Atelier 10: Le vol : un risque assurable en navigation de navigation de plaisance? Président : Gilles Mareuse, directeur général, Allianz Global Corporate & Specialty (France) Intervenants : François Azou, responsable corps et plaisance, Generali Thierry Cassez, officier de police judiciaire, brigade de recherches maritimes de Toulon Serge Penhouet, enquêteur d assurance, réseau Alfa Yves Bourbonnaud, conseiller technique, Axa Corporate Solutions Philippe Fourrier, délégué général adjoint, F.I.N. (Fédération des industries nautiques) En préambule, Gilles Mareuse présente en quelques chiffres la situation de la flotte et de l assurance «plaisance» en France : sur 850 000 unités immatriculées dont 600 000 utilisées, seuls 350 000 sont assurées. En 2006, le volume de primes du marché de l assurance «Plaisance» s élevait à 116 M d euros (prime moyenne de 350 euros). Les primes encaissées pour le risque vol étaient de 13 M d euros environ pour une valeur du parc de 17,5 milliards d euros. Valeur moyenne assurée : 50 000 euros. Prime annuelle vol par unité assurée : environ 35 euros. Si la fréquence des vols complets d embarcation reste relativement faible, on note une forte augmentation des valeurs des unités volées (> 1 M d euros) : 32 vols de cabines cruisers ou yachts ont été enregistrés en Méditerranée entre 2001 et 2005. Parmi les facteurs aggravants de la sinistralité «vol» figurent le caractère de plus en plus lucratif des vols, la possibilité de blanchiment d argent et l apparition de nouvelles filières de revente notamment en Europe de l Est et en Afrique. Gilles Mareuse déplore la déficience du système de prévention du risque vol «plaisance» par rapport aux autres biens assurés, ainsi qu une mobilisation insuffisante et une faible sensibilisation des acteurs du nautisme et des médias à ce phénomène. François Azou rappelle les mécanismes de la couverture des risques de vols «plaisance». En ce qui concerne le vol total (vol du bateau et de ce qu il contient), il existe sur le marché une offre diversifiée de garantie (valeur vénale, valeur agréée, valeur à neuf). Le remboursement par l assureur des vols partiels (moteurs hors-bord, 1
équipements, accessoires, biens et effets personnels, etc.), n est généralement garanti qu en cas d effraction ou lorsqu il y a eu violence. Les vols survenus durant le transport terrestre du bateau ne sont pas couverts. Il indique également les exclusions spécifiques à cette couverture. Concernant la gestion des sinistres, il rappelle les obligations des assurés en matière de déclaration de vol pour pouvoir bénéficier de indemnités d assurance. Ses commentaires sont illustrés par l exemple d un cas pratique qui a connu une conclusion positive : vol à Bonifacio (Corse) du M/Y BERU MA le 5 mai 2006 et signalement /récupération du bateau en Tunisie le 19 mai. La lutte contre le vol passe obligatoirement par la mise en place de mesures de prévention et de sécurisation qui sont une composante essentielle du métier d assureur. Des systèmes de prévention sont préconisés en fonction de la taille et du prix des bateaux. Bateaux de plus de 24 mètres et/ou ayant une valeur supérieure à 1M d euros. Bateaux de mois de mètres et/ou ayant une valeur comprise entre 100 000 euros et 1 M d euros. Bateaux ayant une valeur inférieure à 100 000 euros. Des actions incitatives de la part des assureurs sont recommandées. Les assureurs ont une palette de moyens à leur disposition, dont François Azou donne des exemples : mise en place d un clause supprimant la franchise en cas de vol partiel survenu malgré la présence d un système de prévention à bord du bateau, aide financière à tout assuré désireux d installer un tel système sur son embarcation. Dans ce dernier cas, l aide pourrait prendre différentes formes : réduction du montant de la prime annuelle, mois d assurance gratuits, prise en charge totale ou partielle par l assurance de l abonnement ou du coût du matériel de prévention, mise en place d accords avec les constructeurs ou les distributeurs pour partager l effort financier consenti en faveur de l assuré. Mais avant tout, il est nécessaire de sensibiliser tous les acteurs du nautisme, du constructeur au plaisancier, au problème du vol. Selon Thierry Cassez, le vol total ou partiel de bateaux de plaisance est un phénomène préoccupant comme le démontrent les statistiques : 800 unités volées et déclarées à la police ou à la gendarmerie en 2000 (636 en 2006), 947 faits rapportés (800 en 2003), 877 vols de moteurs en 2006. Il dénonce la facilité avec laquelle les vols peuvent être perpétrés, souvent par des professionnels, et la lenteur, la négligence et le désintérêt des propriétaires de bateaux pour effectuer les déclarations de vol. Souvent domiciliés loin du port d attache de leur bateau et pratiquement sûrs d être dédommagés, les propriétaires ne se précipitent pas et déclarent n avoir pas eu une connaissance immédiate du sinistre Il existe également un manque de collaboration de la part des constructeurs et des motoristes qui ne fournissent pas les informations nécessaires aux enquêteurs et aux assureurs. Par ailleurs, la mer étant considérée comme un espace de liberté, sans contrainte, la surveillance dans les ports ou les marina est bien souvent inexistante ou inefficace, même dans les ports de plaisance les plus renommés. Est incriminée aussi l internationalisation du phénomène du vol des bateaux de plaisance. Par exemple, un 2
