Croisées de la fiction Journalisme et littérature



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http://www.interferenceslitteraires.be ISSN : 2031-2790 Croisées de la fiction Journalisme et littérature Textes réunis et présentés par Myriam Boucharenc, David Martens & Laurence van Nuijs n 7 Novembre 2011 http://www.uclouvain.be/sites/interferences

Comité de direction - Directiecomité David Martens (KULeuven & UCL) Rédacteur en chef - Hoofdredacteur Matthieu Sergier (FNRS UCL & Factultés Universitaires Saint-Louis) Secrétaire de rédaction Laurence van Nuijs (FWO KULeuven) Redactiesecretaris Elke D hoker (KULeuven) Lieven D hulst (KULeuven Kortrijk) Hubert Roland (FNRS UCL) Myriam Watthee-Delmotte (FNRS UCL) Conseil de rédaction - Redactieraad Geneviève Fabry (UCL) Anke Gilleir (KULeuven) Gian Paolo Giudiccetti (UCL) Agnès Guiderdoni (FNRS UCL) Ortwin de Graef (KULeuven) Jan Herman (KULeuven) Marie Holdsworth (UCL) Guido Latré (UCL) Nadia Lie (KULeuven) Michel Lisse (FNRS UCL) Anneleen Masschelein (FWO KULeuven) Christophe Meurée (FNRS UCL) Reine Meylaerts (KULeuven) Olivier Odaert (UCL) Stéphanie Vanasten (FNRS UCL) Bart Van den Bosche (KULeuven) Marc van Vaeck (KULeuven) Pieter Verstraeten (KULeuven) Comité scientifique - Wetenschappelijkcomité Olivier Ammour-Mayeur (Monash University) Ingo Berensmeyer (Universität Giessen) Lars Bernaerts (Universiteit Gent & Vrije Universiteit Brussel) Faith Binckes (Worcester College, Oxford) Philiep Bossier (Rijksuniversiteit Groningen) Franca Bruera (Università di Torino) Àlvaro Ceballos Viro (Université de Liège) Christian Chelebourg (Université de Nancy II) Edoardo Costadura (Université de Rennes II) Nicola Creighton (Queen s University Belfast) William M. Decker (Oklahoma State University) Dirk Delabastita (Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix Namur) Michel Delville (Université de Liège) César Dominguez (Universidad de Santiago de Compostella & King s College) Gillis Dorleijn (Rijksuniversiteit Groningen) Ute Heidmann (Université de Lausanne) Klaus H. Kiefer (Ludwig-Maxilimians-Universität München) Michael Kolhauer (Université de Savoie) Isabelle Krzywkowski (Université de Grenoble) Sofiane Laghouati (Musée Royal de Mariemont) François Lecercle (Paris IV - Sorbonne) Ilse Logie (Universiteit Gent) Marc Maufort (Université Libre de Bruxelles) Isabelle Meuret (Université Libre de Bruxelles) Christina Morin (Queen s University Belfast) Miguel Norbartubarri (Universiteit Antwerpen) Andréa Oberhuber (Université de Montréal) Jan Oosterholt (Universiteit Oldenburg) Maïté Snauwaert (Université d Alberta) Interférences littéraires / Literaire interferenties KULeuven Faculteit Letteren Blijde-Inkomststraat 21 Bus 3331 B 3000 Leuven (Belgium) Contact : matthieu.sergier@uclouvain.be & laurence.vannuijs@arts.kuleuven.be

http://www.interferenceslitteraires.be ISSN : 2031-2790 ISSN : 2031-2970 Croisées de la fiction Journalisme et littérature s. dir. Myriam Boucharenc, David Martens & Laurence van Nuijs n 7 - novembre 2011 http://www.interferenceslitteraires.be/nr7 Myriam Boucharenc, David Martens & Laurence van Nuijs Croisées de la fiction. Journalisme et littérature Amérlie Chabrier «Que la fiction vous serve de guide dans ce pays des réalités». Mutations de la poétique de la chronique judiciaire dans le Tribunal illustré (1879-1882) Rob van de Schoor Op en onder de Juggernaut. Idolisering en debunking van Isadora Duncan in de vroeg twintigste-eeuwse periodieke pers Laetitia Gonon De l influence d un style du fait divers criminel sur le roman au XIX e siècle Pascal Génot «Mary de Cork». Première transposition fictionnelle d un reportage l œuvre de Joseph Kessel Bruno Curatolo La chronique judiciaire romancée Myriam Boucharenc Nouvelles fictions du reporter au XX e siècle John S. Bak Toward a definition of International Literary Journalism Frank Harbers Defying journalistic performativity. The Tension between Journalism and Literature in Arnon Grunberg s Reportages 7 21 41 61 81 99 113 127 139

Stefania Ricciardi Gomorra e l estetica documentale nel nuovo millenio Nora Berning Toward a Critical Ethical Narratology for Literary Reportages : Analysing the Story Ethics of Alexandra Fuller s Scribbling the Cat 165 187 Varia Myriam Watthee-Delmotte Literature as Ritual. The Ritual Stakes in Contemporary Literature Jean-Philippe Martel Jacques Laurent, de La Table Ronde à La Parisienne. Un franc-tireur dans la «guerre des revues» 225 235 Interview Theorizing the Middlebrow. An interview with Nicola Humble, by Elke D hoker 257

