Commentaire. Décision n 2011-200 QPC du 2 décembre 2011. Banque Populaire Côte d Azur. (Pouvoir disciplinaire de la Commission bancaire)



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Transcription:

Commentaire Décision n 2011-200 QPC du 2 décembre 2011 Banque Populaire Côte d Azur (Pouvoir disciplinaire de la Commission bancaire) Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 septembre 2011 par le Conseil d État d une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa de l article L. 613-1, des articles L. 613-4, L. 613-6, L. 613-21 et du paragraphe I de l article L. 613-23 du code monétaire et financier (CMF), dans leur rédaction antérieure à l ordonnance n 2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d agrément et de contrôle de la banque et de l assurance. Dans sa décision n 2011-200 QPC du 2 décembre 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions contraires à la Constitution. Cette procédure a donné lieu, pour la première fois, à une note en délibérée. Elle a été mentionnée dans les visas de la décision ainsi que la réponse qui lui a été apportée par une autre partie. I. Présentation des dispositions contestées Les dispositions contestées concernaient le pouvoir disciplinaire de l ancienne Commission bancaire, institution «chargée de contrôler le respect par les établissements de crédit des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables et de sanctionner les manquements constatés» (article L. 613-1, alinéa 1 er, du CMF). Outre cette disposition, consacrée à la double mission de la Commission bancaire, étaient également renvoyés au Conseil constitutionnel les textes relatifs à ses délibérations (article L. 613-4), à l initiative et à la conduite de ses contrôles (article L. 613-6), à l exercice de son pouvoir disciplinaire et aux sanctions qu elle peut prononcer à ce titre (article L. 613-21), ainsi qu à sa qualification de juridiction administrative (article L. 613-13). La présente QPC mettait spécialement en cause les règles procédurales devant être suivies devant la Commission bancaire lorsqu elle exerçait son pouvoir de sanction.

Or, à la suite d une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l homme (CEDH) 1, tenant précisément au pouvoir de sanction de la Commission bancaire, celle-ci a été remplacée, depuis l ordonnance précitée du 21 janvier 2010, par l Autorité de contrôle prudentiel 2. Si les dispositions contestées par la présente QPC n étaient plus en vigueur à la date de la saisine du Conseil constitutionnel, ce dernier juge néanmoins que «la modification ou l abrogation ultérieure de la disposition contestée ne fait pas disparaître l atteinte éventuelle [aux droits et libertés que la Constitution garantit] ; qu elle n ôte pas son effet utile à la procédure voulue par le constituant ; que, par suite, elle ne saurait faire obstacle, par elle-même, à la transmission de la question au Conseil constitutionnel au motif de l absence de caractère sérieux de cette dernière» 3. En l espèce, la société requérante avait fait l objet d une sanction disciplinaire prononcée par la Commission bancaire sur le fondement des anciennes dispositions du CMF qui étaient applicables à la cause. Ces dispositions pouvaient donc être renvoyées au Conseil constitutionnel. Comme indiqué, le défaut de la procédure suivie par la Commission bancaire avait été relevé par la CEDH dans sa décision Dubus SA du 11 septembre 2009 qui, se démarquant d une décision du Conseil d État rendue dans la même affaire 4, avait prononcé la condamnation de la France sur le fondement de l article 6 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales (CESDH) «en raison du défaut d indépendance et d impartialité de la Commission bancaire». Dans cette décision, la CEDH avait souligné «l imprécision des textes qui régissent la procédure devant la Commission bancaire, quant à la composition et aux prérogatives des organes appelés à exercer les différentes fonctions qui lui sont dévolues» ( 56). Plus précisément, la CEDH estimait qu «il ne ressort pas du CMF, ni d un éventuel règlement intérieur, de distinction claire entre les fonctions de poursuite, d instruction et de sanction dans l exercice du pouvoir juridictionnel de la Commission bancaire ( 57). Le juge européen, mettant en œuvre sa technique habituelle d un contrôle concret, poursuivait : «La société requérante pouvait raisonnablement avoir l impression que ce sont les mêmes personnes qui l ont poursuivie et jugée. En témoigne particulièrement la phase d ouverture de la procédure disciplinaire et de la notification des griefs où la confusion des rôles conforte ladite impression ( ). La requérante a pu nourrir des doutes sur la prise de décision par la Commission bancaire dès lors que celle-ci décida de la mise en accusation, formula les griefs à son encontre et finalement la sanctionna» ( 60). 1 Décision du 11 septembre 2009, Dubus SA c/ France, n 5242/04. 2 Qui, dans la présente affaire, venait donc aux droits de l ancienne Commission bancaire. 3 Décision n 2010-16 QPC du 23 juillet 2010, M. Philippe E. (Organismes de gestion agréés), cons. 2. 4 Conseil d État, Section, 30 juillet 2003, Société Dubus SA, n 240884. 2

