L encadrement supérieur et dirigeant de l Etat

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1 L encadrement supérieur et dirigeant de l Etat Juillet 2014 MINISTERE DE L INTERIEUR MINISTERE DE L ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L ENERGIE MINISTERE DU LOGEMENT ET DE L EGALITE DES TERRITOIRES MINISTERE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS MINISTERE DE L ECONOMIE, DU REDRESSEMENT PRODUCTIF ET DU NUMERIQUE INSPECTION GENERALE DE L ADMINISTRATION CONSEIL GENERAL DE L ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE CONTROLE GENERAL ECONOMIQUE ET FINANCIER Rapport n /14-007/01 Rapport n Rapport n

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3 L encadrement supérieur et dirigeant de l Etat Juillet 2014 Etabli par : Arnaud TEYSSIER Inspecteur général de l administration Eric FERRI Inspecteur de l administration Jean GUILLOT Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts Françoise CAMET Contrôleure générale économique et financier Philippe LEVEQUE Chef de mission de contrôle économique et financier

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5 SYNTHESE Conformément au mandat qu elle avait reçu, la mission s est efforcée de définir les conditions d une politique d emploi cohérente des cadres supérieurs et dirigeants, en tentant de concilier réflexion prospective et souci d opérationnalité. Pour cette raison, elle a délimité très précisément son champ d étude, afin d être à même, en premier lieu, de proposer une base de données fiable et utilisable, et en second lieu d identifier des mesures d amélioration concrètes et réalisables à échéance rapprochée. I - L état des lieux Le système français est complexe, car il cumule plusieurs approches qui relèvent de logiques différentes : une logique de carrière ; une logique indiciaire ; une logique managériale. La mission a pris le parti de croiser une approche par corps avec une approche fonctionnelle, en prenant comme champ d étude ce qu il est convenu d appeler «les corps ENA» et «les corps Polytechnique» (ainsi que les corps de débouché afférents) - comprenant non seulement les anciens élèves de ces écoles, mais tous les autres agents intégrant ces corps, quelle que soit la voie d accès. La mission a adressé 33 questionnaires aux ministères et employeurs, qui ont tous été scrupuleusement renseignés. L étude de la mission a porté sur un total de 23 corps représentant, fin 2012, hauts-fonctionnaires. Les éléments recueillis, puis consignés et analysés dans le rapport, donnent une photographie assez précise de la situation de l encadrement supérieur et dirigeant. Ils montrent que si des progrès ont été accomplis dans le domaine de la gestion de l encadrement supérieur et de sa féminisation, des difficultés sérieuses se profilent ou s aggravent en termes de renouvellement des générations et d emploi des classes d âge les plus élevées. Des choix doivent être également opérés en termes de recrutements. La population étudiée Corps Femmes Hommes Total % femmes Corps de sortie ENA ,1 % Corps de sortie Polytechnique ,6 % Corps de débouché ,1 % Autres corps ,5 % Total ,4 % Source : mission Au sein du périmètre étudié, 25,4 % des hauts-fonctionnaires sont des femmes. Une division, bien que quelque peu théorique, en trois grades montre que la part des femmes est plus importante dans le premier grade (31,5 %). La féminisation de l encadrement supérieur et surtout dirigeant - priorité 1 Sous-préfets et conseillers économiques. 5

6 fixée par les gouvernements successifs avec des objectifs chiffrés suit une évolution positive. Cependant l étude de la composition par sexe des classes d âge montre que l augmentation et la densification du «vivier» féminin sont fortes dans les jeunes générations, mais que la proportion, pour des raisons évidentes, est moins marquée pour les générations plus anciennes. Ceci explique en partie - les difficultés rencontrées pour la désignation de femmes à certains emplois «sommitaux» et la crainte qu éprouvent les gestionnaires devant l épuisement rapide des viviers féminins concernés par ces postes. En outre, les corps d ingénieurs restent loin de la parité, le pourcentage de femmes stagnant autour de 15 % au sein de l école Polytechnique et à sa sortie dans les corps de l Etat. Le «vivier des cadres dirigeants», créé par la circulaire du Premier ministre du 10 février 2010 afin «d identifier le plus tôt possible, dans chaque administration, les cadres à haut potentiel, susceptibles de devenir cadres dirigeants à plus ou moins brève échéance», fonctionne globalement bien, même s il n en est encore qu à ses débuts. Bien qu il revête une certaine lourdeur en gestion pour les petites administrations, il présente l avantage, au-delà de son objectif premier, de développer au sein des ministères la pratique de gestion des compétences et des revues de carrière. Les classes d âge les plus représentées sont les et ans : 34,7 % des hauts fonctionnaires sont dans ces tranches d âge. Au total, 50,9 % de la population étudiée a plus de 50 ans. Dans un peu plus de 15 ans, la moitié de la haute fonction publique actuelle sera partie à la retraite. L évolution des recrutements montre que, pour les corps étudiés, hauts fonctionnaires ont été recrutés entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2012, dont 827 l ont été directement à la sortie des écoles. Si l on regarde les corps de sortie ENA, toujours sur la période , les anciens élèves de l école, au nombre de 402, ne représentent que 35,3 % des recrutements. Le recrutement direct par les deux écoles (ENA et Polytechnique), loin d être monopolistique, est en réalité minoritaire, et cette réalité s est accentuée avec la baisse marquée des effectifs de leurs promotions au cours des dernières années. Pour les corps ENA, le phénomène est particulièrement marqué pour les conseillers de tribunal administratif et de cour administrative d appel, où la proportion des anciens élèves de l ENA est en très forte diminution tant en stock (26,9 %) qu en flux (17,0 % sur ). Le concours direct est devenu la voie majoritaire de recrutement (54,5 % sur ). La «troisième carrière», qui va de la fin des fonctions de cadre dirigeant jusqu à la retraite, présente la difficulté la plus aiguë, sans que l on puisse espérer une amélioration à courte échéance de la seule situation démographique. De là naît une situation paradoxale que l évolution de la pyramide des âges n a fait qu accentuer : d un côté, des services souvent en situation de surchauffe ; de l autre, des cadres supérieurs dans leur grande majorité compétents, disponibles, possédant souvent des connaissances qui manquent parfois à des services habitués à travailler dans leurs seuls champs d activité. II - Quelques objectifs réalisables Un des éléments qui entravent ou paralysent tout effort de rénovation profonde dans la gestion de l encadrement supérieur tient à la difficulté de sa définition même. La mission estime qu il faut avoir sur ce plan une approche décomplexée, dans la mesure où il s agit bien de promouvoir un encadrement supérieur le plus professionnel et le plus interministériel possible : la base initiale du système de 1945 s est largement ouverte au fil des ans. Pour les seuls corps ENA, les sorties d école ne représentent plus qu un tiers des recrutements opérés chaque année. La formation et la pratique professionnelle des ingénieurs se sont rapprochées de celles des administrateurs. Les dispositifs de 6

7 promotion interne existent et méritent même d être redynamisés notamment le concours interne de l ENA. L interministérialité doit être renforcée, et non combattue par la volonté de créer des débouchés artificiels pour des métiers ou des filières très éloignés. Le vrai champ d échange, au-delà de l interministérialité, est celui de la mobilité inter-fonctions publiques. Trois principes doivent être posés : le seul critère véritable pour l encadrement supérieur et dirigeant doit être celui de la compétence, infiniment plus légitime et porteur d efficacité que d autres critères comme, par exemple, le simple franchissement d un niveau indiciaire ; le recrutement initial par des écoles de formation initiale dédiées, qui n est plus et ne doit pas redevenir un mode de sélection exclusif, doit néanmoins représenter une proportion significative du renouvellement des générations ; les recrutements parallèles, de nature diverse, doivent tous comporter l acquisition en commun d une culture administrative opérationnelle et interministérielle minimale. Mais ces principes doivent être strictement articulés avec l évolution des besoins, évolution qui est en partie le fruit des profondes mutations que l administration comme la société française ont connu ces dernières décennies : décentralisation, libéralisation de l économie et émergence de nouvelles formes de régulation, mondialisation, construction européenne, accélération des évolutions technologiques, crise des finances publiques. Cinq grandes préoccupations émergent du tour d horizon effectué : l importance prise par la dimension juridique dans la plupart des sujets traités ; les besoins en expertise technique de haut niveau ; le besoin, plus spécifique, en conduite de projet dans le domaine des systèmes d information ; la possibilité pour de jeunes ingénieurs d acquérir les compétences opérationnelles de terrain, l Etat ne possédant plus en son sein toute la palette des métiers de l ingénieur, notamment dans le domaine des infrastructures. Pour conserver une vraie compétence technique, le parcours des ingénieurs devra donc de plus en plus comporter un passage en dehors du périmètre des administrations de l Etat, même élargi à ses établissements publics, notamment en collectivité territoriale ; l exigence de compétences managériales rénovées. Des améliorations sont à apporter tant du côté de la formation initiale que de la formation continue, tout en étant conscient que tous ne présentent pas les dispositions requises pour devenir un bon manager, certains n étant pas, de surcroît, attirés par ce type de fonction. C est sur ces bases que la mission a formulé 25 propositions, qui portent sur la mobilité, l interministérialité et la gestion de la troisième carrière. Elle a souligné également l importance des points suivants : Pour répondre aux demandes exprimées par les employeurs et pour prendre en compte les effets de l évolution démographique, la mission a considéré que le recrutement par l ENA d une dizaine d administrateurs civils supplémentaires chaque année se justifierait. La question du recrutement des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d appel pose par ailleurs, en 7

8 lui-même, quelques questions majeures : le recrutement de ces magistrats par l ENA est devenu marginal, ce qui a d ores et déjà des conséquences sur la composition du corps. Le profil des magistrats évolue donc fortement, et à un rythme rapide : formation plus universitaire, compétence plus strictement juridique, affaiblissement et bientôt disparition d une culture minimale de l administration opérationnelle, ainsi que de l interministérialité. Sur la base de ces considérations, la mission considère que si l on maintient le principe d un recrutement par la voie de l ENA, une augmentation supplémentaire du volume des promotions est nécessaire pour rééquilibrer les recrutements des magistrats administratifs et faire en sorte qu une proportion significative de ces magistrats continue d être recrutée par l ENA. Pour les corps recrutant à la sortie de l ENA, le rôle de formation complémentaire de l école doit être renforcé pour garantir l existence d une culture interministérielle minimale pour tous les types de recrutements. Les recrutements parallèles sont souhaitables, mais il est indispensable qu existe un socle commun susceptible d être mobilisé aux différentes étapes de la carrière. C est donc, avant tout, au travers d une réponse fondée sur une formation minimale commune qu il convient de raisonner. Celle-ci peut être délivrée conjointement ou séparément par les écoles chargées de la formation initiale et continue de tous les fonctionnaires. C est ainsi que l on pourra le mieux remédier aux écarts de connaissances et de valeurs partagées au bénéfice de l intérêt général et de la cohérence et de l efficacité de l action publique. Une gestion dynamisée de l encadrement supérieur passe par l élaboration de «parcours» pour les hauts fonctionnaires, en corrigeant les très forts contrastes qui caractérisent les différents corps au détriment marqué des administrateurs civils. Le discours relatif au développement et à l encouragement des mobilités intra et inter-fonctions publiques est de plus en plus résolu et le corpus de règles susceptible de freiner son essor a donc été considérablement assoupli. Mais les effets n ont pas toujours été ceux escomptés. Aussi, pour tenir compte de l allongement des durées de carrière, la mission propose de fixer de nouveau des échéances de 4 ans pour la mobilité, 8 ans pour l accès à l emploi de sous-directeur et de créer un palier de 10 ans pour celui de chef de service. Elle préconise en revanche d amorcer un rapprochement plus audacieux entre la fonction publique d Etat et la fonction publique territoriale. Le moment est peut-être venu de mener une réflexion prospective globale quant aux besoins de cadres supérieurs et dirigeants de l Etat et des collectivités territoriales, et d ouvrir des voies communes en matière de recrutement et de formation. Sur un plan plus global, il est nécessaire de tracer de nouvelles perspectives pour l encadrement supérieur et dirigeant, et à cette fin de s en donner les outils : en unifiant véritablement son pilotage interministériel ; en améliorant le processus de nomination aux emplois dirigeants, qui, sans remettre en cause la liberté de nomination du gouvernement, donnerait un véritable sens à la logique du «vivier» et à son exigence de transparence et de professionnalisation. La mission rappelle enfin l attention marquée qu il convient d apporter à la féminisation de toutes les filières d accès aux emplois de l encadrement supérieur et dirigeant. 8

9 LISTE DES RECOMMANDATIONS PAR ORDRE D APPARITION DANS LE RAPPORT Recommandation n 1 : Permettre aux ingénieurs d exercer des métiers formateurs au sein des collectivités territoriales et des opérateurs, y compris en premier poste Recommandation n 2 : Inclure dans les dossiers des candidats aux postes de responsabilité une évaluation des compétences managériales, si possible assortie d un 180 ou Recommandation n 3 : Accompagner les départs en cours et en fin de carrière pour garantir un niveau suffisant de recrutement de jeunes hauts-fonctionnaires Recommandation n 4 : Ne plus permettre le maintien dans un emploi à décision du gouvernement au-delà de la limite d âge Recommandation n 5 : Augmenter le nombre de postes d administrateurs civils à la sortie de l ENA Recommandation n 6 : Faire un choix s agissant des conseillers de tribunal administratif et de cour administrative d appel : - soit cesser tout recrutement dans le corps par la voie de l ENA ; - soit faire en sorte que la part de sortie ENA représente au minimum le tiers des recrutements dans ce corps Recommandation n 7 : Pour les corps recrutant à la sortie de l ENA, confier à cette école la mise en œuvre d une formation commune pour l ensemble des recrutements de hauts fonctionnaires Recommandation n 8 : Permettre le départ en mobilité uniquement après quatre années d exercice des fonctions Recommandation n 9 : Ne pas prendre en compte le passage en cabinet ministériel au titre de la mobilité Recommandation n 10 : Restaurer une vraie mobilité fonctionnelle dans un nouvel environnement professionnel. Inciter à la mobilité géographique nationale et internationale Recommandation n 11 : Revenir à une durée de service de huit ans nécessaire pour l accès aux emplois de sous-directeur et instaurer un minimum de dix ans pour l accès aux emplois de chef de service Recommandation n 12 : Instaurer un chef du corps des administrateurs civils. Créer une commission administrative paritaire unique présidée par ce chef de corps

10 Recommandation n 13 : Mettre en place un système d information unique permettant la gestion du corps des administrateurs civils, notamment les avancements de grade et les détachements sur emplois fonctionnels Recommandation n 14 : Mettre un terme à la confusion du grade et de l emploi s agissant du corps des préfets Recommandation n 15 : Généraliser les rendez-vous de carrière à périodicité régulière Recommandation n 16 : Revoir la liste des emplois de cadres dirigeants inscrits dans le vivier en prenant davantage en compte la réalité des responsabilités exercées et en ne retenant plus comme unique critère celui de la nomination à décision du gouvernement Recommandation n 17 : Etudier, en lien avec le CNFPT, les conditions d un rapprochement entre l ENA et l INET, à commencer par l organisation d un concours commun Recommandation n 18 : Aligner le taux de contribution aux charges de pension versé par une collectivité lorsqu elle emploie un fonctionnaire de l Etat en détachement sur celui versé lorsqu elle emploie un fonctionnaire territorial Recommandation n 19 : Créer un vivier des cadres seniors disponibles pour des missions de conseil et mettre en place un annuaire des compétences avec un réseau social pour leur donner une meilleure visibilité auprès des employeurs potentiels Recommandation n 20 : Affecter administrativement les seniors au sein de la direction des ressources humaines du ministère et permettre leur affectation fonctionnelle auprès des autres directions Recommandation n 21 : Unifier le pilotage de l encadrement supérieur et dirigeant en fusionnant la délégation pour la rénovation de l encadrement dirigeant de l Etat avec la DGAFP Recommandation n 22 : Améliorer le processus de nomination aux emplois dirigeants Recommandation n 23 : Mettre en place une cotation des postes de directeur d administration centrale Recommandation n 24 : Encourager la féminisation des classes préparatoires scientifiques Recommandation n 25 : Etudier spécifiquement la rémunération des femmes dirigeantes en vue de réduire tous les aspects d une éventuelle discrimination salariale

11 SOMMAIRE Synthèse...5 Liste des recommandations par ordre d apparition dans le rapport...9 Introduction Methodologie de la mission et definition du champ d analyse Méthodologie La notion floue d «encadrement supérieur» Le choix méthodologique et statistique opéré par la mission Etat des lieux Les principales données L évolution des recrutements Les systèmes de recrutement parallèle Le «vivier» des cadres dirigeants : la réalité de son fonctionnement, le progrès réalisé La féminisation Les seniors Quelques objectifs réalisables Dessiner les lignes de force d une évolution des compétences La dimension juridique Un besoin confirmé d expertise technique de haut niveau La conduite des projets de systèmes d information Le risque d une perte d expérience opérationnelle pour les jeunes ingénieurs Développer et mieux utiliser les compétences managériales Rationaliser la politique de recrutement Les déterminants de la décision Le paramètre des besoins immédiats des administrations L évolution de la démographie et la nécessité du renouvellement minimal des profils et des générations Quel volume de recrutement et quel équilibre entre les recrutements par les écoles et les recrutements parallèles? Développer le rôle de formation complémentaire de l ENA pour les recrutements parallèles Revoir les parcours Intérêt et limites de la logique du «parcours» Des difficultés accrues par des mesures réglementaires récentes La situation contrastée des corps de sortie ENA Elargir le vivier des cadres dirigeants Amorcer un rapprochement entre les fonctions publiques d Etat et territoriale Gérer la 3ème carrière

12 2.4 Quelles nouvelles perspectives pour l encadrement supérieur et dirigeant? Renforcer le pilotage de l encadrement supérieur et dirigeant Maintenir l attractivité du concours interne de l ENA Coter les postes de directeurs d administration centrale Redonner de l attractivité aux postes les plus sensibles La féminisation Conclusion Annexe n 1 : Lettre de mission...65 Annexe n 2 : Liste des personnes rencontrées...67 Annexe n 3 : Données statistiques...73 Annexe n 4 : Projections à moyen et à long terme concernant le corps des ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts Annexe n 5 : Projections à moyen et à long terme concernant le corps des administrateurs civils..111 Annexe n 6 : Part des anciens élèves de l ENA dans les corps de sortie de cette école et dans les corps de débouché Annexe n 7 : Ecart du taux de contribution aux charges de pension versé par une collectivité lorsqu elle emploie un fonctionnaire de l Etat en détachement par rapport à celui versé lorsqu elle emploie un fonctionnaire territorial