http://www.interferenceslitteraires.be ISSN : 2031-2790 Myriam Boucharenc, David Martens & Laurence van Nuijs Croisées de la fiction. Journalisme et littérature Résumé La présente livraison d Interférences littéraires/literaire intenferenties interroge les rapports entre journalisme et littérature, en fonction des relations que ces deux sphères entretiennent aux faits et à la fiction d une part et des procédures poétiques et rhétoriques qu ils empruntent à leur autre. Comment discours journalistiques et littéraires se situent-ils au regard du paradigme de la fiction? Comment un texte relevant initialement d une catégorie peut-il verser dans une autre? Moyennant quel type de travail stylistique, quelles modalisations discursives, quels modes de reconfiguration? Dans quels domaines s exercent de façon privilégiée ces interférences de discours, selon quelles formes, et pourquoi? De quelle manière, enfin, la fiction prend-elle en charge la «figure» du journaliste et dans quelle mesure contribue-telle à sa médiatisation? Afin de fournir un aperçu relativement étendu des enjeux de cette problématique, les articles ici rassemblés portent non seulement sur des périodes différentes de la fin du XIX e siècle à nos jours mais également sur des aires géographiques et culturelles distinctes (France, Angleterre, États-Unis, Italie, Pays-Bas en particulier). Abstract The present issue of Interférences littéraires /Literaire interferenties examines the relations between journalism and literature in respect of the relation these two spheres maintain towards, on the one hand, facts and fiction, and, on the other hand, the poetical and rhetorical procedures they employ. Where are journalistic and literary discourses situated with regard to the paradigm of fiction? How can a text that initially comes under one category go over to another category? What type of stilistical work, what discursive modeling operations, what ways of reconfiguration are they mediating in this? In what domains do these interferences of discourse preferably manifest themselves, by what forms, and why? In what way, finally, does fiction assume the figure of the journalist, and to what extent does it contribute to its mediatization? With the purpose of providing a relatively broad overview of the different challenges at issue in this problem, the articles assembled here not only cover different eras from the end of the 19th century to this day but also different geographical and cultural regions (France, England, the United States, Italy, the Netherlands, in particular). Pour citer cet article : Myriam Boucharenc, David Martens & Laurence van Nuijs, «Croisées de la fiction. Journalisme et littérature», dans Interférences littéraires/literaire interferenties, n 7, «Croisées de la fiction. Journalisme et littérature», s. dir. Myriam Boucharenc, David Martens & Laurence van Nuijs, novembre 2011, pp. 9-19.

Comité de direction Directiecomité David Martens (KULeuven & UCL) Rédacteur en chef - Hoofdredacteur Matthieu Sergier (FNRS UCL & Factultés Universitaires Saint-Louis) Secrétaire de rédaction Laurence van Nuijs (FWO KULeuven) Redactiesecretaris Elke D hoker (KULeuven) Lieven D hulst (KULeuven Kortrijk) Hubert Roland (FNRS UCL) Myriam Watthee-Delmotte (FNRS UCL) Conseil de rédaction Redactieraad Geneviève Fabry (UCL) Anke Gilleir (KULeuven) Gian Paolo Giudiccetti (UCL) Agnès Guiderdoni (FNRS UCL) Ortwin de Graef (KULeuven) Jan Herman (KULeuven) Marie Holdsworth (UCL) Guido Latré (UCL) Nadia Lie (KULeuven) Michel Lisse (FNRS UCL) Anneleen Masschelein (FWO KULeuven) Christophe Meurée (FNRS UCL) Reine Meylaerts (KULeuven) Olivier Odaert (UCL) Stéphanie Vanasten (FNRS UCL) Bart Van den Bosche (KULeuven) Marc van Vaeck (KULeuven) Pieter Verstraeten (KULeuven) Comité scientifique Wetenschappelijk comité Olivier Ammour-Mayeur (Monash University Merbourne) Ingo Berensmeyer (Universität Giessen) Lars Bernaerts (Universiteit Gent & Vrije Universiteit Brussel) Faith Binckes (Worcester College Oxford) Philiep Bossier (Rijksuniversiteit Groningen) Franca Bruera (Università di Torino) Àlvaro Ceballos Viro (Université de Liège) Christian Chelebourg (Université de Lorraine Nancy II) Edoardo Costadura (Friedrich Schiller Universität Jena) Nicola Creighton (Queen s University Belfast) William M. Decker (Oklahoma State University) Dirk Delabastita (Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix Namur) Michel Delville (Université de Liège) César Dominguez (Universidad de Santiago de Compostella & King s College) Gillis Dorleijn (Rijksuniversiteit Groningen) Ute Heidmann (Université de Lausanne) Klaus H. Kiefer (Ludwig Maxilimians Universität München) Michael Kolhauer (Université de Savoie) Isabelle Krzywkowski (Université Stendhal-Grenoble III) Sofiane Laghouati (Musée Royal de Mariemont) François Lecercle (Université de Paris IV - Sorbonne) Ilse Logie (Universiteit Gent) Marc Maufort (Université Libre de Bruxelles) Isabelle Meuret (Université Libre de Bruxelles) Christina Morin (Queen s University Belfast) Miguel Norbartubarri (Universiteit Antwerpen) Andréa Oberhuber (Université de Montréal) Jan Oosterholt (Carl von Ossietzky Universität Oldenburg) Maïté Snauwaert (University of Alberta Edmonton) Interférences littéraires / Literaire interferenties KULeuven Faculteit Letteren Blijde-Inkomststraat 21 Bus 3331 B 3000 Leuven (Belgium) Contact : matthieu.sergier@uclouvain.be & laurence.vannuijs@arts.kuleuven.be

