HUMANISME & RENAISSANCE Vers un espace culturel européen au 16 e siècle Nota bene: il faut noter la préposition «vers» qui renvoie l Humanisme à sa dimension idéale (asymptotique, téléologique), et relever d autre part le double sens du terme «culture» qui renvoie aussi bien à l accumulation docte et appliquée des savoirs spéculatifs et scientifiques, qu à la civilisation tentant de s auto-définir, en référence à son contraire obsédant, la barbarie et la sauvagerie, notions évidemment toutes relatives qui ne dépendent que de l ordre du monde et des valeurs de celui qui les énonce.
Bulletin officiel spécial n 2 du 19 février 2009 L humanisme désigne le mouvement intellectuel qui naît en Europe au XVe siècle et s épanouit au XVIe siècle. Il se caractérise par la confiance dans la capacité de l homme à repousser les limites de la connaissance dans tous les domaines. Même si le terme de Renaissance est employé pour la première fois par l Italien Vasari dans Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes italiens en 1520 pour désigner le renouveau de l art, cette notion est une construction du XIXe siècle. Il s agit de montrer que le XVIe siècle est en Europe un siècle de bouleversements intenses dans les domaines des savoirs, des arts et de la culture. Ces bouleversements, qui ont débuté en Italie et en Flandre, se sont étendus au reste de l Europe. Les hommes de cette époque témoignent d une volonté de rupture avec le Moyen-Âge, se réapproprient les héritages de l Antiquité et élaborent une culture nouvelle qui accorde à l homme une place centrale. C est dans quelques foyers situés en Italie et en Flandre que naissent l humanisme et la Renaissance. La circulation des idées et de la culture humaniste est favorisée par les voyages effectués par les humanistes et les artistes, par la correspondance qu ils entretiennent et surtout par la diffusion de l imprimerie. Le sujet d étude porte sur le XVIe siècle car c est durant cette période que les bouleversements de la pensée, de la connaissance, de la production littéraire et artistique sont les plus intenses, au moment où la découverte de l Amérique bouleverse les conceptions et les représentations que l on a du monde.
Définition(s)? Historique de la notion Les humanistes du XVe siècle s efforcent de retrouver l authenticité de la pensée des Anciens, perdue sous les multiples adaptations et interprétations chrétiennes du Moyen Âge. Ils étudient les langues anciennes (grec, hébreu, latin classique, syriaque et recherchent des manuscrits dans tout le monde méditerranéen. C est avec Pétrarque (1304-1374) que naît en Italie le mouvement humaniste de la Renaissance. Le poète commence par recueillir les inscriptions sur les vieilles pierres de Rome et poursuit dans les manuscrits sa quête des Anciens. Il préconise les recherches philologiques et le retour à la pureté des textes classiques. La prise de Constantinople par les Ottomans, en 1453, amplifie ce mouvement : un grand nombre de réfugiés arrive en Occident apportant avec eux des manuscrits anciens. Sens contemporain du mot Aujourd hui le terme, connoté positivement, qualifie des gens censés incarner ce que l être humain a de meilleur: des valeurs intellectuelles (dans l excellence), mais aussi morales (avec le sens de la responsabilité, la fraternité ou la solidarité). Ainsi le même terme d humanisme sera évoqué pour qualifier les défunts J. de Romilly, Albert Jacquart, Jacques Barrot, Nelson Mandela, Sidney Lumet ou encore René Vautier. Le terme a-t-- il galvaudé? Ce qu il suggère aujourd hui recouvre-t-il la définition illustrée par Montaigne ou Rabelais?