bateau volé à St Tropez a été retrouvé en Russie après que son passage ait été signalé en Ukraine. Combien de navires peuvent-ils être retrouvés à l issue de tels périples? Comme Gilles Mareuse, Thierry Cassez dénonce les nouvelles filières de vente, notamment vers l Afrique. En conclusion, ce sont les assureurs et les enquêteurs qui, aujourd hui, agissent au premier chef. Serge Penhouet rappelle non sans humour que les Français sont un peuple de fraudeurs. En ce qui concerne l assurance «plaisance», un certain nombre de clignotants permettent de détecter les fraudes à l assurance : fausse déclaration sur achat, revente des bateaux, bateaux acquis en copropriété, réparation sommaire des avaries, trop ou trop peu de détails contenus dans les déclarations de vol, etc. Les enquêteurs de droit privé ont peu de moyens pour mener leurs investigations, les témoins hésitant à confirmer leurs déclarations orales par écrit et les commissariats de police prétextant le secret de l enquête pour garder leurs prérogatives. Sans l aide des experts chargés d évaluer le montant des préjudices, les invraisemblances et les preuves tangibles de la fraude sont difficiles à trouver. Malgré ces difficultés et l augmentation notable des cas de fraude à l assurance, les enquêteurs privés sont en mesure de rapporter 60 % de réussite. Un point positif à leur endroit mérite d être souligné : les enquêteurs privés ne travaillent pas dans le cadre de circonscriptions et peuvent ainsi se rendre immédiatement et sans difficultés sur le lieu du vol. Yves Bourbonnaud présente les moyens de prévention et dispositifs antivol qui pourraient être préconisés en matière de navigation de plaisance, en soulignant qu il n y a pas de système assurant une protection totale contre le vol, dans la mesure où les malfaiteurs, qui agissent le plus souvent en bandes organisées, lorsqu ils possèdent la détermination et les compétences nécessaires, arrivent rapidement à détourner les nouvelles technologies. Cependant, la multiplicité des systèmes et leur qualité peuvent rendre le vol plus difficile, dissuader les auteurs potentiels et les pousser à choisir une proie plus facile Il cite plusieurs systèmes antivol pour navires : Pour les embarcations sur remorques : antivols de tête d attache (remorque attelée ou non attachée) et antivols bloqueurs de roue. l recommande alors de ne jamais laisser une remorque chargée sans protection antivol, de choisir des systèmes antivol en acier inoxydable ou en fonte ductile, et de privilégier les lieux de stockage fermés (garage), voire clôturés et bien éclairés, ou mieux gardiennés et sous vidéo surveillance. Pour les embarcations amarrées à quai et laissées sans surveillance dans un lieu de villégiature et pour les embarcations amarrées dans une marina, avec surveillance déficiente, il recommande de toujours enlever la clef et le coupe-circuit même en cas d absence de courte durée, de prévoir une élingue en acier et un cadenas reliant l embarcation au quai, surtout dans les lieux réputés à risques, de privilégier les 3
places à quai dans des marinas bien sécurisées et de protéger les moteurs hors-bord avec un système antivol. En ce qui concerne le marquage antivol, il suggère de tatouer le numéro de série en plusieurs points du moteur et de l embarcation (y compris les vitres) en y associant une puce électronique infalsifiable. Le marquage sur les pièces principales est une protection visuelle dissuasive qui rend plus difficile la revente de l embarcation et des différentes pièces détachées. Pour ce qui est de l anti-démarrage moteur, il préconise l anti-démarrage électronique développé dans l industrie automobile. Ce système s enclenche lors de l enlèvement de la clef de contact et empêche le démarrage non autorisé du moteur grâce à la présence d un transpondeur avec récepteur dans la clef de contact. Il est protégé des copies électroniques de clef de contact par encodage. Capteurs divers anti-intrusion : il indique le détecteur d ouverture de porte et capot, le détecteur infrarouge, le détecteur de vibrations, le détecteur de bris de glace, le détecteur d intrusion à faisceau et le détecteur d intrusion magnétique. Ces systèmes, miniaturisés et sans fils, peuvent être reliés à des alarmes sonores, voire à de systèmes de communication d alertes. Enfin, il signale le système tracker, une technologie développée pour la surveillance de flotte automobile intégrant un GPD embarqué, système de transmission par GSM ou satellite, gestion des avertissements des états de fonctionnement, gestion des alarmes, geofencing (détection des déplacements), interface pour alarme anti-intrusion Il recommande, en conclusion, pour les navires de plus de 24 mètres, le système de tracking avec réseau de transmission satellitaire, geofencing, interface anti-intrusion, équipage permanent à bord ou télésurveillance et pour les navires de moins de 24 mètres, le système de tracking avec réseau de transmission GSM, geofencing, interface anti-intrusion. Philippe Fourrier déclare que, depuis deux ou trois ans, la F.I.N. n a pas été saisie par ses adhérents en matière de vol de bateau de plaisance. Il en déduit que la sinistralité est faible. Il indique une évolution vers une plus grande taille des bateaux à l achat (bateaux de plus de 12m et bateaux de plus de 24m). Toutefois, la flotte de ce type de bateaux reste réduite en France. Pour conclure, Gilles Mareuse confirme que le vol des bateaux est un risque assurable en navigation de plaisance et donne les principales solutions et mesures que doivent adopter les assureurs «plaisance», les différents acteurs du nautisme et éventuellement les pouvoirs publics pour qu il le reste : du côté des assureurs : différencier les risques, démanteler les filières de vol, construire des bases de données «vol», 4
mieux communiquer sur ce phénomène et sensibiliser les usagers, répertorier les marinas qui offrent des prestations de surveillance et de sécurité, alourdir les sanctions pour les auteurs des vols. 5