Collecte et recyclage des piles et accumulateurs Introduction : piles et accumulateurs La Directive 2006/66/CE du Parlement Européen et du Conseil du 6 septembre 2006 relative aux piles et accumulateurs ainsi qu aux déchets de piles et d accumulateurs (et abrogeant la directive 91/157/CEE) définit «pile» ou «accumulateur» par : «toute source d énergie électrique obtenue par transformation directe d énergie chimique, constituée d un ou de plusieurs éléments primaires (non rechargeables) ou d un ou de plusieurs éléments secondaires (rechargeables)». Clémence SIRET Eco-Design Manager, SAFT Une pile est utilisable une fois (elle n est pas rechargeable), un accumulateur l est plusieurs fois car il est rechargeable. Une batterie (le terme «assemblage-batteries» est retenu dans la directive) est un assemblage de piles ou d accumulateurs. Les piles et accumulateurs peuvent être classés suivant trois catégories, également définies par la Directive 2006/66/CE : «pile ou accumulateur portable», toute pile, pile bouton, assemblage en batterie ou accumulateur qui: - est scellé, et - peut être porté à la main, et - n est pas une pile ou un accumulateur industriel, ni une pile ou un accumulateur automobile ; «pile ou accumulateur automobile», toute pile accumulateur destiné à alimenter les systèmes de démarrage, d éclairage ou d allumage ; «pile ou accumulateur industriel», toute pile ou accumulateur conçu à des fins exclusivement industrielles ou professionnelles ou utilisé dans tout type de véhicule électrique. Il existe une grande variété des couples électrochimiques utilisés dans les piles et accumulateurs. Collecte et recyclage des piles et accumulateurs : pourquoi? À cause de leur contenu Quelle que soit leur chimie, tous les piles et accumulateurs contiennent des métaux, toujours en concentration plus importante que dans les minerais extraits des mines. Les piles et accumulateurs en fin de vie constituent donc des «mines urbaines» et l on peut donc considérer que les produits d aujourd hui contiennent les matières premières de demain, permettant ainsi de limiter les importations en Europe de minerais. Nicolas PAQUIN (E97) Primary Lithium Product Manager, SAFT De plus, le métal est le seul produit au monde qui ne se dégrade pas quand il est recyclé et très souvent, le recyclage des métaux est moins cher et meilleur pour l environnement que l extraction à partir des minerais permettant ainsi : une réduction significative des besoins en énergie, une diminution de la consommation d eau, une réduction drastique des émissions dans l air. D autre part toutes les piles et tous les accumulateurs contiennent des constituants qui sont classés au regard de la législation chimique européenne, il est donc souhaitable d éviter leur dispersion dans le milieu naturel et d encourager leur recyclage. À cause de la législation Plusieurs directives européennes réglementent la fin de vie des batteries : La Directive «DEEE», Déchets d Équipements Électriques et Électroniques (2002/96/CE) exige une reprise des appareils électriques et électroniques en fin de vie sans frais pour les particuliers, avec un recyclage adéquat. Elle requiert également le démontage des batteries incorporées dans les appareils électriques ou électroniques sur le site de traitement de ces derniers, La Directive «VHU», Véhicule Hors d Usage (2000/53/CE) requiert une reprise sans frais des véhicules usagés par les constructeurs automobiles avec un objectif minimum de recyclage de 80% en 2006 et de 85% en 2015, La Directive «piles et accumulateurs et déchets de piles et d accumulateurs» (2006/66/CE) ou Directive «Batteries»: requiert la collecte et le recyclage de toutes les piles et de tous les accumulateurs usagés avec des objectifs chiffrés de collecte pour les piles et accumulateurs portables (objectif
de 25% en 2012 et de 45% en 2016, rapporté aux ventes des années antérieures) et de recyclage (objectif de 65% en poids pour le recyclage des accumulateurs au plomb, de 75% en poids pour le recyclage des accumulateurs Nickel/Cadmium et de 50% en poids des matériaux Figure 1 : Marquage des piles et accumulateurs en vue de leur collecte séparée contenus dans les autres types de piles et accumulateurs). Un marquage spécifique de type «poubelle barrée» signale l interdiction de mettre en décharge (figure 1). Pour ce qui est des piles et accumulateurs automobiles, la totalité de ces produits usagés rapportés par les détenteurs doit être reprise pour traitement, avec les mêmes efficacités de recyclage que les portables. Les enjeux économiques sont également importants : plus de 40 000 tonnes de piles et accumulateurs ont été recyclées Figure 2 : Le cycle de vie des piles et accumulateurs - SCRELEC
