RFID ET LOCALISATION INTRODUCTION L identification généralisée, par un code unique numérique, des objets et êtres vivants peut paraître lointaine, elle ne l est pas. Elle représente potentiellement une amélioration importante tant pour les acteurs publics, Etat et collectivités territoriales, que pour les entreprises privées. La possibilité d y associer des coordonnées géographiques augmente considérablement l intérêt des applications envisagées, qui concernent de très nombreux domaines, transports, déplacements, et surtout sécurité. L acronyme RFID signifie «Radio frequency identification» et peut être traduit en français par «identification par fréquence radio». Ce principe même est relativement ancien, il est en particulier déjà utilisé depuis plusieurs dizaines d années pour identifier les avions. La révolution vient de son intégration dans une puce souvent minuscule, solution qui est alors utilisée pour marquer soit des objets soit des êtres vivants, animaux ou êtres humains et les identifier directement (sous-cutané) ou via un objet tel que carte d accès, carté d identité, étiquette. Ce dispositif est souvent appelé «étiquette intelligente». Il représente potentiellement une avancée majeure dans le monde de l informatique, pour certains, son ampleur et ses conséquences sont au moins comparables à celles de la micro informatique, d Internet ou de la téléphonie mobile. Il pourrait à terme remplacer toutes les étiquettes «code-barres». Associé à une localisation, il ouvre de nouveaux développements à la technique géomatique, avec de nouvelles applications, des concepts nouveaux : un domaine encore peu exploité. Au-delà des services que peut apporter l association de cette technologie avec la localisation, c est le risque d atteinte à la liberté individuelle qui apparaît comme le plus fort, et inquiétant. Le développement de nouvelles technologies reste fascinant et passionnant, mais la société doit en conserver la maîtrise. PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT Un tel système se compose de deux entités distinctes : un lecteur, et la radio-étiquette, ellemême composée d une puce et d une antenne : - le lecteur - le plus souvent également émetteur - envoie un signal radio qui est capté par la radio-étiquette, - ce signal radio fournit à la puce de la radio-étiquette l énergie dont elle a besoin pour émettre en retour par un nouveau signal radio les informations dont elle est chargée, au minimum un numéro type identifiant, - cette information est alors lue par le lecteur. Elle sera lue par tous les lecteurs à proximité desquels passera la puce, le long d un trajet ou d un itinéraire. L'information lue sera intégrée automatiquement et immédiatement dans les systèmes d'information de l'organisme ou de la société. Cette identification numérique, rattachée à un objet ou à un être vivant - animal ou humain -, permet au système d information auquel est relié le lecteur de fournir des services très de vue/technique/ page 1
variés, liés à cette identification, par exemple contrôler l accès à un site, identifier un objet. Un certain nombre d applications supposent que de nombreuses étiquettes puissent être sollicitées puis lues dans des temps extrêmement brefs. A cette fin, des systèmes dits «anticollision» ont été développés, certains peuvent lire jusqu à 600 étiquettes en une seconde. Autres caractéristiques : - les progrès de la miniaturisation permettent des réalisations dont la taille est nettement inférieure au millimètre, - la quantité d'information stockée dans la puce peut varier de 256 bits à 2 Kbits, voire plus, - le lecteur peut être fixe ou mobile, - les émissions radio de la puce sont de faible puissance et le lecteur doit être à une distance faible. Selon les technologies et les fréquences utilisées, cette distance maximale de lecture varie de 10 cm à quelques mètres, - les étiquettes sont en général dites «passives», c'est-à-dire qu elles ont besoin de l énergie transmise par le lecteur pour retourner leurs informations. Toutefois, il en existe deux autres types : localisation si elles sont couplées à un GPS, ), - la fiabilité des dispositifs n est pas encore totale, et des progrès pour les traitements de très grande quantité dans des espaces réduits restent à faire (problèmes d interférence entre autres), - les coûts ont considérablement chuté et visent, pour les puces RFID passives les plus simples, 0,05 l unité. C est à la fois peu et beaucoup rapporté à la valeur de certains objets. Enfin, le principe même de ces puces fait que leur présence et leur activation sont invisibles, l