La pression des pays riches sur les ressources des plus pauvres s'aggrave Le Monde.fr à 06h42 Mis à jour le

Documents pareils
Le réchauffement climatique, c'est quoi?

au concept de «développement durable» Pour une éducation ouverte sur le monde

Analyse et exploitation des données du rapport. du PNUD sur le développement humain

Bien vivre, dans les limites de notre planète

4. Résultats et discussion

MONTELIMAR ENERGIE POSITIVE

résumé un développement riche en emplois

Bilan des émissions de gaz à effet de serre

La nouvelle grande révolution. pure energy

LES BRIC: AU DELÀ DES TURBULENCES. Françoise Lemoine, Deniz Ünal Conférence-débat CEPII, L économie mondiale 2014, Paris, 11 septembre 2013

La crise écologique. Perspectives anticapitalistes pour la préservation de la vie sur Terre

4 ème PHYSIQUE-CHIMIE TRIMESTRE 1. Sylvie LAMY Agrégée de Mathématiques Diplômée de l École Polytechnique. PROGRAMME 2008 (v2.4)

Rio de Janeiro, Brésil juin

Traité de Copenhague nécessaire

S engager pour la survie de l enfant: Une promesse renouvelée

L AIDE AU DÉVELOPPEMENT FRANÇAISE

Gamme de produits écologiques certifiés, distribuée par Multifonction. produits certifiés

LE COMMERCE EXTÉRIEUR CHINOIS DEPUIS LA CRISE: QUEL RÉÉQUILIBRAGE?

«Résoudre les problèmes de l'énergie, une clé pour la survie de l'humanité»

Pour une meilleure santé

Où sont les Hommes sur la Terre

VERS L AVENIR QUE NOUS VOULONS

Les plastiques en débat 2014

Dossier de presse. La nouvelle offre de mobilité électrique solaire d EDF ENR. Contact presse. Service.presse@edf-en.com

Les compensations écologiques sur la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique

Compléments et commentaires liés à l outil d initiation à la biodiversité à destination du secteur privé

ACTIONS ET POLITIQUES SUR L'INVESTISSEMENT DANS L'AGRICULTURE

à la Consommation dans le monde à fin 2012

Michel Fortin 1 er Vice-président FTPF 26 janvier 2011

Base de données sur l'économie mondiale Alix de Saint Vaulry *

Région Haute-Normandie. Plan régional pour l internationalisation des entreprises en Haute-Normandie

L ENERGIE CORRECTION

GMS800 FIDOR ANALYSEUR D'HYDROCAR- BURE TOTAL VISIC100SF POUR LA QUALITÉ DE L'AIR EN TUNNEL. Capteurs pour tunnels

WP Board No. 972/ avril 2005 Original : anglais. Projets/Fonds commun. Comité exécutif 258 e réunion mai 2005 Londres, Angleterre

France Telecom SA. Bilan d émissions de Gaz à effet de Serre (GES) Décembre 2012

Perspectives économiques régionales du Moyen-Orient et de l Afrique du Nord

FONDS D INVESTISSEMENT CLIMATIQUES

la climatisation automobile

Utilité écologique du recyclage du PET en Suisse

Une planète. Six engagements.

Analyse prospective des marchés à l export, par secteur et par pays

PAPIER OU SUPPORT NUMÉRIQUE, QUEL EST LE BON CHOIX ÉCOLOGIQUE?

UTILISATION CONTEMPORAINE DU CHEVAL DE TRAIT

COMMISSION EUROPÉENNE DES FORÊTS TRENTE-TROISIÈME SESSION. Zvolen (Slovaquie), mai 2006

Titre du projet : Contribution à la réhabilitation et à la sauvegarde de

BASE DE DONNEES - MONDE

SOMMAIRE CYCLE 1. Des jeux tout prêts. Des activités à préparer. Les solutions

Comment réduire les émissions de CO 2? Les réponses de l'ifp

L Indice Carbone Casino, le premier étiquetage environnemental complet en France

Piegeage et stockage du CO 2

Adaptation Aux changements climatiques. Agriculture et sécurité alimentaire: Cas du Burkina Faso

RÉUNION DES MINISTRES DE L'ALIMENTATION, DE L'AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE DES PAYS MEMBRES DU CIHEAM 9ÈME DECLARATION FINALE

Fondation GoodPlanet Programme Action Carbone. Présentation des projets de compensation carbone

Bilan électrique français ÉDITION 2014

Développement durable : QU est-ce que c est?

L énergie en France et en Allemagne : comparaisons

ETUDE SCOOTER HYBRIDE PIAGGIO MP3 ( L hybridation(adtdelle(un(intérêt(sur(un(scooter(?(

Agricultures paysannes, mondialisation et développement agricole durable

REDRAWING MAP. World Energy Outlook Special Report RÉSUMÉ REDÉFINIR LES CONTOURS DU DÉBAT ENERGIE-CLIMAT. French translation

Les perspectives économiques

RENFORCER LE CAPITAL NATUREL:

Agriculture paysanne durable: innovations et meilleures pratiques aux fins de transposition et de reproduction à plus grande échelle

36% T.Flow VMC hygroréglable & chauffe eau thermodynamique QUAND LA VENTILATION RÉINVENTE L EAU CHAUDE. BÉNÉFICIEZ DE

CENTRALES HYDRAULIQUES

Activité 38 : Découvrir comment certains déchets issus de fonctionnement des organes sont éliminés de l organisme

Le Test d effort. A partir d un certain âge il est conseillé de faire un test tous les 3 ou quatre ans.