13 INTRODUCTION Par lettre du 9 janvier 2014, le Premier ministre a sollicité le concours de l IGA, du CGEFI et du CGEDD pour conduire une mission sur «l encadrement supérieur et dirigeant de l Etat», dans la lignée du rapport établi par M. Bernard Pêcheur, ancien DGAFP et président de section au Conseil d Etat. Ce dernier recommandait en effet d approfondir la démarche engagée par le SGG, la DGAFP et les différentes administrations de l Etat en termes de professionnalisation, de décloisonnement et de féminisation de l accès aux emplois les plus élevés de l Etat. L objectif recherché, selon les termes même du rapport Pêcheur tels qu ils sont cités par la lettre du Premier ministre, est de définir «une véritable politique d emploi des cadres supérieurs et dirigeants», avec la mise en place d une gestion construite des ressources humaines et le développement d une logique de parcours, intégrant la double exigence «d alternance entre fonctions managériales et d expertise, mais aussi de mobilité géographique». Le Premier ministre a souhaité que la mission inscrive ses travaux dans une démarche prospective de huit à quinze ans et qu elle fournisse à la fois une analyse des besoins, au regard de la pyramide des âges des corps et emplois de l encadrement supérieur, une étude de l évolution des missions dans un contexte de transformations institutionnelles rapides, enfin une réflexion sur la nature des profils qu exigeront les mutations prévisibles des métiers. La mission conjointe IGA/CGEFI/CGEDD a commencé ses travaux au début du mois de février, après avoir rencontré ses interlocuteurs directs : Mme Marie-Anne Lévêque, directrice générale de l administration et de la fonction publique ; Mme Isabelle Roux-Trescases, déléguée pour la rénovation de l encadrement dirigeant de l Etat au secrétariat général du gouvernement. Le raisonnement a été conduit à périmètre et missions de l Etat inchangés, la mission ne voulant pas préjuger des évolutions à venir en matière d organisation de l Etat. Considérant l étendue du champ du rapport demandé, la mission a souhaité définir un cadre méthodologique resserré quitte à ce qu une mission complémentaire prolonge les travaux notamment en matière prospective ou de comparaisons étrangères. Les missions et le devenir de l encadrement supérieur de l Etat ont fait l objet de plusieurs réflexions importantes au cours des vingt dernières années. Depuis le rapport Prada remis en 1993, les gouvernements successifs ont eu le souci récurrent de définir un cadre durable et mobilisateur pour la gestion des «hauts fonctionnaires», terme auquel a été rapidement substitué celui d «encadrement supérieur». Les missions successives 2 ont réitéré la conviction qu il ne pourrait y avoir de modernisation réelle de l action publique sans la mise en place d une véritable gestion de l encadrement supérieur de l Etat. Ils ont formulé un certain nombre de stratégies possibles et de propositions afférentes afin de prendre en compte des logiques de gestion moins mécaniques et plus dynamiques que ne l autorise le processus traditionnel des carrières. 2 La mission se réfère aux rapports de M. Jean Picq, M. Jean-Pierre Weiss, M. Jean-Ludovic Silicani, M. Marcel Pochard, M. Yves-Thibault de Silguy, Mme Marie-Solange Tissier et MM. Jean-Martin Folz et Daniel Canepa. 13

14 Au regard des réflexions déjà engagées dans le passé, et en considérant le champ stratégique plus global défini par le rapport Pêcheur, la mission a jugé que dans les délais qui lui étaient impartis, elle devait privilégier une approche débouchant sur des propositions opérationnelles. Elle a fondé ses réflexions sur trois sources d information à la fois majeures et complémentaires : la documentation existante, qui est fort abondante et traduit l importance des études déjà accomplies : il s agit, à titre principal, de celle qui lui a été fournie par la DGAFP et les services du Premier ministre, portant notamment sur le corps des administrateurs civils et sur le vivier des cadres dirigeants, ainsi que de divers éléments qui lui ont été apportés, dans un second temps, par les administrations centrales des ministères et les divers interlocuteurs rencontrés. Elle a collecté aussi d autres sources d information, d origines diverses : rapports internes à certaines administrations, conduits notamment par leurs corps ou services de contrôle, fichiers de l annuaire de l association des anciens élèves de l ENA, documents de l OCDE, quelques données sur différentes expériences étrangères ; les informations recueillies grâce à la mise au point et à l envoi aux administrations centrales et corps gestionnaires (ceux du champ ENA / école Polytechnique) d un questionnaire détaillé permettant d obtenir, sur l encadrement supérieur et dirigeant, les éléments les plus objectifs possibles sur l état des lieux, ainsi qu une première base de données permettant, pour certains corps, des projections à court et moyen terme, et l esquisse d une analyse sur la nature et l impact des différents types de mobilité. Cette source d information, proche de l instantané photographique, s est révélée précieuse à plus d un titre. Elle a pour seule limite le manque de profondeur historique, auquel la mission n a pu pallier que de manière très incomplète grâce à différents recoupements entre données ; les entretiens systématiques conduits avec les secrétaires généraux des ministères et responsables des ressources humaines, ainsi qu avec les chefs de corps, les directeurs des grandes écoles de recrutement, les responsables du CNFPT et du Centre national de gestion de la fonction publique hospitalière, enfin certaines personnalités qualifiées ou particulièrement intéressées du secteur public et du monde de l entreprise 3. La structure du présent rapport a été dictée par la nécessité de définir préalablement le cadre général de l analyse et la méthodologie suivie. Dans le cadre d analyse qu elle s est ainsi donné (les corps dits «ENA» et «Polytechnique», c est-à-dire l ensemble des emplois et carrières auxquels donnent accès, dans des proportions variables, ces écoles), la mission a établi un état des lieux, adossé aux éléments statistiques recueillis et nourri par les entretiens nombreux qu elle a pu avoir non seulement au sein de l Etat, mais aussi auprès de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière (première partie). Elle a ensuite défini un certain nombre d objectifs qui lui semblent réalisables à échéance rapprochée et proposé une série d orientations de plus long terme (seconde partie). 3 Liste jointe en annexe 2. 14

15 1 METHODOLOGIE DE LA MISSION ET DEFINITION DU CHAMP D ANALYSE 1.1 Méthodologie La notion floue d «encadrement supérieur» La lettre de mission évoque le développement «d une approche en termes de parcours et de gestion prévisionnelle». Elle précise que sont concernés «les administrations centrales et territoriales de l Etat, ainsi que ses opérateurs». Elle ne définit pas, en revanche, la nature exacte de «l encadrement supérieur et dirigeant de l Etat», tel qu il est évoqué dès le premier paragraphe de la lettre. Or cette formulation recouvre plusieurs ensembles distincts, sachant qu il existe désormais une définition des «cadres dirigeants» liée à la création du vivier correspondant et recoupant pour l essentiel, mais avec des nuances le champ des emplois «à décision du gouvernement». La mission a d emblée considéré qu il lui appartenait de délimiter, sur le plan méthodologique, son champ d analyse immédiat, sans préjudice d un élargissement du raisonnement et de certaines orientations à des viviers plus larges. Il est clair en effet que la définition même de «l encadrement supérieur et dirigeant» est au cœur de la mission, qu elle en constitue l une des difficultés majeures et qu elle détermine la pertinence et l efficacité de toute démarche prospective. C est une difficulté à laquelle s étaient d ailleurs heurtés les rapports successifs consacrés à l encadrement supérieur Historique des analyses (du rapport Prada au rapport Pêcheur) C est à la fin des années 1980 et au début des années 1990, après avoir constaté que les réformes majeures intervenues dans le domaine de la fonction publique avaient essentiellement concerné les fonctionnaires de l encadrement intermédiaire et les agents de catégorie B et C, que le souci d ouvrir de nouvelles perspectives mobilisatrices, pour les «hauts fonctionnaires», s est manifesté au niveau gouvernemental. Le sujet n avait pas été abordé en tant que tel depuis les grandes réformes de 1945, en particulier depuis l ordonnance du 9 octobre 1945, qui avait créé l Ecole nationale d administration et ses deux concours, les instituts d études politiques, le corps des administrateurs civils (avec la séparation du grade et de l emploi) et la direction générale de l administration et de la fonction publique. L exposé des motifs de l ordonnance conserve une certaine actualité : «Le procès de nos administrations publiques est ouvert depuis nombre d années [ ] Une priorité absolue est due au problème général de la formation et du recrutement des fonctionnaires qui sont au cœur même de nos services publics : Conseil d Etat, personnel civil des administrations centrales, corps diplomatique et préfectoral, corps d inspection et de contrôle». Rappelons que le texte de 1945 pointe la «spécialisation et le cloisonnement excessifs» nés de modes de recrutement organisés séparément par les administrations sur des critères et à des rythmes hétérogènes. Il prévoit le développement d un cadre de formation commun, fondé essentiellement sur l ENA, afin de développer une culture interministérielle de gestion administrative, en liaison avec la création du corps des administrateurs civils. 15

16 Ce modèle défini en 1945 n a pas été ouvertement remis en cause dans son inspiration générale par les rapports qui se sont succédé au cours des vingt dernières années. Certains d entre eux, comme le rapport Weiss ou le rapport Silicani, ont toutefois estimé qu il fallait sortir d un carcan excessivement dominé par le modèle des deux grandes écoles qui forment le soubassement du système français : l ENA et l école Polytechnique. En revanche, la pertinence du modèle a été dans une large mesure réaffirmée par le rapport Pêcheur. Lorsqu il présenta, le 21 avril 1994, le rapport Prada sur «l encadrement supérieur des administrations de l Etat», le ministre de la Fonction publique de l époque, André Rossinot, évoqua «un malaise profond dû notamment à la dégradation des conditions matérielles de la haute administration et se traduisant par des départs nombreux de fonctionnaires en direction du secteur privé», en désignant plus spécifiquement les «fonctionnaires en charges de responsabilités importantes». Etaient mentionnés alors : l absence d une véritable gestion de la haute fonction publique, la tendance à la politisation des nominations, la question de plus en plus lancinante de la «seconde carrière», le sentiment de «déresponsabilisation» et la dégradation des conditions matérielles de travail, le resserrement de l éventail hiérarchique et des rémunérations (aggravé par la mise en œuvre du protocole Durafour), la lourdeur excessive des administrations centrales, la considération insuffisante portée aux «fonctions d étude, de planification, de prospective, d évaluation», la mobilité insuffisante, la durée excessivement courte des affectations sur une même fonction Le rapport Prada proposait une logique de revalorisation fonctionnelle avec identification de postes-clefs au sein de l Etat qui étaient destinés à bénéficier, notamment, de la nouvelle bonification indiciaire (NBI). Le rapport s alarmait déjà d une possible démobilisation de l encadrement supérieur. Le rapport Picq remis la même année apportait une démarche plus prospective sur l évolution des grandes fonctions de l Etat. Il s agissait bien d articuler la vision plus «statutaire» du rapport Prada avec une approche plus globale sur l évolution des missions et structures de l Etat. Dans les années qui ont suivi, d autres réflexions ont été lancées : le rapport Weiss prolongeait les analyses des rapports précédents en prenant en compte de manière beaucoup plus complète la problématique propre aux corps des ingénieurs. Il mettait en lumière également l absence d une gestion prévisionnelle globale de la haute fonction publique et le poids excessif des corps dans la définition des recrutements par la voie de l ENA et de l école Polytechnique. Il s efforçait, en réalité, de faire la synthèse entre les deux approches développées de manière distincte par les rapports Prada et Picq : en articulant la réflexion sur la gestion prévisionnelle de l encadrement supérieur avec une analyse plus prospective sur l évolution des missions de l Etat. En 2006, le rapport Pochard sur «la diversification des modes de recrutement de la haute fonction publique et l ouverture de l accès aux fonctions d encadrement supérieur de l Etat» livrait un constat assez similaire à celui de ses prédécesseurs, tout en s efforçant de dégager les voies d une ouverture du vivier traditionnel de l encadrement supérieur, telle qu elle était souhaitée alors par le gouvernement. Les solutions qu il avait alors préconisées notamment un nouveau desserrement du décret de 1955 pour l accès aux emplois de direction 4 restaient dominées par la nécessité de respecter les conditions d une «compétition ouverte et d une sélection objective». S agissant des emplois «à décision du gouvernement», il décrivait favorablement les dispositifs existant dans des pays comme la Grande-Bretagne ou la Belgique présélection des «Top managers» par des jurys professionnels -, tout en admettant à regret que cette voie se heurtait à la tradition française et qu on ne pouvait envisager tout au plus que des systèmes symboliques ou formels voués à être qualifiés d «usines à gaz» 4 Décret n du 19 septembre 1955 portant règlement d'administration publique relatif aux conditions de nomination et d'avancement dans les emplois de chef de service, de directeur adjoint et de sous-directeur des administrations centrales de l'etat. 16

17 Le Livre blanc sur l avenir de la fonction publique, établi par M. Silicani en 2008, s efforçait de dépasser le cadre traditionnel des réflexions antérieures en proposant la construction d une «fonction publique de métiers». Mais très ambitieux, il portait sur l ensemble de la fonction publique pas spécifiquement sur l encadrement supérieur et appelait à créer une filière d administration générale commune aux trois fonctions publiques. Au total, c est une masse de réflexions et de propositions considérables qui ont été formulées par différents rapports de grande qualité au cours des vingt dernières années. A l analyse, tous ces travaux se sont heurtés au même faisceau de difficultés : la difficulté d articuler une réflexion pratique et opérationnelle sur la rénovation et la rationalisation de la gestion de l encadrement supérieur avec une vision prospective construite et convaincante de l évolution des missions de l Etat surtout en prenant en compte la logique propre des deux autres fonctions publiques ; le problème, de fait insurmontable, de la conception de véritables parcours de carrière dans un système français où vient s inscrire, au sommet du dispositif, la mécanique des nominations «à décision du gouvernement». Cette question rend largement inopérante l utilité des comparaisons internationales, qui, pour la plupart d entre elles, renvoient à des systèmes canalisant de manière plus ou moins rigoureuse les nominations aux emplois dirigeants par l autorité politique ; l opacité des données recueillies en termes d effectifs et de rémunérations ; la complexité de toute approche synthétique entre les viviers «administratifs» et les viviers d ingénieurs ; la retenue presque instinctive devant toute définition trop précise de la notion d «encadrement supérieur», en raison des frontières de plus en plus poreuses entre les viviers traditionnels (ENA, école Polytechnique) et les effectifs massifs de filières spécialisées (enseignants, magistrats, militaires). Cette «porosité» s explique à la fois par la contraction progressive de l écart entre les rémunérations et par un usage indifférencié de la notion de management. C est la raison pour laquelle la présente mission a fait le choix de délimiter très précisément son champ d analyse, afin d être à même d identifier des mesures d amélioration concrètes et de mise en œuvre immédiatement accessibles. Quant aux expériences étrangères, elle s est appuyée sur des données écrites, n étant pas à même, à raison des délais définis pour la mission, de prolonger ce premier recueil d informations par des déplacements sur le terrain L incertitude des critères Les comparaisons internationales sont difficiles, parce que le système français cumule plusieurs approches qui relèvent de logiques différentes : la fonction publique de carrière et le système des corps (selon une logique statutaire et avec de surcroît, en superposition, une hiérarchie de nature sociologique, pour l essentiel héritée de l histoire et qui identifie un petit groupe de «grands corps») ; une logique indiciaire (celle qui a inspiré notamment la politique dite de «décloisonnement des viviers» depuis la fin des années 1990) ; une logique managériale (les fonctions d encadrement supérieur étant définies avant toute chose par le volume des personnels encadrés, au détriment des critères d expertise). On en trouve une illustration dans l expérience de la NBI (nouvelle bonification 17

18 indiciaire), qui avait à l origine vocation à être une indemnité «fonctionnelle», mais qui en réalité obéissait largement à une logique essentiellement statutaire et indiciaire. Si l on prend comme base d analyse la population des agents de la catégorie A+ telle qu elle est définie par la DGAFP 5 et recensée à partir des fichiers de paie des agents de l Etat 6, c est un volume d environ personnes 7 qui est concerné. Des définitions plus restrictives, portant sur les corps dont l indice terminal est au moins égal à la hors-échelle B, permettent de limiter davantage ce champ - qui reste le fruit exclusif de considérations gestionnaires. A l inverse, si l on part de bases nettement plus étroites et délimitées non par le cadre strict, mais par la logique des viviers d emplois à décision du gouvernement (et assimilés) qui paraît être le champ raisonnable auquel renvoie la notion d «encadrement supérieur et dirigeant», le cadre d analyse se trouve limité à quelques milliers d agents (essentiellement les emplois à décision du gouvernement et les emplois de direction des administrations centrales). La notion de «cadres dirigeants» est la seule qui ait reçu une définition administrative précise puisqu elle fait l objet d un «vivier» destiné à l alimenter et géré par la délégation ad hoc du secrétariat général du gouvernement. Ainsi, on se trouve en présence d une double difficulté : Une définition strictement délimitée (trop strictement délimitée?) des «cadres dirigeants», qui renvoie aux seuls postes à la décision du gouvernement. Une définition trop large et trop floue de «l encadrement supérieur», qui se fonde sur des critères sociologiques plus ou moins avoués, mais aussi sur des éléments de comparaison indiciaire ou même indemnitaire qui n éclairent en rien sur le contenu des fonctions. Le rapport Prada avait bien tenté une approche fonctionnelle avec sa notion de «fonctionnaires en charge de responsabilités importantes», et le rapport Silicani avait même poussé cette logique beaucoup plus loin, mais les difficultés pratiques de mise en œuvre s étaient révélées insurmontables Le choix méthodologique et statistique opéré par la mission Pour disposer d une première base d analyse immédiatement opérante et utilisable, la mission a pris le parti de croiser une approche par corps avec une approche fonctionnelle : en prenant comme champ d étude ce qu il est convenu d appeler «les corps ENA» et «les corps Polytechnique» (ainsi que les corps de débouché afférents) comprenant non seulement les anciens élèves de ces écoles, mais tous les autres agents intégrant ces corps, quelle que soit la voie d accès. Les corps des souspréfets et des conseillers économiques, compte-tenu de leurs particularités, ont également été ajoutés au champ de l étude. La mission est parfaitement consciente des limites d une telle approche. Mais il lui a semblé que cette restriction méthodologique était une condition indispensable pour produire de premiers éléments d appréciation objectifs et utilisables, au-delà des considérations générales sur le «décloisonnement», le «management» et autres notions au contenu mal défini qui ne permettent pas d obtenir par elles-mêmes des appréciations ou orientations à caractère opérationnel. 5 Certains ministères en ont cependant une définition plus extensive. 6 Ce qui conduit à écarter les agents n étant pas en position d activité. 7 Source : DGAFP. Faits et chiffres Dossier n 2 «L encadrement supérieur». 18