Au lendemain de cette condamnation, certains pensaient pouvoir «sauver» les décisions de la Commission bancaire, au moins provisoirement 5, en raison des pratiques effectivement suivies par celle-ci ou qu il conviendrait dorénavant de suivre. Ainsi, selon M. Guyomar 6, «il serait ( ) préférable que [l acte d autosaisine de la Commission] n émane plus, quels qu en soient les termes, de l une des personnes qui sera ensuite amenée à délibérer de la décision de sanction». Le même auteur soulignait, de la même façon, que «les personnes ayant siégé lors des délibérations administratives approbation des contrôles à effectuer et décision des suites à y donner ne peuvent, sans que naisse le soupçon de préjugement, siéger ensuite en formation disciplinaire pour connaître de la même affaire». Selon l auteur, l existence de suppléants permettrait une composition différente de la Commission pour satisfaire ces exigences. Mais cette opinion n a pas été suivie par le Conseil d État dans la décision de section qu il a rendue à la suite de l arrêt de la CEDH 7. Le Conseil a alors décidé «qu ainsi que l a jugé la Cour européenne des droits de l homme par l arrêt du 11 juin 2009 rendu dans l affaire Dubus SA contre France, cet encadrement était insuffisant dans le cas où la Commission bancaire, au regard de l étendue des pouvoirs dont elle disposait, couvrant à la fois le contrôle des établissements de crédit, la décision d ouvrir une procédure disciplinaire et de définir les griefs reprochés, l instruction de la procédure et le prononcé des sanctions disciplinaires; qu eu égard à l insuffisance des garanties dont la procédure était entourée, la circonstance que les mêmes personnes se prononcent sur la décision de poursuivre, d une part, et sur la sanction, d autre part, était de nature à faire naître un doute objectivement justifié sur l impartialité de cette juridiction». Comme on l a vu, le législateur avait anticipé ce raisonnement et modifié les dispositions en cause du CMF : l ordonnance du 21 janvier 2010 est postérieure de quatre mois à la condamnation de la France par la Cour de Strasbourg. II. Examen de constitutionnalité Selon la société requérante, les dispositions renvoyées portaient atteinte aux principes d indépendance et d impartialité des juridictions qui découlent de 5 C est-à-dire dans l attente d une réforme législative (finalement intervenue en janvier 2010). 6 «Article 6 1 er de la Convention européenne des droits de l homme. La procédure disciplinaire de la Commission bancaire remise en cause», Banque et droit n 127, sept.-oct. 2009, p. 3 et s., spéc. p. 8. 7 Conseil d État, 8 novembre 2010, Dubus SA, n 329384. 3

l article 16 de la Déclaration des droits de l homme et du citoyen de 1789, puisqu elles ne prévoyaient pas de «séparation des fonctions de justice» (confusion des fonctions d enquête, de poursuite et de sanction au sein de la Commission bancaire). A. Le principe d indépendance et d impartialité des juridictions Le Conseil a depuis longtemps jugé que le principe d indépendance est «indissociable de l exercice de fonctions judiciaires» 8 ou «juridictionnelles» 9. Par la suite, il a fait relever le principe d indépendance des juges non professionnels de l article 16 de la Déclaration de 1789 10. Il a, en effet, rattaché à la garantie des droits proclamée par cet article le droit à un recours effectif, les droits de la défense 11, le droit à un procès équitable 12 et, enfin, l impartialité et l indépendance des juridictions 13. Ainsi, bien que l indépendance des magistrats judiciaires et celle des juges non professionnels trouvent un fondement constitutionnel différent (article 64 de la Constitution pour les premiers, article 16 de la Déclaration de 1789 pour les seconds), l existence de garanties légales d indépendance et d impartialité des membres d une juridiction constitue une exigence applicable à toutes les juridictions. Dans le cadre de la procédure de QPC, le Conseil a ainsi censuré la composition des tribunaux commerciaux maritimes où siégeaient des fonctionnaires et des militaires en fonction dans leur administration, laquelle, qui plus est, était l autorité de poursuite 14. Le Conseil constitutionnel a également censuré des dispositions relatives à la composition des commissions départementales d aide sociale, au regard de l exigence selon laquelle, d une part, un fonctionnaire ne peut siéger dans une juridiction qui statue sur des questions relevant de l activité des services auxquels il participe et, d autre part, l élu de l assemblée délibérante d une collectivité ne peut siéger dans la juridiction qui statue sur un litige dans lequel cette collectivité est partie 15. 8 Décision n 92-305 DC du 21 février 1992, Loi organique modifiant l ordonnance n 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, cons. 64. 9 Décision n 2002-461 DC du 29 août 2002, Loi d orientation et de programmation pour la justice, cons. 15. 10 Décision n 2003-466 DC du 20 février 2003, Loi relative aux juges de proximité, cons. 23. 11 Décision n 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l égalité des chances, cons. 24. 12 Décision n 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d auteur et aux droits voisins dans la société de l information, cons. 11. 13 Décision n 2006-545 DC du 28 décembre 2006, Loi pour le développement de la participation et de l actionnariat salarié et portant diverses dispositions d ordre économique et social, cons. 24. 14 Décision n 2010-10 QPC du 2 juillet 2010, Consorts C. et autres (Tribunaux maritimes commerciaux). 15 Décision n 2010-110 QPC du 25 mars 2011, M. Jean-Pierre B. (Composition de la commission départementale d aide sociale). 4

