Mieux comprendre les fluorochromes pour la microscopie

Dimension: px
Commencer à balayer dès la page:

Download "Mieux comprendre les fluorochromes pour la microscopie"

Transcription

1 La Microscopie confocale Formation Permanente, CNRS, Gif-sur-Yvette octobre 2011 Mieux comprendre les fluorochromes pour la microscopie Spencer BRWN et Christel PUJL*, «Dynamique de la compartimentation cellulaire», Institut des Sciences du Végétal, CNRS UPR2355, Gif-sur-Yvette, et *Plate-forme d'imagerie Cellulaire de l'institut de Neurosciences, Institut François Magendie, Université de Bordeaux II, Bordeaux cedex I) Principe de la fluorescence II) Caractéristiques des spectres d absorption et d émission des fluorochromes III) Propriétés des fluorochromes III.1) Le rendement quantique III.2) Le coefficient d extinction III.3) La durée de vie de fluorescence IV) Autres propriétés des fluorochromes IV.1) La polarisation IV.2) La photostabilité V) Facteurs influençant la fluorescence : l environnement V.1) La polarité V.2) Le ph V.3) Les ions métalliques V.4) Concentration ou agrégation V.5) Température V.6) Quenching V.7) Pénétration des fluorochromes dans la cellule VI) Montage de l échantillon VII) Choix d une sonde fluorescente VII.1) Les paramètres fonctionnels VII.2) Les paramètres structuraux VII.3) Contrainte liée à l excitation VII.4) Recouvrement des spectres d émission VII.5) Autofluorescence VII.6) Quantification VII.7) Techniques ratiométriques VII.8) Les nanoparticules VIII) Perspectives

2 Spencer BRWN & Christel PUJL CNRSFormation : La Microscopie Confocale 2 En microscopie confocale, notre objectif est d'obtenir un signal spécifique, durable et fort (peut-être plusieurs signaux) sans dégradation et en respectant autant que possible les fonctions cellulaires. L'efficacité du processus doit être constante dans le temps et globalement homogène dans l'espace pour que la microscopie soit quantitative. Les sondes fluorescentes marquent des cellules fixées, mais aussi des cellules vivantes. Leur utilisation permet d accéder à plusieurs types d informations : - marquage de structures subcellulaires qui correspondent généralement à des macromolécules ou à un ensemble de constituants (ADN, protéines du cytosquelette, ) ou à des molécules constitutives de taille plus faible mais présentes en concentration significative sur un organite ; - couplés à un anticorps, des fluorochromes sont aussi utilisés comme révélateur de réactions immunologiques. Les innovations fortes sont le développement de marqueurs supposés plus brillants et plus stables, avec des spectres d excitation et d émission plus étroits (gamme des Alexa Fluors par exemple pour des observations immunocytochimiques sur cellules fixées) ; - mesure de modifications métaboliques ou physiologiques rapides dans des cellules vivantes (activités enzymatiques, mouvements ioniques, perméabilité membranaire, ) ; - étude de la dynamique des protéines et des mouvements inter- et intra-cellulaires in vivo. Ce dernier aspect a fait l objet de développements remarquables ces dernières années, de nombreux marqueurs pour cellules vivantes pouvant être utilisés simultanément (exemple des marqueurs de mitochondries excités et émettant dans diverses parties du spectre, ou de divers dérivés des Protéines Fluorescentes (voir cours à part : et Bolte et al. 2007) Dans ce chapitre, nous rappelons le principe de la fluorescence, les propriétés des sondes fluorescentes et l influence de l environnement. Tous ces éléments seront à prendre en compte pour répondre à la question : «Quel choix de fluorochromes?». Citons des références très utiles : sur la fluorescence et spectroscopie Lakowicz (2006), Valeur (2002, 2004), sur les fluorochromes pour la biologie et colorants : The Molecular Probes Handbook (anonymous, 2010) et Conn s 10e édition (Horobin et Kiernan 2002). I) Principe de la fluorescence La fluorescence est une forme de luminescence se produisant suite à l absorption de photons par une molécule de type fluorophore, fluorochrome ou sonde fluorescentes. C est un phénomène physique classé dans l ensemble des phénomènes de luminescence comprenant la photoluminescence (fluorescence, phosphorescence) et les autres types de luminescence (chimiluminescence, bioluminescence...). La photoluminescence est un phénomène radiatif consécutif à une excitation lumineuse tandis que la chimiluminescence est un phénomène radiatif consécutif à une réaction chimique (chimiluminescence vraie) ou enzymatique (bioluminescence). Ces différents phénomènes se distinguent essentiellement par la nature de l énergie d excitation impliquée. LUMINESCENCE PHTLUMINESCENCE CHIMILUMINESCENCE BILUMINESCENCE Fluorescence Phosphorescence THERMLUMINESCENCE (singulet) (triplet) ELECTRLUMINESCENCE, etc La photoluminescence se traduit par l'émission de photons par une molécule qui a été irradiée par un faisceau lumineux généralement dans une gamme de longueur d onde s échelonnant du visible à l ultraviolet. La photoluminescence englobe deux processus: la fluorescence et la phosphorescence, qui dépendent de la nature des états fondamentaux et excités de la molécule