en 2009 en Europe à comparer à seulement 10 568 tonnes en 2000 (chiffres de l EBRA - European Battery Recycling Association - www.ebra-recycling.org). Enfin, l importance croissante des démarches d éco-conception favorise d une manière générale le recyclage des produits en fin de vie. Les crédits environnementaux attribués pour la phase de recyclage permettent de réduire les impacts environnementaux liés à la fabrication des piles et accumulateurs. Collecte et recyclage des piles et accumulateurs : comment et qui? Collecte des piles et accumulateurs Les metteurs en marché (les producteurs) peuvent exercer leurs obligations de reprise et de recyclage de façon individuelle ou mettre en place des systèmes collectifs au moyen d organisations agissant en leur nom. Suivant les transpositions nationales de la directive, ces initiatives collectives peuvent être menées dans un cadre strictement privé ou dans un cadre réglementé, l organisation doit alors obtenir un agrément auprès des autorités nationales, comme c est le cas en France. À l expérience, il apparaît que les systèmes individuels sont généralement retenus par les producteurs de piles et accumulateurs industriels ou automobiles, des systèmes collectifs sont généralement préférés par les producteurs de piles ou accumulateurs portables. Les organisations qui mettent en place les systèmes collectifs, telles SCRELEC ou COREPILE en France, GRS en Allemagne, BEBAT en Belgique, INOBAT en Suisse, ECO- PILAS en Espagne, etc. : font de la publicité dans les médias pour sensibiliser le grand public (figure 2), installent des boîtes de collecte dans les points de vente de batteries (supermarchés, magasins audio/vidéo...), ou dans tout autre emplacement approprié (déchetterie, écoles, etc.), collectent et transportent les boîtes pleines dans des centres dans lesquels les produits usagés sont triés suivant leur chimie, acheminent les produits usagés triés vers des usines de recyclage habilitées. Pour ce qui est des performances de collecte des piles et accumulateurs portables, à titre d exemple, la France a atteint le taux de collecte de 28% en mettant en œuvre près de 40.000 points de collecte, dépassant donc l objectif fixé à 25% en 2012. Mais la situation est inégale dans les différents pays de l Union Européenne, certains pays sont en retard sur cet objectif, d autres par contre l ont déjà dépassé. En parallèle, certains fabricants de batteries (Saft par exemple) ont pris les devants et ont développé leur propre réseau de collecte afin d assurer à leurs clients une gestion parfaite des batteries industrielles en fin de vie (voir les sections «Politique de Collecte» ainsi que «Points d Apport Volontaire» sur http://www.saftbatteries.com/thesaftgroup/environment/) Pour un recyclage plus efficace, les batteries collectées sont triées de manière manuelle, semi-automatique ou automatique. Les principaux procédés de recyclage Les principaux procédés de recyclage des batteries triées sont les suivants : hydro-métallurgique (broyage mécanique suivi d une attaque chimique à basse température (inférieure à 130 C) qui permet de mettre les métaux en solution) pyro-métallurgique (traitement thermique à haute température (supérieure à 800 C) permettant de récupérer les métaux fondus dans une alliage qui fait l objet d un raffinage dans une étape ultérieure) thermique par distillation du mercure et du cadmium hydro-métallurgique La première étape d un procédé hydro-métallurgique consiste à broyer les déchets et à récupérer au moyen d un crible deux lots de composants : les gros fragments (fer, etc.) et une poudre. Dans une seconde étape, cette poudre renfermant, entre autres, les métaux non ferreux est dirigée vers un réacteur d attaque chimique (acide sulfurique ou soude) ou ils font l objet d une mise en solution. Les différents métaux sont récupérés séparément selon des traitements spécifiques ultérieurs (précipitation sélective par exemple). pyro-métallurgique Par traitement à haute température, une phase contenant des métaux fondus (alliage) est produite. Une partie de l énergie nécessaire à la fusion des batteries est généralement amenée par la batterie elle-même (combustion des matières plastiques). Les gaz générés dans le four sont traités. L alliage obtenu peut être ensuite raffiné par un procédé hydro-métallurgique ou par d autres procédés thermiques afin de séparer et purifier les métaux recyclés. Le tableau en haut de page suivante compare les principaux avantages et inconvénients de ces deux procédés classiques : thermique par distillation Pour les piles au mercure et les accumulateurs Ni-Cd, un procédé thermique par distillation a été mis au point : on réalise une montée progressive en température qui va permettre d évaporer le cadmium ou le mercure, ces métaux sont ensuite récupérés par condensation.
