ACTIVITE PHYSIQUE ET SANTE DE L ENFANT : L ECOLE EN MOUVEMENT

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1 1 ACTIVITE PHYSIQUE ET SANTE DE L ENFANT : L ECOLE EN MOUVEMENT La prévalence de l obésité chez l enfant augmente dans tous les pays industrialisés et va continuer à s aggraver. Afin de freiner cette progression, la promotion de l activité physique chez les enfants et les adolescents a été identifiée comme un des objectifs principaux pour promouvoir la santé de cette population. Dans ces conditions, le développement et l évaluation de programmes visant à favoriser l activité physique chez les enfants et les adolescents est une priorité. L école reste un acteur privilégié pour l éducation à l importance de l activité physique et pour favoriser la pratique sportive des enfants. LES CHIFFRES Depuis plusieurs années le surpoids et l obésité infantiles ne cessent de progresser dans la plupart des pays industrialisés. La récente étude française "Etude Nationale Nutrition Santé" (1) de 2006 réalisée sur 1700 enfants français âgés de 3 à 17 ans fait état d'une prévalence de l'obésité de 3,5% et du surpoids (obésité exclue) de 14,3%. Chez les enfants de 3-10 ans, les filles présentent une prévalence supérieure à celle des garçons. Cette différence disparaît pour les tranches d'âge plus élevées. La progression de l épidémie d obésité se traduit par le fait que le nombre d enfants obèses ou en surpoids a doublé en France depuis 10 ans. POURQUOI S INQUIETER DE L OBESITE CHEZ L ENFANT? Les études longitudinales nous montrent maintenant clairement que l obésité de l enfant, surtout quand elle survient pendant la seconde décade de la vie, est un élément prédictif très important de l obésité à l âge adulte. En d autres termes, il est bien démontré qu un enfant obèse risque de rester obèse à l âge adulte : ce risque est faible pour les enfants de moins de 10 ans, il augmente ensuite avec l âge et il a été montré que 70% des enfants obèses de ans resteront obèses à l âge adulte. Cela signifie qu il faut craindre une aggravation de la prévalence de l obésité dans la population adulte dans les années à venir. Or l obésité chez l adulte s associe à un risque accru de mortalité précoce et de morbidité (maladies cardiovasculaires, diabète de type 2, cancer du colon dans les deux sexes et cancer du sein chez la femme). En effet, chez l adulte, l obésité est un facteur de risque cardiovasculaire à part entière. Par rapport aux sujets de poids normal, les obèses ont 3 fois plus de risques de mortalité par maladie cardiovasculaire et 2 fois plus de risques de mortalité toute cause confondue. De façon préoccupante, les résultats d une étude danoise montrent que l indice de masse corporelle chez l enfant est fortement corrélé au risque cardiovasculaire chez l adulte : un excès de poids de 11 kg chez un garçon de 13 ans majore le risque d évènements cardiovasculaires à l âge adulte de 33%. De plus, même un petit surpoids majore le risque cardiovasculaire (un excès de poids de 3,9 kg chez un garçon de 7 ans majore le risque d évènements cardiovasculaires à l âge adulte de 10%). Ces résultats sont observés dans les deux sexes à tous les âges (2). L une des raisons majeures qui a longtemps justifié le peu d attention portée à l obésité de l enfant est la progressivité avec laquelle s installent les facteurs de risque cardiovasculaire dont, sauf dans les cas les plus sévères, l expression ne sera patente qu à l âge adulte. Or, des travaux récents démontrent que l obésité de l enfant n est pas un simple facteur de risque de développement d une obésité à l âge adulte mais une véritable maladie vasculaire qui débute dès l enfance. Ainsi, il a récemment été démontré que les flux vasculaires artériels, examinés

