L ART ROMAN DANS LE JURA

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Transcription:

L ART ROMAN DANS LE JURA Serge DAVID Service éducatif du Musée d archéologie du Jura Musée d archéologie du Jura Service éducatif Lons-le-Saunier 2014 Eglise de Saint-Hymetière Cliché Pascale Négri

2 AVERTISSEMENT Comme Le château et la seigneurie dans le Jura, le dossier sur l art roman trouve sa place dans la deuxième partie du programme de la classe de cinquième consacrée à l Occident féodal (thème 3 : la place de l Eglise) et dans le cycle des approfondissements de l école primaire. L art roman dans le Jura a pour ambition d apporter aux enseignants une mise au point appuyée sur des recherches récentes et de proposer une exploitation pédagogique de ces données. L originalité du Jura vient de la densité élevée d églises des débuts de l art roman. Nous avons retenu pour notre présentation les principales, au total huit églises, auxquelles nous avons ajouté un édifice du XIIème siècle qui fait apparaître les continuités et les évolutions depuis le siècle précédent. Ces édifices permettent d aborder le sujet sous des angles divers : le contexte économique, social et religieux qui a permis l éclosion de cet art, la diffusion de ce style artistique en Europe, la construction romane et le passage du roman au gothique. Comme pour les mallettes et dossiers précédents, divers accès sont donc possibles. REMERCIEMENTS Justo HORRILLO ESCOBAR Jean-Luc MORDEFROID Pascale NEGRI David VUILLERMOZ SOMMAIRE

PREMIERE PARTIE NAISSANCE ET DIFFUSION DE L ART ROMAN LA CONSTRUCTION ROMANE P. 4 3 I. ELEMENTS CONTEXTUELS ET DIFFUSION P. 5 II. LE CONTEXTE RELIGIEUX JURASSIEN ET L ESSOR DE L ART ROMAN P. 6 III. UN ESSOR AUX CAUSES MULTIPLES P. 8 IV. CARACTERES DE L ART ROMAN P. 10 DEUXIEME PARTIE EGLISES ROMANES DU JURA P. 15 I. BAUME LES-MESSIEURS : EGLISE SAINT-PIERRE P. 16 II. GIGNY : EGLISE SAINT-PIERRE P. 19 III. LONS-LE-SAUNIER : EGLISE SAINT-DESIRE P. 22 IV. SAINT-HYMETIERE : EGLISE SAINT-HYMETIERE P. 29 V. SAINT-LOTHAIN : EGLISE SAINT-LOTHAIN P. 43 VI. SAINT-LUPICIN : EGLISE SAINT-LUPICIN P. 48 VII. ARBOIS : EGLISE SAINT-JUST P. 57 VIII. COURTEFONTAINE : EGLISE NOTRE-DAME P. 58 IX. SAINT-MAUR : EGLISE SAINT-MAUR P. 63 X. CONCLUSION P. 64 I. L ESSOR DE L ART ROMAN P. 66 II. LA CONSTRUCTION ROMANE P. 71 III. LA SPIRITUALITE P. 76 TROISIEME PARTIE PEDAGOGIE P. 65 IV. LE PASSAGE A L ART GOTHIQUE P. 77 ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE P. 78 GLOSSAIRE P. 79