3 Spencer BRWN & Christel PUJL CNRSFormation : La Microscopie Confocale 3 considérée. La figure 1 représente le diagramme de Jablonski très simplifié schématisant les différents niveaux d énergie d une molécule et les différents phénomènes liés à la photoluminescence. La fluorescence a lieu suite à une absorption de lumière, elle est caractérisée par l émission de photons qui se produit lors des transitions électroniques d une molécule entre un état excité singulet S1 vers l état fondamental singulet S0 (relaxation). L excitation lumineuse peut être induite par un seul photon (absorption monophotonique) ou par l interaction simultanée de deux (ou trois) photons dont la somme d'énergie est égale à un photon excitateur pour former un exciton (l optique non-linéaire : absorption biphotonique, triphotonique). Par exemple deux photons à 700 nm peuvent ainsi exciter le DAPI comme un seul photon à 350 nm. (Ce principe est mis en œuvre dans la microscopie biphotonique.) Le temps nécessaire à l absorption est immédiat, de l ordre de s (fs). La durée de vie moyenne de l état excité est de l ordre de 10-9 à 10-7 s (>ns). La phosporescence est un type de phospholuminescence qui persiste après l arrêt de l excitation lumineuse (comme sur un écran cathodique). En effet, elle se distingue de la fluorescence par le mode de désexcitation de la molécule. La phosphorescence est caractérisée par des transitions électroniques entre un état triplet excité T et l état fondamental. Dans ce cas, la durée de vie moyenne de l état excité est plus longue, elle s échelonne typiquement d une centaine de microsecondes à quelques secondes. Figure 1. Représentation schématique des niveaux d énergie des électrons d une molécule fluorescente et d une molécule quencher et des différentes voies possibles correspondant aux phénomènes de photoluminescence. Les lignes horizontales représentent les niveaux d énergie, pour simplifier seuls les niveaux d énergie électroniques sont indiqués. S : état singulet ; T : état triplet ; les indices 0, 1 et 2 représentent respectivement l état fondamental, le premier et le second niveau d énergie. Les lignes verticales représentent les transitions entre les différents niveaux d énergie : lignes pleines: transitions impliquant des photons et lignes pointillées : transitions non radiatives (couplage intersystème, cis ; conversion interne, ci). Les boîtes représentent les niveaux et les spins électroniques. Une diffusion non-élastique de la lumière par les molécules, les ions, les atomes, produit l effet Raman avec un déplacement de Stokes (moins énergétique) et anti-stokes (plus énergétique), beaucoup plus faible que la fluorescence. La relaxation S1 vers S0 peut être provoquée par un photon ayant l énergie équivalente, avec émission d un autre photon identique : ce processus non-linéaire sert pour le STED (Light Stimulated Emission). Plus précisément, dans des conditions normales, le niveau d énergie des électrons d une molécule a une valeur minimale (niveau fondamental, S 0 ). Lorsqu une quantité appropriée d énergie électromagnétique est fournie à une molécule, cette molécule peut passer de l état stable S 0 à un état excité supérieur S 1 ou S 2, chacun de ces états ayant encore divers niveaux d énergie vibrationnelles, rotationnelles, etc. Après un certain temps, avec d abord des réorganisations

4 Spencer BRWN & Christel PUJL CNRSFormation : La Microscopie Confocale 4 concernant les faibles énergies vibrationnelles etc., l électron quitte l état excité pour retrouver son état d énergie initial. Ce retour peut se produire suivant différentes voies : - soit ce retour se fait directement vers l état fondamental S0 et on a émission d un photon de fluorescence, - soit ce retour se fait par étapes successives avec passage pendant un certain intervalle de temps à des niveaux d énergie intermédiaires. Ainsi une molécule excitée à un niveau élevé (état S 2 ou supérieur) est rapidement désexcitée en suivant un processus non radiatif (conversion interne) et atteint l état excité métastable S 1. Une conversion interne S 1 S 0 peut se produire rapidement, cependant, dans le cas des molécules fluorescentes, cette vitesse est suffisamment lente pour que la désexcitation par émission de lumière puisse avoir lieu. La fluorescence est aussi en compétition avec le passage intersystème : état singulet S 1 état triplet T 1, l émission de lumière qui accompagne le passage T 1 S 0 est appelée phosphorescence. Signalons que la probabilité de passage de S1 vers T1 est au moins un ordre plus faible que la désexcitation radiative S1 vers S0, - soit la molécule revient dans son état fondamental sans émission de photons. Ces transitions non radiatives sont plus ou moins fréquentes en fonction de divers paramètres liés à l environnement direct de la molécule et la présence de quencher, produisant une baisse du rendement quantique. Evidemment, bien d autres interactions lumière / matière sont possibles : la diffusion Raleigh (sans changement d énergie photonique) qui limite beaucoup notre travail sur tissus, et la diffusion Raman (élastique, Stokes et anti-stokes) exploitée dans certaines microscopies spectrales. II) Caractéristiques des spectres d absorption et d émission de fluorescence d une molécule Chaque molécule peut être caractérisée par des spectres d absorption et d émission qui lui sont propres et qui reflètent la distribution de probabilités des transitions énergétiques. Ils sont caractéristiques de la structure énergétique des molécules. Comme nous l'avons vu, une partie seulement de l énergie absorbée peut être émise sous forme de rayonnement, moins énergétique (ainsi longueur d'onde λ du maximum d'excitation < λ du maximum d'émission). Le spectre d'absorption est caractéristique d'une molécule dans un environnement donné et le spectre d'excitation de son éventuel centre fluorescent lui est très généralement identique. Le spectre d émission de fluorescence est approximativement une image inversée (effet miroir) du spectre d absorption. Chacun est sans doute familier avec la fluorescence de l iso-thiocyanate de fluorescéine ou FITC (Figure 2A), son spectre d'émission étant approximativement l'image miroir décalée vers le rouge de la bande d'absorption située vers les plus courtes longueurs d'onde. n note que le spectre d'émission conserve sa forme indépendamment de la partie du spectre d'excitation effectivement exploitée par la source lumineuse. Par contre, l'efficacité du processus sera modifiée, et des phénomènes annexes comme la photodestruction ou la dépendance sur ph peuvent être largement modifiés. La distance entre les maxima d'excitation et d'émission s'appelle le déplacement de Stokes (ou Stokes Shift) (pour la fluorescéine, respectivement 495 nm et 521 nm, soit un Stokes Shift = 26 nm). Si ce déplacement est faible, il sera difficile de séparer les longueurs d onde d excitation et d émission au moyen de filtres. En pratique, pour pouvoir séparer efficacement, à l'aide de miroirs dichroïques, la forte lumière incidente (λ 1 ) de la faible fluorescence émise (λ 2 ), ce déplacement doit être >20 nm. Éventuellement, un déplacement de Stokes important (vis. chlorophylle, iodure de propidium, Red670, Tricolor) facilitera la réalisation de marquages multiples en conjonction avec des fluorochromes ayant des déplacements de Stokes plus faibles (FITC, RITC, Texas Red).

5 Spencer BRWN & Christel PUJL CNRSFormation : La Microscopie Confocale 5 L effet «miroir» entre spectres d excitation et d émission n est pas toujours observé : des dissimilitudes entre les deux spectres peuvent révéler l existence de plusieurs formes de la molécule considérée, caractérisées par des longueurs d onde d absorption et/ou d émission différentes (cas de la chlorophylle, Figure 2B). Les spectres d excitation biphotonique ressemblent à peu près aux spectres conventionnels d absorption (mais fortement émoussés), décalés d un facteur 2x (sur l axe λ nm) ; le spectre d émission reste inchangé. iso-thiocyanate de fluorescéine PM : 389 dalton acide faible pka 6,4 φ 0,85 ε M -1.cm -1 H CH N C S Figure 2. (A) Spectres d'excitation et d'émission d'iso-thiocyanate de fluorescéine dans l'eau à ph 7. Intensité de l'émission à une longueur d'onde fixe en balayant les longueurs d'onde d'excitation, et inversement. (B) Spectres d'absorption ( ) et de l'émission ( ) de la chlorophylle in situ de Chlorella vulgaris à 4 K (d'après Kramer et al, 1985), (voir également figure 10). Notons plusieurs exceptions à la Loi de Stokes : l excitation biphotonique, et aussi une émission anti-stokes observée dans des upconverted luminescence nanocrystals donnant une fluorescence orange après excitation dans l infra-rouge (Wu et al. 2009). III) Propriétés des fluorochromes Absorbance (D, ) Intensité (UA, ) iso-thiocyanate 1 de fluorescéine excitation Chlorella vulgaris déplacement de Stokes émission Longueur d onde (nm) Trois autres caractéristiques importantes de l émission de fluorescence sont le rendement quantique, le coefficient d extinction et le temps de déclin de fluorescence. III.1) Le rendement quantique L efficacité de l émission de lumière fluorescente pour une molécule donnée est déterminée par le rendement quantique φ, phi, défini par le rapport entre le nombre de photons de fluorescence émis et le nombre de photons absorbés par la molécule. Les fluorochromes ont des rendements quantiques compris entre 0,1 et 1. rendement quantique, φ f I f = φ f I a I f et I a = nombre de quanta par unité de temps et de surface recevant (a) et émettant (f) la lumière Exemple : φ f 0,85 pour la fluorescéine. Remarque : Pour la sonde iodure de propidium, le rendement quantique s améliore de 100 fois lorsqu il est intercalé dans l ADN. Intensité (UA, ) Intensité (UA, )

