Quentin Ludwig Comprendre le judaïsme Groupe Eyrolles, 2004, ISBN 2-7081-3528-7
Comprendre le judaïsme La Synagogue C est l institution religieuse centrale du judaïsme contemporain. La synagogue n est pas seulement le lieu pour la prière publique et la lecture rituelle de la Torah, elle est également «le lieu de rassemblement» pour de nombreuses autres activités religieuses ou communautaires : réunions, mariages, enseignement, etc. La synagogue est apparue à l époque de l exil de Babylone (vers -586), c est-à-dire après la destruction du Premier Temple. Cependant, ce n est qu au premier siècle de notre ère, c est-à-dire après la destruction du Second Temple, qu elle devient une véritable institution de la vie juive. À cette époque, on comptait près de 500 synagogues à Jérusalem et sans doute plus encore en Diaspora (on le sait grâce à saint Paul qui prêchait la «Bonne nouvelle» d abord dans les synagogues ). Fonction de la synagogue Comme on vient de le dire, l apparition et le développement des synagogues suit la destruction de chacun des temples. Le Temple n existant plus, la synagogue devient l institution centrale du judaïsme. Néanmoins, pour les Juifs, il y a toujours une distinction très nette entre le Temple et la synagogue. Si certains des rites du Temple furent transférés à la synagogue, d autres furent expressément interdits pour que la distinction entre l un et l autre restât nette. Liturgie de la synagogue Hors les jours de fête, elle est assez simple et constituée de trois prières : la prière de l aube, la prière du midi et la prière du crépuscule (voir l article 168 Synagogue de Tolède Il existe des synagogues de tous styles. La présence de quelques marches descendantes à l entrée est particulière à certaines synagogues. Cela permettait d obtenir une certaine hauteur intérieure sans pour autant que l édifice ne soit trop haut et ne dépasse le clocher ou le minaret (ce qui était interdit).l intérieur de la synagogue représenté ci-contre utilise la technique hypostyle (soutien du plafond par des colonnes) ; d origine égyptienne ce type de construction a été très utilisé pour la construction des mosquées car il permet, en cas de nécessité, d agrandir facilement l édifice.
Salle de prière Pour la prière en groupe, il n est nul besoin d une synagogue. N importe quel local peut faire l affaire pour autant que l on dispose des cinq rouleaux de la Torah et qu il soit possible de constituer le quorum de 10 membres adultes (minyan). Bouclier de David Le Bouclier (ou Étoile) de David ou Maguen David est une étoile à six branches constituée de deux triangles renversés. Cette étoile est d apparition assez tardive et n a rien à voir avec le roi David. Durant la Seconde Guerre mondiale, les nazis ont imposé le port de cette étoile aux Juifs. Par défi, le Parlement israélien décida d intégrer cette étoile sur le drapeau israélien. Depuis, elle est le symbole de l appartenance au peuple juif. Hazane C est le chanteur professionnel qui assiste le rabbin durant la cérémonie religieuse. En réalité, il fait beaucoup mieux : c est lui qui, en commençant et en terminant les prières conduit la cérémonie religieuse. Longtemps objet de dérision, le hazane est pourtant l un des piliers de la synagogue. S il existe aujourd hui des femmes rabbin, il est impensable que la fonction du hazane (en contact régulier avec les fidèles) puisse être occupée par une femme, laquelle, pour la religion, on l a vu, connaît des jours d impureté. consacré à la prière). À l exception de l Amidah (voir l article consacré à la prière), qui est silencieuse, les prières sont dites à haute voix. Les prières remplacent les sacrifices communautaires du Temple. Le prêtre, inexistant, a été remplacé par un quorum de dix hommes (minyan) et tout homme juif instruit peut diriger la prière. La lecture publique de la Loi a lieu le samedi matin, le samedi après-midi, le lundi matin et le jeudi matin. Au début, il n y avait pas de lieu réservé aux femmes. Au XIII e siècle, un espace (généralement un balcon) leur fut attribué (la séparation des hommes et des femmes porte le nom de mehitsa et trouve sa source dans le Temple où un espace était octroyé aux femmes) : la «cour des femmes» (erzat nashim). Aujourd hui, dans beaucoup de synagogues, hommes et femmes sont mélangés. Mobilier Certaines synagogues sont très riches, d autres beaucoup plus modestes. Le mobilier indispensable n est composé que d une armoire (arche de synagogue) où sont placés les cinq rouleaux manuscrits de la Loi (cette arche, souvent artistiquement travaillée, est parfois encastrée dans le mur et généralement protégée par un rideau brodé), d une estrade-tribune (bimah) pour le lecteur (cette tribune possède un plan de lecture pour dérouler les rouleaux facilitant la lecture de la Torah) et d une lampe qui brûle en permanence. L arche est toujours dirigée vers Jérusalem et l estrade est soit au centre de la synagogue (ce qui ne manquait pas de poser des problèmes) soit près de l arche de synagogue dans les édifices les plus récents. 169