En revanche, le Conseil a déclaré conforme au principe d impartialité la composition des tribunaux des affaires de sécurité sociale 16 et, plus récemment, la procédure disciplinaire applicable aux avocats du barreau de Paris 17 notamment dans la mesure, dans cette dernière affaire, où le bâtonnier, autorité de poursuite, n est pas membre du conseil de l ordre siégeant comme conseil de discipline (autorité de sanction). Le Conseil constitutionnel a confirmé cette position dans sa décision du 25 novembre 2011 sur la discipline des vétérinaires 18. Enfin, dans sa décision n 2011-147 QPC du 8 juillet 2011 (Composition du tribunal pour enfants), le Conseil constitutionnel a jugé qu «en permettant au juge des enfants qui a été chargé d accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées portent au principe d impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution» (cons. 11). S agissant plus précisément de la procédure pénale, le Conseil constitutionnel a jugé «qu en matière de délits et de crimes, la séparation des autorités chargées de l action publique et des autorités de jugement concourt à la sauvegarde de la liberté individuelle» 19. Cette décision porte, certes, sur la matière pénale strictement dite ; toutefois, on ne voit pas pourquoi les exigences qu elle pose ne seraient pas transposées lorsque la répression est confiée à une juridiction administrative, dans la mesure où le Conseil constitutionnel a jugé : «Le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce qu une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dès lors, d une part, que la sanction susceptible d être infligée est exclusive de toute privation de liberté et, d autre part, que l exercice du pouvoir de sanction est assorti par la loi de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis.» 20 Même si le Conseil constitutionnel ne l avait pas encore, jusqu à présent, expressément jugé, il ne faisait pas de doute que la séparation des fonctions de poursuite et de jugement s imposait aux autorités administratives indépendantes, 16 Décision n 2010-76 QPC du 3 décembre 2010, M. Roger L., (Tribunaux des affaires de sécurité sociale), cons. 9. 17 Décision n 2011-179 QPC du 29 septembre 2011, Mme Marie-Claude A. (Conseil de discipline des avocats). 18 Décision n 2011-199 QPC du 25 novembre 2011, M. Michel G. (Discipline des vétérinaires), cons. 13. 19 Décision n 95-360 DC du 2 février 1995, Loi relative à l organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, cons. 5. 20 Décision n 89-260 DC du 28 juillet 1989, cons. 6. Par la suite, le Conseil a confirmé cette orientation, la rédaction de ce «considérant de principe» évoluant légèrement : décisions n os 97-389 DC du 22 avril 1997, cons. 30, 2000-433 DC du 27 juillet 2000, cons. 50, 2006-535 DC du 30 mars 2006, cons. 36, et 2009-580 DC du 10 juin 2009, cons. 14. 5

ce qui laisse ces dernières libres de s organiser selon des règles d indépendance fonctionnelle ou de séparation organique. Telle est la solution consacrée par la présente affaire, sur le fondement de l article 16 de la Déclaration de 1789. B. Application en l espèce Le Conseil a jugé «que les dispositions contestées, en organisant la Commission bancaire sans séparer en son sein, d une part, les fonctions de poursuite des éventuels manquements des établissements de crédit aux dispositions législatives et réglementaires qui les régissent et, d autre part, les fonctions de jugement des mêmes manquements, qui peuvent faire l objet de sanctions disciplinaires, méconnaissent le principe d impartialité des juridictions» (cons. 8). Les anciennes dispositions du CMF étaient en effet laconiques et ne prévoyaient aucune garantie expresse d indépendance et d impartialité dans la procédure de sanction mise en œuvre par la Commission bancaire. Indépendamment de ce silence, l article L. 613-6 du CMF subordonnait expressément à la Commission son secrétariat général pour l exercice des missions de contrôle, alors que la Commission exerçait ultérieurement la fonction de sanction (article L. 613-21). Ces dispositions soulignaient donc la confusion des fonctions au sein de cette institution, alors même qu aucune garantie ne résultait en outre des dispositions réglementaires relatives à l «exercice du pouvoir disciplinaire» de la Commission (anciens articles R. 613-4 à R. 613-9 du CMF). Les dispositions renvoyées au Conseil sont ainsi déclarées contraires à la Constitution, sans qu il soit nécessaire de s interroger sur l interprétation de ces dispositions éventuellement conforme à l exigence d impartialité qui aurait pu résulter de la pratique de la Commission bancaire. Cette recherche d une solution in concreto était, en effet, à la fois déjà dépassée par l évolution du droit positif (jurisprudence précitée du Conseil d État et ordonnance du 21 janvier 2010) et, en tout état de cause, extérieure à l office du juge constitutionnel. Le premier alinéa de l article L. 613-1 du CMF, ainsi que les articles L. 613-4, L. 613-6, L. 613-21 et le paragraphe I de l article L. 613-23 du même code, dans leur rédaction antérieure à l ordonnance précitée du 21 janvier 2010, sont ainsi déclarés contraires à la Constitution. Le Conseil ajoute que cette déclaration d inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de sa décision et qu elle est applicable à toutes les instances non définitivement jugées à cette date. 6