usager ne s en rend pas compte. Leur durée de vie pouvant être importante, une dizaine d année, la présence d une puce peut constituer un marqueur indélébile pendant de longues périodes. Des solutions de désactivation des puces existent, mais ne sont pas encore mises en oeuvre de façon industrielle. APPLICATIONS Les applications sont innombrables, partout où une étiquette ou un code-barres existe, une radio-étiquette peut être utilisée. La puce est alors intégrée dans l'objet. Bien plus, au-delà des seuls objets, les êtres vivants, animaux et humains, peuvent «bénéficier» de cette invention. L Internet des objets o «actives», c est à dire disposant de leur propre batterie, et donc pouvant être lues à une plus grande distance, o semi-actives, dotées d une batterie, leur permettant d enregistrer des informations au cours du temps (température, passage à proximité de lecteurs fixes, Cette formulation désigne l intégration des objets dans le monde de l Internet, les objets communiquent directement entre eux via des dispositifs de reconnaissance numérique, tels les radio-étiquettes. Avec ce type de solutions, la gestion des objets s effectue sans intervention humaine, directement de machine à machine. Les applications pour les objets sont nombreuses : gestion intégrale d une chaîne logistique, suivi des matières dangereuses, de vue/technique/ page 2
suivi des bagages dans un aéroport, localisation des livres dans une bibliothèque ou d objets dans un magasin, gestion d arbres d alignement, inventaires et gestion de stock, par exemple les parcs automobiles des constructeurs (comment retrouver un objet parmi un grand nombre). Pour les animaux, deux séries d applications extrêmement puissantes ont vu le jour : - la traçabilité alimentaire, les radioétiquettes permettent de suivre un produit tout au long de la chaîne alimentaire, et ainsi de connaître ceux avec lesquels il a éventuellement été en contact, - l identification des animaux domestiques, à la place du tatouage. Une troisième série d usages concerne encore des objets, rattachés ou reliés à des êtres vivants : passeport, systèmes de péages, accès à des transports publics, accès à des lieux publics (stades) ou à des enceintes (publiques ou privées), cartes de crédit ou cartes de fidélité. A travers l identification qui a été transmise lors de la lecture de la radioétiquette, c est le lien à toutes les données relatives au détenteur qui devient envisageable (par exemple ). Les radio-étiquettes peuvent aussi être directement implantées sur des êtres humains, par des bracelets ou en sous-cutané : médical, ou des nouveaux-nés (déplacements, «sorties inappropriées»), - identification de l ensemble du personnel d un hôpital en cas de maladie contagieuse, de leurs déplacements et de leurs éventuels contacts. Enfin, au-delà des objets portés par les individus ou des implantations directes, le profilage des individus apparaît comme une piste tentante au moins pour les services commerciaux : - perfectionner les profils des clients grâce à la surveillance et à l analyse des comportements dans les magasins (un vendeur connaîtra les objets que vous avez achetés dans un magasin dès que vous y aurez pénétré), - connaître les détails des habits, accessoires portés, médicaments transportés Cette présentation très rapide des très nombreuses applications des radio-étiquettes montre un risque évident et très important d atteinte à la vie privée. Au-delà de ces questions, c est d abord l aspect spatial que la présente fiche technique propose de préciser. LA LOCALISATION Les phénomènes de localisation sont de deux types : - contrôles d accès au bureau, - accès à des lieux privés (bars, clubs, ), - traçage de personnes se déplaçant dans un espace public : gare, aéroport, centre commercial, - localisation des employés sur un site de grande taille, par exemple en vue de l organisation de secours, - aide au déplacement des personnes handicapées, - identification des patients dans un hôpital pour accéder à leur dossier - localisation passive, c est à dire que l objet ou l être vivant doté d une radio étiquette passe devant un lecteur. Il s agit en général de dispositifs ou services mis en œuvre dans des enceintes délimitées ou confinées : gare, aérogare, centre commercial, zone d activité, campus. L implantation de plusieurs lecteurs, voire le quadrillage organisé de ces enceintes permet : - o de localiser tout objet ou porteur de radio-étiquette à de vue/technique/ page 3
