Aspects échographiques de la goutte.

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1 DOSSIER échographie 19 Aspects échographiques de la goutte. Ultrasonography patterns of gout. Karima Benbouazza Cabinet de Rhumatologie, rue jbel bouyeblane, immeuble n 9, appartement n 10, Agdal, Rabat - Maroc. Rev Mar Rhum 2013; 23: Résumé Le rôle de l échographie ostéo-articulaire s est développé rapidement dans le diagnostic des dépôts de cristaux d urate de sodium ces dix dernières années. L échographie peut apporter une aide précieuse pour la prise de décisions rapides dans diverses situations de pratique quotidienne : orientation diagnostique, diagnostic topographique et cartographie des dépôts uratiques, ajustement thérapeutique et éventuellement suivi de la maladie. Cette mise au point illustrée de cas cliniques fait le point sur l apport de l échographie dans la goutte. Mots clés : échographie, goutte. Abstract The role of musculoskeletal ultrasound has increased rapidly in the diagnosis of deposits of sodium urate crystals in the last ten years. Ultrasound can provide valuable support for making quick decisions in various situations of everyday practice: diagnostic orientation, diagnosis and topographic mapping of urate deposits, adjustment and possibly therapeutic monitoring of disease. This review illustrated by clinical case reports focuses on the contribution of ultrasonography in gout. Key words : ultrasonography, gout. L échographie devient de plus en plus un outil incontournable dans la pratique quotidienne des rhumatologues. Les rhumatismes inflammatoires chroniques et les rhumatismes abarticulaires sont les premiers à avoir bénéficié de l apport de cet outil d exploration. Les maladies métaboliques et en particulier la goutte, commencent à prendre place dans l utilisation des ultrasons (US). Le rôle de l échographie ostéoarticulaire dans le diagnostic des dépôts de cristaux d urate de sodium s est développe rapidement ces dix dernières années[1-3]. L échographie peut apporter une aide pour la prise de décisions rapides dans diverses situations de pratique quotidienne : orientation diagnostique, diagnostic topographique et cartographie des dépôts uratiques, ajustement thérapeutique et éventuellement suivi de la maladie. Les cas cliniques suivants illustrent certaines situations de Correspondance à adresser à : K. Benbouaza kbenbouazza@yahoo.fr pratique quotidienne et divers aspects ultra-sonographiques de la goutte. Cas clinique n 1 : Mr. B.A. 55 ans est connu goutteux depuis 14 ans et a été mis sous allopurinol entre 100 et 200 mg par jour durant 10 ans sans survenue de crise. Le patient a arrêté son traitement depuis 4 ans avec survenue de crises intermittentes 4 à 5 fois par an. Ces crises s amélioraient rapidement sous colchicine. Le patient consulte pour des douleurs du gros orteil gauche évoluant depuis 15 jours et dont l intensité est en cours de diminution. L examen clinique objective une tuméfaction modérée du gros orteil et une douleur à la mobilisation. On ne retrouve pas de tophus cutané. L exploration échographique à la fin de l examen clinique objective les aspects suivants (Fig. 1-3). Les aspects échographiques des deux MTP 1 en particulier l aspect de double contour (DC) bilatéral sont évocateurs

2 20 DOSSIER échographie Disponible en ligne sur de goutte. L aspect en DC a été retrouvé aussi au niveau des MTP 2 et 3 en bilatérale. L acide urique était à 89 mg/l et la créatininémie à 10 mg/l. Le malade a été mis sous colchicine depuis la première consultation et sous allopurinol à distance de la crise et sous couverture de colchicine. figures suivantes (4 et 5) avec un épanchement articulaire contenant des spots hyperéchogènes et une synovite avec doppler puissance positif. Au côté controlatéral, on objective un aspect de double contour sans signes inflammatoires. Figure 1 : Métatarso-phalangienne 1 gauche en coupe longitudinale dorsale : hypertrophie synoviale avec signal doppler positif et épanchement articulaire contenant des spots hyperéchogènes donnant un aspect en «tempête de neige». Figure 4 : Métatarso-phalangienne 1 gauche en coupe longitudinale dorsale : hypertrophie synoviale avec doppler positif, épanchement articulaire contenant des spots hyperéchogènes et double contour métatarsien discontinu. Figure 2 : Métatarso-phalangienne 1 gauche en coupe longitudinale dorsale : hypertrophie synoviale, épanchement articulaire contenant des spots hyperéchogènes et aspect en double contour de la tête métatarsienne. Figure n 3 : Métatarso-phalangienne 1 droite en coupe longitudinale dorsale avec aspect en «tempête de neige» et double contour de la tête métatarsienne. Cas clinique n 2 Mr Z. C. 61 ans est connu goutteux depuis 11 ans sous colchicine seule avec des crises intermittentes aux gros orteils (GO). L acide urique était à 92 mg/ l. Le patient a été mis sous 100 puis 200 mg par jour d allopurinol. 3 mois plus tard, le patient refait une crise au gros orteil gauche améliorée par colchicine. L acide urique était à 58 mg/l. Un mois plus tard, le patient consulte pour une tuméfaction persistante du pied gauche. L échographie objective les Figure 5 : Métatarso-phalangienne 1 droite en coupe longitudinale dorsale. Aspect en double contour de la tête métatarsienne. La survenue et la persistance de l inflammation articulaire alors que l acide urique était normal imposait la recherche d une autre étiologie : infectieuse en premier lieu ou un mode de début d un rhumatisme inflammatoire chronique. Cette enquête restait négative. Cependant, l aspect échographique est évocateur d un accès goutteux. La vitesse de sédimentation était à 24 mm à la première heure, la CRP à 39 mg/l et l acide urique était à 36 mg/l. L arrêt de l allopurinol, l amélioration du patient par colchicine et la notion d une crise de goutte un mois au paravent sont en faveur d une baisse rapide de l acide urique ayant favorisé la solubilisation des dépôts d urate de sodium à la MTP 1 gauche. L arrêt de l allopurinol, la mise du patient sous colchicine s est accompagnée d une amélioration clinique et d une ré-ascension de l uricémie à 74 mg/l. Le patient a été remis sous allopurinol à 100 mg/j et sous couverture de colchicine. Cas clinique 3 Mr. T.S. 44 ans consulte pour une douleur intense avec tuméfaction et gène fonctionnelle du coude droit évoluant depuis 5 jours. L interrogatoire retrouve la notion de