19 Elle s en est ouverte clairement aux interlocuteurs qu elle a rencontrés et elle a relevé qu à de rares exceptions près, cette méthode était comprise et admise sans réticence. Sa méthodologie s articule ainsi clairement avec la démarche adoptée par le rapport Pêcheur, selon un temps de raisonnement et d analyse à quatre niveaux : recueil de données chiffrées permettant des projections des besoins en matière de ressources humaines sur la base actuelle de l organisation de l Etat : tentative d appréciation de la réalité démographique, avec la prise en compte de la pyramide des âges et de l allongement de la durée d activité, état des lieux de la féminisation des emplois de direction (toutes les données des questionnaires sont «sexuées») ; croisement de ces données avec les estimations et attentes des gestionnaires : prise en compte des «pratiques» ministérielles, âge moyen d accès aux emplois de direction, etc. ; définition d orientations à court terme et propositions visant à améliorer la gestion de l encadrement supérieur et des cadres dirigeants ; esquisse d une démarche prospective sur l évolution des parcours de l encadrement supérieur et dirigeant à échéance de 20 ans, en fonction de plusieurs paramètres d évolution de l Etat (impact prévisible de la décentralisation, déjà très sensible sur les corps d ingénieurs mais plus difficile à évaluer sur certaines administrations centrales et sur les corps des préfets et des sous-préfets, développement éventuel de nouvelles missions de l Etat, etc.). 1.2 Etat des lieux Les principales données La mission a adressé au total 33 questionnaires aux ministères et employeurs ; elle se félicite d avoir obtenu l intégralité des réponses et remercie ses interlocuteurs d avoir ainsi contribué à l établissement de ce corpus de données, à ce jour inédit. Compte tenu des précisions méthodologiques ci-dessus, l étude de la mission a porté sur un total de 23 corps représentant hauts-fonctionnaires. L ensemble des données demandées aux ministères, corps et juridictions sont arrêtées au 31 décembre La population étudiée Corps Femmes Hommes Total % femmes Corps de sortie ENA ,1 % Corps de sortie Polytechnique ,6 % Corps de débouché ,1 % Autres corps ,5 % Total ,4 % Source : mission 8 Sous-préfets et conseillers économiques. 19

20 Féminisation par grandes catégories de corps 35,0% 30,0% 25,0% 20,0% 15,0% 10,0% 5,0% 0,0% Corps de sortie ENA Corps de sortie Polytechnique Corps de débouché Autres corps Source : mission Au sein du périmètre étudié, 25,4 % des hauts-fonctionnaires sont des femmes. Une division, bien que quelque peu théorique, en trois grades 9 montre que la part des femmes est plus importante dans le premier grade (31,5 %). Les corps de sortie ENA comportent 29,1 % de femmes, alors que les corps de sortie de l école Polytechnique en comportent 22,6 %. Les classes d âge les plus représentées sont les et ans : 34,7 % des hauts fonctionnaires sont dans ces tranches d âge. Au total, 50,9 % de la population étudiée a plus de 50 ans. Dans un peu plus de 15 ans, la moitié de la haute fonction publique actuelle sera partie à la retraite. 9 Cf. explication de la répartition effectuée par la mission en pp

21 Pyramide des âges (ensemble des corps) > < Femmes Hommes Source : mission La répartition selon les positions s effectue comme suit : Répartition selon les positions par grandes catégories de corps Corps Activité et congé parental 10 Hors-cadre Détachement Disponibilité Total Corps de sortie ENA 65,6 % 27,4 % 0,7 % 6,2 % 100 % Corps de sortie Polytechnique 53,4 % 29,8 % 1,8 % 15,0 % 100 % Corps de débouché 83,6 % 10,5 % 4,3 % 1,5 % 100 % Total 62,3 % 26,8 % 1,7 % 9,3 % 100 % Source : mission 10 Compte-tenu du très faible nombre d agents en position de congé parental (13 au total), la mission a fait le choix de les regrouper avec les agents en activité. 21

22 Positions par grandes catégories de corps Corps de sortie ENA Corps de sortie Polytechnique Corps de débouché Activité et congé parental Détachement Hors-cadre Disponibilité Source : mission La part des membres des corps de sortie Polytechnique en disponibilité est nettement supérieure à celle des autres corps. De même, les hauts-fonctionnaires appartenant à un corps de débouché ont un taux de position d activité moyen supérieur de 20 points à la moyenne de l ensemble de la population étudiée. La mission s est également intéressée aux détachements sur les emplois de direction (sous-directeur, chef de service). Ceux-ci sont majoritairement occupés par les membres des corps de sortie ENA, la part des membres des corps de débouchés étant très faible L évolution des recrutements hauts fonctionnaires ont été recrutés 11 par les corps / juridictions / ministères entre le 1 er janvier 2008 et le 31 décembre 2012, dont 827 directement à la sortie des écoles L évolution des recrutements en sortie de l école Polytechnique Les recrutements par les corps civils en sortie de l Ecole Polytechnique ont été très fortement réduits au cours des dix dernières années pour tenir compte de l évolution des missions de l Etat (nouveau statut de France-Télécom, réduction du programme d investissement en matière d infrastructures, décentralisation). 11 Cela ne signifie pas que nouveaux fonctionnaires ont été recrutés. Une part importante des recrutements s opèrent en effet en interne (agents de catégorie A qui accèdent à la haute fonction publique par la voie, notamment, des concours internes ou des tours extérieurs) ou via des mouvements entre corps de la haute fonction publique (recrutement au tour extérieur d un administrateur civil par l inspection générale des affaires sociales, par exemple). 22

23 L évolution des recrutements en sortie de l école Polytechnique Corps Mines IPEF INSEE Total Mines IPEF INSEE L évolution des recrutements en sortie de l ENA Le nombre d anciens élèves sortant de l ENA a également diminué au cours de ces dix dernières années 14 : L évolution des recrutements en sortie de l ENA Année Nombre Y compris les corps des Télécom et des assurances avant fusion. 13 Y compris ceux des ponts et chaussées et du génie rural, des eaux et des forêts avant fusion. 14 Le présent tableau n intègre pas les anciens élèves de l ENA devenus administrateurs de la ville de Paris. 15 Le pic de 2004 est lié aux conséquences de la suspension du service national. 16 La réforme de la scolarité de l ENA (passage de 27 à 24 mois de scolarité) a eu pour conséquence que deux promotions sont sorties en 2011 : la promotion Robert Badinter, le 31 mars 2011 et la promotion Jean-Jacques Rousseau, le 31 décembre

24 Les systèmes de recrutement parallèle Si l on regarde les corps de sortie ENA, sur la période , les anciens élèves de l école, au nombre de 402, ne représentent que 35,3 % des recrutements 17. Les autres voies de recrutements sont principalement : le tour extérieur : 156 administrateurs civils, 56 conseillers de tribunal administratif et de cour administrative d appel, 32 conseillers des affaires étrangères, 12 conseillers de chambre régionale des comptes ; les concours complémentaires : 151 conseillers de tribunal administratif et de cour administrative d appel, 51 conseillers des affaires étrangères 18 ; l intégration de 52 militaires dans les corps de la fonction publique de l Etat. Il apparaît donc que, face au nombre insuffisant de sorties ENA à leurs yeux, certains employeurs ont eu recours à des recrutements parallèles. Une comparaison effectuée par la mission 19 permet de voir que la part des anciens élèves de l ENA demeure supérieure à 50 % dans la quasi-totalité des corps de sortie ENA. Seuls les corps de conseillers de CRC (47,5 %), de conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires (35,7 %) et de conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d appel (26,9 %) sont en dessous de la moitié. 17 Les corps de sortie ENA ont recruté personnes sur la période Ce nombre inclut les personnes déjà titulaires d un corps de sortie ENA et qui sont parties dans un autre de ces corps, ces «mouvements internes» pouvant être évalués à 85 sur la période, portant ainsi à le nombre de recrutements «nets». Il y avait donc, au cours de cette période, en moyenne 218 (1 090/5) recrutements par an, la part recrutée via l'ena étant de 35,3 % (77/218, on ne comptabilise que 77 anciens élèves de cette école car, en moyenne, 3 deviennent administrateurs de la ville de Paris). 18 Il s agit des recrutements dans le «cadre d Orient». 19 Comparaison présentée en annexe 6. 24

25 Dans le corps de conseillers de tribunal administratif et de cour administrative d appel, la proportion des anciens élèves de l ENA est en très forte diminution tant en stock (26,9 %) qu en flux (17,0 % sur ). Le concours direct 20 est devenu la voie majoritaire de recrutement (54,5 % sur ) Le «vivier» des cadres dirigeants : la réalité de son fonctionnement, le progrès réalisé La circulaire du Premier ministre du 10 février 2010 a entraîné la constitution d un vivier des cadres dirigeants. Celui-ci répond à l objectif «d identifier le plus tôt possible, dans chaque administration, les cadres à haut potentiel, susceptibles de devenir cadres dirigeants à plus ou moins brève échéance 21». Le vivier est administré par la délégation pour la rénovation de l encadrement dirigeant de l Etat, placée auprès du secrétaire général du gouvernement, au travers d une application informatique dédiée, le «système d information cadres dirigeants» (SICD), déployé depuis avril Les emplois recensés dans le SICD Le SICD recense 615 emplois de cadres dirigeants, qui se répartissent comme suit. Employeur Nombre Affaires étrangères 22 Affaires sociales et Travail 77 Agriculture 14 Conseil d Etat 12 Culture 28 Défense 96 Ecologie et Logement 72 Economie et Finances 39 Education nationale 48 Intérieur 156 Justice 8 Premier ministre 41 Présidence de la République 2 Total 615 Hormis les emplois de secrétaire général, directeur d administration centrale et délégués interministériels, les emplois auxquels le vivier permet d accéder ont été sélectionnés par les ministères, parmi l ensemble des emplois à décision du gouvernement 22, en lien avec le secrétariat général du gouvernement. A titre d exemple, seuls les postes d ambassadeur les plus importants ont 20 Ce concours était, jusqu à peu, intitulé concours complémentaire. S il était probablement complémentaire dans l esprit de ses créateurs à la fin des années 70, et lors des premières années de sa mise en œuvre, il ne l était plus du tout ces dernières années, à tel point que c est davantage le recrutement à la sortie de l ENA qui était devenu complémentaire. 21 Circulaire du 10 février 2010 relative aux cadres dirigeants de l'etat, NOR : PRMX C. 22 Au sens du décret n du 24 juillet 1985 portant application de l'article 25 de la loi n du 11 janvier 1984 fixant les emplois supérieurs pour lesquels la nomination est laissée à la décision du Gouvernement. 25

26 été retenus. Il peut donc résulter de la méthode utilisée certaines incohérences qui conduisent à suggérer une harmonisation des critères Les hauts fonctionnaires présents dans le SICD Le vivier des hauts fonctionnaires susceptibles d occuper des fonctions de cadre dirigeant est alimenté par les administrations (ministères et inspections générales interministérielles) et mis à disposition des autorités de l Etat concernées par les nominations. Comme le précise la délégation pour la rénovation de l encadrement dirigeant de l Etat, le SICD est «de nature à améliorer la gestion prévisionnelle des cadres dirigeants, à faciliter le décloisonnement entre les administrations, la connaissance des compétences détenues par les cadres identifiés comme pouvant occuper des fonctions de cadres dirigeants et le travail de préparation de relève des postes à la décision du Gouvernement, en facilitant notamment la recherche de profils de compétences variés». Au 1 er avril 2014, le fichier vivier des cadres dirigeants comprenait personnes qui se répartissent comme suit : Mode de nomination Hommes Femmes Total Cadres dirigeants en poste Anciens cadres dirigeants Membres du vivier n ayant pas été cadres dirigeants Total La circulaire du Premier ministre du 3 mai 2013 insiste sur la nécessité d anticiper les mouvements, en notifiant chaque trimestre, au secrétaire général du Gouvernement, les mouvements envisagés pour les mois à venir. Pour la nomination à chaque emploi, les ministres sont invités à adresser trois propositions, comportant au moins un candidat de chaque sexe et au moins un candidat figurant dans le vivier interministériel. Les choix doivent être motivés et classés par ordre de préférence. De l avis des personnes rencontrées par la mission, le dispositif est utile et fonctionne globalement bien même si certains considèrent qu'il reste des marges de progrès au niveau de l'affichage des critères d inscription et de la notification des entrées et sorties de vivier. Bien qu il revête une certaine lourdeur en gestion pour les petites administrations, il a présenté l avantage de développer la pratique de gestion des compétences et de généraliser les revues de carrière La féminisation La féminisation de l encadrement supérieur et surtout dirigeant est une priorité fixée par les gouvernements successifs avec des objectifs chiffrés. Il est majoritairement vécu du côté féminin comme une conquête nécessaire de même que les quotas résultant de la loi Sauvadet 24. Le suivi attentif de la mise en œuvre des quotas par un 23 Cf. infra, recommandation n Loi n du 12 mars 2012 relative à l accès à l emploi titulaire et à l amélioration des conditions des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique. 26

27 ministère spécialisé des droits des femmes et par des hauts fonctionnaires à l égalité dans chaque ministère conduit à constater une évolution positive quant à l application par les secrétaires généraux de l ensemble du système. Les réserves prononcées mezza voce au sein de certaines administrations ne sont pas rares quant aux effets mécaniques d une sur-représentation féminine dans les postes de sous-directeurs et de chefs de service dans les cinq ans qui s annoncent. Ces propos ne sauraient toutefois être pris pour une crainte objective car ils méconnaissent la composition du vivier et de son taux de féminisation qui : à l ENA, depuis plus d une dizaine d années, est supérieur à 30 % et a même parfois dépassé les 40 % ; et frôle depuis longtemps les 50 % pour les administrateurs civils du tour extérieur. C est plutôt à l aune de ces données statistiques que l on peut s étonner que les postes de cadres dirigeants féminins soient restés si longtemps sous la barre des 20 %. Cependant l étude de la composition par sexe des classes d âge montre 25 que l augmentation et la densification du vivier féminin sont fortes dans les jeunes générations, et que la proportion, pour des raisons évidentes, est moins marquée pour les générations plus anciennes. Ceci explique en partie - les difficultés rencontrées pour la désignation de femmes à certains emplois «sommitaux» et la crainte qu éprouvent les gestionnaires devant l épuisement trop rapide des viviers féminins concernés par ces postes. 40% Proportion de femmes par classe d âge (ensemble des corps) 35% 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0% < >65 Source : mission En outre, les corps d ingénieurs restent largement sous-dotés en éléments féminins, qui stagnent autour de 15 % au sein de l école Polytechnique et à sa sortie dans les corps de l Etat. Par voie de conséquence et à l exception de la filière vétérinaire (18 femmes sur les 20 inspecteurs de santé publique vétérinaire recrutés cette année), les femmes sont donc peu nombreuses dans les emplois 25 Cf. annexe 3, tableau n 5. 27

28 de cadres supérieurs de formation scientifique et encore moins présentes à l échelon des cadres dirigeants. La politique volontariste et les quotas prévus par la loi Sauvadet devraient s appliquer sans trop de difficultés si l on en croit les propos tenus au sein de toutes les administrations rencontrées. Reste l inquiétude que manifesteraient certains jeunes cadres masculins susceptibles de rejoindre le secteur privé de peur de voir désormais les postes de sous-directeurs échoir uniquement aux jeunes femmes. Cette crainte ne repose à ce stade sur aucun élément chiffré tangible. En tout état de cause, en ce qui concerne le passage à l encadrement dirigeant et aux postes de directeurs d administration centrale, de directeurs d administration territoriale ou d établissement public, le nombre de femmes jusque-là très minoritaire est en voie de correction. Il a progressé en 2013 en raison notamment de la politique volontariste mise en œuvre. Les modalités associées - comme la présentation systématique aux autorités de nomination de trois noms dont au moins un de chaque sexe - ont pu contribuer à cette progression. Les données de 2012 montrent que le nombre de femmes des grades 1 et 2 représente 83,6 % du total des effectifs féminins présents dans tous les corps de la fonction publique d Etat 26 et peuvent ainsi alimenter aisément le passage au grade 3 qui n en comprend encore que 16,4 %. A la fin de l année 2012, le taux de féminisation global s établit à 25,4 % 27. En revanche, les recrutements de femmes opérés de 2008 à 2012 font apparaître une dynamique qui dépasse désormais 33 % du total. Plus précisément, on observe : un «trio de tête» à plus de 40 % : l IGAS, les tribunaux administratifs et l IGAENR ; ainsi qu un «peloton de queue» à moins de 10 % : conseillers économiques, ingénieurs des mines et inspecteurs généraux de la jeunesse et des sports ; de quoi y voir le creuset durable de nombreux stéréotypes. Les différents chiffres montrent que le processus est en marche et qu il doit permettre d atteindre en 2018 les objectifs fixés par la loi de mars 2012, sous une réserve d importance qui concerne la faiblesse actuelle du vivier de l école Polytechnique. Des efforts significatifs doivent donc aussi se concentrer en amont, dès les classes préparatoires aux grandes écoles, pour remédier à cette situation. 26 Cf. annexe 3, tableau n Cf. annexe 3, tableau n 3. 28