Coût d installation Énergie Rendement Fluctuations de compositions en entrée Broyage des produits d entrée Solutions Gaz hydro-métallurgique Bas coût d installation Basse T - d énergie nécessaire Rendement moyen assez sensible aux fluctuations de composition Broyage nécessaire aspect sécurité à gérer Solutions chimiques à traiter Pas de gaz à traiter pyro-métallurgique Coût d installation élevé Haute T + d énergie nécessaire Rendement élevé robuste, peu sensible aux fluctuations de composition Broyage non nécessaire Pas de solutions chimiques à traiter Gaz à traiter Quelques exemples : recyclage des grandes familles de piles et accumulateurs Suivant la composition des piles et accumulateurs, au moins l un de ces trois procédés est utilisé. À titre d exemples non exhaustifs, les tableaux suivants illustrent les choix techniques de différents recycleurs. Recyclage des piles alcalines et salines Les piles salines et alcalines (Zn-MnO 2) sont très largement utilisées par le grand public pour les petits appareils électriques, les télécommandes, les jouets, les lampes de poche, etc. Elles représentent environ 80% des volumes collectés par les organismes de collecte et sont recyclées soit par des procédés pyro-métallurgiques, soit par des procédés hydrométallurgiques. Recyclage des accumulateurs au plomb Plus de 95% des accumulateurs au plomb sont collectés et recyclés de manière pyro-métallurgique permettant ainsi de fournir en plomb de seconde fusion les fabricants de batteries, et ce avec des nuisances limitées pour l environnement. STCM (France) APSM (France) Recylex (Allemagne) JCI (Allemagne) CAMPINE (Belgique) 40 000 t Pb raffiné + plastiques Les accumulateurs vidés de l électrolyte sont broyés afin d en extraire la pâte de plomb (matière active), le plomb métallique des grilles et le polypropylène du boîtier. Après fusion-réduction à une température d environ 1000 C, le plomb est affiné puis coulé en lingots qui seront utilisés pour la fabrication de nouvelles batteries (figure 3). VALDI (France) BATREC (Suisse) EURO DIEUZE (France) Hydrométallurgie ERACHEM (Belgique) Hydrométallurgie RECUPYL (France) Hydrométallurgie REVATECH (Belgique) Hydrométallurgie Recyclage des piles au lithium Les piles au lithium sont constituées de deux sous-familles : les piles Li-MnO 2 principalement pour application grand public (appareils photo) : elles sont recyclées par pyrométallurgie pour récupérer du ferromanganèse comme dans les piles salines et alcalines ; les piles Li-SOCl 2 et Li-SO 2 pour applications industrielle (compteurs à eau et à gaz, télépéage) et militaire: elles sont traitées avec précaution à cause de la réactivité du lithium métal, le procédé breveté de Toxco comporte à cet effet une première étape de cryogénie. 2000 t 6500 t 110 t 6000 t Zn + FeMn + scorie Sulphates de Zn et de Mn Figure 3 : représentatif du recyclage des accumulateurs automobiles au plomb Recyclage des accumulateurs nickel-cadmium Les accumulateurs industriels nickel-cadmium font l objet d une reprise systématique. Ils sont démontés (figure 4) et recyclés en boucle fermée par distillation du cadmium (traitement thermique à 900 C) permettant ainsi de fabriquer de nouvelles batteries sans nuisance pour l environnement. Le nickel est valorisé dans les aciéries. S.N.A.M. (France) Distillation ACCUREC (Allemagne) Distillation SAFT A.B. (Suède) Distillation INMETCO (USA) Distillation 5 400 t 2 500 t 1 500 t 3 500 t Cd metal pur + Fe, Ni, Co BATREC (Suisse) VALDI (France) EURO DIEUZE (France) Hydrométallurgie TOXCO (Canada) Cryogénie hydrométallurgie 2000 t 3500 t Fe, Mn Fe, Mn, Plastique Li2CO3, Fe, plastique