3 Aspects échographiques de la goutte 21 symptômes similaires depuis 5 ans au genou gauche et aux gros orteils. Ces accès duraient moins de 15 jours. L examen clinique objective un coude tuméfié, en flessum et difficile à mobiliser. Les autres articulations sont froides et il n ya pas de tophi cutanés. Devant ce tableau clinique d arthropathie aigue du coude droit, deux principaux diagnostics sont évoqués : l arthrite septique et l arthropathie métabolique. Pour le premier diagnostic, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont contre-indiqués et pour le deuxième, les AINS ou la colchicine sont indiqués en urgence pour soulager le patient. Une échographie articulaire, prolongeant l examen clinique a permis d apporter des éléments Figure n 6 : coude droit coupe antéro-latérale longitudinale objectivant un épanchement articulaire anéchogène et une image hyperéchogène à la limite superficielle du cartilage donnant un aspect de double contour. Figure n 7 : Métatarso-phalangienne 1 droite coupe longitudinale dorsale objectivant une irrégularité corticale de la tête métatarsienne et une masse hyperéchogène et hypoéchogène avec des spots hyperchogènes. Cette masse est entourée d un fin liseré clair. Figure n 8 : Métatarso-phalangienne 1 droite coupe longitudinale latérale objectivant une érosion de la tête MT. Figure n 9 : Métatarso-phalangienne 1 droite coupe longitudinale plantaire objectivant un aspect de DC de la tête métatarsienne. Figure n 10 : Genou gauche. Coupe longitudinale latérale objectivant un épanchement anéchogène contenant des spots hyperéchogènes. d orientation. Les images suivantes (fig. 6-10) illustrent les aspects observés au coude droit et aux autres articulations antérieurement intéressées. Les images échographiques sont en faveur d une goutte chronique polyarticulaire. Le patient a rapidement été amélioré par colchicine démarré dès le premier jour. L acide urique est revenu à 74 mg/l. Un traitement par allopurinol a été démarré après sédation de la crise et sous couverture de colchicine. Les aspects échographiques de la goutte Certains aspects US de l atteinte articulaire de la goutte ont une grande spécificité et sensibilité, d autres sont communs avec d autres affections articulaires inflammatoires ou mécaniques. Signes non spécifiques - Epanchement articulaire : matériel intra-articulaire hypoéchogène ou anéchogène, déplaçable et compressible, mais ne produisant pas de signal doppler. - Hypertrophie synoviale : apparaît comme un tissu intraarticulaire anormal hypoéchogène non déplaçable et faiblement compressible, pouvant ou non montrer une hypervascularisation avec signal doppler. - Erosion osseuse : caractérisée par une discontinuité intra-articulaire de la surface osseuse objectivée dans deux plans perpendiculaires. - Signes d arthrose dans les formes avancées : becs ostéophytiques et pincement de l interligne articulaire. Signes évocateurs de maladie métabolique Spots hyperéchogènes : Les agrégats de cristaux d urate de sodium monosodique peuvent être décelés au sein de l épanchement articulaire grâce à leur fort pouvoir de réflexion sonographique et persiste même en faisant diminuer le gain général (ce qui les distingue des débris articulaires parfois visibles au