29 Inspection générale des affaires sociales CTACAA Insp. générale de l adm.de l éduc. nat. et recherche Conseillers de CRC Insp. généraux et insp. de l adm. du dév.durable Conseil d Etat Inspection générale de l agriculture Administrateurs civils Conseillers des aff. étr. et min. plén. Ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts Inspecteurs généraux INSEE Inspection générale de l administration Administrateurs INSEE Adm. et adm. généraux des finances publiques Cour des Comptes Contrôle général économique et financier Inspection générale des finances Sous-préfets Inspection générale des affaires culturelles Préfets Inspection générale de la jeunesse et des sports Ingénieurs des mines Conseillers économiques Féminisation des corps (stock et flux) 0% 10% 20% 30% 40% 50% Recrutements Corps fin Les seniors La troisième carrière La DGAFP distingue trois étapes, ou trois âges, dans le déroulement standard des carrières des cadres supérieurs en administration centrale : une première carrière qui va de l entrée dans les fonctions jusqu à l accession à un poste de responsabilité sous statut d emploi ; une deuxième carrière qui couvre la période d exercice de fonctions de responsabilités et qui peut inclure, selon les cas, des fonctions de cadre dirigeant ; enfin, une troisième carrière qui va de la fin de ces fonctions jusqu à la retraite. Ce déroulement vaut essentiellement pour l encadrement supérieur en poste en administration centrale. Les services déconcentrés offrent des carrières plus longues, avec des postes opérationnels jusqu à la retraite même si la décentralisation, la Réforme de l administration territoriale de l Etat (Réate) et la fin des missions d ingénierie publique ont eu pour effet de diminuer le nombre de cadres supérieurs (des ingénieurs, pour l essentiel) dans les services déconcentrés de l Etat. Selon leur âge «d entrée dans la carrière», les cadres supérieurs de l administration centrale abordent cette troisième étape entre 45 et 55 ans et la poursuivent jusqu à un âge qui ne cesse de reculer à la suite des diverses réformes du régime des retraites. Au plan statutaire, cette troisième carrière voit deux situations coexister : l intéressé, revenu à sa position statutaire d origine après la fin de son détachement dans un statut d emploi ou après avoir été déchargé de son poste de cadre dirigeant, demeure dans son corps d origine dans la même position (en général, administrateur civil hors classe ou ingénieur général) jusqu à sa retraite - sauf nouvelle affectation, ce qui se produit rarement. 29

30 En règle générale, au plan administratif, il reste affecté à la direction où il exerçait ses fonctions précédentes à moins d être réaffecté à la DRH du ministère. Le nombre des hauts fonctionnaires se trouvant dans cette situation n a pu faire l objet d un recensement précis par la mission. Il peut leur être confié des missions ponctuelles de type «réflexion» ou «expertise» - d un intérêt ou de durée très variables. l intéressé est nommé dans un emploi dit «de débouché», au sein d une inspection générale, d un conseil général ou d un contrôle général. Il remplit alors les missions dévolues à ces structures et ce jusqu à sa retraite, sauf nouvelle affectation comme dans le cas précédent. Le recours à l une ou l autre des deux situations varie beaucoup selon les ministères et dépend en grande partie de l importance que les structures offrant des emplois de débouchés y occupent, ainsi que de leur capacité d intégration Une situation paradoxale déjà ancienne Dans nombre de cas, les cadres qui se retrouvent dans la première situation n ont pas de missions susceptibles de les occuper à plein temps. Certains se retrouvent même sans véritable affectation. Ceux qui bénéficient d un emploi de débouché reçoivent une affectation dont la charge de travail varie selon les services mais qui n est parfois pas telle qu elle les empêcherait d exercer des missions complémentaires. De là naît une situation paradoxale que la fonction publique et les ministères laissent se perpétuer depuis de très nombreuses années et que l évolution de la pyramide des âges n a fait qu accentuer : d un côté, des services souvent en situation de surchauffe. Le mouvement de suppressions d emplois engagé depuis quelques années touche aussi les cadres et la production législative et réglementaire ne décroît pas, bien au contraire. Les services éprouvent donc de réelles difficultés à absorber des travaux supplémentaires, quel que soit l intérêt qu ils présentent; de l autre côté, des cadres supérieurs dans leur grande majorité compétents, disponibles, n étant pas en situation de concurrence avec les responsables en place, présentant de nombreux atouts comme une grande expérience professionnelle et une connaissance globale du ministère ou de l interministériel, connaissances qui manquent parfois à des services habitués à travailler dans leurs seuls champs d activité. Il devrait donc être possible de faire appel aux uns pour épauler les autres. Et pourtant, force est de constater que les services ne sont que rarement demandeurs des compétences des seniors. Rationnellement, il semblerait pourtant envisageable de confier à ces nouveaux seniors une partie des études de prospective, des évaluations de politiques publiques, des expertises qui sont aujourd hui peu ou mal pris en charge par des services parfois au bord de la rupture. Ils pourraient également conduire des projets ou participer à des équipes projet auxquelles ils apporteraient leur expérience. Cette expérience pourrait également être mobilisée dans des actions de coopération internationale. Ils pourraient enfin se voir confier des missions de médiation avec les usagers qu il serait sans doute utile de développer. Par ailleurs, leur mobilisation sur des dossiers de ce type permettrait, dans un certain nombre de cas, de limiter le recours, onéreux, à des cabinets de consultants externes. 30

31 Ce constat est partagé par les secrétaires généraux, les DRH et les chefs de corps qui, pour la plupart, constatent et regrettent cette situation sans qu on ait réussi jusque là, à de rares expressions près, à y remédier. Les raisons avancées pour expliquer ce paradoxe sont essentiellement d ordre culturel : crainte que l encadrement des services vive mal cet appel à des renforts (sentiment de désaveu quant à leur implication professionnelle et à leur capacité à répondre à de nouvelles commandes) ; peur que les seniors, habitués à des fonctions de direction et plus tellement enclins à être «encadrés», ne s insèrent mal dans les structures et engendrent des difficultés relationnelles ou hiérarchiques ; a priori négatifs quant à la capacité de ces seniors à répondre à des questions très actuelles (jeunisme). A cela s ajoute un obstacle de plus : la question de la position administrative des intéressés et, partant, du portage budgétaire et financier, la pression sur les emplois poussant chaque directeur à être très circonspect dès lors qu il s agit de mobiliser un emploi supplémentaire même temporairement. Dit autrement, des directeurs seraient davantage prêts à employer des seniors à condition, au moins, qu ils soient affectés gracieusement dans leur direction. De leur côté, certains seniors hésitent, pour des raisons de «standing», à occuper des postes que la direction a tendance à considérer comme «de circonstance». On a donc le sentiment d un grand gâchis, humain et financier à la fois du côté de services en situation de surchauffe et du côté de seniors, sous-employés et vivant mal une situation qu ils considèrent comme humiliantes. 31

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33 2 QUELQUES OBJECTIFS REALISABLES Un des éléments qui entravent ou paralysent tout effort de rénovation profonde dans la gestion de l encadrement supérieur tient à la difficulté de sa définition même. La constitution du «vivier» par le secrétariat général du gouvernement a été un moyen de délimiter les strates les plus élevées de l encadrement supérieur. Mais les étages immédiatement inférieurs qui correspondent aux carrières des corps ENA et Polytechnique offrent des frontières infiniment plus poreuses avec d autres filières : certains corps techniques ou scientifiques, les enseignants et chercheurs, les magistrats, les militaires ces derniers bénéficiant déjà de possibilités de reclassement dérogatoires. La mission estime qu il faut avoir sur ce plan une approche décomplexée, dans la mesure où il s agit bien de promouvoir un encadrement supérieur le plus professionnel et le plus interministériel possible : la base initiale du système de 1945 s est largement ouverte au fil des ans. Pour les seuls corps ENA, les sorties d école ne représentent plus qu un tiers des recrutements opérés chaque année. La formation et la pratique professionnelle des ingénieurs se sont rapprochées de celles des administrateurs. Les dispositifs de promotion interne existent et méritent même d être redynamisés notamment le concours interne de l ENA. L interministérialité doit être renforcée, et non combattue par des logiques corporatistes verticales telles que la volonté de créer des débouchés artificiels pour des métiers ou des filières très éloignés et dont on n a pas su maîtriser la démographie. Le vrai champ d échange, au-delà de l interministérialité, est celui de l inter-fonctions publiques. Le seul critère véritable pour l encadrement supérieur et dirigeant devrait être celui de la compétence, infiniment plus légitime et porteur d efficacité que le simple franchissement d un niveau indiciaire. Cela ne signifie en rien une fermeture des fonctions de l encadrement supérieur, mais la reconnaissance et l affirmation d un système à deux entrées : le recrutement initial par des écoles de formation initiale dédiées, qui n est plus et ne doit pas redevenir un mode de sélection exclusif, mais qui doit représenter une proportion significative du renouvellement des générations ; les recrutements parallèles, de nature diverse, mais qui doivent tous comporter l acquisition en commun d une culture administrative opérationnelle et interministérielle minimale. La vigueur et l efficacité d un tel dispositif passent aussi par une pratique performante des mobilités, infiniment préférable à toute démarche fondée sur des titres ou des équivalences par nature discutables. 2.1 Dessiner les lignes de force d une évolution des compétences Les employeurs jugent, d une manière générale, que la formation reçue par les élèves sortant de l ENA comme de l école Polytechnique est très satisfaisante. Ils insistent sur les deux atouts essentiels, à leurs yeux, dont disposent les nouveaux arrivants : leur capacité d adaptation et le fait qu ils aient «appris à apprendre». Cette aptitude à une certaine souplesse ou polyvalence reste un trait caractéristique de la haute fonction publique française. La mission avait été invitée à réfléchir à l évolution des besoins en termes de métiers, mais au vu des remarques formulées par les interlocuteurs rencontrés, elle a choisi de raisonner en termes de compétences. En effet, la notion de métier, au sens, par exemple, où elle apparaît dans les répertoires des métiers, n a jamais été évoquée en tant que telle. En revanche, ont été décrits des besoins en compétences pouvant couvrir d ailleurs des champs assez larges. 33

34 L évolution de ces besoins est en partie le fruit des profondes mutations que l administration comme la société française ont connu ces dernières décennies : décentralisation, libéralisation de l économie et émergence de nouvelles formes de régulation, mondialisation, construction européenne, accélération des évolutions technologiques, crise des finances publiques. Cinq grandes préoccupations émergent du tour d horizon effectué : l importance prise par la dimension juridique dans la plupart des sujets traités; les besoins en expertise technique de haut niveau ; le besoin, plus spécifique, en conduite de projet dans le domaine des systèmes d information ; la possibilité pour de jeunes ingénieurs d acquérir les compétences opérationnelles de terrain ; l exigence de compétences managériales rénovées La dimension juridique Le besoin en cadres supérieurs d administration «généralistes», auquel a répondu la création du corps des administrateurs civils, est toujours avéré. Sont toutefois pointées quelques insuffisances, au premier rang desquelles les connaissances en matière de finances publiques, que la LOLF et la situation budgétaire de la France rendent plus nécessaires. L introduction d une épreuve écrite de finances publiques pour les trois concours d entrée à l ENA devrait contribuer à combler cette insuffisance. Est parfois regrettée aussi une approche trop nationale des dossiers, une insuffisante ouverture à l Europe et à l international. A surtout été souligné le besoin d une formation juridique de haut niveau pour l ensemble des élèves sortant de l ENA, quelle que soit ensuite leur affectation, compte tenu de l importance prise aujourd hui par les questions de droit ; pour les mêmes raisons, l acquisition d une certaine compétence juridique, à tout le moins d une certaine culture juridique, paraît indispensable pour les ingénieurs sortant d école. La montée en puissance de la dimension juridique dans les dossiers traités affecte l ensemble des administrations centrales. Cette évolution se mesure également dans l activité des juridictions administratives, à la fois dans le domaine consultatif, avec des demandes d avis sur des sujets de plus en plus complexes, mais aussi dans le domaine contentieux où l évolution du nombre d affaires examinées n est maîtrisée que grâce à des réformes de procédure. Cette évolution est due à plusieurs facteurs bien identifiés : émergence du principe de précaution, juridicisation croissante de la société, séparation des fonctions de production et de régulation, surveillance accrue par la Commission européenne des décisions nationales... La plupart des dossiers traités aujourd hui par les administrations centrales ont cette dimension juridique et l indispensable exercice de simplification et de réduction normatives qui a été engagé n y changera pas grand chose tant les pouvoirs exécutif comme législatif sont prompts à répondre aux inquiétudes sociétales par l édiction de nouvelles réglementations. Ce processus s accomplit d ailleurs dans une certaine précipitation qui nuit à la qualité et à la cohérence des textes adoptés, nourrissant ainsi de futurs contentieux. 34

35 Il paraît donc sage de prendre acte de cette évolution et de considérer que les formations initiales doivent maintenir, voire améliorer, le niveau des connaissances juridiques apportées aux élèves. Les ministères ont d ailleurs également tous pris en compte cette évolution en créant, dans un passé récent, là où elles n existaient pas, des directions juridiques au sein de leurs administrations centrales Un besoin confirmé d expertise technique de haut niveau L Etat a-t-il toujours besoin de recruter des ingénieurs de haut niveau? La question méritait d être posée au vu du retrait opéré par l Etat d un certain nombre d activités et de fonctions qui employaient un grand nombre d ingénieurs : ingénierie publique, maîtrise d œuvre de grands projets d infrastructures, activités de production confiées au marché... Le constat de la mission s inscrit, cinq ans après, dans le droit fil des conclusions de la mission Canepa-Folz sur le besoin continu d ingénieurs experts au sein de l Etat, illustrant ainsi le fait que les évolutions en cours sont bel et bien profondes et n ont rien d éphémère. Il y a unanimité tant dans les ministères «techniques» que dans les autres administrations pour plaider en faveur du maintien au sein de l Etat d une capacité d expertise de haut niveau. Ses champs de compétences, ses modalités d exercice peuvent avoir changé, mais demeure la nécessité pour l Etat de disposer d experts techniques hautement qualifiés. En effet, faute de disposer de ces compétences, l Etat risque de se trouver en position de grande faiblesse (il n est pas exclu que cela se soit déjà produit au cours de ces dernières années) pour jouer son rôle de stratège dans les secteurs industriels et technologiques, pour prendre des décisions appropriées dans ses relations avec les autorités de régulation, pour piloter de grands projets de système d information, pour défendre les intérêts de la France au plan européen ou international sur des dossiers à forte composante d innovation. Les décisions politiques dans chacune de ces matières doivent pouvoir reposer sur un éclairage et une analyse technique incontestables des enjeux. Comme l écrivaient déjà MM. Folz et Canepa, «le régulateur doit être aussi compétent que le régulé pour exercer efficacement ses missions». Le projet stratégique du corps des inspecteurs de santé publique vétérinaire de mars 2012 résume ce besoin en des termes qui semblent parfaitement transposables à nombre d autres secteurs 28 : «L État aura besoin d experts «maison» indépendants, possédant un haut niveau scientifique et technique, dotés d une capacité de gestion intégrée des risques incluant les évaluations socioéconomiques, affûtés à la négociation internationale, tournés vers l innovation et aptes au dialogue avec le monde de la recherche». Se priver de ces compétences signifierait que l Etat renonce à exercer ses prérogatives de maître d ouvrage et de stratège, ou qu il s en remet pour ses besoins d expertise à des assistants maîtrise d ouvrage ou à des consultants privés, éventuellement porte-parole de différents lobbys. Il est vrai que les compétences souhaitées ont beaucoup évolué : là où on demandait des spécialistes des routes, du rail, des forêts ou des télécommunications, on attend aussi maintenant aussi des 28 Dans leur rapport remis en janvier 2009 au Premier ministre, MM. Folz et Canepa concluaient : «L Etat a besoin de cadres supérieurs à formation scientifique et technique qui lui garantiront son indépendance de jugement dans des environnements complexes intégrant toujours davantage de technologies. La mission a ainsi la conviction que l existence d une filière technique, qui ne doit pas être artificiellement séparée des autres filières au niveau de l encadrement supérieur, représente un atout majeur de la fonction publique française, susceptible de faciliter la modernisation de l Etat». 35

36 experts en développement durable, en aménagement des territoires, en interopérabilité des transports ou en réseaux de communication. Les compétences doivent donc être plus globales et les cadres concernés davantage capables de raisonner en termes de système et de prendre en compte les attentes de la société. L école Polytechnique a conscience de ces évolutions, qu elle a prises en compte dans les formations dispensées. La formation scientifique et la culture de projet sont en outre l un des moyens de développer des qualités utiles à de futurs cadres dirigeants La conduite des projets de systèmes d information Les ministères déplorent les difficultés rencontrées pour recruter des ingénieurs d un bon niveau, capables de piloter leurs projets de développement de systèmes d information ou d exercer des fonctions de direction dans le champ informatique (la situation est toutefois moins difficile dans les ministères de l agriculture et du développement durable qui accueillent un grand nombre d ingénieurs). La situation actuelle est en partie due au fait qu à la suite de sa fusion avec le corps des mines, le corps des ingénieurs des télécoms, qui fournissait beaucoup de responsables informatiques de l administration, a disparu, le nouvel ensemble représentant environ la moitié des effectifs de ce qu ils étaient auparavant. Par ailleurs, pour diverses raisons, les ingénieurs des mines-télécoms semblent de moins en moins intéressés par ces fonctions. L Etat se retrouve donc dans une situation difficile au regard de ses missions de maîtrise d ouvrage des grands projets informatiques (qui sont pourtant, et à juste titre, de plus en plus nombreux) et doit s en remettre à des intervenants extérieurs qu il n a pas toujours les moyens de contrôler. La DISIC partage ce constat et travaille à dégager des solutions durables Le risque d une perte d expérience opérationnelle pour les jeunes ingénieurs Le premier enjeu qui a été souligné par les interlocuteurs de la mission est celui de la compétence. Le recrutement de scientifiques disposant d une formation initiale de très haut niveau n est en effet pas suffisant pour garantir ensuite l acquisition et le maintien d une vraie compétence. Celle-ci s acquiert et se développe par la pratique. Cette caractéristique est générale mais les interlocuteurs de la mission ont souligné une spécificité des ingénieurs en la matière, liée à l évolution, pour l Etat, du «faire» vers le «faire-faire», évolution qui pourrait être lourde de conséquence. L Etat ne possède plus en son sein toute la palette des métiers de l ingénieur, notamment dans le domaine des infrastructures. En outre, plus de 80 % des investissements dans ce secteur sont aujourd hui réalisés sous la maîtrise d ouvrage des collectivités territoriales. Pour conserver une vraie compétence technique, le parcours des ingénieurs devra donc de plus en plus comporter un passage en dehors du périmètre des administrations de l Etat, même élargi à ses établissements publics, notamment en collectivité territoriale. Cette préoccupation vaut dès l origine comme en cours de carrière. Lors de la formation initiale, il a ainsi été jugé nécessaire pour le corps de mines que les ingénieurs élèves consacrent les deux tiers de leur formation à des stages dont un tiers à l international. Le chef du corps des IPEF a regretté, pour sa part, que la durée de formation des IPEF ayant été réduite de trois à deux ans, elle ne comporte plus aujourd hui qu un stage court au lieu du stage long qui préexistait. 36

