Région Son mari la faisait dormir dans la grange: "si les gendarmes n'étaient pas venus, je ne serais pas là aujourd'hui" [+vidéo] Recluse dans sa ferme de Couture, Micheline en était réduite à dormir dans une grange. Même l'hiver dernier, si rigoureux Hier, le tribunal correctionnel a pourtant relaxé son mari. Réagir Recommander 115 Tweeter Micheline revit et essaie de réapprendre à sourire.
Alors que l'hiver dernier était extrêmement rigoureux, Micheline a dû dormir dans la paille dans une grange ouverte au vent. Photos Phil Messelet
Micheline revit et essaie de réapprendre à sourire. 1 / 2 Son regard éteint ne s'illumine qu'en regardant le petit sapin de Noël, seule coquetterie de sa modeste cuisine. «Cette année, j'ai eu le droit d'en faire un. ça fait plaisir.» Le sourire de Micheline est aussi timide que fugace. Son visage est encore enveloppé d'un voile invisible de souffrance. De ce qu'elle décrit comme des années d'esclavage et d'un hiver 2011/2012 infernal. L'enfer qu'elle évoque, c'est celui qu'a touché du doigt hier le tribunal correctionnel d'angoulême. Plongée dans un huis-clos conjugal étouffant, pesant, déshumanisant. Celui qui a transformé Micheline, 53 ans, l'exemployée de bureau devenue paysanne, en un robot qui ne pensait plus, ne décidait plus, ne vivait plus. À la barre hier, sous l'oeil de la maire de Couture venue la soutenir, Micheline a d'abord raconté les brimades, les humiliations. Les amis que l'on ne voit plus. La famille dont on s'éloigne jusqu'à être coupée du monde.
Dormir dans une grange par moins 15 degrés L'histoire de Micheline n'est pas tragiquement banale comme les dizaines d'autres qui s'accumulent en correctionnelle. Son quotidien, c'était celui de la Gervaise de Zola. À s'user auprès des bêtes de l'exploitation et dans les champs de 5 heures à 23 heures. À ne plus pouvoir se laver, se nourrir au chaud, entrer dans la maison, y dormir. De sa voix mal assurée qui contraste tant avec le coffre de son ex-mari, elle dit: «Le soir, il fermait la porte à clé. Je ne pouvais plus entrer.» Alors Micheline a dormi dans la paille, dans une grange exposée à tous les vents. Puis elle a demandé à sa fille de lui offrir un lit, s'est aménagée une chambre de fortune dans le recoin d'un grenier, cachée derrière des bottes de paille. «J'y accédais à quatre pattes. Pour qu'il ne trouve pas la cachette, je bouchais le passage avec de la paille.» C'est là qu'elle a dormi l'hiver dernier alors que le thermomètre était tombé à moins 15 plusieurs jours d'affilée. Dure au mal, elle ne cherche aucune compassion lorsqu'elle raconte. «Je peux vous dire qu'il faisait froid. J'avais les gants, le bonnet et je me mettais une serviette sur la figure.» Pour survivre, Micheline multiplie les stratagèmes. de la nourriture cachée dans un sèche-linge dans une grange. Les papiers ailleurs. Un réchaud dans un autre endroit. «Comme ça, s'il trouvait une cachette, il ne mettait pas la main sur tout», dit-elle. Pendant six mois, elle a vécu ainsi. Le 19 mai dernier, encore une brimade. Micheline craque, file chez son frère qu'elle n'avait pas vu depuis des années. Elle est amaigrie, sale, pouilleuse. Il ne la reconnaît pas. C'est lui qui alerte les gendarmes de Ruffec qui viennent délivrer Micheline de son enfer et rédigent un constat stupéfiant sur ses conditions de vie. À la barre, sûr de lui, Jacky a juré qu'il n'avait jamais rien fait. Les accusations de son ex-épouse? Des fables. Pas de coups. Pas de brimades. Rien. «Et je n'ai jamais fermé la porte de la maison. Moi, je suis diabétique. À 19h30, je vais me coucher. Je ne sais pas ce qu'elle faisait ensuite.» Il jure n'avoir jamais su que son épouse dormait dans le froid dans un grenier. Jean-François Changeur, son avocat, l'appuie. Il cite Brassens pour mettre en garde contre la «mauvaise réputation, celle qui sent mauvais». «Rien n'indique que mon client a contraint son épouse à vivre ainsi.» Jacky nie fermement. Sa thèse: sa femme l'accuse injustement pour le spolier de la moitié de la ferme. Remake édulcoré d'un «Crime au Paradis», la bonhomie
de Villeret en moins. «Elle a gagné la vie» L'argent, l'intérêt, la terre, le patrimoine. Ce sont les quatre points cardinaux de cette sale histoire. «À partir du moment où la ferme a été payée, il a tout fait pour que je parte», tente d'expliquer Micheline. Elle a encaissé. N'a rien dit jusqu'au printemps dernier. «Partir pour aller où? J'aurais été à la rue», murmure-t-elle. Elle souffle: «Heureusement que les gendarmes sont venus. Sinon, je ne serais plus là.» Ce que son avocat, Lionel Bethune de Moro, a traduit: «Quelle que soit la décision du tribunal, ma cliente a gagné. Elle a gagné son indépendance, elle a gagné la vie.» Désormais, Micheline goûte à des plaisirs simples. «Prendre une douche, vous ne pouvez pas savoir le plaisir ce que c'est.» Elle a repris 17 kilos depuis le mois de mai, réapprend à sourire, fait des ménages en intérim dans une grande surface. «Parfois au travail, je m'arrête et je regarde les gens. Je regarde ce que c'est que d'avoir des relations normales.» Hier soir, peu avant minuit, malgré les expertises et le certificat médical qui confirment l'emprise psychologique dont elle était prisonnière et disent qu'elle ne ment pas, le tribunal a relaxé Jacky. Aux yeux des magistrats, rien dans le dossier n'indique clairement et de manière irréfutable que Micheline était obligée de travailler comme un forçat. Rien ne prouve selon eux, ormis sa parole, qu'elle était contrainte de dormir dans le froid, forcée par son mari. Quelques heures avant, pour expliquer son silence pendant des années, Micheline avait lâché: «Il [son mari, NDLR] me disait que ce serait parole contre parole et que personne ne me croirait.» Tristement prémonitoire.