Adélaïde Esbin Rêve
Adélaïde Esbin, 2018 ISBN numérique : 979-10-262-2635-2 Courriel : contact@librinova.com Internet : www.librinova.com Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À un enfant parti. Et à tous les enfants qui souffrent.
Lison entra dans sa chambre, suivie de sa maman, Claire. L'heure du coucher approchait. Le lendemain, c'était la rentrée des classes. Pas pour elle, malheureusement. La petite fille venait de fêter ses sept ans. Mais son énergie étant happée par la maladie et les traitements qu'elle devait subir, elle était contrainte de rester alitée la majeure partie du temps. Elle s'assit sur son lit et commença à se dévêtir pour se mettre en chemise de nuit. Même ces simples gestes devenaient difficiles à faire pour elle. Sa maman l'aida avec chaque jour, un peu plus de précaution et de douceur. Son corps décharné la faisait tant souffrir. Claire la caressait, la câlinait, la massait dès qu'elle en avait l'occasion. Elle tentait de lui faire du bien par tous les moyens possibles. Son bébé qu'elle avait bercé dans son ventre, devenu plus fragile et vulnérable qu'à ses premiers jours. Ce corps auquel elle avait donné la vie, qu'elle avait tant chéri, aimé, dorloté, dont elle s'est occupée en faisant pour le mieux. Ce même corps qui, désormais, dysfonctionnait, ne permettait plus à sa fille de grandir tranquillement. Pire que ça, il l'éloignait chaque jour un peu plus de la vie. Elle tenait debout grâce à tout ce qu'elle pouvait encore lui apporter. Elle ne vivait plus que pour l'accompagner. Aussi longtemps que possible. Lison enleva le foulard qui était enroulé autour de sa tête. Elle ne l'ôtait qu'en présence de ses parents. Le regard curieux de certains était pesant, gênant. Très impudique et déplacé. Elle se réfugiait dans sa bulle qui rétrécissait au fil des semaines et laissait y entrer de moins en moins de personnes. Elle gardait ses forces pour s'occuper de ses animaux. Elle en avait un bon nombre. Un chien, deux chats, des poissons, des poules... Elle était si bien avec eux. En leur présence, son visage s'illuminait. La relation qu'elle avait avec chacun était si apaisante. Elle les nourrissait, en prenait soin. Et leur parlait beaucoup. C'était plus simple de se confier à eux. Elle disait rarement qu'elle avait mal. Ses parents le voyaient plus qu'ils ne l'entendaient. Elle ne se plaignait pas et faisait preuve d'un courage extraordinaire, exemplaire. Toutes les personnes qui voyaient son combat, ne pouvaient être qu'admiratives. Une vraie leçon de vie. Avant de s'allonger dans son lit, elle prit dans sa main sa chaîne et sa
médaille. C'était un cadeau de sa grand-mère, une femme très croyante qui voulait transmettre sa foi à sa petite fille. Lison échangeait souvent avec elle. La fillette parlait de plus en plus de cet autre monde que l'on ne voit pas avec les yeux, mais que l'on ressent et perçoit si on lui ouvre la porte. Cette croyance l'habitait chaque jour un peu plus et la rendait plus sereine, plus en paix. Claire n'avait plus la foi. En rien. La vie lui infligeait la pire des injustices qu'il soit. À elle. Et surtout à son bébé. Le sacré, c'était son enfant. Mais elle ne disait rien. Elle mesurait ses mots, tout comme ses gestes, ne voulant surtout pas heurter son amour ni risquer de fragmenter cette enveloppe si fine et fragile qui la maintenait en vie. Tout ce qui faisait du bien à Lison était entendu et respecté. Une fois installée dans son lit, elle demanda à sa mère de prendre le livre qui était posé sur sa table de nuit. Claire l'ouvrit et commença la lecture. Il s'agissait d'un petit panda à qui on disait toujours qu'il fallait qu'il grandisse avant de pouvoir faire un tas de choses... Sauf que ce petit panda n'avait pas envie d'attendre. Il pensait qu'on n'avait pas besoin d'être adulte pour pouvoir réaliser ses rêves d'enfant. Et son rêve à lui, c'était de sauter en parachute. Après de multiples discussions, il réussit à convaincre son papa de l'emmener faire le grand saut. Et le grand jour arriva. Il était si impatient. Il avait peur aussi. Très peur. Son cœur battait si fort... Il prit une grande respiration et sauta depuis l'avion. Il volait. Lui, le panda, volait comme un oiseau. C'était sensationnel! Au bout de quelques secondes, il ouvrit son parachute et prit le temps, lors de sa descente, d'admirer cette vue du ciel exceptionnelle. Une fois revenu sur terre, le panda était si heureux. Il avait réalisé son rêve. Le livre se referma. Lison avait un large sourire. Elle adorait écouter cette histoire. Sa mère prenait un vrai plaisir à la lire. Un doux moment de partage. Mais, ce soir-là, Lison ajouta : Tu sais Maman, moi non plus, je ne peux pas attendre pour réaliser mes rêves. Claire resta mutique pendant quelques secondes. Le sujet devenait inévitable et pourtant si atrocement douloureux. Mais si sa fille était prête à
l'aborder, elle se devait de l'être aussi. Elle finit par lui répondre : Oui, mon cœur. Je sais. J'ai toujours rêvé de nager avec les dauphins. J'aimerais vraiment le faire, poursuivit Lison. C'est un très joli rêve. Et on va tout faire pour que tu puisses le réaliser très bientôt. Merci maman. Je t'aime. Moi aussi, mon Amour, je t'aime. Sur ces mots, Claire éteignit la lumière, embrassa sa fille sur le front lui souhaitant une bonne nuit, remplie de beaux rêves. Elle resta assise près d'elle, dans la pénombre, ne pouvant contenir toutes les larmes de son corps qui affluaient en cascade. La porte était légèrement entrouverte, laissant passer un filet de lumière. Lison s'était endormie. Elle semblait si paisible. Dors petit ange... Rêve.