Interférences littéraires/literaire interferenties, n 7, novembre 2011 Croisées de la fiction Journalisme et littérature Depuis l avènement de la «civilisation du journal» 1, journalisme et littérature ont continuellement entretenu des relations d interdépendance, fraternelles parfois, relativement problématiques le plus souvent. Tout au long de son histoire, le journalisme s est en effet pensé, de façon privilégiée, par la littérature et/ou à travers elle, tout comme, réciproquement, la littérature n a cessé de se confronter aux écritures de presse, de s en inspirer ou de s y mêler 2. De ce point de vue, si l histoire du reportage est indissociable de «celle du lien de complicité conflictuelle qui n a cessé de l unir à littérature» 3, il en va de même, semble-t-il, pour le journalisme en général. Pour autant, ces deux domaines, soucieux de délimiter leurs territoires respectifs, se sont assez rapidement distingués et institués en vertu d un partage des tâches plus ou moins rigoureusement respecté selon les époques et les aires géographiques et culturelles. À la faveur de ce processus de spécialisation et d autonomisation, un clivage s est instauré entre l un et l autre en termes de champs de compétences aussi bien que d espaces de légitimité. Et cette partition sert encore largement aujourd hui à penser les spécificités et les finalités respectives de la littérature et du journalisme. L un des vecteurs de cette distinction, relativement bien établie, passe par la nature du rapport que presse et littérature entretiennent avec la réalité. Alors que le journalisme se conçoit volontiers comme un discours référentiel, censé rendre compte des faits, des événements 4 qu il est par conséquent largement perçu comme tenu au réel, la littérature est plus traditionnellement considérée comme jouissant d une plus grande marge de liberté dans ses relations avec la réalité. En effet, le clivage s est notamment fondé sur une ligne de partage qui n avait que peu court durant les premières décennies de l existence de la presse, celle qui distingue le discours factuel, devenu une caractéristique quasi définitoire du journalisme, et la littérature, qui se déploierait, notamment, au sein de ce domaine quasi réservé pour elle que constitue l espace de la fiction, constitutive, selon Gérard Genette de la littérarité 5 même. Si cette dernière proposition peut, à certains égards, prêter à 1. Voir La Civilisation du journal, s. dir. Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty & Alain Vaillant, Paris, Nouveau monde éditions, «Opus Magnus», 2012. 2. Mentionnons, parmi les ouvrages récents qui montrent l intérêt qu il y a à articuler les deux domaines, Études littéraires, vol. 40, n 3, «Penser la littérature par la presse», s. dir. Guillaume Pinson & Maxime Prévost, 2009. 3. Myriam Boucharenc, L Écrivain-reporter au cœur des années trente, Villeneuve-d Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, «Objet», 2004, p. 46. 4. Que se passe-t-il? Evénements, sciences humaines et littérature, s. dir. Didier Alexandre, Madeleine Frédéric, Sabrina Parent & Michèle Touret, Presses universitaires de Rennes, «Interférences», 2004. 5. Voir Gérard Genette, Fiction et diction (1991) précédé de Introduction à l architexte (1979), Paris, Seuil, «Points Essais», 2004, p. 95-100, notamment. 9

Croisées de la fiction. journalisme et littérature discussion, elle n en témoigne pas moins d une représentation assez communément partagée, selon laquelle reviendrait à l écrivain le privilège de l invention, de la mise en œuvre d un «univers de la fiction» 6, tandis que le journalisme aurait à se cantonner, aussi strictement que possible, au compte rendu et à l analyse du réel, non plus celui, «réaliste», des grandes fresques, mais de l actualité, du quotidien ordinaire et extraordinaire, à l exclusion toutefois de tout recours à quelque «feintise ludique partagée» 7 que ce soit. La fiction continue ainsi de constituer l un des prismes à travers lesquels la presse considère la littérature et se pense en fonction de l image que cette dernière diffuse non seulement d elle-même, mais aussi de l activité et du discours journalistiques. Sur cette ligne de partage s est longtemps greffée l idée selon laquelle, précisément parce qu il est tenu au réel, le discours journalistique se doit également d adopter une neutralité de ton, qui se manifeste notamment dans la langue qu il adopte comme dans le style qu il se donne, soit dans ce que Gérard Genette désigne sous le vocable de «diction», ce paramètre de littérarité conditionnelle, dont les textes journalistiques peuvent, ou non, être pourvus 8. Dès la fin du XIX e siècle, le style journalistique tend, en effet, à se formater et à s uniformiser en fonction d une prétention à rendre compte de façon aussi neutre et objective que possible des faits, autour desquels le journalisme prétend pour une large part se tisser. La littérature, à l inverse, viserait plutôt la mise en œuvre d une singularité stylistiquement marquée. L idée d une pratique originale de la langue tranche en effet également avec la conception traditionnelle du journalisme qui, parce qu il vise la diffusion de masse, n hésite pas à entretenir le lieu commun. En contexte journalistique, le travail de la diction constituerait la manière, pour un texte, de se caractériser et, ce faisant, de tenter de s inscrire et de se positionner dans ce système de discours potentiellement concurrents que sont la littérature et le journalisme. Ce travail de distinction par rapport aux discours journalistiques «objectifs» et «neutres» en passe par la constitution d un d ethos discursif qui porte non seulement sur l énonciateur (le journaliste, en l occurrence), mais aussi sur le statut qui est assigné (et/ou qu il assigne) à son discours. Les études sur les relations entre journalisme et littérature n ont pas manqué de remettre en cause un tel modèle de pensée ainsi que le caractère par trop tranché d une semblable ligne de partage. Elles n ont cessé, au cours de ces dernières années, de faire apparaître les lignes de communication et les liaisons existant entre les productions de ces deux espaces institutionnels qui ont été amené à se distinguer. Alain Vaillant 9 et Marie-Éve Therenty, notamment, pour le domaine francophone, ont montré combien, dès son apparition, et en raison, précisément, du caractère éminemment littéraire de ses origines les journalistes étaient, au début du moins, majoritairement des écrivains ou, à tout le moins, des aspirants écrivains, le journal fut un espace propice à la publication soit de fictions en tant que telles, soit de textes soumis à divers procédés de fictionnalisation, qui en faisaient des écrits très largement littéraires. En témoignent, par exemple, non seulement le cas bien 6. Thomas Pavel, Univers de la fiction (1986), Paris, Seuil, «Poétique», 1988. 7. Voir Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction?, Paris, Seuil, «Poétique», 1999. 8. Voir Gérard Genette, op. cit., pp. 109-118, en particulier. 9. Voir, notamment, Alain Vaillant, «De la littérature médiatique», dans Interférences littéraires/ Literaire interferenties, n 6, «Postures journalistiques et littéraires», s. dir. Laurence van Nuijs, mai 2011, pp. 21-33. [En ligne], URL : http://www.interferenceslitteraires.be/node/107 10