4 PREMIERE PARTIE NAISSANCE ET DIFFUSION DE L ART ROMAN LA CONSTRUCTION ROMANE

5 I. ELEMENTS CONTEXTUELS ET DIFFUSION Au XIème siècle, l Occident est un monde en pleine expansion : croissance de la production agricole, augmentation de la population, multiplication des défrichements L essor religieux accompagne l essor économique et démographique. Il se manifeste notamment par la diffusion de l architecture romane, qui couvre une période comprise entre la fin du Xème et le milieu du XIIème siècle. La construction d églises à partir de la fin du Xème siècle prit une telle ampleur qu elle frappa Raoul Glaber, moine à Saint-Bégnine de Dijon : «Comme approchait la troisième année qui suivit l an mil, on vit dans presque toute la terre, mais surtout en Italie et en Gaule, réédifier les bâtiments des églises ; bien que la plupart, fort bien construites, n en eussent nul besoin, une véritable émulation poussait chaque communauté chrétienne à en avoir une plus somptueuse que celle des voisins. On eût dit que le monde lui-même se secouait pour dépouiller sa vétusté et revêtait de toutes parts un blanc manteau d églises.» (1) Le mouvement prend naissance en Italie du Nord vers la fin du Xème siècle, puis touche le Val d Aoste, la Savoie, la Suisse et le comté de Bourgogne, auquel appartient l actuel département du Jura (fig. 1). Cette phase initiale, qui couvre une partie du XIème siècle, est appelée «premier art roman». La diffusion de l architecture romane est favorisée par l unité politique de cet espace qui relève alors du royaume de Bourgogne, entité née sur les décombres de la Lotharingie carolingienne. Figure 1. L art roman dans la première moitié du XIème siècle. D après Eliane Vergnolle. (1) Cité par Vergnolle E., Franche-Comté et premier art roman. L architecture en Europe autour de l an mil. Musée d archéologie du Jura, Lons-le-Saunier, 2009, p.6.

6 II. LE CONTEXTE RELIGIEUX JURASSIEN ET L ESSOR DE L ART ROMAN La construction d églises dans le Jura est principalement liée à l essor du monachisme. Dès les débuts du christianisme, la montagne jurassienne est une terre d élection des ermites qui recherchent des sites isolés. Au début du Vème siècle, Désiré s installe à Lons-le-Saunier, où existait sans doute déjà une petite communauté chrétienne. Dans la seconde moitié du Vème siècle, ce sont Romain et son frère Lupicin, rejoints par Oyend, qui fondent plusieurs communautés monastiques, dont celle de Condat (Saint-Claude). D autres pèlerins sont très mal connus : Hymetière et Maur, Anatoile. Les reliques de ces personnages font bientôt l objet d un culte. On construit pour les vénérer des églises qui sont ensuite remaniées, mais dont le vocable conserve le souvenir des fondateurs (Saint-Désiré, Saint- Lothain, Saint-Hymetière ). Un deuxième temps fort de l histoire religieuse du Jura se situe à la fin de l époque carolingienne. Vers 980, Bernon, venu d Autun (Saône-et-Loire), expérimente à Gigny, où il possède des terres, puis à Baume-les-Messieurs, une réforme de la règle bénédictine qu il applique ensuite à Cluny (Saône-et- Loire). Fondée sur un strict respect de la règle de saint Benoît ( 547), cette réforme monastique connue sous le nom de réforme clunisienne se diffusera dans l Europe entière. Les moines issus de Cluny relèvent des monastères et en fondent de nouveaux qui dépendent de l abbaye-mère. Mais les relations entre Cluny et les abbayes du Jura sont devenues rapidement conflictuelles, si bien que les établissements dépendant directement de Cluny ne furent jamais très nombreux dans le Jura. En revanche, Gigny et Baume, protégées par les comtes de Bourgogne accroissaient leur emprise dans le diocèse de Besançon (Saint-Lothain, Lons, Saint-Maur ). C est dans ce contexte que de nombreuses églises sont édifiées au XIème siècle, relevant presque toutes d établissements monastiques obéissant à la règle bénédictine (fig. 2).

7 Figure 2. Les églises romanes en Franche-Comté. L originalité du Jura vient du nombre élevé d églises du XIème siècle : treize édifices, parmi lesquels trois ont disparu. Infographie David Vuillermoz.