37 Pour le premier poste, complément pratique de la formation initiale et si important pour la suite de la carrière, il faut de même considérer comme normal qu il puisse s exercer en détachement lorsque l Etat ne conduit plus lui-même la maîtrise d œuvre ou la maîtrise d ouvrage des projets comme cela était le cas dans le passé. Enfin, le passage à l extérieur en cours de carrière, bénéfique pour développement des compétences des intéressés, suppose ensuite le retour, dans de bonnes conditions, d un nombre significatif d entre eux pour que l Etat bénéficie de ce développement des compétences. Recommandation n 1 : Permettre aux ingénieurs d exercer des métiers formateurs au sein des collectivités territoriales et des opérateurs, y compris en premier poste Développer et mieux utiliser les compétences managériales Rares sont les ministères qui évaluent de façon approfondie les compétences managériales de leurs cadres supérieurs et dirigeants : quelques tentatives de-ci de-là 29, dont des évaluations à 180 et 360. Pourtant la plupart déplorent le peu de place laissée aux compétences managériales et regrettent cette incapacité qu éprouve l administration à distinguer, parmi son encadrement, les profils qui relèvent plutôt d une filière expert, de ceux qui présentent plutôt les qualités requises pour poursuivre leur carrière dans une filière managériale. La compétence managériale n est la plupart du temps pas prise en compte au moment du choix pour un poste de direction, même si son contenu proprement managérial est précisément très important (dans le cas d une direction à réseau, par exemple). De même, il y a peu d exemples de cadres supérieur ou dirigeant remerciés pour incompétence managériale. Cette préoccupation est partiellement prise en compte lors de la sélection pour le vivier des cadres dirigeants, mais sans qu au préalable une véritable évaluation des qualités managériales des candidats ait été menée. Il s agit plutôt d une prise en compte des responsabilités exercées antérieurement, avec les limites que cela suppose. Des améliorations sont à apporter tant du côté de la formation initiale que de la formation continue, tout en étant conscient que tous ne présentent pas les dispositions requises pour devenir un bon manager, certains n étant pas, de surcroît, attirés par ce type de fonction. Il serait également utile de procéder pour tous à des bilans de compétences (selon des formes à déterminer) spécialement à des moments clefs de la carrière ou à l orée des nominations sur des emplois de direction et sur les emplois à décision du gouvernement, nominations qui devraient davantage intégrer le critère des compétences managériales. Recommandation n 2 : Inclure dans les dossiers des candidats aux postes de responsabilité une évaluation des compétences managériales, si possible assortie d un 180 ou Cf. notamment l'arrêté du 26 décembre 2011 relatif à l'évaluation d'agents d'encadrement supérieur relevant du ministère des affaires étrangères (NOR : MAEA A) dont l'article 1 er dispose qu «il est institué au ministère des affaires étrangères un dispositif d'évaluation dit évaluation à 360». 37

38 La DGAFP avait initié en 2010 une réflexion visant à simplifier le document d évaluation des administrateurs civils. La mission regrette que cette réflexion n ait pas abouti et suggère qu elle soit reprise, tout en renforçant le volet des compétences managériales. 2.2 Rationaliser la politique de recrutement Les déterminants de la décision La demande des employeurs Etat La mission a tout d abord constaté qu il existe une forte demande des employeurs pour de jeunes administrateurs ou de jeunes ingénieurs. Au-delà des critiques classiques sur le manque de compétences directement opérationnelles (connaître le droit administratif, la comptabilité de l Etat et des entreprises, les rouages administratifs français et européens...), c est bien la capacité d adaptation des jeunes sélectionnés par les écoles qui est reconnue et appréciée. La demande spontanée des employeurs pour de jeunes administrateurs ou de jeunes ingénieurs est néanmoins tempérée par deux éléments susceptibles d évoluer. Le premier est la contrainte budgétaire qui résultera dans les années à venir du programme de stabilité budgétaire. Le volume global des possibilités de recrutements en sera nécessairement affecté, notamment dans les secteurs considérés comme non prioritaires. Le second est la nature des postes offerts par ces employeurs dont il conviendra de veiller à ce qu ils correspondent bien, au-delà du premier poste, qui peut être considéré comme un complément de formation, à des postes correspondant au niveau effectif des cadres supérieurs. De manière générale, les employeurs, souvent également gestionnaires de corps, se posent la question de la deuxième et de la troisième partie de la carrière lorsqu arrive la question, chaque année, du bon niveau des recrutements. Il est naturellement nécessaire d avoir une vision à long terme lorsqu un employeur embauche des cadres supérieurs pour une durée qui sera normalement supérieure à 40 ans, souci qui doit notamment conduire à proscrire les politiques de «stop and go». Il faut effectivement penser à l avenir des jeunes qui sont embauchés aujourd hui, tout en ayant conscience que ce n est pas en réduisant les recrutements que l on règle à court et moyen terme, des questions liées à la deuxième carrière La prise en compte des autres paramètres Au-delà des premiers postes, c est donc l ensemble de la carrière qui doit être pris en compte pour fixer le volume des recrutements, mais il est impératif de ne pas limiter cette analyse aux seuls besoins stricts de l administration de l Etat, ce qui conduirait à une vision malthusienne. Un nombre significatif de cadres quittent actuellement le service de l Etat en cours de carrière, soit temporairement (détachement ou mise en disponibilité), soit définitivement. Pour ce qui concerne les départs définitifs, la mission n a pas pu obtenir des indications précises. Le nombre des radiations de corps est peu significatif en lui-même : la radiation intervient souvent plus de dix ans après un détachement, puis une mise en position de disponibilité, et traduit donc plus des tendances passées que les tendances actuelles ou à venir ; elle est parfois différée dans le temps pour des raisons de plan de charge des services gestionnaires ; enfin, des sorties définitives ont eu 38

39 lieu de manière anticipée en 2011, en prévision de la suppression, à partir du premier janvier 2012, du dispositif de retraite anticipée sans condition d âge pour le fonctionnaire ayant au moins 3 enfants et 15 ans de services publics. Les situations sont toutefois différentes selon les corps et les employeurs. Pour la majorité des cas, la question ne se pose pas vraiment, les taux de départs en cours de carrière étant inférieurs à 20 %. La question est plus fondamentale et très différente pour le corps des mines et le ministère des finances, le corps des IPEF étant dans une situation intermédiaire. L équilibre de fonctionnement repose alors sur deux types de carrières, les carrières bénéficiant d une progression régulière à l intérieur de l administration, situation plutôt minoritaire, et celles, plutôt majoritaires, qui s effectuent en deux parties - une première, assez courte, au sein de l administration et une seconde, hors de l administration. Ce modèle a fonctionné correctement et permet à l administration, comme c est le cas pour les grands cabinets d audit du secteur privé, de bénéficier de jeunes auditeurs de talents sans avoir à leur offrir ensuite des emplois de cadres dirigeants, en nombre par définition plus restreint que les postes de premier niveau, compte tenu du pyramidage des postes. Sans que cela ait été chiffré de manière précise, a été évoquée une baisse des départs depuis la crise de 2008, mais celle-ci resterait limitée (l ordre de grandeur de 10 % a été cité), resterait conjoncturelle et aurait pu être absorbée par les services. La mission considère donc que la crainte de retours massifs n est pas justifiée et qu il faut continuer à fixer le volume des recrutements en considérant qu une fraction significative des agents n effectuera pas toute leur carrière au sein de l administration Le paramètre des besoins immédiats des administrations Les interlocuteurs de la mission dans les administrations centrales essentiellement les secrétaires généraux et les chefs de corps ont exprimé avec des nuances le vœu de bénéficier de un à deux recrutements supplémentaires en sortie d ENA. C est le cas, en particulier, du ministère de la Défense, qui souhaite étoffer ses ressources en administrateurs civils. L IGF a noté que ses besoins étaient convenablement pourvus puisqu en 1986 sur les 150 sorties ENA elle accueillait 6 personnes et qu aujourd hui l effectif de 5 sorties annuelles est à rapporter aux 80 élèves recrutés par promotion, tout en évoquant par ailleurs, comme l IGAS, l intérêt que pourrait représenter un recrutement à la fois en sortie de l ENA et de l école Polytechnique. Pour l IGAS, ce souci d ouverture (également en direction des normaliens) fait suite au constat, opéré depuis quelques années, que la baisse de ses recrutements en sortie d ENA (passage de 4 à 2 entre 2009 et 2012) imposait une diversification ciblée clairement sur d autres grandes écoles. La direction générale du Trésor accueille quatre administrateurs civils chaque année, soit un nombre équivalent à celui dont elle disposait avant qu elle n ait fusionné avec la direction de la prévision et la direction des relations économiques extérieures qui recrutaient aussi toutes deux à la sortie de l ENA. Le Conseil d Etat a confirmé que son besoin de conseillers de tribunal administratif et de cour administrative d appel (CTACAA) demeurait élevé et qu il faudrait pérenniser les recrutements «complémentaires». Ce constat résulte d une part de la judiciarisation croissante de notre société et de la complexité accrue des enjeux du droit européen ainsi que du rôle des autorités de régulation qui, conjugués, entraînent une augmentation du nombre de dossiers contentieux. Au vu des commentaires recueillis auprès des secrétaires généraux, les ministères pourraient utilement employer une dizaine d administrateurs civils supplémentaires issus de l ENA. Cette nouvelle jauge présenterait également l avantage de rééquilibrer le pourcentage de personnes orientées vers l administration de gestion alors qu aujourd hui environ la moitié d une promotion s y 39

40 destine. Or les ministères doivent pouvoir s appuyer sur des administrateurs disposant de solides compétences juridiques, économiques et managériales qui permettent de conduire au quotidien les politiques publiques. La définition par les administrations de leurs besoins immédiats en termes de recrutement manque parfois de précision ou de continuité. Ainsi, pour l ENA, les demandes d effectifs renforcés sont généralement formulées à l occasion de la sortie des promotions, dans le cadre d un volume général prédéfini (80 élèves), et sur la base d une analyse des besoins à strict court terme. La mission a constaté que l expression des besoins n était pas suffisamment étayée et traduisait parfois des lacunes dans la gestion prévisionnelle des emplois. Plusieurs facteurs peuvent l expliquer : le rôle et le poids, très différent selon les cas, des secrétariats généraux en matière de GRH ; un certain embarras au regard d autres métiers ou corporations du ministère qu il est souhaitable de ne pas heurter ; le souci, déjà noté, de prendre en compte les «troisièmes carrières», même si à l évidence les profils ne sont pas nécessairement substituables L évolution de la démographie et la nécessité du renouvellement minimal des profils et des générations La mission a réalisé des projections à moyen et long terme sur les deux corps ayant les effectifs les plus importants, celui des IPEF (3 625 ingénieurs fin 2012) et celui des administrateurs civils (2 549 administrateurs fin 2012). Ces deux projections illustrent les risques liés à une forte réduction des recrutements L évolution du corps des IPEF dans les 20 ans à venir La mission a effectué une projection à 5, 10, 15 et 20 ans des effectifs du corps 30 à partir des hypothèses suivantes : maintien du niveau actuel des recrutements (65 par an), taux de départs en cours de carrière à un niveau moyen correspondant au niveau actuel (de l ordre de 6 départs par an), taux de départ en retraite décalés à terme de deux ans, conséquence de la réforme du régime des retraites. Les résultats en sont les suivants (s agissant d un modèle théorique, il convient naturellement de retenir simplement les ordres de grandeur) : Effectifs en fin d année (hors ingénieurs élèves) moins de 40 ans à 54 ans ans et plus Total Avec ces hypothèses «au fil de l eau», on constate que les effectifs du corps vont sensiblement baisser dans les années à venir, conséquence notamment de la réduction du volume des recrutements qui a été décidée lors de la création du corps en Cette baisse portera essentiellement sur la tranche des moins de 40 ans. Il y aura également une baisse, mais beaucoup moins sensible jusqu en 2022, pour la tranche des 40 à 54 ans : la tension au niveau des postes 30 Cf. annexe 4. 40

41 d encadrement va donc subsister durablement. Enfin, la part - et même le nombre en valeur absolue - des 55 ans et plus va croître, ce qui est indiscutablement une source forte de préoccupation. Il est frappant et inquiétant de constater qu en 2027 les moins de 40 ans représenteront seulement 23,3 % du corps et que les plus de 55 ans seront quant à eux plus de 34 %. La tranche des ans restera stable à 42,6 %, soit le volume de La mission a également projeté une hypothèse de réduction du volume des recrutements de 65 à 50 à partir de 2015, réduction répartie de manière homothétique entre les différentes voies de recrutement. Les conclusions précédentes resteraient valables, l incidence affectant essentiellement les moins de 40 ans (en 2022, leur nombre passerait de 775 à 702 avec la baisse des recrutements). Cette hypothèse ne modifie pas la tension sur les postes d encadrement pour ceux qui ont entre 40 et 54 ans (en 2022, leur nombre passe seulement de à avec la baisse des recrutements), ni celui de ceux ayant 55 ans et plus (en 2022, leur nombre passe de à avec la baisse des recrutements) L évolution du corps des administrateurs civils dans les 20 ans à venir La mission a effectué une projection à 5 ans, 10 ans, 15 ans et 20 ans des effectifs du corps 31 à partir des hypothèses suivantes : maintien du niveau actuel des recrutements (75 par an), taux de départs et d arrivée dans le corps en cours de carrière à un niveau moyen correspondant au niveau actuel, taux de départ en retraite décalés à terme de deux ans, conséquence de la réforme du régime des retraites. Les résultats en sont les suivants (s agissant d un modèle théorique, il convient, comme pour l exemple précédent, de retenir simplement les ordres de grandeur) : Effectifs en fin d année moins de 40 ans à 54 ans ans et plus Total Avec cette prévision, le corps des administrateurs civils se place en forte diminution (perte de 20 % des effectifs en 20 ans). L ensemble des tranches d âge diminue. La proportion des plus de 55 ans croît jusqu en 2022, puis ensuite diminue. Une telle évolution peut être considérée comme logique si l on table sur une poursuite de l attrition des administrations d Etat. Il en va autrement si l on envisage d autres hypothèses retour en force de l Etat sur certains secteurs, apparition de nouvelles compétences, etc La nécessité du renouvellement minimal des générations Cette nécessité de renouvellement minimal doit être prise en considération dans tous les cas, sauf si l on considère que certains métiers, fonctions ou carrières sont destinés à s éteindre. 31 Cf. annexe 5. 41

42 Les deux projections réalisées pour le corps des IPEF et le corps des administrateurs civils montrent deux conséquences de la réduction des recrutements : une déformation de la pyramide des âges avec une diminution du nombre de moins de 40 ans et une augmentation de la part des 55 ans et plus ; des effets qui ne se feront sentir qu à long terme si l objectif est de réduire la part des 40 à 55 ans en la justifiant par une réduction des postes d encadrement. Pour conserver un volume de recrutement suffisant sans augmenter le nombre global de fonctionnaires, il est donc nécessaire de susciter un nombre significatif de départs en cours de carrière. La mission a pris connaissance avec intérêt de l expérience menée au ministère de la défense par la Mission retour à la vie civile des officiers généraux (MIRVOG) et pense qu elle pourrait être étendue avec profit à d autres administrations. Le ministère de l intérieur s apprête à développer une démarche similaire 32. Recommandation n 3 : Accompagner les départs en cours et en fin de carrière pour garantir un niveau suffisant de recrutement de jeunes hauts-fonctionnaires. Même si elle en mesure toute la difficulté, la mission a par ailleurs considéré qu une mesure d incitation financière pour des départs en retraite anticipée, comme cela existe dans le secteur privé, mériterait d être examinée. Par ailleurs, elle a constaté que la mesure de maintien dans un emploi à décision du gouvernement au-delà de la limite d âge 33 est de plus en plus utilisée, alors que cette faculté n avait été prévue que pour des cas exceptionnels. Elle préconise donc de revenir au droit commun, compte tenu surtout du report à 67 ans de la limite d âge dans le cadre de la réforme des retraites 34. Recommandation n 4 : Ne plus permettre le maintien dans un emploi à décision du gouvernement au-delà de la limite d âge. 32 Le ministère de l'intérieur envisage de mettre en place un dispositif similaire à la MIRVOG à destination des cadres dirigeants du ministère âgés de 55 à 62 ans et souhaitant évoluer «de l'intérieur vers l'extérieur». Les cibles seraient les secteurs associatifs, de l'économie sociale, les établissements publics, les collectivités locales et les entreprises, sur la base d'un programme ambitieux de formation et d'immersion en entreprise - ambitieux, mais moins coûteux que la MIRVOG. Le programme «Silver» s'appuierait aussi sur les réseaux sociaux professionnels. 33 La loi n du 31 mai 2011 relative au maintien en fonctions au-delà de la limite d'âge de fonctionnaires nommés dans des emplois à la décision du gouvernement est venue modifier l'article 3 de la loi n du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public, article qui dispose désormais que «Les fonctionnaires occupant, lorsqu'ils atteignent la limite d'âge qui leur est applicable, un des emplois supérieurs mentionnés à l'article 25 de la loi n du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'etat peuvent être, à titre exceptionnel, dans l'intérêt du service et avec leur accord, maintenus dans cet emploi pour une durée maximale de deux ans, par une décision prise dans les mêmes formes que leur nomination. Cette décision fixe la durée du maintien dans les fonctions, auquel il peut être mis fin à tout moment». 34 Report dont l application combinée avec celle de la loi n précitée conduirait à pouvoir maintenir des titulaires d emplois à décision du gouvernement jusqu à leur 69 ème anniversaire. 42