6 Spencer BRWN & Christel PUJL CNRSFormation : La Microscopie Confocale 6 III.2) Le coefficient d extinction L intensité d absorption (optical cross-section of a molecule) ou coefficient d'extinction ε ou absorbance spécifique reflète la probabilité d absorption. Sa valeur peut constituer un critère pour le choix des colorants ; plus ε est grand, plus élevée sera la fluorescence à intensité lumineuse incidente égale. (exemple pour la fluorescéine à 488 nm, ε = 8 x 10 4 M -1. cm -1 ) L intensité de fluorescence ou «brillance» d une sonde est déterminée par le produit du coefficient d extinction et du rendement quantique. Le tableau 1 donne quelques exemples d intensité de fluorescence de certains fluorochromes et par comparaison les valeurs obtenues pour le tryptophane et des boîtes quantiques (Quantum Dots, nano-particules inorganiques). Tableau 1 : Exemple de valeurs caractérisant la fluorescence à 490 nm à 490 nm ε (M -1. cm -1 ) φ brillance (unité arbitraire) fluorescéine , Cyanine , EYFP , B-phycoérythrine , tryptophan ,1 600 Quantum Dot , Quantum Dot , NL Action cross section = absorption cross section (en NL) multiplié par le rendement quantique. 1 Göppert-Mayer = cm 4. s En imagerie quantitative, on cherche une réaction linéaire entre concentration de fluorochrome et intensité de signal. Avec une absorbance spécifique très réduite ( ε.c.l < 0,02 ), la loi d absorption de Beer-Lambert : I a = I o - I t = I o ( ε.c.l ) I o, intensité lumineuse incidente I t, intensité lumineuse transmise C, concentration de la molécule absorbante, en mol.l -1 l, trajet optique, en cm (M) se simplifie à I f 2,3 φ f. I o. ε.c.l soit une relation linéaire entre C, la concentration du fluorophore, et I f, l'intensité d'émission. III.3) La durée de vie de fluorescence La troisième caractéristique importante d une molécule fluorescente est le temps de déclin, ou durée de vie de fluorescence, τ f (tau). Elle correspond à la durée de vie moyenne de l état excité. La plupart des fluorochromes ont des durées de vie de l ordre de la nanoseconde. Plus ce temps sera court, meilleur sera la sensitivité du fluorochrome. En effet, plusieurs excitations successives seront possibles car il repassera rapidement dans son état fondamental.

7 Spencer BRWN & Christel PUJL CNRSFormation : La Microscopie Confocale 7 durée de vie du singulet excité le plus bas = tau, la constante de temps de déclin de fluorescence, τ f τ f = φ f. τ N τ N, constante de temps intrinsèque de l'état excité (en considérant seule la fluorescence). φ F, rendement quantique (exemple : τ f 4 ns pour la fluorescéine dans l'eau) IV) Autres propriétés des fluorochromes (d après Valeur 2002, 2004 ; Hovius et al, 2000) IV.1) La polarisation Les vecteurs électromagnétiques associés à la propagation d'une onde peuvent être quelconques (isotropes) ou plus ou moins anisotropes. Les fluorophores absorbent préférentiellement les ondes lumineuses dont le champ électromagnétique est parallèle à leur dipôle d absorption : un faisceau polarisé privilège une sous-population moléculaire ayant les orientations favorables. Il y a photosélection des molécules (Figure 3). Si les molécules étaient immobiles, leur excitation par une lumière polarisée rectilignement donnerait naissance à une radiation polarisée dans la direction du dipôle d émission de la molécule. Cependant, étant donné le phénomène de diffusion moléculaire, et plus particulièrement la rotation des molécules, la fluorescence émise va se dépolariser. Ainsi, le degré de polarisation (p) de l émission quelques ns plus tard (en fonction de τ f ) fournira un renseignement sur la microviscosité de l environnement moléculaire. Dans la pratique, l anisotropie d émission (r) est rarement accessible sur des microscopes. Dans un couple FRET, l anisotropie d émission résiduelle du donneur augmente et τ apparent diminue au fur et mesure que le transfert d énergie augmente. Mais prenons le cas de la dimérisation de la GFP. A cause d un homo-fret de GFP::GFP, l anisotropie d émission globale baisse à cause du transfert produisant une émission isotrope de l accepteur (voir Marqueur et al pour l imagerie d un récepteur muscarinique oligomèrique avec étiquette GFP). Bien que les lasers de microscopie confocale fournissent un faisceau polarisé verticalement, la polarisation de l'émission est ignorée dans les analyses. Par contre, elle est exploitée dans le mode épi-réflectance, en insérant dans le microscope une lame quart-d'onde et un filtre polarisé devant le détecteur pour rejeter les réflexions internes. (Détail pratique : des composants optiques de DIC peuvent être en conflit avec des faisceaux laser incidents.)