8 III. UN ESSOR AUX CAUSES MULTIPLES L art roman atteste d un renouveau spirituel porté par l ordre de Cluny, qui accorde une grande importance à la prière. Dans ce contexte, les grands féodaux montrent leur piété par les dons qu ils font aux moines. En retour, ceux-ci offrent à Dieu des sanctuaires dont la multiplication frappe les contemporains. Mais cet essor ne peut être dissocié de l essor économique, car, si modestes soient-elles, les églises nécessitent des moyens importants. Par le biais des prélèvements seigneuriaux, le développement de l économie agricole permet l enrichissement de l aristocratie et des communautés monastiques. Dans le nord du Jura, à Thervay, vers 1040-1070, un moulin beaucoup plus puissant succède au moulin carolingien des IXème-Xème siècles. Nous sommes dans une phase de consolidation de la seigneurie : c est un seigneur plus riche qui construit le deuxième moulin. Parallèlement, on assiste à un transfert de richesse vers l Eglise. En 1134 est fondée l abbaye cistercienne d Acey, toute proche, qui reçoit en don, vers 1136, un moulin, très probablement celui de Thervay. Courtefontaine est un prieuré fondé dans les années 1140 par l abbaye de Bellefontaine (Doubs). L augmentation des revenus de la communauté permet aux chanoines de construire l église et le prieuré dix ou vingt ans plus tard. L évolution du temporel de l abbaye de Baume-les-Messieurs est un autre exemple parlant de l enrichissement des communautés religieuses par les dons des laïcs (fig.3). En 1190, grâce aux donations, Baume possède 86 églises, 18 chapelles et 9 villages. Ce développement du temporel (terres, églises et droits divers) entraîne l insertion de l abbaye dans la féodalité. L abbé de Baume-les- Messieurs reçoit l hommage de vassaux et le village de Baume et ses environs constituent une seigneurie à la tête de laquelle se trouve l abbé. Celui-ci rend la justice, source de revenus (perception d amendes), et fait payer des redevances. A l extérieur du monastère se trouve un four banal où les habitants du village doivent cuire leur pain moyennant la cession à l abbaye d une partie de leur cuisson. Devenue le centre d une puissante seigneurie ecclésiastique, l abbaye de Baume-les-Messieurs édifie la plus grande église romane du Jura, la seule dotée de deux tours. Témoignant d un essor spirituel, rendue possible par l essor économique, la construction romane montre aussi la puissance de l Eglise.

Figure 3. Possessions de Baume-les-Messieurs au cours du XIIème siècle. D après R. Locatelli et P. Gresser. Mise au net A.Tournier. 9

10 IV. CARACTERES DE L ART ROMAN Simples croix latines posées dans le paysage, les églises romanes, particulièrement les églises rurales, nous touchent par leur simplicité qui reflète la volonté de retrouver la pauvreté et l austérité des débuts du christianisme. L édifice en forme de croix a une destination précise : il symbolise le corps du Christ et exprime ainsi l homme parfait et l idéal spirituel à atteindre. Le chœur est tourné vers l est, vers la lumière du soleil levant, symbole divin. L église abrite les reliques des saints, médiateurs entre Dieu et les hommes, dont le culte connaît un grand essor au XIème siècle. C est pourquoi la nef de l église est flanquée de bas-côtés et le chœur, si l église est assez grande, d un déambulatoire, pour permettre la circulation des fidèles qui viennent visiter les reliques (fig.4). Figure 4. Plan type d une église romane. 1 : porche ; 2 : narthex (vestibule) ; 3 : bas-côtés ou collatéraux ; 4 : travée (espace entre deux piliers de la nef ; 5 : chapelle latérale (rare) ; 6 : croisée du transept ; 7 : bras du transept (plus ou moins saillants) ; 8 : chœur ; 9 : déambulatoire (prolongement des bas-côtés autour du chœur) ; 8 et 9 : abside ; 10 à 12 : absidioles (petites chapelles). Pour construire les églises romanes, les architectes ont puisé dans le fonds romain le nom donné à cette architecture rappelle cet héritage -, mais ils ont su faire œuvre de créateurs. Le plan en forme de croix latine des églises romanes dérive ainsi du plan des premières basiliques chrétiennes de Rome.