2 2 par échographie Doppler, sont anormaux chez les enfants obèses. L apparition des premiers signes d athérosclérose, y compris dans les artères coronaires, peut être très précoce (dès l âge de 2 ans). En fait, l obésité exerce un effet délétère sur la morbidité et la mortalité dès le début de la vie. Les grandes études épidémiologiques ont permis de déterminer le risque associé au seul fait d avoir été obèse à l adolescence et soulignent la surmortalité par accident vasculaire, cancer, en particulier du côlon dans les deux sexes et chez la femme, du sein. Ces résultats s expliquent par le fait que les facteurs de risque cardiovasculaire sont fréquemment retrouvés chez l enfant obèse : insulinorésistance, hypertension artérielle, hypercholestérolémie. ACTIVITE PHYSIQUE ET PREVENTION DE L'OBESITE L obésité est liée à un déséquilibre chronique entre dépenses énergétiques et apports alimentaires. Si les apports alimentaires ont peu augmenté depuis 50 ans, le niveau d activité physique a considérablement diminué chez l enfant et chez l adulte. La comparaison des enquêtes successives mesurant l activité physique des enfants et adolescents fait ressortir une diminution de l activité pour une même classe d âge depuis le début des années De plus, quel que soit l âge, les garçons ont un niveau d activité physique plus élevé que les filles. Le niveau d activité physique est un des déterminants majeurs de l évolution de la composition corporelle et donc de la masse grasse. Ainsi, chez l enfant, il a été bien démontré que la prévalence de l obésité augmente avec la réduction de l activité physique (3). Par exemple, le suivi longitudinal d enfants de 4 ans montre un effet protecteur de l activité physique sur le gain de masse grasse pendant l enfance et à l adolescence (4). L'activité physique joue aussi un rôle important pour la santé physique et psychosociale des enfants et adolescents et tient une part fondamentale dans la croissance et la maturation. Des travaux récents ont aussi montré le rôle bénéfique de l activité physique régulière chez l enfant obèse avec une diminution de l insulinorésistance et une amélioration du bilan lipidique indépendamment d effets sur la perte de poids (5; 6). Par contre, chez l enfant obèse l activité physique ne fait pas maigrir. Seul le régime hypocalorique peut induire une perte de poids significative chez le sujet obèse ou en surpoids. QUELLE ACTIVITE PHYSIQUE CHEZ L ENFANT? Actuellement, nous ne disposons pas chez l enfant, contrairement à l adulte, de données permettant d établir avec précision la quantité et le type d activité physique nécessaires à un effet positif sur la santé immédiate et future des jeunes. Il avait été initialement proposé d utiliser chez l enfant les mêmes recommandations que celles destinées aux adultes (au moins 30 minutes par jour d activité d intensité modérée). Cependant, les conclusions de conférences de consensus récentes s accordent aujourd hui pour dire que ceci n est probablement pas suffisant. Un minimum de 60 minutes (et non 30 minutes) par jour d activités physiques d intensité modérée à élevée est souhaitable chez les jeunes, sous forme de sports, de jeux ou d activités de la vie quotidienne (Strong et al., 2005). Les recommandations récentes du Department of Health du Royaume-Uni (2004) ajoutent que «au moins deux fois par semaine, ceci devrait inclure des activités permettant d améliorer la santé osseuse (activités qui induisent une forte contrainte physique au niveau osseux), la force musculaire et la souplesse». LA PROMOTION D UN MODE DE VIE PHYSIQUEMENT ACTIF DOIT ETRE L AFFAIRE DE TOUS.