8 Spencer BRWN & Christel PUJL CNRSFormation : La Microscopie Confocale 8 Figure 3. Un laser polarisé opère une photosélection des molécules, celles ayant une orientation favorable. Prenons le cas d un fluorophore s insérant en parallèle avec des lipides membranaires d une vésicule : malgré une concentration uniforme, un secteur de cette vésicule va fluorescer plus qu un autre à cause de l excitation anisotrope. IV.2) La photostabilité La photostabilité correspond au nombre d'excitations que peut subir une molécule fluorescente avant d'être dégradée. C'est ainsi que la fluorescéine peut subir entre 10 4 et 10 5 excitations avant d'être détruite. Alors pendant le passage du laser pour constituer un pixel, une molécule va être excitée quelques centaines de fois. L état triplet est particulièrement vulnérable. Cette perte de fluorescence (photodéstruction = fading) est évidente avec la fluorescéine si le balayage est lent, mais moins avec la rhodamine. Les fluorochromes «AlexaFluor» (Tableau 5, Molecular Probes Invitrogen) et les Cyanines «Cy» sont de très intéressants alternatifs à la fluorescéine pour leur brillance, leur stabilité et leur indépendance de l environnement. Mais soyons clairs sur quel dérivé est utilisé : par exemple Cy3.18 ex 552, em 570 nm ; Cy3.5 ex 588, em 604 nm ; Cy5.18 ex 650, em 667 nm ; Cy5.5 ex 675, em 694. Dans tous les cas, le milieu de montage doit minimiser ce phénomène de photoinstabilité, notamment en dissipant de l'environnement les radicaux réactifs de toutes sortes. Sans doute à cause de phénomènes d'oxydation, des fluorochromes dans des environnements lipidiques cellulaires semblent très vulnérables à la photo-instabilité. Une exception utile est le dérivé styryl FM1-43 (et FM4-64, ayant une émission déplacée vers le rouge et donc compatible en contre-coloration avec GFP) qui s'insère dans la membrane plasmique et reste dans des vésicules d'internalisation. Il passe ainsi par des vésicules recyclées vers la synapse de terminaisons nerveuses: sur des tissus neuromusculaires, on peut l'imager de manière intermittente pendant des heures (Benoit et al, 1996, Meunier et al, 1997). Sur tissus végétaux vivants, FM1-43 et FM4-64 sont intéressants pour décorer par fluorescence l'histologie générale, et en contre-marquage de la GFP. Plus précisément, ces molécules servent pour suivre les membranes lors d endocytose chez les végétaux, méthode à prendre avec précautions (Bolte et al. 2004).

9 Spencer BRWN & Christel PUJL CNRSFormation : La Microscopie Confocale 9 V) Facteurs influençant la fluorescence : l environnement Les différentes caractéristiques de l émission de fluorescence : spectre, polarisation, rendement quantique et durée de vie de fluorescence ne constituent la signature d une molécule que sous certaines conditions. En effet, ces paramètres dépendent fortement de l environnement local de la molécule. Des changements plus ou moins importants peuvent se manifester sous l effet de divers facteurs. Nous n allons pas ici passer en revue détaillée les différents facteurs, mais seulement aborder les plus courants d entre eux qui sont le ph, la polarité, la présence d ions ou les éventuelles interactions avec d autres molécules (quenchers) (Figure 4). polarité potentiel électrique liaison hydrogène Figure 4. Représentation schématique des différents facteurs environnementaux susceptibles d influencer la fluorescence. (Valeur, 2002) ions Fluorescence moléculaire quenchers ph pression température viscosité V.1) La polarité La disponibilité d'un électron π, ou électron délocalisé d'un noyau aromatique, pour absorber l'énergie du champ électrique d'une onde photonique pour passer à l'état excité et ensuite émettre de nouveau un photon est très dépendante de son environnement. La polarité modifie la stabilité des formes moléculaires. Le fluorochrome étant davantage polaire à l'état excité qu'à l'état fondamental, la fluorescence aura lieu à des longueurs d'onde d'autant plus grandes qu'il est dans un environnement polaire car l'état excité y est plus stable. Donc, dans de nombreux cas, le spectre de fluorescence d un fluorochrome dépendra de son environnement physico-chimique : c est le cas par exemple du Rouge de Nil (Nile Red) qui émet dans le rouge quand il s insère dans des membranes phospholipidiques polaires et dans le jaune quand il est en contact avec des triglycérides neutres. Des rapporteurs de potentiel membranaire basés sur des protéines fluorescentes (Perron et al. 2009) et d autres fluorophores sensibles aux dipôles électriques membranaires émergent (Andrey et al. 2003, Klymchenko et al. 2009). La pénétration des fluorochomes dans la cellule peut dépendre de leur degré de lipophilicité : une sonde très lipophile (par exemple diphényle-hexatriène) tendra à partitionner sur tous les lipides, une sonde amphiphile avec une tête chargée (marqueurs de plasmalemme tels que FM1-43, FM4-64, TMA-DPH) restera enchâssée dans les membranes, tandis que d autres moins lipophiles traverseront les membranes avant de se concentrer dans certains compartiments subcellulaires (bisbenzimide Hoechst vers les bases AT de la chromatine, Rhodamine 123 avec sa charge positive délocalisée vers la mitochondrie à cause de la potentiel membranaire). Enfin, il faut noter qu une sonde fluorescente peut pénétrer par des mécanismes différents selon le règne cellulaire considéré : ainsi le Jaune Lucifer (Lucifer Yellow) déclaré imperméant aux membranes animales est en fait transporté activement par une membrane de cellule végétale (Cole et al. 1991). De même un marqueur de céramides accepté pour reconnaître le Golgi animal ne marque pas le Golgi des plantes (Satiat-Jeunemaître et al. communication personnelle).

10 Spencer BRWN & Christel PUJL CNRSFormation : La Microscopie Confocale 10 V.2) Le ph La protonation ou la déprotonation de groupes fonctionnels modifient profondément de nombreux fluorophores, soit au niveau de leur rendement quantique par rapport aux autres processus non radiatifs, soit au niveau de la forme des spectres d'excitation (cas de la GFPwt, pka 5,5 ou de la fluorescéine, pka 6,3) ou d'émission. Certains composés ont été développés pour estimer le ph en biologie cellulaire, e.g. BCECF (pk a 6,98); carboxy SNARF-1 (pk a 7,5) (Figure 5) et ses améliorations -4F ou -5F, diacétoxy-dicyanobenzène (ADB, pk a 8, qui produit par désestérification le DCH, 2,3-dicyanohydrochinon). Dans le cas de la sonde calcique Indo-1 (acide faible), la forme non dissociée dans un milieu acide tend à diffuser à travers des membranes, tandis que la forme dissociée sera accumulée dans un compartiment neutre (ou plus alcalin) comme le cytoplasme. Une base faible comme le rouge neutre (pka 6,8) diffuse à l état neutre puis est piégée par protonation dans les vacuoles acides. Ces sondes sont donc de bons marqueurs d une certaine compartimentation. iso(s)beste Figure 5. Spectres d'émission de fluorescence dépendant du ph, de la sonde ratiométrique carboxy-snarf-1, pour différentes excitations 488 (A), 514 (B), 534 (C). (anon 2010) Remarque : Un déplacement d'absorption vers des longueurs d'onde courte s'appelle hypsochrome, un vers les longueurs d'onde plus grandes, bathochrome. V.3) Les ions métalliques n peut citer la forte dépendance de la fluorescence de la mithramycine et de la chromomycine envers Mg 2+ et la perte de fluorescence du colorant bisbenzimide Hoechst en présence d'un bromure incorporé sur l'adn. n observe souvent une perte de la fluorescence en présence de Mn 2+, particulièrement avec les sondes chélatrices de calcium. Evidemment, on a développé des sondes fluorescentes pour estimer l'activité de divers ions comme Ca 2+, Mg 2+, Na +, etc. (Hawes et Satiat-Jeunemaître 2001 ; Mason, 1999 ; Métézeau et al, 1994 ; Handbook of Molecular Probes, anon 2010) : avec de nombreux dérivés modifiés pour leur affinité (K d ) ou encore pour contrôler leur localisation et sonder, par exemple, une surface membranaire. V.4) Concentration ou agrégation Des effets de filtre interne à fortes concentrations et surtout de dimérisation ou d'agrégation vont modifier les propriétés spectrales et l'efficacité de la fluorescence, permettant la mise en oeuvre de certaines stratégies méthodologiques en biologie cellulaire. Par exemple, une forte concentration de carboxy-fluorescéine (1 mm) est quasi non-fluorescente : des liposomes contenant cette concentration, internalisés, rendent la cellule fluorescente seulement une fois dégradés. La carbocyanine lipophile JC-1, comme les colorants semblables DiC (x) y avec charges positives