l intérieur d une sous-zone donnée, à tout instant, o de l identifier chaque fois qu il passera à proximité d un lecteur, et ainsi de suivre ses déplacements à l intérieur de l enceinte. L expression de la localisation à travers ces dispositifs est relativement nouvelle en terme géomatique : localisation à l intérieur d une enceinte et/ou à l intérieur d un bâtiment. Deux aspects au moins sont nouveaux : o la localisation à l intérieur d un bâtiment, aujourd hui impossible à réaliser avec les systèmes de positionnement par satellite, o l échelle de travail ou en tout cas les bases géographiques à utiliser, qui sont des plans de bâtiments, de centres commerciaux, ou de vastes campus ouverts mais intégrant des bâtiments, - localisation active : l objet doté d une radio-étiquette est également doté d un GPS et d un émetteur radio. La localisation n a plus de limites spatiales et peut se faire en n importe quel point du territoire. QUESTIONS SPECIFIQUES Atteinte à la protection de la vie privée Le développement des usages des radioétiquettes pose des problèmes de protection de la vie privée, par exemple : - suivre les individus lorsqu ils se déplacent dans des espaces publics (gare, centre commercial, aéroport, magasin), - perfectionner les profils des clients grâce à la connaissance de leurs comportements en temps réel (déplacements, choix, connaissance des articles acquis lors d une visite précédente), - rendre les étiquettes obligatoires, par exemple pour les travailleurs immigrés (la puce servirait de clé pour avoir un contrat de travail). Les représentants des autorités européennes de protection des données personnelles, dit «groupe article 29» ont rappelé les principes de base de respect de la vie privée : - les informations collectées sont soumises à la directive européenne de 1995 sur la protection des données : la collecte doit avoir un objet précis, ne conserver que les informations pertinentes, la durée de conservation des données doit être justifiée par rapport à l objet de la collecte, - le recueil du consentement des individus est, en général, obligatoire, ainsi que leur fournir les informations minimales sur la collecte, le droit d accès et de rectification sur les données conservées. En France, la CNIL considère que les données des puces RFID sont des données personnelles au sens de la loi Informatique et Libertés. Elle souhaite en particulier que la neutralisation temporaire ou définitive des puces soit possible. Utilisation de la bande radio Le principe de fonctionnement des puces RFID repose sur l émission d un signal radio. En France, cette utilisation est gérée par l ARCEP (Autorité de régulation des communications électromagnétiques et de La Poste). Cette autorité a délivré l autorisation d utiliser la bande 865 868 MHz pour les applications des puces RFID (décision 06-841 du 25 juillet 2006 de vue/technique/ page 4
validée par l arrêté du 6 sept 2006 du ministère de l industrie publié au JORF du 13 sept 2006). A signaler : - des restrictions sont imposées à proximité de certaines zones militaires, - dans d autres pays, (USA), d autres fréquences sont utilisées. Les fréquences plus élevées permettent d échanger davantage d informations. Environnement et santé Les émissions d ondes radio des puces RFID et des lecteurs rentrent dans le champ d application de la réglementation française relative à la protection du public contre les champs électromagnétiques. Le décret 2002-775 du 3 mai 2002 a transposé en droit français la directive européenne 1999/519/CE du 12/07/99. Il a été complété par la loi 2004-806 du 9 août 2004 sur le risque d exposition des êtres humains aux radiations électromagnétiques. Tous les textes sont accessibles sur le site de l Agence nationale des fréquences (ANF). ORGANISATION DE LA PARTAGEABILITE DES DONNEES ENTRE ACTEURS Au-delà des questions réglementaires, l'organisation de la partageabilité des données est un enjeu considérable et n'est encore que très partiellement abordée. Normalisation des données Des actions sont entreprises au sein de l ISO, et ont déjà abouti à plusieurs normes spécifiques pour les RFID (série ISO/IEC 18000-X) ou sont en cours, sur les communications puce-lecteur, identifiant unique de la puce, transfert de données entre puce et application. Egalement, des normes pour des usages sectoriels ont été développées ou sont en cours de développement, pour le secteur animalier (traçabilité), tri postal, carte à puces sans contact. Egalement, le consortium EPC Global a défini des standards, plutôt orientés vers la grande distribution. Gouvernance des ressources Les solutions d identification par puce RFID supposent que soit réglée la question de