43 2.2.4 Quel volume de recrutement et quel équilibre entre les recrutements par les écoles et les recrutements parallèles? Les administrations ministérielles, en particulier les secrétariats généraux, éprouvent quelques difficultés à proposer une analyse de moyen ou long terme et ressentent sans doute aussi un certain scepticisme devant la possibilité politique d un retour à des promotions plus nombreuses. Deux raisons l expliquent sans doute : l impératif, déjà évoqué, de la gestion à court terme, qui domine encore les politiques de ressources humaines au détriment de logiques plus prospectives. C est sans doute difficilement évitable dans le contexte budgétaire actuel et avec une pyramide des âges préoccupante qui risque de demeurer telle pendant un certain nombre d années ; mais surtout la possibilité accrue de recourir, outre le tour extérieur d administrateur civil, à d autres sources de recrutement (concours complémentaires), qui présentent l avantage d être des recrutements «maison» et ont donc la préférence fréquente des gestionnaires, redevenus ainsi pleinement maîtres de leur politique spécifique de recrutement comme ils l étaient avant Le Conseil d Etat raisonne sur le moyen et long terme, en insistant sur la montée en puissance des compétences juridiques dans le fonctionnement de l administration d Etat : le rôle de conseil, ainsi que la fonction contentieuse sont appelés à être de plus en plus sollicités. La cour des Comptes suit un raisonnement analogue pour les fonctions financières et budgétaires. Il est vraisemblable qu en réalité, la plupart des corps et administrations anticipent une stagnation des effectifs des promotions de l ENA, motivée par des considérations qui sont plus symboliques ou politiques que gestionnaires, et se tournent de plus en plus vers d autres modalités de recrutement : certaines existent et se sont d ores et déjà beaucoup développées (tribunaux administratifs), d autres peuvent être potentiellement réactivées (concours spécifiques de recrutement de sous-préfets ou de conseillers des affaires étrangères). Le ministère de l Intérieur ou le ministère des affaires étrangères prennent des initiatives annonciatrices d évolution similaires, en créant des structures de formations «maison» pour leurs cadres supérieurs. La mission s est interrogée sur les enjeux réels d une telle situation : l objectif initial de la création de l ENA n a jamais été d imposer un monopole exclusif du recrutement des hauts fonctionnaires «administratifs» au profit de cette école. En revanche, la volonté clairement affirmée était bien de créer un creuset commun dominant, permettant de remédier à l éclatement de la haute fonction publique d avant guerre ; en réduisant ou faisant disparaître les concours particuliers, en organisant une formation commune pour des élèves provenant à la fois du concours direct (externe) et du concours réservé aux fonctionnaires (concours interne, selon une formule qui était alors inédite), on espérait réduire la force des corporatismes et des effets de caste, favoriser la démocratisation de l encadrement supérieur, améliorer l efficacité globale de l action publique par l émergence d une culture commune ; la création du corps des administrateurs civils, ainsi que la réforme de l école libre des sciences politiques et la création des instituts d études politiques allaient dans le même sens : il s agissait, dans un cas, de fluidifier les relations entre les ministères, mais aussi, en amont, de combattre les effets de recrutements à caractère jusque-là trop académique ; 43

44 ces ambitions ont révélé, au fil des ans, leurs limites, notamment depuis une vingtaine d années : l interministérialité du corps des administrateurs civils n a été que très imparfaitement atteinte, et aurait même tendu à régresser ; les rapports de force sociologiques au sein de «la haute fonction publique» ont retrouvé une intensité qui est particulièrement visible aujourd hui et qui s exprime notamment en termes de répartition des postes offerts à la sortie de l ENA ce qu il est convenu d appeler «les grands corps» ont préservé, pour l essentiel, leur «quota» des années plus fournies ; le développement accéléré des concours et recrutements parallèles semble traduire une dislocation progressive du système créé en 1945 : les recrutements par l ENA ne représentent plus, environ, qu un tiers des recrutements de cadres supérieurs de l Etat effectués chaque année, notamment en raison du développement important du concours direct des tribunaux administratifs ; il est devenu clair, depuis le milieu des années 80, que la fixation du volume des promotions a été dissociée de considérations techniques pour privilégier une approche politique : les promotions nombreuses traduiraient une politique dépensière et étatiste ; les promotions réduites traduiraient une politique de rigueur budgétaire et, dans certains cas, une politique «libérale». Les considérations symboliques semblent aujourd hui primer dans la détermination du volume des promotions. La mission a été ainsi conduite à se poser deux questions : quelle est la proportion souhaitable de recrutements par l ENA dans un volume donné, chaque année, de recrutements de hauts fonctionnaires? Quel est le seuil au-dessous duquel n est plus garantie l existence d une culture commune en termes de pluridisciplinarité et d interministérialité? Existe-t-il un pourcentage «d équilibre», qui serait moindre que celui des origines, mais supérieur à ce qu il est devenu actuellement? Dans ces conditions, faut-il augmenter le volume actuel des promotions de l ENA, et si oui dans quelles proportions? Pour répondre aux demandes exprimées par les employeurs, la mission a considéré que le recrutement par l ENA d une dizaine d administrateurs civils supplémentaires chaque année se justifierait. Recommandation n 5 : Augmenter le nombre de postes d administrateurs civils à la sortie de l ENA. La question du recrutement des magistrats des tribunaux administratifs pose par ailleurs, en luimême, quelques questions majeures : le recrutement de magistrats par l ENA est devenu marginal, ce qui a d ores et déjà des conséquences sur la composition du corps. Le profil des magistrats évolue donc fortement, et à un rythme rapide : formation plus universitaire, compétence plus strictement juridique, affaiblissement et bientôt disparition d une culture minimale de l administration opérationnelle, ainsi que de l interministérialité. Certains magistrats n ont aucune connaissance de l administration active 35, voire n en auront jamais au cours de leur carrière, du fait de la possibilité qui leur est offerte de remplacer leur mobilité 35 C est le cas des personnes recrutées par la voie du concours direct externe. 44

45 statutaire par une affectation de trois ans au sein d une cour administrative d appel 36. Alors que l on avait coutume de dire que «juger l administration, c est encore administrer», cet adage perdra bientôt de sa force. Ces évolutions ne sont pas neutres : elles vont nécessairement affecter les conditions d exercice du métier, peut-être même la manière de juger, dans un contexte qui reste dominé par l existence de deux ordres de juridiction. Le Conseil d Etat ne nie pas ce risque mais le minore et dit pouvoir garantir durablement la stabilité de la jurisprudence. La mission s est interrogée sur la cohérence des recrutements ENA sous l angle des carrières et des métiers. Si l on conserve un effectif global des promotions au niveau actuel, faut-il poursuivre le recrutement de magistrats administratifs à la sortie de l ENA? Ne doit-on pas envisager un redéploiement des postes vers d autres besoins (administrateurs civils, notamment)? Ne faut-il pas aller plus loin et remettre à plat la nature des postes et missions qui font l objet d un recrutement à la sortie de l ENA en liaison avec l analyse des besoins fonctionnels et l évolution des métiers? Sur la base de ces considérations, la mission envisage deux hypothèses : Si le statu quo est maintenu, une augmentation limitée, mais immédiate du volume des promotions est nécessaire pour rééquilibrer les recrutements des magistrats administratifs et faire en sorte qu une proportion significative de ces magistrats continue d être recrutée par l ENA. Si une réflexion plus approfondie est organisée, sur la base des éléments évoqués supra, cette augmentation pourrait être faible (définition du pourcentage souhaitable par rapport au volume des hauts fonctionnaires recrutés annuellement par toutes les voies existantes, pourcentage qui pourrait être, par exemple, de 40 %, ce qui placerait les promotions à leur niveau moyen des années 90 : autour de 95/100 élèves), ou nulle (si l on renonce à tout recrutement des magistrats administratifs par la voie de l ENA, avec les conséquences possibles évoquées). Recommandation n 6 : Faire un choix s agissant des conseillers de tribunal administratif et de cour administrative d appel : - soit cesser tout recrutement dans le corps par la voie de l ENA ; - soit faire en sorte que la part de sortie ENA représente au minimum le tiers des recrutements dans ce corps. En fonction du choix effectué pour la recommandation n 6, il y aurait soit une stabilisation, soit une augmentation de 20 du nombre de postes à l entrée de l ENA. Pour les raisons indiquées ci-dessus la mission ayant une préférence pour la seconde solution qui ne conduirait à augmenter que d une dizaine de postes le volume global des recrutements 37, 10 postes étant supprimés pour le concours direct de CTACAA. Dans tous les cas de figure, le rôle de formation complémentaire de l ENA doit être renforcé pour garantir l existence d une culture interministérielle minimale. 36 Cf. l article L du code de justice administrative. 37 La mission a conscience qu en recrutant à la sortie de l ENA une dizaine d administrateurs civils supplémentaires, il y aura une augmentation mécanique du nombre de recrutements via le tour extérieur, de l ordre de 7, à conditions statutaires inchangées. 45

46 2.2.5 Développer le rôle de formation complémentaire de l ENA pour les recrutements parallèles Les inconvénients de la situation ici décrite ne résident pas tant dans l existence en soi de recrutements parallèles que dans l absence de socle commun susceptible d être mobilisé aux différentes étapes de la carrière. C est donc, avant tout, au travers d une réponse fondée sur une formation commune qu il convient de raisonner. Celle-ci peut être délivrée conjointement ou séparément par les écoles chargées de la formation initiale et continue de tous les fonctionnaires. C est ainsi que l on pourra le mieux remédier aux écarts de connaissances et de valeurs partagées au bénéfice de l intérêt général et de la cohérence et de l efficacité de l action publique. S agissant de l ENA, cette voie paraît souhaitable en tout état de cause. Elle l est plus encore si l on maintient la situation actuelle (forte proportion de recrutements directs et spécialisés par les corps et administrations). L ENA a développé depuis fort longtemps des cycles de formation de quelques mois pour les fonctionnaires du tour extérieur des administrateurs civils. Ce type de formation devrait être étendu à l ensemble des recrutements directs et spécialisés (corps de sortie ENA) : un tel élargissement supposerait de repenser la formation actuelle en l adaptant aux nouveaux volumes et à la diversité accrue des stagiaires (répartition cours / stages, durée globale du cycle, nature des intervenants) ; il pourrait être l occasion de créer un lien particulièrement bénéfique - avec les élèves de la formation initiale, qui sera bientôt facilité par la réforme de la scolarité et le nouveau calendrier qui va en résulter. Une école comme l ENA serait ainsi dotée pleinement d un second pilier dans le domaine de la formation. La mission ne se dissimule pas les réticences qui peuvent se manifester face à un tel projet : ce sont les mêmes qui se manifestèrent en 1945 lorsqu il fut question de promouvoir une vaste dynamique interministérielle pour l Etat. Mais elle considère que le projet de promouvoir une culture administrative, juridique, managériale commune pour les cadres supérieurs et dirigeants de l Etat demeure d actualité, y compris dans le cadre de l Europe et de la mondialisation. Recommandation n 7 : Pour les corps recrutant à la sortie de l ENA, confier à cette école la mise en œuvre d une formation commune pour l ensemble des recrutements de hauts fonctionnaires. 2.3 Revoir les parcours Intérêt et limites de la logique du «parcours» Un des objectifs de la gestion de l encadrement supérieur est de définir des «parcours» pour les hauts fonctionnaires. C est une préoccupation qui anime aussi bien la DGAFP que les corps et administrations dans la gestion de leurs cadres. La création du «vivier» interministériel va bien 46

47 entendu dans la même direction et a pour fonction affichée de «coiffer» l ensemble des dispositifs, tout en stimulant en retour les efforts de gestion prévisionnelle dans les corps et administrations. La définition de «parcours» répond à une double nécessité : pour les corps et administrations, elle permet de gérer par anticipation les arrivées et les départs, et de traiter dans les meilleures conditions la question souvent épineuse de la «deuxième», voire «troisième» carrière ; pour les fonctionnaires, elle représente une garantie de déroulements de carrière relativement cohérents et permet la mise en place de mobilités tant fonctionnelles que statutaires. Les «parcours» - c est du moins l ambition sous-jacente se doivent d être le plus interministériels possibles, surtout s ils ont vocation à «s emboîter» avec le dispositif du vivier des cadres dirigeants. La réalité observée accuse l inachèvement de cette logique, dont il a déjà été noté par ailleurs qu elle connaît une limite substantielle qui la relativise : l accès nécessairement discrétionnaire aux emplois de cadres dirigeants Des difficultés accrues par des mesures réglementaires récentes Le discours relatif au développement et à l encouragement des mobilités intra et inter-fonctions publiques est de plus en plus résolu et le corpus de règles susceptible de freiner son essor a donc été considérablement assoupli. Mais les effets n ont pas toujours été ceux escomptés. Ainsi, de façon quasi unanime, les interlocuteurs de la mission ont regretté certaines dispositions récentes ou annoncées portant sur la gestion des cadres supérieurs. Les dispositions de la loi de n du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique ont eu pour première conséquence d «abolir» la règle des quatre ans et d autoriser ainsi le départ en mobilité statutaire très précoce de jeunes fonctionnaires. Certains usent de cette faculté dès leur affectation en sortie d ENA et n hésitent pas à quitter leur administration quelques semaines à peine après leur arrivée dans leur première fonction. Le nombre des personnes s orientant vers une mobilité après deux ans d exercice augmente. Ce constat emporte cependant une double conséquence : il décourage les gestionnaires des administrations qui se trouvent confrontés au désinvestissement de la part des directions employeuses qui déplorent le trop grand «turn over» des jeunes recrues. Les directions soulignent qu une bonne connaissance réciproque ne peut guère s installer dans un laps de temps devenu trop restreint et que l appréciation des compétences s en trouve altérée ; de plus, les autorités de gestion se trouvent moins enclines à favoriser le retour dans des conditions attractives pour des personnes qui n ont pas observé une présence suffisante au sein des maisons-mère. L effet concerne en réalité les seuls administrateurs civils dont la gestion en tuyau d orgue se trouve du même coup renforcée. Les administrations préservent en effet jalousement leurs prérogatives, favorisent leurs meilleurs éléments et font miroiter des mobilités rapides en cabinet ou au sein de directions voisines du même ministère pour s attacher durablement leurs services. 47

48 Au sein des grands corps (IGF, Conseil d Etat et Cour des comptes) la règle des quatre ans demeure à l inverse intangible. Elle s accompagne même d un effet démultiplicateur grâce à une gestion des parcours rigoureusement organisée. Recommandation n 8 : Permettre le départ en mobilité uniquement après quatre années d exercice des fonctions. Concernant la possibilité de faire compter pour période de mobilité statutaire le passage en cabinet, la mission s étonne de cet encouragement donné à des pratiques dont il est notoire qu elles accélèrent les carrières et dénaturent la consistance professionnelle des parcours 38. Elle propose que cette disposition soit rapportée. Accessoirement, la mission pense que le recrutement en cabinet de hauts-fonctionnaires plus expérimentés serait sans doute plus profitable. Recommandation n 9 : Ne pas prendre en compte le passage en cabinet ministériel au titre de la mobilité. La pratique des années récentes a par ailleurs contribué à vider de son sens la notion même de mobilité et les objectifs initiaux qui la sous-tendaient : découvrir un nouvel univers professionnel, acquérir de nouvelles expériences à travers un changement réel et complet d exercice des fonctions. Ce changement d environnement devrait inclure une affectation dans les services déconcentrés, dans les collectivités territoriales ou dans un poste à l étranger. Recommandation n 10 : Restaurer une vraie mobilité fonctionnelle dans un nouvel environnement professionnel. Inciter à la mobilité géographique nationale et internationale. D autre part, la fin du classement pour les lauréats du tour extérieur des administrateurs civils 39 conduit ceux-ci à négocier de gré-à-gré avec les ministères employeurs pour trouver leur affectation. Pour favoriser la mobilité au sein de l encadrement supérieur, la mission préconise de ne pas permettre aux lauréats du tour extérieur de bénéficier d une première affectation en tant qu administrateurs civils au sein du périmètre du secrétariat général dont ils sont issus. S agissant enfin du raccourcissement du délai requis pour occuper les emplois de sous-directeur, le passage de huit ans à six ans 40 obéissait sans doute à des besoins spécifiques nés du déplafonnement des conditions d âge pour l accès aux concours de recrutement (afin de faciliter notamment l accès des femmes, et plus généralement de diversifier les origines des fonctionnaires recrutés). Force est de constater que la faculté ainsi offerte peut, si elle se développe, fausser toute la logique d un parcours de carrière réellement construit. Cette mesure suscite une hostilité quasi-générale de la 38 L'article 67 du décret n du 6 mars 1969 relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires exclut explicitement la possibilité d'effectuer la mobilité statutaire au sein d'un cabinet ministériel. 39 Introduite par le décret n du 2 juin 2010 modifiant le décret n du 16 novembre 1999 portant statut particulier du corps des administrateurs civils. 40 Introduit par le décret n du 9 janvier 2012 relatif aux emplois de chef de service et de sous-directeur des administrations de l'etat. 48

