne fait pas opérer la radiation lorsqu il cesse le commerce conserve la qualité de commerçant à l égard des tiers Les effets sur la personnalité morale Les sociétés commerciales n acquièrent la personnalité morale qu à compter de leur immatriculation au RC. On dit que l immatriculation produit à l égard des sociétés un effet constitutif de droit. Avant l immatriculation au RC, il y a un contrat entre les actionnaires ou les associés mais pas de personnalité morale. P r o f e s s e u r R i d a B e n o t m a n e Page 1

2 Pour les groupements d intérêts économiques, la qualité de commerçant n est pas automatiquement acquise après l immatriculation car c est la nature de son activité civile ou commerciale qui va déterminer sa qualité. - L inopposabilité au tiers des faits et actes non mentionnés Une société ne peut faire prévaloir à l égard des tiers une modification des statuts, une nomination, une révocation, une démission, un remplacement d un dirigeant, etc si ces actes ne sont pas inscrits au RC. Néanmoins, la loi a prévu certaines exceptions à la règle lorsque l autre partie a eu connaissance de ces actes au moment de l opération (article 61 du code de commerce alinéa 3). 2. L obligation de tenir une comptabilité Le fondement juridique de cette obligation se trouve aux articles 19 à 26 du code de commerce et 433 à 439 du dahir des obligations et contrats. La comptabilité commerciale traduit d une part les opérations effectuées par l entreprise avec les tiers et d autre part les mouvements de valeurs internes. Ces derniers sont nés des usages du commerce. Il s agit d une technique qui permet d enregistrer en unités monétaires les mouvements de valeurs qui affectent continûment le patrimoine de l entreprise ainsi que de déterminer les résultats globaux au cours d une période définie. Ces enregistrements sont établis soit au jour le jour à travers le livre-journal ou le grand livre soit annuellement (bilan, compte de résultat, etc ) La tenue de la comptabilité présente un intérêt aussi bien pour l Etat, pour l entreprise et pour les particuliers. L article 19 du code de commerce renvoie à la loi relatives aux obligations comptables des commerçants. C est à l analyse de cette loi que l on peut comprendre l objet et la finalité de la comptabilité. 2.1 L objet de la comptabilité Les commerçants doivent procéder à l enregistrement comptable des mouvements affectant les actifs et les passifs de l entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement opération par opération et jour par jour. Les enregistrements comptables sont portés sous forme d écriture sur le livre journal et le grand livre. Les commerçants ont l obligation de tenir un inventaire et de conserver les correspondances Les livres comptables Les écritures du livre journal sont reportés sur le grand livre. Les commerçants sont tenus d établir un inventaire à la fin de chaque année. L obligation comporte l élaboration d un inventaire des effets mobiliers et immobiliers d une part et d un inventaire des dettes et des créances d autre part. Le tout est porté sur le livre inventaire. P r o f e s s e u r R i d a B e n o t m a n e Page 2

3 2.1.2 La tenue des livres comptables Au moment de l ouverture de l entreprise, le livre journal et le livre d inventaire doivent être présentés au tribunal de commerce Chaque livre reçoit au tribunal un numéro qui sera répertorié sur un registre spécial. Pendant la tenue des livres, le commerçant inscrit ses opérations d une manière chronologique et continue, c'est-à-dire sans altération, ni blanc. En cas, d erreur, le commerçant ne peut ni gratter, ni raturer. Il doit corriger par des écritures nouvelles. 2.2 Finalité de la comptabilité La comptabilité a une utilité juridique car elle admise par le juge pour faire preuve entre commerçants à raison des faits de commerce. Mais la force probante de la comptabilité ne joue pas contre les non-commerçants. Elle ne fait pas preuve non plus en faveur du commerçant qui les a écrit comme le prévoie l article 438 du DOC. Elle fait preuve contre le commerçant qui la tient. Ainsi, la force probatoire de la comptabilité découle du principe général du droit commercial selon lequel la preuve est recevable par tous les moyens. 3. Les droits du commerçant Un commerçant jouit des droits suivants : - droit d être électeurs et éligibles aux chambres de commerce, d industrie et de services, - droit de pouvoir déroger par une stipulation contractuelle aux règles de compétence territoriales des tribunaux, - droit d insérer dans leurs contrats une clause arbitrale, - droit de se prévaloir du bénéfice de la propriété commerciale, - droit de donner leurs fonds de commerce en location-gérance, - droit d invoquer en leur faveur leur propre comptabilité et plus généralement le régime juridique des actes de commerce. - ( Fin du thème 2 ) P r o f e s s e u r R i d a B e n o t m a n e Page 3