11 Spencer BRWN & Christel PUJL CNRSFormation : La Microscopie Confocale 11 délocalisées, s'accumule en réponse à une différence de potentiel décrite par la loi de Nernst dans un compartiment négatif, tel la mitochondrie (facteur d accumulation ~10x pour une potentiel de -61 mv). Sa forme monomérique donne une fluorescence verte. Après hyperpolarisation de la membrane, un empilement sur la face négative interne de la membrane produit des agrégats-j, avec une émission déplacée vers le rouge. Le rapport I rouge / I vert reflète l'hyperpolarisation. V.5) Température Généralement, le rendement quantique d un fluorochrome augmente avec une baisse de la température. V.6) Quenching En absence de couplage intersystème et de conversion interne, le rendement quantique approche la valeur maximale de 1. Si l on ajoute, dans la solution contenant le fluorophore, des molécules qui vont entrer en collision avec les molécules fluorescentes ou des molécules capables de former avec elles des complexes qui n émettent pas de radiation lumineuse, d autres voies de désexcitation vont pouvoir se produire. Ces deux types de molécules vont jouer le rôle de quenchers de la molécule fluorescente : lors des collisions intermoléculaires, l énergie électronique sera convertie en énergie cinétique et de vibrations, c est le quenching dynamique. Le quenching statique est observé lors de la formation de complexes non fluorescents. Dans les deux cas, la valeur du rendement quantique va décroître et la fluorescence sera faible, voire non détectable. Le (F)RET est un cas particulier de quenching (voir cours spécifique FRET/FLIM). V.7) Pénétration des fluorochromes dans la cellule Comment faire pénétrer un fluorochrome dans des cellules vivantes? (Tableau 2) Normalement, une sonde lipophile va s'insérer dans la membrane et soit y rester, comme le fait FM1-43 et FM4-64 (ancrée par leur charge), soit en marquant par échange toutes les phases lipidiques comme le fait Nile Red (neutre). D'autres sondes amphiphiles franchissent la membrane avant de se concentrer dans certains compartiments cellulaires, comme Hoechst vers le noyau, ou la Rhodamine 123 vers la mitochondrie (sa forme protonée est captée dans l'intérieur électronégatif de cet organite). Une base faible s accumule dans un compartiment acide comme la vacuole (piégée par protonation). Un acide faible s accumule dans un compartiment alcalin dû à son état dissocié et chargé. Une stratégie majeure consiste dans la préparation de dérivés estérifiés, assez lipophiles pour traverser une membrane : on compte ensuite sur des estérases cellulaires pour libérer le composé actif sur place. Pour résumer, il faudra finalement bien connaître les caractéristiques physico-chimiques d un fluorochrome pour une utilisation optimale : classe de composé, pka, pki, coefficient d extinction, brillance, photostabilité, etc., et être vigilant aux conditions de l environnement du fluorochrome qui pourraient éventuellement changer ses caractéristiques. Il faudra comprendre l action d un fluorochrome avant de le déclarer spécifique d un marquage donné, et compléter les analyses obtenues par des approches complémentaires.

12 Spencer BRWN & Christel PUJL CNRSFormation : La Microscopie Confocale 12 Tableau 2. Quelques mécanismes de pénétration des fluorochromes dans la cellule ± diffusion : exemple, iodure de propidium diffuse à travers une membrane dégradée ; exclus par une membrane intacte lipophilicité : Nile Red, DPH (di-phenyl-hexatriéne) ; DiIC 18 (3) sur membranes neuronales lipophile et polaire : = ancrage. TMA-DPH (tetra-méthyl-dph), FM1-43, FM4-64 (amino-styryls) amphiphile : bisbenzimide Hoechst (perméant) versus Hoechst (non perméant) amphiphile avec charge délocalisée : base faible : exemples avec charges positives, DiC 6 (3), JC-1, Rhodamine123. Vers la mitochondrie, leurs formes chargées seront captées à l'intérieur électronégatif de cet organite, d après l équation simplifié de Nernst : distribution d une molécule perméante de part et d autre d une membrane chargée V(mV) V = -61,5 log ( [M + ] i / [M + ] e ) soit, -61 mv vaut 10x concentration. exemple, Rouge neutre ou une alcaloïde s accumulent dans un compartiment acide comme la vacuole (piégée par protonation), d après l équation de Waddel & Butler : pour une base faible perméante dans un système à deux compartiments: i, intérieur et e, externe, phe - phi alors C i / C e = 10 soit, Δ1 ph vaut 10x concentration. acide faible : exemple, Fluorescéine cytosolique s accumule dans un compartiment alcalin (chloroplaste) par son état dissocié et chargé Δ1 ph vaut 10x concentration. dérivés estérifiés : fluorescéine di-acétate, assez lipophiles pour traverser une membrane. n compte ensuite sur des estérases cellulaires pour libérer le composé actif sur place. VI) Montage de l échantillon (Pawley 2005) Le montage de l'échantillon pour la microscopie doit prendre en compte les particularités structurales, optiques et physicochimiques de l environnement. Les contraintes structurales sont liées au volume de l échantillon (préserver la forme). Mais également il faut pouvoir immobiliser l échantillon (notamment pour les protoplastes, les cellules), et respecter son orientation, etc. L utilisation de colles médicales (exemple : PSA, NuSil), de poly-l-lysine, ou d agar, permet de répondre à ces contraintes structurales. L uniformité du chemin optique est recherchée, par l homogénéisation des indices de réfraction milieu/lamelle/huile, ou saline/lamelle/eau, et l utilisation d objectifs appropriés à huile ou à eau (soit dipping lens sans lamelle); planéité et stabilité ; transparence (limpidité), conformité des lamelles (typiquement 170 µm). Enfin des contraintes physico-chimiques telles que le contrôle de ph, de tonicité, piégeage de radicaux libres (essentiel pour réduire la photo-destruction), chélation de métaux lourds, conservation (glycérol), une viscosité forte, maîtrise de l'autofluorescence sont également à prendre en compte dans le choix du milieu de montage. Dans certains cas d études fonctionnelles, il sera aussi essentiel de respecter certaines contraintes biologiques, telles que le taux d oxygénation, le ph, la température, le C 2, etc. essentiellement