49 part des DRH des ministères qui soulignent qu elle va contribuer à raccourcir les carrières au moment même où l âge du départ en retraite recule 41. Recommandation n 11 : Revenir à une durée de service de huit ans nécessaire pour l accès aux emplois de sous-directeur et instaurer un minimum de dix ans pour l accès aux emplois de chef de service Les nouvelles règles du projet de loi «fonction publique» comportent quant à elles des dispositions qui, en fonction de leurs modalités d application, pourraient constituer un frein à la mobilité : un développement des règles déontologiques qui pourraient freiner les départs mais aussi les retours, avec la crainte de ne plus pouvoir repartir ; un plafonnement de la rémunération future en cas de détachement. Il conviendra donc d être vigilant lors de l élaboration des textes d application de la loi pour éviter d introduire de nouvelles rigidités superflues La situation contrastée des corps de sortie ENA Les administrateurs civils Le corps des administrateurs civils, quand il avait été créé, devait former le soubassement de tout le système. Sa dimension interministérielle avait été définie dans le même esprit que celui qui avait conduit à la création de l ENA. Il s agissait de disposer d un corps d administrateurs à la fois mobiles et polyvalents, disposant de compétences de gestion «générales» et susceptible d irriguer l ensemble de l appareil d Etat. Les concepteurs du dispositif de 1945 espéraient ainsi bannir le système antérieur à 1945, auquel on reprochait un double cloisonnement : ministériel (chaque ministère gérait son réseau de «rédacteurs» de manière indépendante) et sociologique (les rédacteurs étaient peu considérés et ne pouvaient travailler de plain-pied avec les différents corps constitués de la haute administration). Il était même considéré comme l une des sources de la paralysie progressive qui avait affecté l appareil d Etat à l approche de la guerre. Il est de notoriété publique que le corps des administrateurs civils ne représente aujourd hui qu une réalisation fort incomplète de l ambition initiale. Le métier des administrateurs civils s est assurément enrichi en termes de compétences : aux compétences traditionnelles juridiques, financières et budgétaires sont venues s ajouter les techniques et pratiques du management, ainsi, dans une certaine mesure, que l expertise et l évaluation. Toutefois la dimension interministérielle est très inachevée, et on peut même considérer qu elle a tendance à régresser sous l effet de plusieurs facteurs conjugués : la mise en œuvre de la LOLF, dont certains effets indirects ont provoqué une rétraction de la mobilité des cadres entre ministères et la réduction des volumes des recrutements qui a entraîné une réduction générale de la mobilité ; mais aussi et surtout, la remise en cause progressive du décret du 19 septembre 1955 qui réservait une proportion significative (pendant longtemps, 75 %) des emplois de direction dans les administrations 41 A signaler que la Ville de Paris vient d adopter un système similaire à celui de la fonction publique de l Etat en permettant une nomination dans l emploi fonctionnel de sous-directeur (pour les emplois du groupe II) au bout de six ans de services effectifs. Cf. décret n du 16 mai 2014 relatif aux conditions de nomination et d'avancement dans les emplois fonctionnels de direction de la ville de Paris. 49

50 centrales aux administrateurs civils 42. Le décret de 1955 obéissait moins à une logique «corporatiste» qu à la nécessité de garantir, précisément, des «parcours» de carrière à des fonctionnaires dépourvus de toute gestion de «corps» individualisée, et d imposer une interministérialité à laquelle les différents ministères restaient par nature rétifs. Il s inscrivait à l évidence dans le contexte de l installation initiale, difficile et contestée, du nouveau corps interministériel dans le paysage des administrations centrales de l Etat. Il faut ajouter que ce corps souffre de plus en plus de sa dimension dite «généraliste», qui est une qualification en réalité inappropriée. Il faudrait plutôt parler de polyvalence. Il en résulte que si le métier d administrateur civil, au regard d une interprétation aussi superficielle que répandue, semble ouvert par nature à une multitude de profils, l inverse n est pas vraie : les administrateurs civils peuvent se voir écarter de certaines fonctions à raison de leur insuffisante «spécialité». Pour certaines professions, notamment liées à la justice (commissaires de police, magistrats de l ordre judiciaire), cette dissymétrie peut même être d ordre statutaire. Elle a en revanche perdu de sa pertinence, sans totalement disparaître, dans les échanges avec les ingénieurs, qui ont eux-mêmes fait des efforts importants d adaptation aux fonctions de gestion des administrations centrales. Cette ambiguïté des missions et du positionnement du «corps» des administrateurs civils est présente dans la formulation même des rédactions les plus récentes de son statut. La mise en évidence de fonctions nouvelles dans le domaine de «l expertise» et de «l évaluation» traduit aussi les limites de la logique de parcours initiale du corps, qui était une logique purement gestionnaire. Le caractère limité des emplois de débouchés (inspections générales ou corps spécifiques de l administration des finances) a conduit à créer, dans un cadre contingenté, le grade d «administrateur général». Les exemples du ministère de la culture, de la justice 43 illustrent les freins auxquels se heurtent les administrations pour offrir des déroulements de carrière à la plupart de leurs cadres supérieurs, lesquels se trouvent rapidement entravés, dedans comme dehors, pour atteindre la catégorie des dirigeants. Au ministère de la défense, on cherche à suivre avec détermination les jeunes recrues mobiles afin de leur réserver ensuite des postes attractifs en matière d élargissement de leurs responsabilités mais cette politique est récente et n a pas encore porté tous ses fruits. Même dans une grande administration comme celle des finances, la seconde carrière doit se dérouler prioritairement en interne pour éviter attente et pénalisation lors d une demande de retour. La gestion quotidienne des administrateurs civils relève donc au mieux d un accompagnement pro domo lequel a très peu à voir avec les vertus de l interministérialité. Si la pertinence du corps des administrateurs civils demeure aujourd hui conviction partagée par la mission -, il ne peut être question de revenir au système du décret de En revanche, il faut créer les conditions d une gestion coordonnée et réellement interministérielle de ces carrières. La question d un «chef de corps» n est pas facile à régler, en raison de la singularité et de la diversité de la population concernée, répartie entre des administrations d inégal poids institutionnel. La DGAFP semble la plus indiquée pour assumer pleinement sa mission, à condition qu elle dispose des moyens effectifs de la conduire, notamment par le positionnement auprès du Premier ministre. 42 Décret n du 19 septembre 1955 portant règlement d'administration publique relatif aux conditions de nomination et d'avancement dans les emplois de chef de service, de directeur adjoint et de sous-directeur des administrations centrales de l'etat. 43 A l exception remarquable du recrutement d un secrétaire général, contrôleur général des armées détecté par le système d information des cadres dirigeants (SICD). 50

51 Recommandation n 12 : Instaurer un chef du corps des administrateurs civils. Créer une commission administrative paritaire unique présidée par ce chef de corps. La mission a par ailleurs pu constater qu il était très difficile de connaître le nombre d administrateurs civils aujourd hui en fonction 44 et que les conditions de leur gestion étaient loin d être optimales. Recommandation n 13 : Mettre en place un système d information unique permettant la gestion du corps des administrateurs civils, notamment les avancements de grade et les détachements sur emplois fonctionnels Les autres corps Par opposition, les autres corps et administrations ont tous des logiques de parcours qui leur sont propres, et qui, dans certains cas, se traduisent par une fluidité des carrières incontestable. C est le cas, au premier chef, des «grands corps», ainsi dénommés à raison de leur pouvoir d influence, hors de toute considération juridique ou statutaire : Conseil d Etat, Cour des comptes, inspection générale des finances, corps des mines, corps des ponts, des eaux et des forêts Il existe des types de carrières relativement identifiés et une gestion, plus ou moins affirmée, des parcours professionnels correspondants. Des filières existent. Ces corps constituent en eux-mêmes les viviers directs de nombreux emplois dirigeants dans l administration d Etat ou les établissements publics, ainsi, de manière significative, qu avec le monde de l entreprise. Ils savent organiser des carrières avec des «rendez-vous de carrière» réguliers. C est encore le cas, avec une moindre force sociologique, des autres inspections générales, interministérielles qui permettent à tous leurs membres d atteindre le grade terminal d inspecteur général : en clair, même si on quitte peu son corps d appartenance, on est assuré d atteindre le grade. C est donc la même garantie que celle offerte par les «grands corps», mais il ne s agit pas pour autant de véritables «parcours de carrière». C est le cas aussi, avec moins de fluidité parfois, de corps ou administrations offrant des cycles de carrière complets : corps préfectoral, corps diplomatique. Il s agit même de «cursus honorum» assez cadrés et très centrés sur des logiques de carrière strictement ministérielles. Les fonctions préfectorale et diplomatique peuvent se prévaloir, il est vrai, de leur capacité naturelle à faire alterner les affectations en administration centrale et les affectations en «services déconcentrés», ainsi que de la forte irrigation extérieure dont elles sont l objet à l échelon des emplois dirigeants (préfets, ambassadeurs). Sur ce plan, d ailleurs, la possibilité d être titularisé dans le corps des préfets après un à deux ans de fonctions 45 conduit à une confusion statutaire entre le grade et l emploi et à une augmentation du 44 Le questionnaire transmis par la mission a permis de voir que deux ministères avaient produit des chiffres erronés à la DGAFP s agissant des effectifs au 31 décembre 2012, ces chiffres ayant été utilisés pour les commissions administratives paritaires d avancement. 45 L'article 4 du décret n du 29 juillet 1964 fixant les dispositions réglementaires applicables aux préfets dispose que «Les préfets peuvent, sur leur demande, être titularisés après une année d'exercice de leur fonction en poste territorial. Cependant, les préfets nommés hors cadre pour occuper des emplois supérieurs comportant une 51

52 nombre de membres de ce corps. La confusion statutaire entre le grade et l emploi de préfet donne une situation moins favorable au ministère de l intérieur que celle existant au sein du ministère des affaires étrangères 46. Recommandation n 14 : Mettre un terme à la confusion du grade et de l emploi s agissant du corps des préfets. Enfin, de très grandes administrations à fort effectifs comme les finances peuvent offrir, dans une certaine mesure, des parcours de carrière aussi construits que ceux des «grands corps» et assimilés : Budget, Trésor, par exemple. Il faut veiller à ce que ces caractéristiques éminemment favorables ne se traduisent pas par un repli sur soi de ces administrations, notamment vis-à-vis des administrateurs civils des autres ministères, des ingénieurs, des administrateurs territoriaux. Cette tendance naturelle, qui devrait être utilement combattue tant par la logique du vivier que par la réaffirmation du rôle de la DGAFP, ne doit pas être aggravée par l effet pervers des mesures réglementaires récentes. A l instar de ce qui se pratique dans certains corps, la mission préconise de généraliser les rendezvous de carrière réguliers. Recommandation n 15 : Généraliser les rendez-vous de carrière à périodicité régulière Elargir le vivier des cadres dirigeants La constitution du vivier des cadres dirigeants a pour fonction de favoriser les logiques de parcours, en esquissant un mode d organisation et non de régulation du choix des titulaires des emplois dirigeants à la décision du gouvernement. Il reste que comme l indique leur qualification même, ces emplois sont «discrétionnaires» : ils ne peuvent donc réellement fonder une politique de «parcours» pleine et entière. En revanche, ils représentent une incitation d ores et déjà perceptible à la constitution de viviers plus opérants et plus dynamiques par les corps et administrations, susceptibles de nourrir l étage de carrière immédiatement inférieur (emplois de direction) et les politique de mobilité. S agissant de la détermination des emplois dits de cadre dirigeant auquel le vivier permet d accéder, le principal critère qui a permis d en établir la liste est le fait que le poste soit à décision du gouvernement. mission de service public relevant du Gouvernement peuvent, sur leur demande, être titularisés après deux années d'activité dans le corps des préfets». Cette disposition conduit à une confusion du grade et de l'emploi et permet même la titularisation de personnes qui ne détenaient pas la qualité de fonctionnaire avant leur nomination comme préfet. Ainsi, entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2012, pas moins de 91 titularisations de nouveaux préfets ont eu lieu. Aussi, bien que la titularisation ne soit pas constitutive d'un droit, elle apparaît quasiment automatique pour les préfets. De manière générale, pour les emplois supérieurs pour lesquels la nomination est laissée à la décision du gouvernement, l article 25 de la loi n du 11 janvier 1984 dispose que «L'accès de non-fonctionnaires à ces emplois n'entraîne pas leur titularisation dans un corps de l'administration ou du service». 46 L'article 62 du décret n du 6 mars 1969 relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires dispose ainsi que «Les agents diplomatiques chargés d'une ambassade bénéficient pendant la durée de leur mission du rang et des prérogatives d'ambassadeur». 52

53 Mode de nomination des emplois auxquels le vivier des cadres dirigeants permet l accès Mode de nomination Nombre Décret en Conseil des ministres 474 Décret du Président de la République 37 Décision du Président de la République 5 Décret du Premier ministre 1 Arrêté du Premier ministre 2 Arrêté ministériel 8 Non précisé 88 Total 615 Source : SGG Il apparaît pour autant que ce critère 47 ne saurait constituer l alpha et l oméga des cadres dirigeants 48. En effet, il conduit à écarter les emplois les plus importants de direction de l administration régionale de l Etat, par exemple ceux de directeur régional des finances publiques, dont le caractère de cadre dirigeant saurait difficilement être contesté. Au ministère de l intérieur, cette logique conduit à retenir le directeur de l agence nationale des titres sécurisés (ANTS) nommé en conseil des ministres, mais pas celui de l agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI), nommé par décret simple, sur proposition du ministre de l intérieur. Or, cette seconde agence gère un budget plus important et davantage de prestataires que la première. A l inverse, la logique des emplois à décision du gouvernement conduit à retenir dans les emplois auxquels le vivier peut permettre d accéder, les emplois de président de section au Conseil d Etat. Or, ces emplois étant, juridiquement, réservés aux seuls conseillers d Etat 49, la plus-value du vivier, dont l un des objectifs est de diversifier les parcours, s en trouve très fortement limitée. Recommandation n 16 : Revoir la liste des emplois de cadres dirigeants inscrits dans le vivier en prenant davantage en compte la réalité des responsabilités exercées et en ne retenant plus comme unique critère celui de la nomination à décision du gouvernement. 47 Critère dont il convient de rappeler qu il n est pas utilisé de façon stricte. Ainsi, seule une part très limitée d ambassades font partie des emplois auxquels le vivier permet d accéder, alors même qu en application du décret n du 24 juillet 1985, l ensemble des emplois de «chef titulaire de mission diplomatique ayant rang d'ambassadeur» sont des emplois à décision du gouvernement. 48 D autant plus que le juge administratif a eu l occasion de rappeler, à plusieurs reprises, qu une liste réglementaire fixant les emplois à la décision du gouvernement ne saurait être limitative. Il a ainsi recours à la méthode du faisceau d indices pour juger de la qualification d emploi à la décision du gouvernement pour un emploi donné, cf. récemment CE, 26 mai 2014, M. B., req. n ; CAA Paris, 15 décembre 2008, Ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, req. n 07PA Article L133-2 du code de justice administrative : «Les présidents de section sont nommés par décret pris en conseil des ministres, sur la proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, et sont choisis parmi les conseillers d'etat en service ordinaire». 53

54 2.3.5 Amorcer un rapprochement entre les fonctions publiques d Etat et territoriale Les développements qui précèdent laissent penser que le moment est peut-être venu de mener une réflexion prospective globale quant aux besoins de cadres supérieurs et dirigeants de l Etat et des collectivités territoriales. Si l on examine cette problématique avec le recul nécessaire, quelques données significatives apparaissent. Tout d abord deux éléments quantitatifs doivent permettre d éclairer le débat Le décompte des détachements en 2013 Au 31 décembre 2012, 296 hauts-fonctionnaires de l Etat sont en activité au sein d une collectivité territoriale 50 ; et 110 administrateurs territoriaux sont en activité au sein de la fonction publique d Etat 51. Cette première observation chiffrée démontre l interpénétration entre les deux fonctions publiques au niveau des cadres-dirigeants. Elle permet de mesurer que les transferts s effectuent dans une proportion semblable pour les administrateurs L effectif des promotions à l ENA et l INET Par ailleurs, si l on additionne les 80 personnes recrutées annuellement par l ENA et les 65 sélectionnées par l INET, on approche du nombre d élèves en scolarité à l ENA il y a 30 ans, avant la création du concours de recrutement des administrateurs territoriaux 52. Cette autre donnée peut être interprétée, au moins en partie, comme la résultante normale de la décentralisation et du transfert de compétences de l Etat à destination des collectivités territoriales. Cette analyse permet aussi de relever que les profils des candidats à ces deux concours offrent de nombreuses similitudes. Ce sont majoritairement les mêmes qui s inscrivent aux deux sessions de recrutement et les dates des épreuves se succèdent dans le temps avec des programmes très voisins. Dès lors, une première mesure consisterait par exemple à organiser un concours commun 53 pour globaliser les dépenses logistiques et obtenir ainsi de sérieuses économies, sachant que chacun des concours coûte actuellement environ /an. Si l on raisonne en termes plus prospectifs, ce pourrait être une étape vers une scolarité unique dispensée à Strasbourg. Les observations recueillies auprès des différentes parties démontrent qu aujourd hui le module «territoires» partagé entre élèves de l ENA et l INET déçoit car son ambition est allée en s amenuisant. Or, les attentes des employeurs démontrent que le socle de connaissances et de 50 Ils se répartissent de la façon suivante : 110 membres des corps de sortie ENA (dont 64 administrateurs civils), 168 membres des corps de sortie de l école Polytechnique (dont 163 ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts), 13 membres des corps de débouchés et 5 sous-préfets. Source : annuaire des anciens élèves de l ENA, édition Donnée communiquée à la mission par le Centre national de la fonction publique territoriale. 52 Concours instauré en 1990 après publication du décret n du 30 décembre 1987 portant statut particulier du cadre d emploi des administrateurs territoriaux. 53 Cf. les concours communs organisés pour l accès aux écoles de commerce (Ecricome) ou d ingénieur (concours Centrale-Supélec commun à 9 écoles, banque Mines-Ponts qui permet l accès à 10 écoles, etc.). 54