Myriam Boucharenc, David Martens & Laurence van Nuijs connu du roman-feuilleton, mais aussi, à titre d exemple, les modalités de déploiement du discours mondain dans la presse fin-de-siècle et durant la Belle-Époque 10. Une porosité des frontières qui s illustre d autant plus au XX e, dans la chronique 11, qu elle soit judiciaire, sportive ou sociale, aussi bien que dans le grand reportage, ou même l interview, que les «années Lazareff», pour les nommer ainsi, coïncident avec l âge des grandes signatures. Il est alors si peu d écrivains qui ne soient aussi journalistes 12, y compris parmi les auteurs étiquetés d «avant-garde» 13. Tandis que la presse grand public cherche alors à se légitimer grâce à l exploitation intensive du nom et de l image de marque littéraire des «auteurs», celle-ci devient dans le même temps, une «source» pour la fabrique poétique de la littéraire, qui non seulement s inspire du journal pour alimenter la fiction romanesque, mais emprunte également la matière journalistique et la recycle selon diverses modalités mises en lumière par Patrick Suter 14. Le précédent numéro d Interférences littéraires/literaire interferenties (n 6, «Postures journalistiques et littéraires», s. dir. Laurence van Nuijs 15 ) s était proposé d examiner la variété des positionnements, des postures et des scénographies adoptés aussi bien par les écrivains que par les journalistes sur la scène médiatique : investissements stratégiques de genres et de tons, recours à des modèles posturaux antérieurs, construction d images de soi tantôt contradictoires, tantôt complémentaires La présente livraison d Interférences littéraires/literaire interferenties, ayant pour intitulé «Croisées de la fiction. Journalisme et littérature» s inscrit dans la continuité de la précédente, dont elle déplace cependant le questionnement, qui se voit ici recentré sur le clivage fiction / diction traditionnellement mobilisé lorsqu il s agit de distinguer ces pratiques discursives sœurs mais non jumelles que sont le journalisme et la littérature. Dans cette perspective, il a paru intéressant d inviter à un examen approfondi des divers types de relations qui les unissent, tels qu ils se constituent en fonction de leur rapport aux faits d une part et, d autre part, des procédures poétiques et rhétoriques qu ils mettent en œuvre. Afin de fournir un aperçu relativement étendu des enjeux de cette problématique, les articles ici rassemblés portent non seulement sur des périodes différentes de la fin du XIX e siècle à nos jours mais également sur des aires géographiques et culturelles distinctes (France, Angleterre, États-Unis, Italie, Pays-Bas en particulier). La multiplicité des angles d études adoptés visant à faire apparaître la richesse et la complexité du phénomène envisagé. D une part, comment discours journalistiques et littéraires se situent-ils au regard du 10. À ce sujet, voir Guillaume Pinson, Fiction du monde. De la presse mondaine à Marcel Proust, Montréal, Presses de l Université de Montréal, «Socius», 2008. 11. La Chronique journalistique des écrivains (1880-2000), s. dir. Bruno Curatolo et Alain Schaffner, Éditions Universitaires de Dijon, «Écritures», 2010. 12. Voir, notamment, les premiers ouvrages à avoir attiré l attention sur les doubles plumes : Michel Collomb, «Le reportage», dans La Littérature Art déco, Méridiens-Klincksieck, 1987 ; L Écrivain-Journaliste, s. dir. Jean Touzot, Paris, Klincksieck, «Littératures contemporaines», 1998 ; Cendrars au Pays de Jean Galmot, s. dir. Michèle Touret, Presses Universitaires de Rennes, «Interférences», 1998. 13. Mélusine, Cahiers du Centre de Recherche sur le surréalisme, n 25, «L Universel reportage», s. dir. Myriam Boucharenc, 2005. 14. Patrick Suter, Le Journal et les Lettres. De la presse à l œuvre (vol. 1) & La Presse dans l œuvre : vers une écologie littéraire (vol. 2), Genève, Metispresses, «Voltiges», 2010. 15. Interférences littéraires/literaire interferenties, «Postures journalistiques et littéraires», s. dir. Laurence van Nuijs, n 6, mai 2011. [En ligne], URL : http://www.interferenceslitteraires.be/nr6 11

Croisées de la fiction. journalisme et littérature paradigme de la fiction? Comment, d autre part, un texte relevant initialement d une catégorie peut-il verser dans une autre? Moyennant quel type de travail stylistique, quelles modalisations discursives, quels modes de reconfiguration? Dans quels domaines s exercent de façon privilégiée ces interférences de discours, selon quelles formes, et pourquoi? De quelle manière, enfin, la fiction prend-elle en charge la «figure» du journaliste et dans quelle mesure contribuetelle à sa médiatisation? 1. Le XIX e siècle : l âge d une contamination réciproque Comme l ont montré les travaux de Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant, le journal est, au XIX e siècle, «essentiellement composé de littérature». Ce «fait manifeste» se trouve «souvent occulté, aveuglés que nous sommes par le modèle de l écriture journalistique tel qu il est aujourd hui enseigné dans les écoles de journalistes» 16. Ainsi, dans la perspective d une histoire de la communication littéraire, telle qu il l élabore dans son Histoire littéraire, Alain Vaillant souligne la manière dont la presse française investit progressivement la communication sociale au XIX e siècle et entre ainsi en concurrence avec la littérature. Tandis que jusqu au début du XIX e siècle, la presse ne remet aucunement en cause le fonctionnement traditionnel de la littérature dont elle n est qu un instrument «efficace mais accessoire» 17 au service des débats littéraires, le journal acquiert progressivement, à partir de 1830, une situation de quasi monopole de la communication publique. Le fait a une double conséquence sur les rapports de force entre presse et littérature. D une part, le journal va «phagocyter la discursivité littéraire» 18 en devenant le support d à peu près tout ce qui a vocation à être imprimé ; d autre part, il devient également un laboratoire d expérimentation où des techniques et des genres littéraires se voient recyclés et transformés dans des genres proprement médiatiques, comme la critique, le fait divers, l éditorial ou la chronique. Il existe donc à cette époque, entre les formes littéraires et les formes journalistiques, de nombreux phénomènes de contamination réciproque, une circularité dynamique, qui tiennent également au fait souvent dénié par les principaux acteurs qu entre la sphère des gens de lettres et celle des «journalistes», la collusion est totale (à quelques exceptions notables près, comme celle de Gustave Flaubert). Outre l ironie, le mode conversationnel et l écriture intime, l un des procédés parmi lesquels s opère la littérarisation du journal est celui de la fictionnalisation de l information 19. Il se trouve au cœur des contributions d Amélie Chabrier, portant sur la chronique judiciaire française, et de Rob Van de Schoor sur le discours qui se construit dans la presse néerlandaise autour de la «star» Isadora Duncan au tournant du XX e siècle. Amélie Chabrier montre comment la chronique judiciaire, genre «par excellence [ ] informatif, forgeant sa réputation et son sérieux sur son objectivité» et donc, a priori, rétif à ce genre de modalisation du discours, se trouve prise dans la vague de fictionnalisation qui s étend sur la presse des années 1880. 16. Marie-Ève Thérenty, La Littérature au quotidien. Poétiques journalistiques au XIX e siècle, Paris, Seuil, «Poétique», 2007, p. 11. 17. Alain Vaillant, L Histoire littéraire, Paris, Armand Colin, «U», 2010, p. 264. 18. Ibidem. 19. Marie-Ève Thérenty, op. cit., p. 124-152. 12