Le progrès technique & scientifique au 16 e siècle LES GRANDES DECOUVERTES 1492, Christophe Colomb découvre le Nouveau Monde. Les expéditions maritimes rapportent une faune et une flore inconnues, qui élargissent les inventaires des naturalistes. Les connaissances géographiques bénéficient d une nouvelle cosmographie : ainsi l Atlas de Mercator (1569) change la vie des navigateurs. Enfin, l astronomie copernicienne révolutionne la fin du XVIe siècle et ouvre la voie à la science moderne qui va reléguer à jamais dans leur Antiquité Aristote et Ptolémée. DIFFUSER, CONTROLER ET CLASSER Bibliothèques se développent dans les universités, et l imprimerie change les pratiques culturelles mais aussi politiques. Au Moyen Âge, les livres sont dans les monastères ou dans quelques rares bibliothèques princières. Il y en a peu dans les universités, où ils sont enchaînés à leur étagère ou à une barre horizontale au-dessus du pupitre de consultation. Un catalogue de 1286 de l Université de Paris propose 138 titres. Au milieu du XIVe siècle, la bibliothèque de la Sorbonne compte près de 2000 volumes. Au XVe siècle, en Italie, la transcription de manuscrits est devenue une industrie qui emploie des équipes de scribes. Les livres imprimés (= incunables) véhiculent d abord des textes religieux, des bibles, des missels, des bréviaires, les programmes universitaires, puis des récits de voyages. Mais assez vite l imprimé devient un instrument de propagande des idées nouvelles (Luther saura l utiliser pour répandre ses idées), et les imprimeurs vont être étroitement surveillés par l Église et le pouvoir royal. Ainsi, à partir de 1534 (à la suite de «l affaire des placards»), c est à la faculté de théologie de décider si un livre peut être imprimé; tout livre doit porter la date, les noms de l auteur et de l imprimeur et être muni d un privilège royal (sorte d autorisation de paraître). À la fin du XVIIe siècle, Pierre Bayle, frappé par «la multitude effroyable des livres» et par la masse d erreurs qu ils renferment, se donne pour missions la chasse à l erreur et la réalisation d une oeuvre ouverte, choisissant l ordre alphabétique, qui évite toute hiérarchie et privilégie la description des objets (Dictionnaire historique et critique).
Les académies & les cénacles L université, volontiers conservatrice, peine à relayer les progrès de la pensée humaniste. Après avoir été au Moyen-Age des lieux bouillonnants de production du savoir, les universités européennes (Salamanque, Bologne, Oxford, Cambridge, La Sorbonne ), au XVIe siècle, apparaissent totalement sclérosées, en marge de la vie intellectuelle. Les humanistes, qui écrivent pourtant volontiers des traités d éducation, n y enseignent guère. D autant plus que les théories qu ils soutiennent vont plutôt à l encontre de celles reconnues par l Université, prisonnière de la scolastique et hostile à toute idée nouvelle. Ils se réunissent donc entre érudits, remettant à l honneur la libre discussion. De ces assemblées vont naître les sociétés savantes et les académies, innovation de la Renaissance appelées à une grande fortune au XVIIe siècle. L un de ces cénacles a déjà été créé à Florence dans la deuxième moitié du XVe siècle, autour du néoplatonicien Marsile Ficin. Il est devenu, sous l égide de Laurent de Médicis, protecteur et disciple du philosophe helléniste, la toute première Académie. D autres voient le jour en Italie durant le XVIe siècle, avant d apparaître en Angleterre et en France.
L extension de l Humanisme: un mouvement européen
Deux images d Erasme Figure de l humaniste, il voyage à travers l Europe et entretient en latin une correspondance abondante avec des intellectuels d autres pays comme Thomas More ou l imprimeur Alde Manuce sur des questions philologiques et philosophiques. Portrait d Erasme par Holbein le Jeune (1543, Musée du Louvre) Statue d Erasme à Rotterdam
Deux représentations de Montaigne («Que sais-je?») auteur des Essais (1580-1595 posth.), ami d Henri IV, maire de Bordeaux. «[ ]Plutôt la tête bien faite que bien pleine.» Statue à Bordeaux Statue à Paris, rue des Ecoles
Actualité de l Humanisme & de la Renaissance