13 Spencer BRWN & Christel PUJL CNRSFormation : La Microscopie Confocale 13 pour la viabilité et la protection des fonctions. Par exemple, un excès de lumière va moduler la fluorescence des systèmes photosynthétiques dans le cas des échantillons végétaux ou fragiliser la GFP. Plusieurs milieux de montage commerciaux sont couramment utilisés en fonction de l application finale (voir l annexe du fascicule). VII) Choix d une sonde fluorescente Le choix d un fluorochrome doit répondre à plusieurs critères : obtenir un signal spécifique, durable et fort. Dans la cellule vivante, le fluorochrome doit permettre de respecter autant que possible les fonctions cellulaires (Fricker et al. 2001). Le marquage des cellules par des fluorochromes permet d'accéder à des informations arbitrairement classées en deux catégories : les paramètres fonctionnels et les paramètres structuraux (revue pour le matériel végétal : Brown et al, 2003, 2007 ; Haseloff 2003). VII.1) Les paramètres fonctionnels Ils reflètent des modifications rapides dans des cellules vivantes, incluant aussi bien les activités enzymatiques (peroxydases, déshydrogénases...), les flux ioniques (calcium, ph...), ou la perméabilité membranaire. A titre d'exemple, considérons quelques dérivés de la fluorescéine conçus pour répondre à ces besoins (Figure 6). VII.2) Les paramètres structuraux Ils correspondent généralement à des macromolécules ou à un ensemble de constituants (ADN, protéines du cytosquelette...), ou à des molécules constitutives de taille plus faible mais présentes en concentration significative (antigène membranaire, cholestérol...). Le tableau 3 résume quelques fluorochromes utilisés en microcopie confocale. Le tableau 6 (fin du chapitre : modifié de Mason 1999) est une liste détaillée des fluorochromes. Ajoutons bien sûr l'apport de la GFP et d autres protéines fluorescentes, et de marqueurs avec une brillance et une stabilité accrues tels que les AlexaFluors, etc. Notons aussi plusieurs stratégies récentes pour révéler une activité cellulaire par expression ou incorporation in vivo d un composé qui sera ensuite révélé par un fluorophore reconnaissant l haptène, formant une liaison covalente. La deuxième étape peut exploiter des «révélateurs» perméants ou non. La Figure 7 présente plusieurs exemples parmi les SNAP-, CLIP-, ACP-, MCPtags (BioLabs zyme) ou encore l incorporation d analogues de nucléosides dans l ADN révélé avec Click-iT (Invitrogen) fluorescent. Ce dernier est bien plus robuste que la technique de bromodésoxy-uridine révélée avec un anticorps (Figure 7, EdU sur racines, Vanstraelen et al. 2009).

14 Spencer BRWN & Christel PUJL CNRSFormation : La Microscopie Confocale 14 Figure 6. Quelques exemples des composés dérivés de la fluorescéine. H H CH 3 -C- -C-CH 3 C - H + C - H + C - H + fluorescéine - Excitation maximum nm - Emission maximum 521 nm - rendement quantique 0,6 à 0,9 - pka 6,3; acide faible - largement imperméable à la membrane à ph >7 N C S iso-thiocyanate de fluorescéine (FITC) - Réagit avec les amines, sert donc pour étiqueter des protéines di-acétate de fluorescéine (FDA) - quasi non fluorescent - perméant aux membranes - estérases cellulaires libèrent la fluorescéine acide CH 3 -C- -C-CH 3 (BCECF-AM) Cl H CH 3 -C- -C-CH 3 Cl C - H + R-C R- -R C-R C - H + R-C di-acétate de 5-carboxyfluorescéine (CFDA) - analogue à la FDA - lactone perméante - et le produit carboxyfluorescéine (pka 6,4) est mieux retenu dans la cellule di-acétate de 2,7 -dichlorofluorescin (DCFH-DA) - analogue à la FDA, réduite - les estérases libèrent un produit non fluorescent qui au cours d une activité cellulaire peroxydasique, devient fluorescent 2,7 -bis(carboxyethyl) -5(6)-carboxyfluorescéine, penta-acétoxyméthyl ester - analogue au FDA - le produit BCECF, avec pka 6,97 et une charge nette -4 à -5 est bien retenu dans la cellule et la dépendance de sa fluorescence sur le ph permet son emploi comme sonde de ph cytoplasmique CH 3 -C- Cl -C-CH 3 Cl H C - H + Di-acétate de 2,7 -dichlorofluorescin (DCFH-DA) Membrane cellulaire Perméation, libération, activation CH 3 -C- Cl -C-CH 3 Cl H C - H + Désacétylation intracellulaire par des estérases H Cl H Cl H C - H + + H 2 2 (+ peroxydase) H Cl H Cl C - H + 2,7 -dichlorofluorescin (non fluorescent) 2,7 -dichlorofluorescein (fluorescent)