Myriam Boucharenc, David Martens & Laurence van Nuijs À travers une analyse fouillée du Tribunal illustré (1879-1882), l auteure met en évidence l évolution de la chronique judiciaire vers un discours mixte faisant cohabiter information et fiction, tantôt au sein d une même publication sous la forme de plusieurs textes se répartissant l espace du journal, tantôt au sein d un seul et même texte, foncièrement hybride. L article d Amélie Chabrier contribue ainsi à affiner la périodisation des rapports entre presse et littérature en France en cette «fin de siècle», époque charnière, pour ce qui concerne l Hexagone, à tout le moins, de l histoire des relations entre journalisme et littérature. Rob Van de Schoor se penche pour sa part sur la manière dont la «star», créature dont la notoriété est, très largement, un produit du journalisme (presse, magazines, etc.), se trouve constituée comme objet d un discours fondé sur des procédés littéraires, parmi lesquels l usage de l ironie et d un style personnel, le recours à la dramatisation et à des techniques narratives spécifiques. L auteur étudie, à titre d exemple illustrant ce phénomène, la façon dont, aux Pays-Bas, le discours journalistique relatif à la danseuse Isadora Duncan a non seulement contribué à construire le «charisme» de cette étoile de la danse, mais aussi à le détruire. Dans ce processus de sacralisation profane, alliant mythification et déconstruction, la fiction joue un rôle majeur. En particulier, l auteur montre dans quelle mesure, dans les trois types d articles qui se rencontrent sur Isadora Duncan les comptes rendus de représentations, les faits divers sur la vie privée de l artiste et des articles d opinion, les distinctions entre fiction, témoignage et information deviennent floues. Dans la contribution suivante, Laetitia Gonon aborde la problématique des rapports entre presse et littérature au XIX e siècle sous un autre angle. Il s agit de faire apparaître la manière dont la littérature s inspire de la presse et s approprie ses procédés d écriture en dépit de l hostilité déclarée de maints hommes de lettres à l encontre du journal. L auteur examine, dans une perspective stylistique, ce que l on pourrait désigner comme une forme de «retour du refoulé» dans le roman naturaliste tout spécialement de la fin du XIX e siècle. Tandis que de nombreux romanciers vilipendent la «pauvreté» de l écriture journalistique, en particulier celle du fait divers, au profit du développement d un style prétendument plus personnel, le roman se retrouve marqué en profondeur par le recours aux formules figées dont use et abuse le fait divers (ainsi que le romanfeuilleton). Tout se passe dès lors comme si s engageait, autour du fait divers et de ce qu il représente en matière d usage de la langue, une discussion entre journalisme et littérature, à travers laquelle le roman s emploierait à mimer certains des traits d une forme journalistique que les romanciers posent justement, en théorie du moins, comme repoussoir. 2. Le XX e siècle : l âge des grandes signatures Dans le monde occidental, les années 1880 inaugurent notre actuelle culture de masse, et s accompagnent, nous l avons souligné, d une répartition des tâches plus nette entre la presse d une part, et les lieux de publication traditionnellement propres à l expression littéraire de l autre. La presse élabore alors ses propres codes, 13

Croisées de la fiction. journalisme et littérature liés à l essor de la culture de masse et à la double postulation qui l anime, l une vers l information, l autre vers le divertissement. Reste toutefois que cette transition vers un nouveau régime d écriture dominé par le souci de la «chose vue», de la «saisie sur le vif» (qui anticipe les exigences d immédiateté, d instantanéité et de «direct», que réaliseront pleinement les médias à venir radio et télévision ) qui prendrait idéalement le pas sur la chose méditée, racontée, commentée, ne se résume pas sans nuances au passage à une écriture neutre ou purement informative. La fonction de témoignage du journal se joue selon «deux modèles concurrents et séparés» 20 : celui du fait divers, d abord, qui se caractérise par le gommage d indices de l observation et par une énonciation se voulant objective, et celui du reportage, ensuite, qui replace au cœur du journal le sujet, témoin des faits narrés ou, du moins, garant de leur validité. Le reporter, en effet, est censé avoir été présent personnellement sur place et, s il n a pas assisté à proprement parler à l événement dont il rend compte, ou qu il n a pu prendre connaissance lui-même des rouages de la situation qu il décrit, il doit avoir recueilli et vérifié des témoignages, de préférence de première main. Autrement dit, bien que ou parce que se présentant comme le garant de la validité de l information, l enquête n exclut aucunement la présence, en tant que sujet, de l enquêteur dans un discours : elle l implique, tout au contraire, et non sans ambigüités 21. En d autres termes, si le reportage professionnel s uniformise bel et bien au XX e siècle, ce n est pas sans engager la question que ce siècle mettra en débat, s agissant de la subjectivité, déniée, assumée ou revendiquée du journaliste de terrain. Débat toujours actuel, ainsi qu en témoignent, entre autres, les considérations récentes d un Charles Dantzig : De sang-froid, oui, De sang-froid, nous sommes d accord, un chef-d œuvre. D objectivité? Il a l air d un chef-d œuvre d objectivité. Sous son apparence de neutralité absolue, des phrases s échauffent : celles où Capote parle de celui des deux criminels qui l émeut. Un livre n est bon que s il a cette part d émotion, même combattue. Tennessee Williams disait qu il ne pouvait écrire que s il était amoureux d un de ces personnages. Si Gide, dans les Souvenirs de la cour d assises, recommande de ne pas juger, il n en reste pas moins qu il a été touché. Ce que sont rarement les journalistes professionnels, obligés de se recouvrir de cynisme pour se protéger de dix, vingt, trente ans d assassinats. 22 La nature «littéraire» du reportage au sens où il échappe au formatage du journal se voit illustrée par l étude que livre Pascal Génot d une nouvelle de Joseph Kessel, fondée sur son premier reportage. L analyse témoigne exemplairement de ce qu entre le journalisme ici le reportage à vocation informative, mais en même temps marqué par la présence du sujet, et la littérature de fiction, le passage peut s opérer de façon sinon parfaitement naturelle, du moins relativement harmonieuse. À travers une comparaison détaillée de textes peu connus et rarement étudiés de Joseph Kessel le premier de ses grands reportages (en Irlande, et publié dans les colonnes de Liberté en 1920) et la nouvelle qu il en a tirée quelques années 20. Marie-Ève Thérenty, op. cit., p. 23. 21. Concernant le reportage, outre l ouvrage précédemment cité de Myriam Boucharenc, voir notamment : Littérature et Reportage, s. dir. Myriam Boucharenc et Joëlle Deluche, Limoges, Presses Universitaires de Limoges, «Médiatextes», 2001. 22. Charles Dantzig, «Journalisme», Dictionnaire égoïste de la littérature française (2005), Paris, Grasset & Fasquelle, «Le livre de poche», 2009, p. 495. 14