11 Une nef centrale séparée des bas-côtés par des colonnes se termine par un hémicycle (fig.5). Ce plan basilical est courant pendant le haut Moyen Age. Un exemple existe dans le Jura avec l église du Champ des Vis, à Evans, que nous présentons dans la troisième partie de ce dossier. Figure 5. Plan de la basilique Saint-Paul-hors-les-murs à Rome Longueur : 131,66m ; largeur : 65 m A l époque romane, l hémicycle qui termine la basilique prend de l ampleur et devient l abside, qui peut s enrichir de chapelles rayonnantes (absidioles) (fig.4). Ce changement doit être mis en relation avec l évolution de la liturgie, dans laquelle le chant occupe une place plus importante. Une autre mutation significative est celle du décor extérieur. Les grandes arcades aveugles de l époque paléochrétienne sont remplacées par de petits arcs aveugles (lésènes ou bandes lombardes) qui s adaptent à tous les emplacements (fig.6). Ce n est plus la répétition rigide d un même élément, mais un système souple qui donne à l architecture la plasticité d une sculpture.

12 Figure 6. Décor de lésènes sur une abside et une absidiole romanes (église de Saint-Hymetière, cliché Pacale Négri). L arc en plein cintre, en forme de demi-circonférence, est un autre emprunt à l art romain. Il permet la réalisation des voûtes en berceau (berceau plein cintre) (fig.7). La voûte en berceau exerce sur la tête des murs une poussée continue. Pour combattre cette poussée, les architectes romans utilisent les arcs doubleaux et les contreforts. Les arcs doubleaux renforcent la voûte de distance en distance et sont construits avant elle. Les contreforts sont des éléments de maçonnerie qui renforcent les murs et neutralisent les poussées de la voûte (fig.8). Figure 7. A gauche, schéma d un arc en plein cintre ; à droite, voûte en berceau avec arc doubleau (église de Saint-Hymetière, cliché J.-L.Mathieu). Figure 8. A gauche, schéma d une voûte en berceau avec arcs doubleaux et contreforts; à droite, contreforts romans.

13 La voûte d arêtes est obtenue par l intersection de deux voûtes en berceau de même diamètre. Son nom vient des arêtes saillantes que forme la pénétration de ces voûtes. La poussée s exerce sur les quatre points d appui auxquels aboutissent les arêtes (fig.9). La voûte d arêtes est utilisée pour les bascôtés, plus rarement pour couvrir la nef. Figure 9. A gauche, schéma d une voûte d arêtes ; à droite, voûte d arêtes romane avec arcs doubleaux (église de Saint-Lupicin, cliché Pascale Négri). A partir du système utilisé par les Romains, les constructeurs des églises romanes arrivent donc à des combinaisons de voûtes nouvelles. L art roman met aussi en oeuvre l arc brisé, d origine musulmane, qui est obtenu par l intersection de deux segments de cercle de même rayon, tracés à partir de deux centres différents. Ce type d arc donne une voûte en berceau brisé (fig.9). Figure 10. A gauche, schéma d un arc brisé ; à droite, voûte romane en berceau brisé avec arcs doubleaux (église de Fontenay, Bourgogne, cliché Jean-Christophe Benoist).

14 La voûte en coupole est une voûte hémisphérique qui remonte à l époque romaine (la coupole du Panthéon à Rome). Cette forme de couverture est omniprésente dans le monde byzantin et dans le monde musulman. Les coupoles couvrent généralement une travée ou la croisée des transepts. Certaines sont des coupoles sous clocher. On parle de coupole sur trompes quand des arcs lancés à la base permettent de passer d un plan carré à un plan octogonal (fig.10). Figure 10. A gauche, schéma d une coupole sur trompes; à droite, coupole romane sur trompes (église de Saint-Lupicin, cliché Pascale Négri). La voûte en cul-de-four est une demi-coupole (fig.11). Elle couvre l abside et les absidioles. Figure 11. A gauche, schéma d une voûte en cul-de-four; à droite, voûte en cul-de-four d une église romane (église de Saint-Hymetière, cliché Pascale Négri). Le voûtement de la nef n est cependant pas général. De nombreuses églises romanes restent charpentées avec un plafond plat, même au XIIème siècle. La créativité des constructeurs apparaît également dans les nombreuses variantes régionales de l art roman. Des solutions très variées sont choisies pour le plan des églises, la couverture, les décors