Avertissement Cette histoire est une pure fiction. Toute ressemblance avec les protagonistes contemporains serait fortuite. Toutefois, les personnages de l Egypte antique sont vrais et portent leurs noms authentiques (orthographiés différemment dans les ouvrages selon les historiens et archéologues), et la description des sites et des lieux égyptiens est véridique. Comme quoi l imaginaire peut côtoyer le vrai pour le plus grand plaisir de tous ceux qui ont parfois l esprit vagabond. 11
Je tiens à remercier très sincèrement : - Maryse, ma femme, qui m a emmené pour la première fois en Egypte du Caire à Abou-Simbel, et qui a supporté durant de longs mois ma vie égyptienne en Normandie! - Ramia, remarquable jeune femme, excellente guide égyptienne, qui a su, par des explications simples mais d une remarquable précision, un sens inné des centres d intérêt, être assez incitative, lors de mon premier voyage, pour m apporter les éléments qui ont fait germer dans mon esprit l idée d écrire un livre ayant son pays comme toile de fond. - Madame Christiane Desroches Noblecourt, qui m a permis, par ses ouvrages d une haute valeur historique et archéologique sur l Egypte Ancienne, d apprendre (un peu) l égyptologie et de m intéresser (beaucoup) aux origines de ce merveilleux pays. - Fanny, qui m a abreuvé d ouvrages égyptiens romancés et historiques, me permettant de passer de l écriture journalistique à la littérature, et dont l aide m a été fort précieuse. - Tous ceux qui m ont offert un second voyage à Louxor, Karnak, et à la découverte de l extraordinaire temple de la reine Hatshepsout à Deir el-bahari, pour que je puisse y puiser les détails véridiques des villes et des sites mentionnés dans ce livre. 13
1 Du Caire à Assouan Le bateau «Egilkia» remontait doucement les méandres du Nil. Confortablement allongés sur des transats installés sur le pont supérieur afin que les passagers puissent profiter au maximum des beautés défilant de chaque côté du fleuve égyptien, Flavie, Pierre, Marie et Alex goûtaient pleinement cette agréable fin de journée du lundi six janvier. Les rives arborant des cultures très verdoyantes et bordées de splendides palmiers, contrastaient violemment avec l arrière-pays sablonneux carrément aride. De temps en temps, un village fait de maisons aux murs ocre, étalait sa torpeur silencieuse en attendant patiemment la fraîcheur de la soirée pour s éveiller doucement. Le soleil était déjà très bas et commençait à caresser de ses longues mains orangées les hautes dunes de sable, monts d or ressemblant à de beaux seins de femme. L arrivée sur Assouan était féerique. Déjà, des dizaines de navires étaient amarrés le long des deux ou trois kilomètres de quais de la localité. Ils étaient six, huit, parfois dix fixés à couple, et les passagers du dernier venu comme celui des touristes français devaient traverser tous les bateaux arrivés précédemment pour atteindre la rive. Toutefois, il avait l avantage de se trouver côté cours d eau. Ainsi, au lieu de voir la cabine du bateau voisin, les passagers bénéficiant d une cabine à large porte-fenêtre côté tribord, dont faisait partie les deux couples, avaient une vue imprenable sur le fleuve et la corniche sur l autre rive. Ils pouvaient donc bénéficier, en prime, du merveilleux ballet des felouques, ces grandes barques à haute voile égyptiennes, moyen de transport traditionnel et incontournable sur le Nil. Flavie 15
était émerveillée par la beauté des paysages défilant de chaque côté du bateau et la grâce majestueuse des navires évoluant sur le grand fleuve africain. L Egypte. Cela faisait des lustres qu elle en rêvait! L aventure avait commencé un soir d octobre lors d un repas amical dans sa maison de Normandie en compagnie de Marie et d Alex, deux de ses patients avec lesquels elle avait rapidement entretenu des liens d amitié. La soirée s était soudainement animée avec une discussion sur ce pays dont Flavie était très éprise et particulièrement érudite sur tout ce qui avait trait à la médecine au temps des pharaons. A une heure très avancée de la nuit, après avoir longuement palabré et feuilleté les services proposés par différents tours opérateurs, les quatre amis avaient décidé de partir ensemble dès le premier janvier. Je trouverai bien le moyen de me faire remplacer par une consoeur médecin, avait affirmé Flavie, c est la première fois que je prendrais des congés en tout début d année, je vais voir avec mes parents pour s occuper des enfants. Flavie était enthousiaste à l idée de réaliser ce périple, rêve caché qu elle n avait jamais eu l occasion de réaliser. Le trimestre avait passé à une vitesse vertigineuse. Les deux couples avaient écourté le réveillon de Jour de l An qu ils avaient passé ensemble pour se rendre à l aéroport de Roissy Charles de Gaulle. Tous quatre avaient décidé d effectuer ce voyage pour parfaire leurs connaissances respectives sur l Egypte antique. Le programme du tour opérateur prévoyait d abord les trois premières journées au Caire où ils purent entre autres curiosités découvrir le célèbre et extraordinaire musée égyptien, remontant le temps sur plus de quatre mille ans pour vivre une aventure peu commune dans le monde merveilleux des pharaons. Puis ils se rendirent dans la proche banlieue cairote où ils s extasièrent devant les trois pyramides de Guizèh, Chéops, Chéphren et Mykérinos avant d admirer celle de 16