Myriam Boucharenc, David Martens & Laurence van Nuijs plus tard («Mary de Cork», publié en 1924 dans la Revue des deux mondes, puis chez Gallimard en 1925), Pascal Genot montre comment, moyennent quelques aménagements significatifs (relatifs au style comme à la constellation des personnages), le reportage glisse vers la fiction, se métamorphose en œuvre littéraire. Cette pratique, que Kessel systématisera et exploitera de manières diverses et complexes, alimentera la fabrique de l œuvre, contribuant à faire de lui, le saint-patron des écrivainsreporters de «l âge d or» du genre. Bruno Curatolo se penche pour sa part sur les objets hybrides que sont les «chroniques judiciaires romancées», soit des «récits» d assises dus, en l occurrence, aux plumes de Joseph Kessel (Jugements derniers), Léon Werth (Le Procès Pétain), Jean Giono (Notes sur l affaire Dominici), Jean Meckert (La Tragédie de Lurs) et André Gide (La Séquestrée de Poitiers). À l occasion des différents procès dont ces récits rendent compte, ces écrivains se sont trouvés placés de leur propre chef ou en raison de circonstances particulières (Gide fut désigné membre du jury) sur un champ qui est plus coutumièrement celui des journalistes. Bruno Curatolo examine ces textes à la fois sous l angle de leur composition (matériaux documentaires, insertion de parties dialoguées à des effets de dramatisation fictionnelle) et sous celui de leur stylistique et de leur poétique, afin de mettre en évidence leur nature foncièrement ambivalente. Ces «minutes narrativisées», comme il les nomme, se caractérisent à divers degrés par un souci d objectivité et de documentation. Elles laissent également paraître la présence du romancier-reporter ainsi que divers éléments proprement littéraires tels que la narrativisation, le souci du style, de même que des considérations psychologiques ou métalinguistiques : autant de propriétés qui confèrent à ces textes difficiles à cerner précisément mais le faut-il? aussi bien à l époque de leur publication que de nos jours, un statut résolument hybride. L avènement d un nouveau régime d écriture dans la presse à la fin du XX e siècle s accompagne aussi de l apparition d une nouvelle figure du «reporter». Tandis que la veine du reporter héroïque issue de la fiction populaire du XIX e siècle, se poursuit tout au long du XX e siècle, non sans quelques mises à distance parodiques, le personnage du journaliste-enquêteur fait parallèlement son entrée dans la littérature «consacrée», chez Malraux, Faulkner, Henrich Böll, Nicolas Born, Claude Simon, Jean Hatzfeld où il change de visage du tout au tout, ainsi que s emploie à le montrer la contribution de Myriam Boucharenc. Les fictions qui le mettent en scène, en rupture avec l imaginaire euphorique et conquérant du tout voir, tout savoir, tout transmettre, accusent le coup d un désenchantement qui se traduit dans la difficulté d être reporter, voire dans la «crise de reportage», selon l expression de l auteur de La Falsification. En témoigne la conscience tourmentée de ces nouveaux héros qui ne sont plus si sûr de l être, s interrogent et semblent remettre en question les grands mythes de l information triomphante : instantanéité, vérité et efficacité. Cette contribution permet ainsi de prendre la mesure des modifications apportées à l image du reporter à partir des années 1930. Elle permet également de mieux comprendre la façon dont la fiction romanesque, en se posant en conscience critique du métier de reporter, contribue à infléchir les pratiques concrètes du journalisme, tout de même qu à inspirer à la littérature de nouvelles réflexions. 15