3 3 Une méta-analyse récente tente de faire le point sur l efficacité des différentes méthodes qui ont pu être mises en place pour promouvoir l activité physique chez les enfants et les adolescents (7). 77 articles ont été analysés incluant 57 études : il apparaît que seule une approche à plusieurs niveaux pour promouvoir l activité physique (combinant des interventions à l école, des interventions au niveau de la famille ou de la communauté, associées à des changements environnementaux et politiques) pourra avoir une efficacité chez l enfant et l adolescent. La structure familiale, les parents, l entourage Plusieurs travaux ont porté sur le rôle que pourrait jouer la structure familiale : biparentale ou monoparentale, avec ou sans fratrie. Les résultats sont peu discriminants. Le rôle des parents répond d abord au vieil adage : convaincu convainquant. Les conseils sont efficaces surtout quand le ou les parents pratiquent l activité physique avec l enfant. L influence de l encouragement à l activité physique prodigué par l entourage au sens large de l enfant est par contre bien démontrée. Hohepa et al. (2007) (8) ont testé l influence de l encouragement provenant de diverses sources : parents, autres membres de la famille (fratrie, cousins ), amis et camarades d école sur le niveau de participation à l activité physique au cours d une journée d école. Les possibilités d activité physique au cours d une journée d école (en dehors de l activité physique des cours d éducation physique) ont été divisées en 3 périodes : la longue récréation du repas de midi, après l école et pendant le trajet école-domicile. Les résultats mettent en évidence l importance de l encouragement mais la source d encouragement efficace diffère en fonction de la période considérée. Après l école, c est l encouragement des parents et des amis qui peut motiver l enfant à faire de l activité physique (mais chez les adolescents c est l influence des amis qui devient prépondérante) ; lors du temps libre du repas de midi pris à l école, le rôle exclusif des amis est mis en évidence. Par contre, il n y aucun effet de l encouragement social pour augmenter l activité physique lors du transport maison-école car seuls les facteurs environnementaux entrent en compte (distance domicile-école, sécurisation du chemin pour aller à l école). L école L intérêt de programmes d activité physique ciblés pendant les périodes d école est que ces programmes peuvent potentiellement toucher tous les enfants. Plusieurs démarches ont été proposées avec des résultats plus ou moins encourageants. Il ressort des différentes études qu une intervention multidisciplinaire doit être mise en place au sein de l école afin d augmenter l activité physique tout en modifiant l environnement scolaire chez les enfants pendant toute l année scolaire. Les modifications environnementales doivent porter sur la création d un environnement propice à l activité physique afin de rendre l environnement immédiat de l école plus stimulant pour l activité physique. Ces modifications impliquent les professeurs et le personnel de l école mais aussi la famille des enfants et toute la communauté. L objectif n est pas d obtenir que toutes les écoles soient sur le même moule mais d utiliser les moyens locaux, propres à chaque école pour les faire évoluer dans un sens de promotion de l activité physique. L implication de tous, enseignants et personnel de l école, famille et communauté est un point fort de cette prise en charge réussie. D autres études ont montré que laisser accessibles les installations scolaires en dehors des heures d école était aussi un moyen efficace pour favoriser l activité physique des enfants et adolescents. L enfant et ses goûts

4 4 En plus des goûts personnels de l enfant qui dépendent de son éducation, son environnement, sa personnalité, il faut savoir que, naturellement, le type d activité physique des enfants varie avec l âge. Pour les très jeunes, il n'existe pas d'évidence scientifique pour recommander spécifiquement un programme d'exercices. Les activités physiques de cette population consistent à favoriser un développement psychomoteur basé sur le jeu, qu'il est nécessaire de valoriser. Jusqu'à l'âge de 12 ans, l'éducation à l'activité physique est fondamentale pour pérenniser l'activité physique dans la pratique quotidienne des enfants. L'activité doit être axée sur le jeu, élément moteur du plaisir à cet âge. Après 12 ans, l'activité physique doit apporter un cadre de fonctionnement avec les amis. C'est moins le plaisir personnel que le fait de se trouver