La Synagogue Particularité architecturale des synagogues Il existe des synagogues de tous les types architecturaux (même Art Nouveau). Cependant, comme durant de longs siècles la synagogue ne pouvait dépasser en hauteur l Église (comme le clocher de l Église, sous domination musulmane, ne pouvait dépasser la hauteur du minaret), les architectes ont imaginé de construire les synagogues en dessous du niveau de la rue : ainsi ils pouvaient gagner en hauteur intérieure. Pour ce qui est du décor, il est généralement constitué d étoiles à cinq (Étoile de Salomon) ou six (Bouclier de David) branches. Malgré l interdiction biblique de la représentation d êtres humains, certaines synagogues étaient décorées avec des représentations humaines et même parfois, très étonnamment, avec des statues. Synagogues en France Le document le plus ancien signalant l existence d une synagogue en France date du 14 mai 576. Il relate la destruction de la synagogue de Clermont-Ferrand par une foule chrétienne conduite par l évêque Avit qui propose aux Juifs la conversion ou l exil. Malgré l interdiction de la loi romaine, quelques synagogues sont construites mais les papes interviennent régulièrement pour demander que l interdiction soit respectée. Aux XII e et XIII e siècles des synagogues sont bâties puis souvent détruites. A partir du XIV e siècle toutes les constructions sont interdites (en 1394, Charles VI expulse définitivement tous les Juifs du Royaume de France). Dans les États Pontificaux, les Juifs furent, paradoxalement, autorisés à construire des synagogues. Louis XVI autorise, en 1784, l édification d une synagogue et en 1812 la première synagogue consistoriale (voir l article consacré au Sanhédrin) fut érigée à Bordeaux. C est le début d une longue série de constructions dont, à Paris, la synagogue Art Nouveau (rue Pavée). 170 Le Minyan Toute prière communautaire exige au moins la présence de dix hommes ayant atteint leur majorité religieuse. Si ce quorum n est pas atteint, certaines prières ne peuvent être dites. Une des explications de ce chiffre réside dans l ultime tentative d Abraham pour sauver les habitants de Sodome : «Peut-être s en trouvera-t-il dix? Il répondit : Je renoncerai à détruire, en faveur de ces dix». (Genèse 18, 32) Rappelons que ni rabbin, ni synagogue ne sont nécessaires pour que la prière collective soit valable : il suffit d un minyan. Les femmes peuvent également former un minyan à condition qu il ne comprenne pas d homme. Dans le judaïsme réformé, les femmes sont valides dans le compte d un minyan. Pour former un mynian, il faut donc qu au moins dix familles juives vivent dans le proche voisinage. On comprend, dès lors, que cette règle maintienne la vie communautaire en exil et en diaspora : il n est religieusement pas possible pour un Juif de vivre dans une ville où ne vivent pas au moins dix familles juives.
La genizah Dans de nombreuses synagogues, il existe un local consacré aux objets pieux «hors d usage» : c est la genizah. En effet, les objets rituels et les livres saints endommagés ne peuvent être détruits. La coutume était donc de les ensevelir dans des cimetières ou de les placer dans des genizah. C est grâce à l existence de ces lieux hors du temps qu on a pu découvrir dans d anciennes synagogues de véritables trésors (des documents inconnus et des versions originales de documents dont on ne possédait plus que des traductions) entreposés dans ces genizah. La synagoga En latin, le terme synagoga désigne à la fois l édifice et le peuple juif. À partir du XII e siècle, la tradition chrétienne représente la synagoga, c est-à-dire le peuple juif, sous la forme d un personnage féminin ayant les attributs de la déchéance : les yeux sont bandés, la couronne a glissé de la tête, les Tables de la loi glissent de ses mains. On peut voir de telles représentations dans de nombreuses cathédrales (dont celle de Strasbourg). La bimah C est l estrade sur laquelle les fidèles montent pour lire la Torah et les orateurs pour faire leur sermon. Elle porte aussi le nom d «almémar» (de l arabe al-minbar) ou de tévah. Au cours des siècles beaucoup d attention a été portée à cette estrade qui est normalement placée au centre de la synagogue (au XIX e siècle, cent rabbins orthodoxes signèrent une déclaration interdisant à leurs fidèles de fréquenter les synagogues où la bimah ne serait pas située au centre de l édifice). Lorsqu on déroule les rouleaux de la Torah, on fait attention à ce que la partie postérieure des rouleaux soit en face de l arche et les deux pans de l étui face au public. Remarques Dans le judaïsme réformé, la synagogue porte le nom de temple. Les rites varient en fonction des synagogues mais, sur l essentiel, les textes utilisés sont identiques. Avant la destruction du Temple, les synagogues étaient dirigées en direction du soleil levant. B «Si dix hommes prient ensemble, la Chekhinah (la présence divine) plane au-dessus d eux.» (Avot 3,6) Texte talmudique 171