Croisées de la fiction. journalisme et littérature 3. Le «journalisme littéraire» De façon plus ambivalente, se développe, durant la seconde moitié du XX e siècle, et jusqu à nos jours, un reportage résolument conçu comme «littéraire». Dans sa préface au volume True Stories. A Century of Literary Journalism (titre significatif, soulignant à la fois l exigence de véracité et la nature narrée du «journalisme littéraire»), Norman Sims rencontre et confirme la distinction entre d écriture du journal à partir de la fin du XIX e siècle Selon lui, deux perspectives ont sous-tendu les pratiques journalistiques depuis l apparition des journaux de masse (mass-circulation newspapers) dans les années 1890. La première est celle d un journalisme «scientifique» ou selon un terme plus péjoratif, «bureaucratique» fondé sur l usage de faits vérifiables et sur l effacement maximal du point de vue subjectif du journaliste : «This scientific journalism since the turn of the twentieth century has reported secondhand information and statistics in search of active social and economic trends. Very little experience was involved ; a reporter more frequently wrote what someone else said about the trends» 23. La seconde, par contre, celle du journalisme littéraire, si elle est également tenue à l objectivité et à l exactitude (faute de quoi il ne serait plus question de «journalisme», mais de fiction), repose sur l immersion maximale du reporter dans le monde qu il observe : «Literary journalists are caught in the same bind, of course, and need to rely on what people tell them. But they use special techniques to get closer to direct experience. [ ] Literary journalists lean toward the humanistic approach that values immersion with the participants in the cultural world» 24. Outre l immersion du reporter dans le milieu observé et la présence de sa voix dans l écriture, Norman Sims mentionne une autre caractéristique du «journalisme littéraire», également souvent invoquée pour souligner la nature littéraire du reportage : la complexité et la qualité de la prose. Dans sa contribution à la fois théorique et programmatique, qui constitue une version adaptée de son introduction à l ouvrage Literary Journalism accross the Globe : Journalistic Traditions and Transnational Influences 25, John Bak se propose de définir le journalisme littéraire à travers une présentation globale, transnationale et historique de ce mode de texte particulier, marqué essentiellement par la présence forte d une voix auctoriale. Cette présentation a le grand mérite de nuancer et de problématiser la conception courante du journalisme littéraire, issu de la tradition anglo-saxonne, et d amorcer une caractérisation plus sensible aux différents contextes nationaux dans lesquels celui-ci prend forme, allant de la Chine au Brésil, en passant par les Pays-Bas et la Nouvelle Zélande. Les idées mêmes de «littérature», de «journalisme» ou encore les rapports entre «faits» et «fiction», varient en effet d une tradition nationale à l autre, ce qui impose au chercheur de souligner ces différences, mais fait aussi de la recherche comparative et transnationale sur le journalisme littéraire un passionnant défi indispensable à relever. En effet, l article de John Bak constitue un plaidoyer en faveur d une prise en considération du journalisme littéraire en tant que processus organique, en évolution constante, dépassant les tentatives, nécessairement vouées à l échec, de 23. Norman Sims, «Preface», dans, True Stories. A Century of Literary Journalism, s. dir. Norman Sims, Evanston, Illinois, Northwestern University Press, 2007, p. xviii. 24. Ibidem. 25. Literary Journalism across the Globe: Journalistic Traditions and Transnational Influences, s. dir. John S. Bak & Bill Reynolds, Amherst and Boston, University of Massachusetts Press, 2011. Voir également le site de l IALJS (International Association for Literary Journalism Studies) : http://ialjs.org. 16

Myriam Boucharenc, David Martens & Laurence van Nuijs cerner ce mode de texte comme «genre littéraire» aussi bien que comme «forme journalistique». Les trois études de cas suivantes illustrent bien la diversité de protocoles d écriture relevant du «journalisme littéraire», entendu dans un sens large. Ainsi, Frank Harbers interroge l idée d une séparation stricte entre journalisme et littérature, à partir d une lecture attentive de plusieurs reportages de l écrivain et journaliste néerlandais Arnon Grunberg. L article met en lumière la nature foncièrement hybride des reportages de Grunberg en Irak, en Afghanistan et dans les banlieues néerlandaises. Celle-ci tient à l usage de techniques journalistiques (observations, citations, documentation) conjoint à des procédés proprement littéraires (réflexivité, ironie, présence marquée du sujet). S élabore ainsi un discours à mi-chemin entre la littérature et le journalisme, qui, tout en respectant le principe journalistique de base de véracité, souligne la caractère résolument construit de tout reportage. Tirant la conséquence de ce constat, Grunberg joue allègrement de la liberté qu il s octroie et qu il tend à légitimer par ses propos, et déjoue le rapport coutumier que le discours journalistique instaure par rapport aux événements. Dans un ordre d idées analogue, Stefania Ricciardi, dans son étude de Gomorra, livre mondialement célébré de Roberto Saviano, fait apparaître le caractère documentaire de la poétique qui sous-tend l ouvrage, ainsi que sa mise en œuvre dans le cadre d un dispositif narratif inspiré, pour partie, du «nonfiction novel», soit d un type de récit dont la dénomination marque une prise de distance par rapport à l imagination. Elle montre ainsi comment ce livre convertit la dimension documentaire en un objet hybride, associant la perspective créatrice de la littérature au regard socio-anthropologique documenté et argumenté, et dans le même temps parfaitement cohérent avec le projet que Saviano s est assigné en termes de mise au jour des rouages d un système criminel organisé. Il est remarquable de constater que plusieurs articles du présent dossier portent, en tout ou en partie, sur les univers du crime (en particulier chez Amélie Chabrier, Bruno Curatolo et Stefania Ricciardi). Il s agit, à l évidence, de l une des matières privilégiées du journalisme, depuis ses origines. Le fait est que la démarche juridique vise elle aussi à «faire la vérité» sur les événements criminels à propos desquels elle a à statuer. L on peut dès lors former l hypothèse restant à éprouver que l intérêt qu a pu y trouver le journalisme réside, outre dans l attrait qu exerce sur le public la thématique criminelle, dans une relative analogie formelle entre les scénarios constitutifs et la pratique journalistique de l enquête elle-même 26. En pareil contexte, c est-à-dire dès lors que le réel et la véracité se posent en enjeux essentiel du discours qui nous est tenu, la dimension des valeurs, et plus particulièrement de l éthique discursive peut difficilement ne pas être mobilisée. C est en partant de ce constat que Nora Berning propose, dans le prolongement du tournant éthique de la narratologie 27, l application du modèle de la Critical Ethical 26. C est d ailleurs le même type de fascination qui a donné lieu au développement du roman policier en tant que genre constitué et l on pourrait s interroger sur les interactions et le jeu d influences réciproques qui détermine le développement corollaire d un journalisme juridique et d une littérature policière identifiée comme telle (tant il est vrai que le crime constitue un ressort de narration particulièrement efficace). 27. À ce sujet, voir, notamment, Liesbeth Korthals-Altes, «Le tournant éthique dans la théorie littéraire», dans Études littéraires, n 3, vol. 31, 1999, pp. 39-56, ainsi que Tilmann Köppe, «On Ethical Narratology», dans Amsterdam International Electronic Journal for Cultural Narratology, n 5, Autumn 2009. [En ligne], URL : http://cf.hum.uva.nl/narratology/a09_koeppe.htm. 17