entre amis qui est le moteur de la pratique. Les exercices de type endurance peuvent être pratiqués et le renforcement musculaire doit être associé aux autres activités. Tenir compte des goûts de l enfant, c est aussi comptabiliser (évaluer) le temps passé devant la télé ou devant un écran vidéo. Les jeux et activités auxquels les enfants s adonnent sont un déterminant majeur de leur niveau de dépense d énergie. Une corrélation étroite existe entre le temps passé devant la télévision et le pourcentage de sujets obèses : les études américaines ont révélé une augmentation de prévalence de l obésité de 2 % par heure de télévision hebdomadaire supplémentaire. Or la dépense d énergie pendant la contemplation d une émission télévisée est proche de la dépense énergétique de repos. Il faut toutefois souligner que ces travaux ne permettent pas d évaluer la part d un éventuel grignotage associé à ces comportements sédentaires. Rien ne sert d interdire de façon catégorique, donc illusoire, télévision et jeux électroniques auxquels il faut trouver une place plus limitée et faisant suite à la dépense physique dans l organisation d une journée. Il s agit, en définitive, de maintenir ou redonner une place normale aux activités de la vie quotidienne, marche, montée des escaliers et d encourager une vie active et agréable. L environnement extérieur La plupart des études montrent que le temps passé à l extérieur est corrélé au niveau d activité physique. Cependant, l analyse du type d environnement qui favorise la pratique d activité physique à l extérieur de la maison montre qu il faut des lieux sécurisés de pratique. Enfin, il apparaît aussi que le meilleur facteur prédictif de l activité physique chez les enfants et les adolescents est l inscription à un club sportif. De façon générale, il faut inviter les enfants à pratiquer et apprendre de nouvelles activités physiques et de nouveaux sports et à apprendre ainsi comment ces efforts peuvent leur permettre d acquérir de nouvelles compétences, de nouvelles aptitudes et une confiance accrue en eux-mêmes. En conclusion, l activité physique chez l enfant est l affaire de tous : parents, écoles (et au sein de l école elle concerne l ensemble du personnel et ne se restreint pas au rôle du seul professeur d éducation physique), urbanistes, politiques, clubs sportifs, médecins. Il faut l encouragement continu de chacun et de tous. Rien ne sert d interdire de façon catégorique, donc illusoire, télévision et jeux électroniques auxquels il faut trouver une place plus limitée et faisant suite à la dépense physique dans l organisation d une journée. Il s agit, en définitive, de maintenir ou redonner une place normale aux activités de la vie quotidienne, marche, montée des escaliers et d encourager une vie active et agréable. Un contact constructif avec le professeur d éducation physique à l école peut donner à l enfant le goût et le plaisir de bouger.

5 5 Références bibliographiques 1. ENNS. Situation nutritionnelle en France en 2006 selon les indicateurs d'objectifs et les repères du PNNS. Unité de Surveillance et d'épidémiologie nutritionnelle (USEN).Etude nationale nutrition santé (ENNS 2006). Institut de Veille Sanitaire, Université de Paris 13, Conservatoire National des Arts et Métiers, 74 pages Baker JL, Olsen LW and Sorensen TI. Childhood body-mass index and the risk of coronary heart disease in adulthood. N Engl J Med 357: , Hills AP, King NA and Armstrong TP. The contribution of physical activity and sedentary behaviours to the growth and development of children and adolescents: implications for overweight and obesity. Sports Med 37: , Kimm SY, Glynn NW, Obarzanek E, Kriska AM, Daniels SR, Barton BA and Liu K. Relation between the changes in physical activity and body-mass index during adolescence: a multicentre longitudinal study. Lancet 366: , Watts K, Beye P, Siafarikas A, Davis EA, Jones TW, O'Driscoll G and Green DJ. Exercise training normalizes vascular dysfunction and improves central adiposity in obese adolescents. J Am Coll Cardiol 43: , Hallal PC, Victora CG, Azevedo MR and Wells JC. Adolescent physical activity and health: a systematic review. Sports Med 36: , Van Sluijs EM, McMinn AM and Griffin SJ. Effectiveness of interventions to promote physical activity in children and adolescents: systematic review of controlled trials. BMJ 335: 703, Hohepa M, Scragg R, Schofield G, Kolt GS and Schaaf D. Social support for youth physical activity: Importance of siblings, parents, friends and school support across a segmented school day. Int J Behav Nutr Phys Act 4: 54, 2007.