15 Spencer BRWN & Christel PUJL CNRSFormation : La Microscopie Confocale 15 Tableau 3. Quelques fluorochromes utilisés en microscopie confocale immunofluorescence ADN mitochondrie, sensible au potentiel membranaire membranes réticulum endoplasmique appareil de Golgi parois dépendance envers le ph dépendance envers le calcium viabilité Protéines fluorescentes divers AlexaFluors 405, 488, 568, 595, 633, 647, (Tableau 5)etc. ; Cy2 (Cyanine2), FITC, Cy3.5, Cy5.18, Cy5.5 ; Iodure de propidium, YY, SYT16 (vital), chromomycine A3 ou mithramycine (bases GC), bisbenzimide Hoechst (quelquefois vital), DAPI, YPR, TT3, TPR3 (avec TPR et YPR, le PBS saline favorisera un photoblanchissement.) (oligos Cy3.18, Cy5.18) Rhodamine123, DiC 6 (3), DiC 7 (3), JC-1, MitoTracker range ou Red CMXRos (vital; post-fixation possible) FM1-43, FM4-64, fusions-gfp, et divers anticorps de surface ; filipin pour cholestérol (non spécifique) DiC 6 (3) à plus forte concentrations ; GFP-taggée quelques anticorps ; GFP-taggée ; NBD-C 6 -céramide (pas pour végétaux) Calcofluor (UV), bleu d'aniline (sur callose), chromomycine ou iodure de propidium (non spécifique), FM1-43, FM4-64 carboxy-snarf-1 et dérivés, BCECF Fluo-3 ou -4 (±FF), Fura Red, CalciGreen ; Indo-1, Cameleon fluorescéine di-acetate ; exclusion d'iodure de propidium ; et la morphologie par Contraste Interférentiel (DIC) voir chapitre LysoTracker, Acridine range, Neutral Red, Lucifer Yellow, chlorophylle, composés endogènes (Figs 10 & 11); épi-réflectance des particules, de cristaux, de précipités, de l air VII.3) Contraintes liées à l excitation Comme on l a vu dans le paragraphe II, une bonne connaissance des spectres d excitation et d émission du fluorochrome choisi permettra de déterminer les filtres d excitation et d émission à utiliser, notamment en présence de plusieurs fluorochromes. Il existe des situations où deux fluorochromes sont excités par une même source mais peuvent se distinguer aisément grâce à des spectres d émissions différents. C est le cas par exemple excitation bleu - du couple fluorescéineiodure de propidium ou, du couple GFP-chlorophylle in situ. n pourra aussi provoquer une excitation simultanée des deux fluorochromes par deux fenêtres spectrales (d une lampe) ou deux raies (de lasers) distinctes. C est le cas par exemple excitations bleu et vert - avec un double immunomarquage utilisant les couples fluorescéine (ou AlexaFluor 488) avec AlexaFluor 568. L efficacité et la spécificité du signal dépendent de la bonne adéquation entre un fluorochrome spécifique et les sources lasers utilisées. Le tableau 4 présente les différentes options de laser disponibles pour la microscopie confocale. Une contrainte majeure concerne les longueurs d'onde et les puissances disponibles.

16 Spencer BRWN & Christel PUJL CNRSFormation : La Microscopie Confocale 16 Quiescent centre, GFP Proliferating cells, Alexa647 azide EdU Figure 7. Une activité cellulaire révélée par expression ou incorporation in vivo d un composé qui sera ensuite marqué par un fluorophore reconnaissant l haptène, formant une liaison covalente.

17 Spencer BRWN & Christel PUJL CNRSFormation : La Microscopie Confocale 17 Tableau 4. Quelques options de lasers pour la microscopie confocale. Krypton/Argon 60 mw démodé * 488 nm (15 mw), 568 nm (15 mw) & 647 nm (15 mw) Argon Ion 100mW 457 nm ( nm, 6mW), 476 nm (6mW), 488 nm (40mW) & 514 nm (40mW) Argon Ion 250 mw (UV/Vis) nm (50mW), 488 nm (100mW) & 514 nm (100mW) Blue Laser Diode 405 nm ( mw) Hélium Cadmium 442 nm (80 mw) Hélium Néon-Green 543 nm (2 mw) DiodePumpedSolidState nm (50 mw) Hélium Néon-range 595 nm (3 mw) Hélium Néon-Red 633 nm (10 mw) laser blanc nm Accordable fs for multi-photon nm (1 W) Ytterbium fs with spectral selection nm (45%) *le rapport entre les différentes raies a tendance à se dégrader avec le temps. Des filtres opto-acoustiques accordables (ATF, Acousto-ptic Tunable Filter) sont disponibles pour moduler la puissance relative des raies incidentes, à insérer entre le laser et le microscope. Dans le cas d un laser Argon (qui a entre autres une ligne à 488 nm), et d un laser Hélium Néon vert (une ligne unique à 543 nm), les fluorochromes étudiés doivent avoir chacun leur spectre d excitation ciblé (avec un risque de chevauchement partiel) et des spectres d émission les plus éloignés possibles. Il est avantageux d utiliser la raie 488 nm d un laser Argon et 568 nm d un laser Krypton-Argon, mais ce dernier laser devient moins courant. n peut également détecter trois fluorophores différents grâce aux lignes 488, 543 (ou 561 ou 568), et 633 (ou 647) nm, pour étudier par exemple trois anticorps marqués par Alexa 488, Alexa 568 et Alexa 647 (tableau 5). Notons enfin qu un laser à diode Bleu (ligne à 405 nm) peut remplacer les lasers UV anciens, notamment pour le DAPI (moins pour le Hoechst). Ainsi on fait l'acquisition simultanée de trois ou quatre signaux fluorescents en fonction des raies lasers disponibles et en plus l acquisition d images corrélées en transmission, en contraste de phase ou en contraste interférentiel de Nomarski. n peut également travailler en réflectance, sur de l immuno-gold, ou avec la précipitation de X-GLU, X-GUS. L'acquisition en ratio-imaging de Ca 2+ et de ph, via Indo-1, Fluo-3 4 ou Fura Red puis SNARF (ou BCECF) est possible, ou encore avec des biosenseurs basés sur les protéines fluorescentes. Alternativement, les fluorochromes peuvent être excités avec les raies lasers adéquates l un après l autre. Dans ce cas on minimise les risques d interférence entre les spectres (cross-talk). Cette excitation séquentielle est plus longue à l acquisition mais vivement recommandée notamment dans le cas d une détection par des raies lasers proches (488 nm et 543 nm) de double ou triple marquage, mais aussi pour réaliser des techniques de FRET (Förster Resonant Energy Transfer). L utilisation de multiples raies laser implique des miroirs dichroïques complexes permettant de diriger le ou les lasers vers l échantillon. r il y a d importantes pertes de fluorescence dues aux larges bandes de réflexion de ces miroirs. Une alternative très efficace est l ABS (Acousto-ptic Beam Splitter), semblable à l ATF, qui est accordable en quelques µs et qui fait entrer le laser avec une bande passante de 4 nm en laissant un retour maximal de la fluorescence vers les détecteurs.