19, 1. Mrd. Mrd. Financement de l action pour le climat

R y o aume aume du du Maroc Mar Mai 2009

Comité des produits Discours du Directeur général. 29 mai DISCOURS D OUVERTURE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL AU COMITÉ DES PRODUITS.

Comment agir sur le bilan environnemental d une bouteille PET?

INTEGREE DES RESSOURCES EN EAU

Une révolution dans les domaines de l énergie et de l emploi

Les enjeux de l'énergie Place du nucléaire. Olivier Appert, Président d'ifp Energies nouvelles Président du Conseil Français de l'energie

Évolution du climat et désertification

UNE MEILLEURE CROISSANCE, UN MEILLEUR CLIMAT

Une stratégie Bas Carbone

Les impacts cachés des TIC. Quels enjeux et quelles actions concrètes?

La Desertification. Résumé du rapport de l Evaluation des Ecosystèmes pour le Millénaire

2. L offre et la demande d énergie: tendances et perspectives

L état des ressources en terres et en eau pour l alimentation et l agriculture dans le monde

L incidence des hausses de prix des produits de base sur la balance commerciale du Canada 1

FISCALITÉ COMPARÉE : LA TRANSMISSION D ENTREPRISE. Master 223 Droit du patrimoine professionnel Université Paris Dauphine

La consommation énergétique des usines de dépollution est un poste de dépense important et l un des plus émetteurs de gaz à effet de serre.

BOURSES SCOLAIRES. au bénéfice des enfants français résidant avec leur famille à l étranger AGENCE POUR L ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L ÉTRANGER

La nécessité d une législation européenne contre le commerce de bois illégal et pour une utilisation durable des ressources forestières

Les instruments économiques de protection de l environnement. Prof. Bruno Deffains, bruno.deffains@u-paris2.fr. Sorbonne Université

UNE REFLEXION PREALBLE

Charte du tourisme durable

LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE VIABILITÉ DE L ENTREPRISE EMPREINTE ÉCOLOGIQUE DE L ENTREPRISE ET DE LA CHAÎNE D APPROVISIONNEMENT 2007 (1)

Plate-forme énergie. Filière de la biomasse forestière

Géopolitis CO2 : quel bilan? Quelle empreinte? Quel avenir?

Rivière Romaine, rivière d eaux vives. André Charest et Yann Troutet

Le Conseil d administration. L Article VI du Statut du PAM définit comme suit les fonctions du Conseil:

Enjeux et Perspectives de la composante «Environnement Santé» du Plan d Action de l Initiative Environnement du NEPAD

Commission des finances

Génie climatique Production de froid Installation - Réalisation Électricité

REDD-plus. Champ d application et des options pour le rôle des forêts dans les stratégies d atténuation des changements climatiques.

DANS QUELLE MESURE LA CROISSANCE ECONOMIQUE PERMET-ELLE LE DEVELOPPEMENT?

Transcription:

La pression des pays riches sur les ressources des plus pauvres s'aggrave Le Monde.fr 15.05.2012 à 06h42 Mis à jour le 15.05.2012 à 10h00 La planète souffre et sa guérison semble compromise. La pression exercée par l'humanité sur les écosystèmes est telle que nous consommons chaque année moitié plus de ressources que la Terre n'en fournit. A ce rythme, il nous faudra deux planètes pour répondre à nos besoins en 2030, s'alarme le WWF (Fonds mondial pour la nature) dans son rapport Planète vivante 2012, publié mardi 15 mai. PERTE DE BIODIVERSITÉ SOUS LES TROPIQUES Réalisé tous les deux ans, cet état des lieux de la planète qui ne présente pas de différence notable par rapport à 2010 se base sur deux indicateurs. Le premier, c'est l'indice planète vivante (IPV), qui mesure les variations de la biodiversité àpartir du suivi de 9 014 populations appartenant à 2 688 espèces de mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens et poissons. Cet indice confirme une diminution de 28 % de la biodiversité entre 1970 et 2008 (dernières données disponibles).