55 compétences attendu est identique, ou du moins très proche, pour les deux fonctions publiques. Si l évolution ultérieure allait jusqu à la fusion des deux structures et débouchait sur l organisation d une scolarité unique, l existence de filières de métier pourrait bien sûr continuer à trouver une place dans ce nouveau cadre. La délicate question des conditions d affectation à la sortie qui oppose actuellement le classement de sortie de l ENA à la liste d aptitude de l INET et qui correspond à une nature bien différente des deux «marchés» de l emploi public concernés, une vingtaine d employeurs dans un cas, plusieurs centaines de collectivités dans l autre - devrait bien sûr trouver une solution adaptée 54. On pourrait imaginer deux systèmes de sortie distincts comme il en existait naguère pour les administrateurs de la Ville de Paris. Progresser vers le concept d inter-fonctions publiques représente assurément une perspective ambitieuse et stimulante et semble l étape complémentaire naturelle à qui veut par ailleurs redonner une nouvelle vigueur à l interministérialité. Recommandation n 17 : Etudier, en lien avec le CNFPT, les conditions d un rapprochement entre l ENA et l INET, à commencer par l organisation d un concours commun. A noter par ailleurs que la directrice de l ENA et le directeur de l INET se sont vu confier récemment une mission portant la formation comme levier d accompagnement et de développement des pratiques managériales des cadres supérieurs et dirigeants des fonctions publiques de l Etat et territoriale Une difficulté spécifique à lever : le frein aux échanges entre fonctions publiques lié aux cotisations de retraite Pour l année 2014, le taux de contribution aux charges de pensions que doit verser une collectivité lorsqu elle emploie un fonctionnaire de l Etat par voie de détachement est de 74,28 %. Pour cette même année 2014, le taux de la contribution aux charges de pensions que doit verser une collectivité lorsqu elle emploie un fonctionnaire relevant de la fonction publique territoriale est de 30,40 %. Il a été souligné à plusieurs reprises devant la mission qu un tel écart, supérieur à 40 %, était naturellement devenu un frein important à la mobilité des fonctionnaires de l Etat à une époque où les collectivités territoriales sont de plus en plus soucieuses de l évolution de la masse salariale. 54 C est le cas pour l école Polytechnique où coexistent une sortie sur classement vers les corps de fonctionnaires de l Etat et une sortie vers une multitude d autres emplois. 55 Il est ainsi demandé à la directrice de l ENA et au directeur de l INET de formuler «des propositions pour renforcer la formation des cadres supérieurs et dirigeants, tant initiale que continue, et développer les formations susceptibles d être mises en œuvre en commun dans les deux écoles [ ] à l occasion de la formation des lauréats des concours et dans les programmes de formation continue, notamment aux moments-clefs de la carrière au cours desquels des formations au management devront être proposées». 55

56 Recommandation n 18 : Aligner le taux de contribution aux charges de pension versé par une collectivité lorsqu elle emploie un fonctionnaire de l Etat en détachement sur celui versé lorsqu elle emploie un fonctionnaire territorial. Les incidences de cette proposition ont été évaluées par la mission Gérer la 3ème carrière Divers exemples recueillis par la mission montrent qu il est possible de trouver des solutions qui bénéficient à l ensemble des parties intéressées. Ont été ainsi mentionnés comme exemples particulièrement réussis de missions d expertise d une durée d un à deux ans confiées à des «seniors» : - le pilotage de la transposition d une directive européenne ; - la création d un portail de services nouveaux sur internet ; - la conduite de chantiers ministériels de simplification. Le ministère de l agriculture utilise l expérience de ses inspecteurs ou ingénieurs généraux avec ses onze missions d appui au personnel et au management des structures (MAPS) équipes territoriales de deux à quatre cadres supérieurs assurant l écoute et le conseil des agents des services déconcentrés. Le ministère du développement durable fait de même avec ses huit missions d inspection générale territoriale (MIGT). L INSEE fournit de son côté un autre exemple intéressant avec une inspection générale qui n a pas pour seule fonction d inspecter les services mais aussi de leur offrir conseil et appui. En outre, les inspecteurs généraux sont mobilisés par la direction générale lorsqu elle doit réfléchir à des projets nouveaux ou innovants. Ce peut être également la conduite de chantiers lourds qui sortent des attributions des services ou qu ils n ont pas le temps de conduire. Pour illustrer le premier cas, on peut citer une étude sur le recours à internet pour le recensement de la population, une réflexion sur le positionnement de l action régionale ou encore une étude prospective sur la réalisation d enquêtes dématérialisées auprès des ménages ; au titre du deuxième cas, la préparation du nouveau plan stratégique de l INSEE. Dans tous ces cas, les inspecteurs généraux reçoivent une lettre de mission du Directeur général auquel ils rendent compte. La direction générale du Trésor a une approche assez semblable en confiant à d anciens responsables de cette direction des missions de réflexion temporaires par exemple sur le financement des infrastructures ou les fonds souverains. Un point essentiel doit être clarifié d emblée : il ne doit y avoir aucune confusion entre les fonctions qui pourraient être confiées à des seniors et des missions d inspection ou d audit. Si les services ont le sentiment que leur directeur utilise un senior pour évaluer leur manière de conduire un dossier, cela ne fonctionnera pas et c est l ensemble du dispositif qui sera discrédité. Afin qu aucune ambiguïté ne subsiste, il paraît préférable de limiter le champ d intervention à des sujets nouveaux, à des questions de prospective ou bien au pilotage de projets. Des évaluations de politique publique 57, sujet sur lequel l administration française est très en retard par rapport à ses homologues étrangers, pourraient être proposées à ce profil de fonctionnaire dès lors qu il ne s agit pas d évaluer les acteurs de ces politiques mais le résultat desdites politiques. 56 Cf. annexe Fonctions déjà assurées par certaines inspections et conseils généraux. 56

57 Quelques propositions pourraient être mises en œuvre : créer un vivier des cadres disponibles et candidats à l exercice de ce type de mission avec une description de leur parcours, de leur expérience, de leurs compétences et de leurs centres d intérêt. Ce vivier serait géré par la Direction des ressources humaines. La création d une communauté sur les réseaux sociaux permettrait de disposer, à partir de ce vivier, d un annuaire des compétences ainsi mises à disposition et donnerait aux «employeurs» potentiels une information qui n est pas accessible aujourd hui. Recommandation n 19 : Créer un vivier des cadres seniors disponibles pour des missions de conseil et mettre en place un annuaire des compétences avec un réseau social pour leur donner une meilleure visibilité auprès des employeurs potentiels. affecter administrativement dans une même structure les seniors concernés. Il paraîtrait logique que cette structure soit le secrétariat général du ministère et plus précisément la direction des ressources humaines qui est généralement une composante du secrétariat général. Cela règlerait la question de leur rémunération et, en les rapprochant de la direction des ressources humaines, faciliterait la gestion de leur carrière et éviterait, peut-être, qu ils ne soient «oubliés» ; ils seraient dans le même temps affectés fonctionnellement auprès du directeur qui leur confie la mission. Recommandation n 20 : Affecter administrativement les seniors au sein de la direction des ressources humaines du ministère et permettre leur affectation fonctionnelle auprès des autres directions. Il faut que les cadres venant à exercer ce type de mission aient un titre, ne serait-ce que pour se présenter à l extérieur de la structure qui les missionne. Les titres d «expert» ou de «directeur de projet» correspondant désormais à des statuts d emploi, il faudrait trouver une autre dénomination ou, à défaut, recourir au titre de «conseiller» ou «chargé de mission» auprès du directeur. Il est en effet difficile de conduire une mission officielle sans apparaître dans un organigramme (à titre provisoire) et sans avoir de titre. Des marges de progrès considérables existent donc ce domaine même s il faut se garder de toute naïveté, la haute fonction publique ayant aussi, comme la plupart des structures publiques ou privées, quelques «cas» peu employables. L ensemble des ces propositions gagneraient à être inscrites dans une charte, rédigée sous l égide de la DGAFP en associant les responsables ministériels concernés. 2.4 Quelles nouvelles perspectives pour l encadrement supérieur et dirigeant? Renforcer le pilotage de l encadrement supérieur et dirigeant Les progrès qui ont été accomplis jusqu à présent (via notamment le vivier) prendraient une tout autre ampleur si l on unifiait véritablement le pilotage de l encadrement supérieur et dirigeant. En 57

58 bonne logique, la délégation pour la rénovation de l encadrement dirigeant de l Etat gagnerait à être pérennisée au sein d une DGAFP renforcée dans sa légitimité et ses missions. Recommandation n 21 : Unifier le pilotage de l encadrement supérieur et dirigeant en fusionnant la délégation pour la rénovation de l encadrement dirigeant de l Etat avec la DGAFP. La logique du vivier devrait conduire à une plus grande professionnalisation du processus de nomination aux emplois dirigeants, sur le modèle britannique, tel que l a déjà préconisé le rapport Pochard. De telles procédures ne remettraient pas en cause la liberté de choix du gouvernement mais lui permettraient d objectiver davantage ses décisions. Recommandation n 22 : Améliorer le processus de nomination aux emplois dirigeants Maintenir l attractivité du concours interne de l ENA La question de l attractivité du concours interne de l ENA doit être posée, particulièrement pour les jeunes fonctionnaires (moins de 40 ans). Auparavant, il fallait être âgé de moins de 35 ans pour passer le concours interne de l ENA et de plus de 35 ans pour se présenter au tour extérieur des administrateurs civils 58. La suppression de ces deux limites d âge conduit désormais à ce que les lauréats du tour extérieur soient de plus en plus jeunes (un des lauréats de la promotion 2013 est ainsi âgé de 34 ans). La question du choix entre le concours interne de l ENA et le tour extérieur d administrateur civil se pose avec d autant plus d acuité que les carrières sont devenues de plus en plus comparables (possibilités d accès aux emplois de direction voire aux emplois à décision du gouvernement) et que le choix du tour extérieur permet d éviter de préparer le concours d entrée et dispense des deux années de scolarité. La mission considère qu il convient d être vigilant s agissant du maintien de l attractivité du concours interne de l ENA, il serait par exemple possible de procéder à un relèvement du nombre d années de services publics effectifs nécessaire, aujourd hui fixé à huit, pour postuler au tour extérieur Coter les postes de directeurs d administration centrale Il règne une certaine hypocrisie à vouloir placer sur un pied d égalité les 240 postes de directeurs d administration centrale aujourd hui recensés. Au-delà de la taille de la direction et de la charge d encadrement qu elle engendre, il existe aussi des différences sensibles en termes de relations avec les cabinets, Matignon et l Elysée. Ainsi, il est difficile de mesurer à l identique le degré d exposition de directions aussi lourdes d enjeux que celle du Trésor, de l administration pénitentiaire, des hôpitaux, comparées à des directions plus modestes. A l image du fonctionnement retenu par la plupart des grandes entreprises, il y aurait du sens à s inspirer de leurs pratiques quant à la «pesée» de la charge de travail des directions. La démarche 58 La limite d âge était mentionnée à l article 5 du décret n du 16 novembre 1999 portant statut particulier du corps des administrateurs civils, elle a été supprimée par le décret n du 2 juin

59 s appuierait sur l appréciation de critères quantitatifs et qualitatifs et prendrait notamment en compte différents paramètres, tels que l exposition médiatique, la relation avec les usagers, le stress engendré par la complexité des tâches à exercer, le montant du budget géré afin d établir par exemple trois catégories de directions. Recommandation n 23 : Mettre en place une cotation des postes de directeur d administration centrale Redonner de l attractivité aux postes les plus sensibles C est d abord un problème d ordre général pour l encadrement supérieur : le niveau des salaires dans la fonction publique est d ores et déjà un frein aux retours (ou à l arrivée) dans l administration de cadres ayant fortement réussi dans le secteur privé. Cette préoccupation se développe avec le gel actuel des rémunérations. Il a ainsi été fait observer à la mission que le salaire brut d un jeune attaché qui débute à l indice 365 est, hors primes de par mois, alors que le salaire minimum, sur la base de 35 heures, est de depuis le 1er janvier La fédération des grands corps techniques de l Etat souligne pour sa part que le plus haut salaire, hors primes, de la fonction publique de l Etat est passé de 8 SMIC en 1980 à 4,28 SMIC en Quel que soit le contexte général et les orientations retenues en matière d évolution salariale, il y a certainement là une source de préoccupation si l Etat veut continuer à disposer de cadres supérieurs et dirigeant de haut niveau. Les difficultés parfois rencontrées au niveau des recrutements initiaux, au moins dans le domaine scientifique (seulement neuf candidats pour trois postes dans un récent concours), sont également un signal qui ne peut être ignoré. Un autre signal est le choix des élèves à la sortie de l école Polytechnique : en mai 2014, plus d un élève sur deux qui pouvait, avec son rang de classement, postuler pour un corps de l Etat, a choisi une autre voie et, si les premiers continuent de servir l Etat, c est souvent dans la perspective d un départ rapide vers le secteur privé. La clarification suggérée supra pour la cotation des postes dirigeants devrait par ailleurs s accompagner d une meilleure adéquation des salaires proposés à chaque niveau retenu. Le risque de voir de très bons éléments s écarter durablement de la fonction publique en raison de rémunérations jugées insuffisantes pour les difficiles fonctions de direction d administration centrale est avéré depuis longtemps. On peut relever que la tentation grandit, pour certains, de privilégier le choix d opérateurs publics, voire privés à la fois pour les marges d autonomie qui s y dessinent et aussi pour l obtention d un meilleur niveau de salaire. Ce dernier aspect ne constitue sans doute pas le levier déterminant de leur orientation mais il est important de l analyser pour ce qu il révèle : les jeunes dirigeants témoignent peut-être d un comportement plus individualiste au vu d un décrochage salarial du secteur public qui est plus significatif vis-à-vis du privé que par le passé. Certes, le sujet est assez sensible et il est malaisé de l aborder librement au moment où les restrictions budgétaires affectent l ensemble de la fonction publique mais il ne doit pas devenir tabou au risque de détourner une génération des postes à responsabilité au détriment de l intérêt supérieur de l Etat. La voie de la revalorisation de la hiérarchie salariale la plus élevée doit donc être explorée. 59

60 2.4.5 La féminisation La féminisation de l encadrement supérieur étant devenue une priorité des gouvernements successifs, les femmes sont désormais mieux représentées, spécialement dans le groupe II de l encadrement supérieur comme relevé dans le chapitre Ce constat, satisfaisant à ce stade, doit toutefois donner lieu à l application d une politique continue de nomination aux postes dirigeants en vue de respecter la mise en œuvre des quotas 59. Or des tensions sont actuellement signalées dans quelques secteurs en raison de la faiblesse de certains viviers. Dans ce contexte, et afin de les réduire, la fonction publique devrait accorder une attention particulière à deux éléments : le nombre de femmes dans les filières scientifiques ; la rémunération des dirigeantes. Ainsi, une fois recensé le nombre de femmes exerçant des métiers scientifiques, il est préoccupant de noter que le pourcentage de femmes présentes à l école Polytechnique stagne à 15 %. Pour remédier à ce constat, les réponses doivent sans doute en premier lieu s appuyer sur une politique de sensibilisation des jeunes femmes à l inscription aux classes préparatoires scientifiques. De manière générale, la sensibilisation des jurys des concours à la lutte contre les discriminations doit être encore développée. Enfin, la question de la rémunération des femmes occupant des fonctions de direction doit également être étudiée puisque les écarts de rémunération subsistant entre hommes et femmes au sein de la haute fonction publique s établissent aujourd hui encore à 9 %. Cet état résulte surtout des différences de prime mais il pourrait également s expliquer par des carrières ralenties ou des classements indiciaires différenciés au moment de l accès à des postes fonctionnels classés hors échelle C à E. En cas de cotation des postes de direction d administration centrale, il serait alors opportun d assurer un suivi sexué des nominations aux postes les mieux rémunérés. En vue d accompagner cette féminisation de l encadrement supérieur et dirigeant et de mesurer concrètement les évolutions attendues, la mission formule deux recommandations : Recommandation n 24 : Encourager la féminisation des classes préparatoires scientifiques. Recommandation n 25 : Etudier spécifiquement la rémunération des femmes dirigeantes en vue de réduire tous les aspects d une éventuelle discrimination salariale. 59 A noter que lors de l examen en deuxième lecture à l Assemblée nationale du projet de loi pour l égalité réelle entre les hommes et les femmes, les parlementaires ont avancé de 2018 à 2017 l application de l objectif de 40 % de femmes nommées dans l encadrement supérieur et dirigeant de la fonction publique. 60

61 CONCLUSION La mission s est fondée pour son analyse sur la situation présente de l encadrement supérieur et dirigeant de l Etat et sur ses perspectives d évolution à moyen terme, en se fondant sur les données démographiques recueillies ainsi que sur la montée en force prévisible d un certain type de compétences. Le modèle français conserve sa pertinence : les cadres supérieurs et dirigeants de l Etat ne doivent pas être considérés comme une simple variante d un modèle universel d encadrement, qui se formerait selon les canons des parcours académiques traditionnels ; un minimum de culture commune de l action publique, fondée sur l interministérialité, doit rester en partage pour tous, en compatibilité totale avec une ouverture accrue des postes de responsabilité à des profils plus nombreux et plus variés. Cette orientation suppose d assurer un certain renouvellement des générations et de conserver un rôle pilote pour les grandes institutions de formation (ENA, X, INET avec des rapprochements possibles). Elle suppose aussi que l on croit dans la nécessité d une action publique importante pour les années à venir, et que l on récuse le postulat d une attrition constante et inéluctable de l Etat. Il doit aussi être amélioré et on ne peut demeurer dans la situation incertaine que connaît aujourd hui l administration d Etat, situation qui tend à démobiliser ses cadres supérieurs et dirigeants : il faut un discours clair et mobilisateur, des perspectives clarifiées et des principes réaffirmés ou redéfinis notamment en matière de formation, de parcours, de mobilité et d interministérialité. Il s agit là de choix politiques sur lesquels la mission n a pas à se prononcer. En revanche, les constats qu elle a opérés sur la base de son état des lieux, les propositions qu elle énonce montrent qu on ne peut durablement rester au milieu du gué : elle rejoint ainsi l esprit et les conclusions du rapport Pêcheur. Arnaud TEYSSIER Jean GUILLOT Françoise CAMET Inspecteur général Ingénieur général des ponts, Contrôleure générale de l administration des eaux, et des forêts économique et financier Eric FERRI Inspecteur de l administration Philippe LEVEQUE Chef de mission de contrôle économique et financier 61

62 62

63 ANNEXES Annexe n 1 : Lettre de mission Annexe n 2 : Liste des personnes rencontrées Annexe n 3 : Données statistiques Annexe n 4 : Projections à moyen et à long terme concernant le corps des ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts Annexe n 5 : Projections à moyen et à long terme concernant le corps des administrateurs civils Annexe n 6 : Part des anciens élèves de l ENA dans les corps de sortie de cette école et dans les corps de débouché Annexe n 7 : Ecart du taux de contribution aux charges de pension versé par une collectivité lorsqu elle emploie un fonctionnaire de l Etat en détachement par rapport à celui versé lorsqu elle emploie un fonctionnaire territorial 63

64 64

65 ANNEXE N 1 : LETTRE DE MISSION 65

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