Croisées de la fiction. journalisme et littérature Narratology (CEN), approche intégrative fondée sur une conception holistique du texte narratif comme conjonction de l éthique et de l esthétique, se voulant attentive à la fois aux enjeux contextuels des productions et aux spécificités du genre. Cette approche du journalisme littéraire fondée sur une perspective narratologique destinée à mettre en évidence la construction d un système de valeur opéré à travers les dispositifs narratifs constitutifs des textes est mise à l épreuve dans l analyse du reportage d Alexandra Fuller Scribbling the Cat: Travels with an African Soldier. * * * Le présent dossier a été réalisé dans le cadre d un partenariat entre Interférences littéraires/literaire interferenties et le CSLF (Centre des sciences de la littérature française, équipe REAGIR) de l Université Paris Ouest Nanterre la Défense, en particulier avec le séminaire de recherche «Roman et reportage XX e -XXI e siècles. Rencontres croisées» (2011-2012), organisé par Myriam Boucharenc 28. Le parcours auquel convie l ensemble des textes ici réunis permet de prendre la mesure du processus interférentiel à l œuvre dans la constitution des discours journalistiques et littéraires. Ce n est en effet que par appropriations et imprégnations réciproques et malgré le clivage mallarméen toujours actif entre état «essentiel» de la parole et «universel reportage» que le journalisme et la littérature se sont définis, pratiqués, pensés, et continuent pour une large part de l être. La disparité des représentations symboliques qui les distinguent n ayant d égal que la proximité foncière qui les unit, à commencer sans doute par leur commun usage du récit, journalisme et littérature se sont ainsi trouvés engagés dans une relation de couple qui n a cessé, tout au long de leur commune histoire, d influer sur leurs rapports. Au risque, d un appauvrissement réciproque par rapport aux finalités respectives qu ils se donnent (ou qui leur sont dictées par une logique de champ institutionnel), jugeront certains, d une relation critique féconde, qui a contribué à leur enrichissement mutuel, estimeront d autres. Quoi qu il en soit, cette septième livraison d Interférences littéraires/literaire interferenties montre bien la persistance d une écriture «littéraire» au sein des périodiques, s écartant résolument des protocoles «préformatés» et purement informatifs mis en œuvre dans l optique d une rationalisation professionnalisante de la presse, tout comme elle souligne l attrait exercé sur l écriture littéraire par les formes du journal. On peut se demander, au vu de ces diverses communications, si la prétention du journal à rendre compte du vrai ne relève pas, pour une part, d une forme suprême de fiction tendant précisément à gommer ou à neutraliser sa part de fiction constitutive ; tandis que les récits ou les romans des «choses vues» que l on voit se multiplier à l orée du XXI e siècle, assumant leur part de fiction, le feraient au nom d une plus grande proximité avec la réalité, d un meilleur rendu de cette dernière. Construction discursive également, à n en pas douter. Il n en reste pas moins que ces discours comportent une charge critique qu il convient non de neutraliser, sous peine de lui faire perdre de son intérêt, mais d interroger critiquement, en 28. Les textes de plusieurs exposés présentés dans le cadre de ces rencontres sont ici publiés, en tout ou en partie, dans une première version. Ils seront ultérieurement intégrés à l ouvrage collectif qui rassemblera l intégralité des communications présentées lors du séminaire. 18

Myriam Boucharenc, David Martens & Laurence van Nuijs en faisant valoir les angles d incidences, que ceux-ci soient d ordre générique ou relèvent de parcours d auteurs plus singuliers, qu ils varient d une période ou d une aire géographique à l autre, qu ils dépendent de la nature même de l actualité et des configurations événementielles, des convergences ou des divergences culturelles qui peuvent s observer, moyennant une vision d ensemble dont il est à souhaiter que l effort actuel de la recherche en ce domaine, trouve à se coordonner entre les divers partenaires de ce champ d études 29 qui ne laisse pas de rencontrer quelques-uns des grands questionnements de notre actualité. Myriam Boucharenc Université Paris Ouest Nanterre La Défense David Martens KULeuven MDRN Laurence Van Nuijs FWO Vlaanderen KULeuven 29. À ce sujet, il importe de souligner la constitution récente d un réseau de recherche international européen sur ces questions : ESPRit. European Society for Periodical Research. Pour plus d informations à ce sujet, voir le site du réseau : http://www.ru.nl/esprit. Interférences littéraires/literaire interferenties 2011

http://www.interferenceslitteraires.be ISSN : 2031-2790 Amélie Chabrier «Que la fiction vous serve de guide dans ce pays des réalités» Mutations de la poétique de la chronique judiciaire dans Le Tribunal illustré (1879-1882) Résumé La chronique judiciaire est par excellence un article informatif, forgeant sa réputation sur son sérieux et son objectivité et trouvant son expression prototypique dans les colonnes de la respectable Gazette des Tribunaux. Or elle n échappe pas à la vague de fictionnalisation que rencontre la presse au XIX e siècle, démontrée notamment par Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant. Cependant pour ce type d article, la métamorphose se produit assez tardivement, autour de l année 1880, et de manière bien spécifique. Cet article se propose donc d observer ces mutations à travers l étude de l hebdomadaire judiciaire du Tribunal illustré, paru entre 1879 et 1882, véritable catalyseur des transformations rencontrées par le compte rendu d audience, et générateur de nouvelles formes hybrides entre information et fiction. Abstract The chronique judiciaire is first and foremost an informative article, building its reputation on objectivity and seriousness, its prototype being the respectable Gazette des Tribunaux. However, the genre is also marked by what Marie-Eve Thérenty and Alain Vaillant call the wave of fictionnalisation characterizing the nineteenth century press. For the legal chronique, this transformation occurs quite lately, around 1880, and takes on a specific form. In this article, I observe these changes through the study of the weekly law chronicle Tribunal illustré, published between 1879 and 1882, that acted as a catalyst for the transformation of the audience summary, and that generated new hybrid forms between information and fiction. Pour citer cet article : Amélie Chabrier, «Que la fiction vous serve de guide dans ce pays des réalités Mutations de la poétique de la chronique judiciaire dans Le Tribunal illustré (1879-1882)», dans Interférences littéraires/literaire interferenties, n 7, «Croisées de la fiction. Journalisme et littérature», s. dir. Myriam Boucharenc, David Martens & Laurence van Nuijs, novembre 2011, pp. 23-40.

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