18 Spencer BRWN & Christel PUJL CNRSFormation : La Microscopie Confocale 18 VII.4) Contraintes liées à l émission En présence de plusieurs fluorochromes, des fuites optiques à travers des filtres d'analyse respectifs peuvent néanmoins apparaître à cause du recouvrement de leurs spectres d'émission (Figure 9). D abord, on cherche à contourner le problème par le choix des fluorochromes ayant des spectres d émission éloignés et se chevauchant le moins possibles. Si la fluorescéine a tendance à déborder dans la voie de lecture de phycoérythrine, soit on remplace la rhodamine par le Texas Red qui émet plus loin (Figure 9), soit encore on utilisera un microscope équipé de raies laser permettant une meilleure excitation spécifique pour chaque fluorochrome (voir paragraphe VII.3 et Tableau 5). La gamme des Cyanines (tableaux 3 et 6) et surtout la gamme Alexa Fluor (tableau 5 et Figure 8) donnent d'excellents résultats. MoBiTec (Goettingen : offre également une gamme pour dériver des protéines : les fluorophores DY (du jaune au rouge lointain, très brillants) et les MFP. La Cyanine 5.18 («Cy5»), excitée par les raies 633 ou 647 nm de certains lasers, émet loin dans le rouge (em 667 nm) et évite ainsi le «cross-talk». Attention! Etant donné que l œil est peu sensible à cette émission dans le rouge lointain, le biologiste peut difficilement apprécier la qualité des marquages par microscopie conventionnelle - avec des photocapteurs l analyse est possible. Rappelons que la résolution est dépendante de λ, meilleure dans le bleu que le rouge, et que tout travail visant la colocalisation ou le calcul de rapports d'images devrait cerner le degré de chromatisme de l optique. FITC PE TX Red FITC PE TX Red Absorbance relative Emission relative BP 530 BP 580 BP Longueur d onde (nm) Figure 9. Spectres normalisés d absorbance (A) et d émission (E) de l isothiocyanate de fluorescéine (FITC), de la phycoérythrine (PE) et du Texas Red (TX Red).

19 Spencer BRWN & Christel PUJL CNRSFormation : La Microscopie Confocale 19 Tableau 5. Une famille de fluorophores pour marquer les protéines, les anticorps secondaires Fluorophore Absorption* (nm) Emission* (nm) Couleur Coefficient d extinction ( M -1. cm -1 ) AlexaFluor Bleu AlexaFluor Violet AlexaFluor Jaune-vert AlexaFluor Vert AlexaFluor Jaune AlexaFluor range AlexaFluor Jaune-orange AlexaFluor range-rouge AlexaFluor Rouge AlexaFluor Rouge AlexaFluor Rouge lointain AlexaFluor Rouge lointain AlexaFluor Rouge lointain AlexaFluor Rouge lointain AlexaFluor Rouge lointain AlexaFluor Rouge lointain AlexaFluor Infrarouge proche * maximum approximatif d absorption et d émission ; l œil est peu sensible au-delà de 650 nm. Modifié d après Molecular Probes Invitrogen conseillé dans notre expérience pour triple marquage avec les raies laser d excitation : 488, 543 (561), 633. Figure 8. Spectres d émission pour la série AlexaFluor. Phycobiliprotéines, tandems, etc. En cytométrie, on a vite adopté des phycobiliprotéines telle que la phycoérythrine pour une double quantification (avec FITC) à partir d'une seule excitation à 488 nm. De plus, ces grands pigments naturels, de par leur absorptivité molaire 50 à 100 fois celle de la fluorescéine ou de la rhodamine, offrent un gain de sensibilité, mais au prix de leur taille et d'un

20 Spencer BRWN & Christel PUJL CNRSFormation : La Microscopie Confocale 20 encombrement stérique important (240 kda). n ne les emploie que rarement en microscopie apparemment à cause de leur sensibilité à la photodégradation. De même, si les fluorochromes tandems sont très appréciés en cytométrie (Duochrome, Red613, ECD, Tricolor, Red670, Quantum Red, Cychrome), ce n'est pas le cas en microscopie : il s'agit de couples greffés ensemble, typiquement de manière covalente, afin d'obtenir un transfert d'énergie par résonance et un grand déplacement entre l'excitation primaire à 488 nm et l'émission de l'accepteur dans le rouge. Si on ne peut pas séparer parfaitement l émission des deux fluorochromes, on devra faire des excitations séquentielles dans le temps avec changement de configuration pour optimiser la spécificité des marqueurs. Dans ce mode d acquisition on excite les deux fluorochromes non pas simultanément mais l un après l autre, ligne-par-ligne ou cadre-par-cadre ou pile-par-pile. Certains logiciels offrent une décomposition spectrale («déconvolution spectrale» = spectral unmixing). En présence d autofluorescence complexe, cet outil est particulièrement intéressant. Mais rien ne vaut un choix astucieux de fluorochromes et des acquisitions spécifiques optimisées. Un dernier paramètre à prendre en compte est la réponse spectrale des photomultiplicateurs (et de vos yeux). Certains d entre eux sont plus particulièrement dédiés à une lecture optimale dans le bleu et d autres plus appropriés à des longueurs d ondes plus importantes. VII.5) Auto-fluorescence L auto-fluorescence des tissus est à prendre en considération, en particuliers chez les végétaux (Berg 2004) : l émission de chlorophylle dans le rouge lointain (Figure 10 ; Meyer et al. 2003), ou les coumarines et la NAD(P)H dans le bleu (fluorescente à l état réduit) et les flavines dans le vert (fluorescentes à l état oxydé) (Figure 11). Pour des cellules de mammifère, Zipfel et al. (2003) et Palero et al. (2006, 2007) donne les spectres d émission de composés endogènes sous excitation non-linéaire, avec décomposition spectrales. La fluorescence des acides aminés, tyrosine et phénylalanine est faible, en UV et très dépendant de l environnement. L auto-fluorescence est souvent aggravée par le stress de la cellule et la mortalité. C est surtout les techniques de fixation qui ont tendance à amplifier l auto-fluorescence : le blocage des aldéhydes libres avec glycine, NaBH 4 ou NH 4 Cl est alors utile. Certains traitements servent à rehausser la fluorescence naturelle de composés phénoliques afin de les localiser dans des tissus de plantes (Hutzler et al. 1998), tel Naturstoffreagenz A. VII.6) Quantification (Ronot et Usson 2001) Une fois l'imagerie faite et les objets (contours) définis, une question élémentaire revient - Combien de molécules de fluorescéine sont sur cette surface ou dans ce volume cellulaire? Cette question n'a pas de réponse facile. Intégrer correctement les intensités d'émission enregistrées est déjà un problème. Un autre est d'assurer que la fluorescence émise est en relation linéaire avec la concentration du fluorochrome dans le voxel mesuré, alors qu on travaille avec des concentrations de l ordre de la micromolaire, conforme à la loi Beer-Lambert. n peut imaginer l'emploi d'étalons internes tels que des billes fluorescentes. VII.7) Techniques ratiométriques Si l'intensité de fluorescence d'une sonde est dépendante du ph, de l'activité ionique ou du potentiel, la mesure plus simple concerne les changements d'amplitude (d'intensités) dans une fenêtre spectrale donnée. Mais une situation plus favorable est quand l'environnement (ph, activité ionique, potentiel) produit un changement de la forme du spectre. Alors, soit on pratique carrément