4 22 DOSSIER échographie K. Benbouazza sein des épanchements mécaniques ou inflammatoires). Ces agrégats apparaissent comme des foyers brillants d aspect ponctué dans le liquide synovial et le tophus. La diminution du gain à la réception peut améliorer la capacité de détection de ces agrégats uratiques. L association hypertrophie synoviale + vascularisation avec signal doppler + spots hyperéchogènes dans la synoviale est fortement évocatrice de la goutte. Tempête de neige : Au cours d une crise de goutte, les spots hyperéchogènes forment des points hyperéchogènes au sein d un épanchement anéchogène et générant une image dite en «tempête de neige». Signes évocateurs de goutte Tophus : L aspect sémiologique échographique du tophus est celui d une masse ovoïde intra-articulaire ou souscutanée, inhomogène, hyper et hypoéchogène avec des spots hyperéchogènes et entourée d une petite bordure anéchogène, prenant l aspect d un «morceau de sucre mouillé». - L aspect hyperéchogène est dû à la proportion de spots hyperéchogènes. - L association d une atténuation postérieure des ultrasons ou une ombre acoustique totale dépend de la densité du tophus. - Lors des manœuvres dynamiques de mobilisation de l articulation, le tophus intra-articulaire reste immobile. - Aux petites articulations : le tophus intra-articulaire est souvent associé aux érosions osseuses. - Sièges à explorer par échographie : articulations symptomatiques, Les métatarso-phalangiennes (MTP1) (plan dorsal et latéral), genou (ligaments quadricipital, patellaire et latéral) et tendons de la cheville (tendon d Achille et tibial postérieur). Signe du double contour (DC) : - Ce signe correspond à une bande hypeéchogène au-dessus de la marge superficielle du cartilage anéchogène. Ce signe très spécifique de la goutte et doit être recherché dans les articulations symptomatiques, les MTP1 (plan dorsal et palmaire) et le cartilage trochléen des genoux (plan suprapatellaire en flexion maximale). - Le signe de DC peut être moins bien visualisé dans un cartilage mince (articulations tarsiennes) ou un cartilage endommagé, comme dans l arthrose. - Le DC ne doit pas être confondu avec les fausses images du DC : Synoviale normale : bande hyperéchogène régulière comme tracée avec un stylo et n adhérant pas au cartilage. Un «vrai» DC adhère au cartilage dans les mouvements dynamiques. La présence d un épanchement articulaire, qui induit un renforcement de l écho de la paroi postérieure (augmentation de la propagation des ultrasons) et peut accentuer l aspect hyperéchogène normal de la synoviale. Un cartilage mince avec chondro-calcinose articulaire (CCA). Les images suivantes (fig.11-13) illustrent un cas de polyarthrite rhumatoïde séro-positive en poussée avec un aspect de faux double contour aux MTP. Figure n 11 : Polyarthrite rhumatoïde. MCP 2 gauche en coupe longitudinale avec synovite doppler positive. Figure n 12 a : Polyarthrite rhumatoïde. MTP 2 droite en coupe longitudinale avec épanchement articulaire et aspect de faux double contour. Figure n 12 b : Polyarthrite rhumatoïde. MTP 2 droite en coupe longitudinale. Disparition du faux double contour après compression de la MTP par la sonde. Figure n 13 a : Polyarthrite rhumatoïde. MTP 1 droite en coupe longitudinale avec épanchement articulaire et aspect de faux double contour.

5 Aspects échographiques de la goutte 23 et la spécificité était haute (tout > 98 %). La sensibilité du tophus était de 74 %, 42 % et 22 %, respectivement et la spécificité 100 % pour tous les sites. Pour les MTP, le signe de DC, mais pas du tophus, a été significativement associé à l uricémie (p < 0.05) et à la durée de maladie (p=0.01). Figure n 13 b : Polyarthrite rhumatoïde. MTP 1 droite en coupe longitudinale. Disparition du faux double contour après compression de la MTP1 par la sonde. Sensibilité, spécificité et reproductibilité de l échographie pour le diagnostic de la goutte Plusieurs études ont analysé la sensibilité et la spécificité du DC et du tophus pour le diagnostic de la goutte. Peiteado D et all [2] ont analysé 10 sites articulaires chez 53 patients goutteux et 50 témoins et ce pour déterminer la sensibilité et la spécificité du double contour (DC) et du tophus dans chaque site articulaire. Les sites articulaires explorés étaient : les métatarso-phalangiennes (MTP) 1-2 des deux côtés, les genoux et les métacarpo-phalangiennes (MCP) 2-3 des deux côtés. Dans cette étude, la reproductibilité inter-lecteur était excellente tant pour le signe de DC que pour le tophus. La sensibilité du signe de DC était de 67 % pour les MTP, 57 % pour les genoux et 21 % pour les MCP Déclaration d intérêt L auteur déclare n avoir aucun conflit d intérêt. Références 1. Ottaviani S, Richette P, Allard A, Ora J, Bardin T. Ultrasonography in gout: a case-control study. Clin Exp Rheumatol Jul- Aug;30(4): Peiteado D, De Miguel E, Villalba A, Ordóñez MC, Castillo C, Martín-Mola E. Value of a short four-joint ultrasound test for gout diagnosis: a pilot study. Clin Exp Rheumatol Nov- Dec;30(6): Rennie G. Howard, Michael H. Pillinger1, Soterios Gyftopoulos1, Ralf G. Thiele, Christopher J. Swearingen, and Jonathan Samuels1. Reproducibility of Musculoskeletal Ultrasound for Determining Monosodium Urate Deposition: Concordance Between Readers Arthritis Care Res (Hoboken) October ; 63(10):