Saqqarah, la première, édifiée pour Djéser, le deuxième pharaon de la IIIème Dynastie. Ensuite, le quatre janvier, ils s étaient levés à deux heures du matin. Ils avaient rapidement quitté leur somptueux hôtel du Caire pour prendre l avion à quatre heures trente qui les déposa à Louxor une heure plus tard, juste pour admirer le magnifique lever de soleil sur la montagne thébaine. Après avoir visité les extraordinaires temples de Louxor et de Karnak, puis la Vallée des Rois, ils s étaient embarqués à bord de l «Egilkia», un des nombreux navires reliant l ancienne capitale de l empire égyptien à Assouan, la plus méridionale et indéniablement la plus séduisante des villes d Egypte située aux portes de la Nubie. Dès que le bateau s était élancé doucement au milieu du fleuve, les passagers avaient pu découvrir la vie égyptienne se déroulant paisiblement de chaque côté, sur des rives vertes, bordées de palmiers mais également de champs de canne à sucre, de bananeraies, de cultures diverses. De part en part, quelques pêcheurs lançaient avec dextérité leur fin filet pour capturer de succulents poissons à chair blanche. Le Nil était incontestablement le poumon économique du pays. Cet après-midi du dimanche cinq janvier se déroula comme un rêve pour Flavie et Pierre, confortablement installés côte à côte dans des fauteuils style Voltaire, devant la porte fenêtre de leur chambre cabine, à l aspect rétro type «Louisiane», protégée par un balcon en fer forgé sculpté noir. La jeune femme regarda amoureusement son compagnon, prit sa main et déclara : Je suis ravie de ce voyage chéri. Nous pouvons profiter de notre intimité dans des conditions qui se déroulent sous les meilleurs auspices. Et puis les moments en commun avec Marie et Alex sont agréables. Je les aime bien et ils sont autant curieux et enthousiastes que nous, ce qui ne gâte rien. 17
De leur côté, Marie et Alex avaient opté pour le pont supérieur. Alex avait fixé son caméscope sur un petit trépied et, agenouillé sur le sol en moquette verte, filmait les scènes de vie sur les rives du fleuve. Après le dîner, la voûte céleste était limpide et inondée d étoiles plus lumineuses les unes que les autres. Soudain, l attention des deux couples fut attirée par des cris et des appels venant de l extérieur. Ils se dirigèrent sur le pont supérieur où s était déjà amassée une grande partie des croisiéristes, appuyés à la rambarde, regardant vers le bas du navire. Dans la nuit noire, on apercevait l écluse d Esna éclairée par de puissants projecteurs et que les bateaux devaient franchir un par un. De ce fait, s était produit un énorme embouteillage d une vingtaine de navires, dont les vendeurs d objets divers entassés dans leurs barques profitaient, à grand renfort de cris et de gesticulations pour vendre leur marchandise. Un spectacle nocturne pour le moins insolite! Une bonne nuit de sommeil, suivie d un copieux petit déjeuner, avaient permis aux quatre Français de se retrouver en pleine forme pour visiter le temple d Edfou, reconnaissable à son premier pylône dont chaque massif était gravé d un «Ptolémée XII combattant» face au dieu Horus. La ville d Edfou était aussi l occasion de découvrir et d apprécier les splendides calèches, seuls taxis entre les navires et le temple. La croisière était magique. Des dizaines de bateaux transportant des touristes émerveillés se suivaient, se doublaient, se croisaient dans un concert de klaxons à faire pâlir d envie le plus fana des automobilistes italiens. La journée s écoulait doucement, comme un rêve. Après le dîner, c était enchantés qu ils étaient conviés par Raïssa, la jeune guide locale, à visiter de nuit le temple de Kom Ombo. Imposant, majestueux, le temple paraissait bien mystérieux dans un jeu impressionnant d ombres et de lumières savamment orchestré. Raïssa expliqua que ce 18
temple était principalement consacré à deux divinités, Sobec et Horus à tête de faucon. Et si sa ressemblance était frappante avec celui d Edfou, il se distinguait par une particularité tout à fait inattendue, il était le seul à posséder deux entrées et deux galeries parallèles autour du sanctuaire. Ce qui peut s expliquer par la consécration à deux dieux. Avant d arriver à Assouan durant la nuit, la soirée à bord était placée sur le thème égyptien. Les touristes étaient donc priés de se vêtir en tenue locale. Ce fut l occasion de dîner puis de se lancer sans retenue dans des danses locales dans une ambiance particulièrement festive qui se termina tard dans la nuit. Demain matin, nous serons à Assouan. Nous allons effectuer la visite de Philae, devait préciser Raïssa, à la fin des festivités. Vous aurez l occasion d admirer le temple dédié à la déesse Isis, épouse du défunt Osiris. Je suis sûre que vous garderez un souvenir impérissable de l Egypte. Elle ne savait certainement pas à ce moment-là que la réalité allait dépasser ses paroles de façon pharaonique! 19