4 Thème 3 : Liberté des prix et de la concurrence A l origine, il y avait un principe, celui de la liberté du commerce et de l industrie. Il est assez ancien puisqu il remonte à une loi ancienne de 1791, la loi d Allarde en France. Ce principe signifie le maintien d un minimum d activités libres en limitant l action des pouvoirs publics. Il s agit d un principe général du droit. Pour rappel, les principes généraux du droit s applique même en l absence de texte juridique. Ils sont dégagés par la jurisprudence. Quelques exemples de principe généraux du droit : - L égalité des usagers devant le service public, - L égalité devant l impôt, - Etc Dans l absolu de ce principe, les commerçants les plus habiles seront les seuls capables de se maintenir sur le marché et les commerçants médiocres seront éliminés par le libre jeu des règles du marché. Mais pour qu il n y ait pas d anarchie dans le circuit économique, le Maroc s est doté d une loi pour organiser la liberté des prix et de la concurrence. C est la loi Il s agit d une loi importante qui complète l arsenal juridique en matière commerciale. L objectif visé par cette loi est résumé dans son préambule : «La présente loi a pour objet de définir les dispositions régissant la liberté des prix et d'organiser la libre concurrence. Elle définit les règles de protection de la concurrence afin de stimuler l'efficience économique et d'améliorer le bien-être des consommateurs. Elle vise également à assurer la transparence et la loyauté dans les relations commerciales.» Cette loi s ajoute à l obligation de loyale concurrence prévue et sanctionnée par l article 84 du DOC. La loi a abrogé une ancienne loi de 1971 qui habilitait l Etat à réglementer et à contrôler les prix. Les personnes assujetties à la loi sont prévues par l article 1 er : - à toutes les personnes physiques ou morales qu'elles aient ou non leur siège ou des établissements au Maroc, dès lors que leurs opérations ou comportements ont un effet sur la concurrence sur le marché marocain ou une partie substantielle de celui-ci ; - à toutes les activités de production, de distribution et de services - aux personnes publiques dans la mesure où elles interviennent dans les activités citées au paragraphe 2 ci-dessus comme opérateurs économiques et non dans l'exercice de prérogatives de puissance publique ou de missions de service public - aux accords à l'exportation dans la mesure où leur application a une incidence sur la concurrence sur le marché intérieur marocain. P r o f e s s e u r R i d a B e n o t m a n e Page 4

5 1. La liberté des prix Avant la loi de 1971, les autorités ministérielles et provinciales étaient habilités à réglementer par voie d arrêtés les prix des produits et marchandises en les taxant et en les bloquant le cas échéant. Mais avec l avènement de la loi 06-99, les prix est désormais fixés sous la seule responsabilité des entreprises avec toutefois des limitations. 1.1 Le principe de la liberté des prix Enoncé du principe Le principe est énoncé dans l article 2 de la loi : «Les prix des biens, des produits et des services sont déterminés par le jeu de la libre concurrence» Mais comme la concurrence dont parle l article n est ni acceptée, ni désirée par les commerçants, son libre jeu doit être assuré par une entité neutre à savoir les autorités administratives et judiciaires. C était déjà le cas avec l article 84 du DOC et l ancienne loi de 1971 car le droit de la concurrence est susceptible d abus Justification du principe On pense qu une concurrence absolument libre engendre des désordres et finit par se détruire car d élimination en élimination elle aboutit à la création de monopoles. De plus la concurrence maîtrisée oblige les producteurs à innover et améliorer la qualité de leurs produits au grand plaisir des consommateurs. De leur coté, les consommateurs doivent être de plus en plus prudents s ils veulent participer à faire pression sur le marché dans le sens de la préservation de leur droit ce qui n est pas toujours évident d où l intervention nécessaire des pouvoirs publics pour assurer et garantir la protection des consommateurs par l organisation de la concurrence. 1.2 Limitations du principe de la liberté des prix Les limitations structurelles Elles sont prévues par les articles 3 et 5 de la loi : «Dans les secteurs ou les zones géographiques où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole de droit ou de fait, soit de difficultés durables d'approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, les prix peuvent être fixés par l'administration après consultation du Conseil de la concurrence». Aussi «à la demande des organisations professionnelles représentant un secteur d'activité ou sur l'initiative de l'administration, les prix des produits et services dont le prix peut être réglementé conformément aux articles 3 et 4 peuvent faire l'objet d'une homologation par l'administration après concertation avec lesdites organisations». La concurrence par les prix est donc limitée par certaine situation de monopole comme la distribution des tabacs ou le carburant. Dans tous les cas où il existe une limite de ce genre, la P r o f e s s e u r R i d a B e n o t m a n e Page 5

6 décision est prise par le 1 er Ministre après consultation du conseil de la concurrence. La loi n assigne aucune durée maximale de validité à la décision de l administration. Par ailleurs, la loi permet aux organismes professionnels représentant un secteur d activité où à l administration de réglementer le prix des produits et services. Le prix est fixé par accord entre ces organisations et l administration. Si l accord n est pas respecté, l administration fixe le prix du bien, produit ou service concerné Les limites conjoncturelles Selon l article 4 de la loi 06-99, l administration peut de manière temporaire intervenir contre des hausses ou des baisses excessives des prix après consultation du conseil de la concurrence. La durée de ces mesures conjoncturelles ne peut dépasser six mois prorogeable une seule fois. Cela peut arriver lors d une grave crise d approvisionnement sur une matière ou un événement national ou international qui ébranle fortement la vie économique. Par ailleurs, il existe des marchandises dont les prix sont fixé de façon autoritaires par l administration car leur liberté risque de produire des perturbations dans le domaine économique et social. P r o f e s s e u r R i d a B e n o t m a n e Page 6