aucune dioxine ne se forme grâce à une installation de traitement des gaz avec torche à plasma. L alliage est granulé puis raffiné. Ensuite les fractions de nickel et de cobalt pur sont transformées en nouveaux matériaux actifs positifs et utilisés dans de nouvelles batteries rechargeables (recyclage en boucle fermée). Figure 4 : Recyclage des accumulateurs industriels Ni-Cd chez Saft Recyclage des accumulateurs Li-ion Les accumulateurs Li-ion déjà très répandus pour des applications portables (téléphonie mobile, ordinateurs portables, appareils photos et caméscopes numériques) commencent à se développer pour certaines applications industrielles, pour la mobilité (véhicules hybrides et électriques) et pour le stockage des énergies renouvelables. Ils peuvent être recyclés par pyro-métallurgie ou par hydro-métallurgie. UMICORE (Belgique) XSTRATA (Canada) TOXCO (Canada) RECUPYL (France) suivie d hydrométallurgie suivie d hydrométallurgie Cryogénie suivie d hydrométallurgie Hydrométallurgie 7 000 t 3 000 t 3 500 t 110 t LiCoO2 et LiNiMnCoO2 pour batteries, Cu, Fe, scorie pour construction Alliage Ni, Cu, Co Li2CO3, Co cake Oxydes de Co, métaux non ferreux, inox La société Umicore a breveté en 2004 un procédé de recyclage en boucle fermée. Les éléments et les modules en fin de vie, ainsi que les déchets de production issus des usines de fabrication de ces produits ne subissent pas de broyage préalable ; ils sont traités directement. Pour les batteries de grande taille (EV/HEV, stationnaire), les batteries sont déchargées, les coffres sont ouverts et les modules sont traités directement. Les éléments, modules et déchets de production sont déversés, avec des fondants, dans un four et fondus à une température supérieure à 1450 C avec un contrôle adéquat de la température et de la pression partielle d oxygène (afin de maîtriser le degré d oxydation). Ainsi : tous les métaux (Ni, Co, Cu, Fe) sont fondus et réduits dans un alliage, tous les plastiques sont valorisés pour leur caractère réducteur et leur valeur énergétique, une scorie inerte (Ca, Al, Li) est formée et utilisée comme matériau de construction, l électrolyte est incinéré, Conclusion Figure 5 : procédé de recyclage en boucle fermée des accumulateurs Li-ion Il est important de collecter et recycler les piles et accumulateurs, non seulement pour des raisons environnementales et législatives mais aussi pour des raisons économiques et stratégiques. Les technologies de batteries sont tellement différentes qu il est impossible de les recycler avec un procédé universel. Le recyclage permet de récupérer des matières premières : essentiellement de l acier, du manganèse et du zinc pour les piles et du nickel, du cadmium, du plomb et du cobalt pour les accumulateurs. Pour une meilleure efficacité, il est important de bien sélectionner le procédé de recyclage utilisé pour chaque type de batterie selon des critères économiques et environnementaux : les procédés de recyclage doivent être bien adaptés et contrôlés. Les capacités installées aujourd hui en Europe sont suffisantes pour traiter toutes les batteries collectées. Le frein au développement de cette activité est aujourd hui le retard pris par certains producteurs dans la mise en place de systèmes de collecte dans plusieurs pays de l UE.