Des différences existent toutefois entre les régions : l'ipv a ainsi chuté de 60 % dans les pays tropicaux, alors qu'il a progressé de près de 30 % dans les pays tempérés. Les pays tempérés, qui recoupent souvent les pays industrialisés, ont entrepris des mesures de conservation après avoir largement dégradé leur environnement au cours des siècles passés ce que ne permet pas de voirl'échelle restreinte du graphique. Les pays tropicaux, eux, en accélérant leur développement économique, rejoignent en réalité le même niveau de destruction des écosystèmes. FORTE EMPREINTE DANS LES PAYS RICHES ET LES BRIICS

Le second outil d'analyse, l'empreinte écologique, mesure quant à lui la surface de terre et le volume d'eau nécessaires pour produire les ressources consommées par la population chaque année et absorber le dioxyde de carbone rejeté. Selon le WWF, l'empreinte écologique de l'humanité atteignait en 2008 18,2 milliards d'hectares globaux (hag, hectares de bioproductivité moyenne), soit 2,7 hag par personne. L'empreinte mondiale, qui a doublé depuis les années 1960, excède donc de 50 % la biocapacité de la planète, c'est-à-dire sa faculté à régénérer lesressources naturelles et absorber le CO2, qui elle, s'élevait à 12 milliards de hag (1,8 hag par personne). Au final, en 2008, l'humanité a utilisé l'équivalent d'une planète et demie pour vivre, et a donc entamé son "capital naturel". Cette surconsommation est majoritairement imputable aux émissions de gaz carbonique (55 %), devant les cultures et pâturages. Comme on pouvait s'y attendre, les pays aux revenus les plus élevés exercent une pression plus grande que les pays moins développés. Ainsi, l'empreinte carbone record est détenue par le Qatar (11,5 hag nécessaires par habitant), suivi du Koweït, des Emirats arabes unis, du Danemark et des Etats-Unis, qui se situent entre 8 et 10 hag par habitant. La France se classe à la 23 e position, avec 5 hag, soit le double de la moyenne mondiale (2,7). Le Bangladesh, l'erythrée,haïti, l'afghanistan et le Timor oriental possèdent quant à eux l'empreinte la plus faible, avec environ 0,4 hag par habitant. Entre ces deux extrêmes, les BRIICS (Brésil, Russie, Inde, Indonésie, Chine etafrique du Sud) sont les pays dont l'empreinte écologique progresse le plus vite, avec celle des pays européens. Ramenée par habitant, l'empreinte de la Russiereprésente ainsi maintenant 61 % de celle des Etats-Unis, le Brésil 41 %, l'afriquedu Sud 36 % et la Chine 30 %. Au Brésil, en Inde et en Indonésie, la nourriture compte pour la moitié de l'empreinte nationale.

PRESSION SUR LES RESSOURCES DES PAYS PAUVRES Cette consommation accrue de ressources pose nécessairement la question de la compétition pour leur contrôle. Si certains pays, comme la Bolivie, ont une empreinte par habitant faible par rapport à leur biocapacité (respectivement 2,6 hag contre 18 hag), d'autres, au contraire, consomment beaucoup plus que leurs ressources nationales ne peuvent le supporter. C'est le cas des Emirats arabes unis, dont l'empreinte par habitant a atteint 8,4 hag alors même que le pays présente une biocapacité des plus réduites (0,6 hag). En d'autres termes, les habitants des Emirats arabes unis dépendent de ressources d'autres nations, via les importations, pour satisfaire leurs besoins. Conséquence : la pression sur les ressources naturelles des pays les plus pauvres s'aggrave, qu'il s'agisse de produits alimentaires, biocarburants ou de matières premières. Du côté des terres, les acquisitions foncières ont ainsi atteint, depuis le milieu des années 2000, une superficie équivalente à celle de l'europe orientale. La réalité est la même pour l'eau. Plus d'un cinquième de l'or bleu consommé sur la planète (9 087 milliards de mètres cubes par an) est englouti par des produits

destinés à l'exportation, agricoles ou industriels. En important de la sorte des biens intensifs en eau, les pays développés augmentent les pressions sur des zones fragiles souvent dépourvues de politiques de conservation de cette ressource rare. Aujourd'hui, 2,7 milliards de personnes se trouvent dans des zones touchées par une sécheresse pendant au moins un mois de l'année. Lire : Qui consomme vraiment l'eau de la planète? TENSIONS D'UNE POPULATION CROISSANTE Le problème est que cette tendance devrait aller en s'aggravant avec l'augmentation de la population, qui a déjà doublé depuis 1950, pour atteindre 7 milliards en 2011, et devrait encore croître à 9,3 milliards en 2050. D'après les scénarios du WWF, si aucune mesure n'est prise pour enrayer la tendance, la pression sur les écosystèmes va se poursuivre et empirer, pour atteindre deux planètes nécessaires à la survie de l'humanité en 2030 et 2,9 planètes en 2050. Des chiffres insoutenables à long terme.

Alors que la Conférence des Nations unies sur le développement durable, Rio +20, s'ouvre dans un mois, le WWF fournit cinq pistes d'actions afin d'infléchir la tendance : 1. préserver le capital naturel (notamment les forêts, océans et eaux douces) 2. produire mieux (améliorer l'efficacité des systèmes de production afin derestreindre la consommation d'eau, de terre et d'énergie) 3. consommer plus raisonnablement (en faisant évoluer les régimes alimentaires au sein des populations les plus aisées et en réduisant le gaspillage alimentaire) 4. réorienter les flux financiers (dans un sens favorable à la conservation) 5. instaurer une gouvernance équitable des ressources (en mettant en place des cadres juridiques et politiques procurant un accès équitable aux ressources alimentaires, hydriques et énergétiques) Audrey Garric