l identifiant unique de l objet, et du même coup celle de leur attribution et du contrôle de leur usage. La gestion de ce code d identification unique suppose probablement la création d une autorité de niveau mondial chargée de garantir les conditions d attribution et d usage, l unicité, Cet aspect n est pas réglé pour l instant, et constitue un enjeu important entre les différentes parties prenantes. Les américains sont en avance sur ce domaine. Caractéristiques des référentiels géographiques nouveaux Sur la question de déplacements dans les enceintes, de toutes sortes, et bâtiments, de tous types, la question des référentiels géographiques sera posée après le fonctionnement des premières applications : quel est le besoin exact? quels sont les acteurs à rassembler? PERSPECTIVES Développement économique Le ministère de l industrie a engagé des réflexions sur la question des puces RFID, et a produit une étude très complète sur les questions touchant seulement aux objets, pas aux êtres vivants, même si la frontière va être de plus en plus ténue. Plus d information : Etude sur les étiquettes électroniques et la traçabilité des objets http://www.telecom.gouv.fr/rubriquesmenu/organisation-du-secteur/dossierssectoriels/etiquettes-electroniquesrfid/etiquettes-electroniques-tracabilite-757.html http://www.telecom.gouv.fr/rubriques-menu/organisation-du-secteur/dossiers-sectoriels/etiquettes-electroniques-rfid/etiquettes-electroniques-tracabilite-757.html de vue/technique/ page 5
Développement de nouveaux applicatifs/ modules géomatiques Les nouveaux usages en cours de développement ou de mise en place, qui touchent autour des déplacements soit à des très grandes échelles sur des territoires délimités soit aux moyennes échelles sur des territoires vastes vont nécessiter des applications nouvelles dans le domaine de la géomatique. Pour les premières, le géomarkéting a commencé à investir le champ, mais encore de façon partielle. La question du suivi des individus dans des enceintes complexes reste à développer dans toutes ses dimensions. Celles concernant les gestions de stocks, fixes ou mobiles, existent déjà, certainement avec des niveaux d'information moindres : une avancée est à réaliser. CONCLUSION Les perspectives ouvertes par ce dispositif sont immenses, et touchent pratiquement tous les domaines du quotidien. Les obstacles à franchir sont néanmoins nombreux : normalisation, identifiants uniques, fiabilité des dispositifs, menaces sur la protection de la vie privée. Ces problèmes, nécessaires pour que le développement des services imaginés devienne réalité, vont d'une façon ou d'une autre être résolus. Ils constituent un véritable enjeu de société, afin que l'être humain ne devienne pas un numéro dans l'internet des objets. Est-ce évitable? La solution serait alors encore plus efficace que celle décrite par Orwell dans " 1984 ". Cet enjeu est en tout cas très actuel. VELIB et RFID La ville de Paris a mis en place un système de location de vélos dénommé VELIB. Le système d informations localisées pour gérer le parc et les usagers s appuie sur des puces RFID. En effet, les abonnés longue durée (un an) reçoivent une carte - de la dimension d une carte de crédit- intégrant une puce RFID : l abonné place sa carte sur le «point d attache vélo», dans lequel est intégré un lecteur de puces RFID, son identification est immédiatement lue et transmise au système d information centralisé qui vérifie que le compte est bien crédité, que l usager est autorisé à utiliser un vélo, et si oui, envoie une réponse favorable qui libère le vélo de son point d attache. Le même circuit d information est opéré au moment où l usager replace le vélo à un «point d attache» et un calcul du temps d utilisation est effectué : l usage est gratuit s il la durée est inférieure à 30 mn, sinon payant. Ce dispositif permet ainsi de créer de vastes bases de données sur les déplacements des individus, leurs habitudes et plus généralement leurs comportements. Après discussion avec la CNIL, il a été convenu : - pour les abonnés de courte durée (1 j ou 7 j) aucune information personnelle ne sera conservée par la société qui met en œuvre et exploite VELIB, - pour les abonnés de longue durée (annuels), les règles sont différentes selon les informations : o si l utilisation a été inférieure à 30 mn, les données sur le trajet sont immédiatement anonymisées, o sinon, elles sont conservées 5 j, délai laissé à l usager pour contester la facturation, o les informations relatives à la gestion de l abonnement sont conservées 24 mois. de vue/technique/ page 6