QUATRIÈME SECTION DÉCISION

Documents pareils
N 2345 ASSEMBLÉE NATIONALE PROPOSITION DE LOI

CAS PRATIQUES A LA LUMIÈRE DU NON-REFOULEMENT

CERTIFICATS DE SÉCURITÉ Qu est-ce qu un certificat de sécurité?

Cour européenne des droits de l homme. Questions & Réponses

Loi n du 7 juillet 1993 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment de capitaux

COMPRENDRE, EVALUER ET PREVENIR LE RISQUE DE CORRUPTION

La chambre du conseil de la Cour d'appel du Grand-Duché de Luxembourg a rendu le douze février deux mille quatorze l'arrêt qui suit:

Introduction. Une infraction est un comportement interdit par la loi pénale et sanctionné d une peine prévue par celle-ci. (1)

Convention européenne des droits de l homme

La Justice et vous. Les acteurs de la Justice. Les institutions. S informer. Justice pratique. Vous êtes victime. Ministère de la Justice

Décrets, arrêtés, circulaires

COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L HOMME EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS

Procédure pénale. Thèmes abordés : Procédure par contumace/ Nouvelle procédure par défaut

LOI N DU 7 MARS 1961 déterminant la nationalité sénégalaise, modifiée

VINGT PRINCIPES DIRECTEURS SUR LE RETOUR FORCE

4./4/14 DE DROIT AÉRIEN. (Montréal, 26 CONVENTION SURVENANT. (12 pages) DCTC_WP_DCTC_

REPUBLIQUE FRANCAISE. Contentieux n A et A

CONSIDÉRATIONS SUR LA MISE EN ŒUVRE DES DÉCISIONS DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Ordonnance sur l exportation, l importation et le transit des biens utilisables à des fins civiles et militaires et des biens militaires spécifiques

Cour. des droits QUESTIONS FRA?

Convention sur la réduction des cas d apatridie

Commentaire. Décision n /178 QPC du 29 septembre 2011 M. Michael C. et autre

- La mise en cause d une personne déterminée qui, même si elle n'est pas expressément nommée, peut être clairement identifiée ;

BULLETIN OFFICIEL DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE n 102 (1 er avril au 30 juin 2006)

Président : M. Blin, conseiller le plus ancien faisant fonction., président REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le stationnement irrégulier de véhicules appartenant à la communauté des gens du voyage.

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

STATUT ACTUALISÉ DU TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L EX-YOUGOSLAVIE

Numéro du rôle : 4767 et Arrêt n 53/2010 du 6 mai 2010 A R R E T

CEDH FRANGY c. FRANCE DU 1 ER FEVRIER 2005

TROISIÈME SECTION. AFFAIRE MATTEONI c. ITALIE. (Requête n o 42053/02)

Loi modifiant la Loi sur l Autorité des marchés financiers et d autres dispositions législatives

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, premier décembre deux mille onze.

DIRECTIVE PRATIQUE RELATIVE À LA MISE EN OEUVRE DE L ARTICLE

Loi fédérale sur le transfert international des biens culturels

Règlement sur les dépens et indemnités alloués devant le Tribunal pénal fédéral

Comment remplir le formulaire de requête. I. Ce qu il faut savoir avant de remplir le formulaire de requête

BULLETIN OFFICIEL DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

LA RESPONSABILITE DU MEDECIN DU SPORT. par le Dr. Marc LEWINSKI EXPERTISES MEDICALES 5bis, rue ANTOINE CHANTIN PARIS

La Cour Européenne des Droits de l Homme et les Droits des Migrants Affectés par les Politiques d Expulsion

Cour d appel fédérale, juges Décary, Sexton et Evans, J.C.A. Toronto, 21 mars; Ottawa, 5 avril 2007.

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

016276/EU XXIII.GP Eingelangt am 25/06/07

Traité établissant une Constitution pour l'europe

CONVENTION D AIDE MUTUELLE JUDICIAIRE D EXEQUATUR DES JUGEMENTS ET D EXTRADITION ENTRE LA FRANCE ET LE MAROC DU 5 OCTOBRE1957

Quel cadre juridique pour les mesures d investigation informatique?

Fiche d'information n 26 - Le Groupe de travail sur la détention arbitraire

Loi sur le transport de voyageurs

TABLE DES MATIERES. Section 1 : Retrait Section 2 : Renonciation Section 3 : Nullité

Décision du Défenseur des droits MDE-MSP

PROTECTION DES DROITS DU TRADUCTEUR ET DE L INTERPRETE

conforme à l original

Accord

Conférence des Cours constitutionnelles européennes XIIème Congrès

Responsabilité pénale de l association

Loi fédérale sur l agrément et la surveillance des réviseurs

Votez non à l accord d entraide judiciaire entre la France et le Maroc

Titre I Des fautes de Gestion

Loi fédérale sur l agrément et la surveillance des réviseurs

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Cour européenne des droits de l homme DEUXIÈME SECTION ARRÊT STRASBOURG. 18 Octobre 2011

Code de conduite pour les responsables de l'application des lois

FICHE N 8 - LES ACTIONS EN RECOUVREMENT DES CHARGES DE COPROPRIETE

Arrêt n CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE LYON

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l arrêt suivant :

Circulaire de la DACG n CRIM 08-01/G1 du 3 janvier 2008 relative au secret de la défense nationale NOR : JUSD C

TITRE PRELIMINAIRE : TERMINOLOGIE ARTICLE PREMIER. Au sens de la présente ordonnance, il faut entendre par :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. b) a annulé ce jugement rendu le 7 avril 2006 par le tribunal administratif de Nice (article 1er) ;

Décision du Défenseur des droits n MLD

DEUXIÈME SECTION. AFFAIRE GALLUCCI c. ITALIE. (Requête n o 10756/02) ARRÊT STRASBOURG. 12 juin 2007

Loi fédérale sur la mise en œuvre des recommandations du Groupe d action financière, révisées en 2012

RECOURS COLLECTIFS - LA COMPÉTENCE RATIONE MATERIAE : UNE QUESTION PRÉLIMINAIRE

Rôle n A - Exercices d imposition 2001 et Intérêts sur un compte courant créditeur et requalification en dividendes

COUPABLE D ETRE IRRESPONSABLE A propos de la réforme des procédures de déclaration d irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental

AUDIENCE PUBLIQUE DU 30 OCTOBRE 2014

Questionnaire du projet Innocence

BAREME INDICATIF DES HONORAIRES

Règle 63 DIVORCE ET DROIT DE LA FAMILLE

Conclusions de M. l'avocat général Jean Spreutels :

Note à Messieurs les : Objet : Lignes directrices sur les mesures de vigilance à l égard de la clientèle

Centre de Recherche sur l Information Scientifique et Technique. Par Mme BOUDER Hadjira Attachée de Recherche

L APPLICATION DU PRINCIPE NE BIS IN IDEM DANS LA RÉPRESSION DES ABUS DE MARCHÉ Proposition de réforme

Responsabilité des dirigeants d entreprise en société

Vu la Loi n du 23 décembre 1993 relative à la protection des informations nominatives, modifiée ;

Numéro du rôle : Arrêt n 167/2014 du 13 novembre 2014 A R R E T

REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS. LA COUR DES COMPTES a rendu l arrêt suivant :

Accord

Politique de résolution des litiges relatifs aux noms de domaine Point ML

Bénéficiaires du droit d asile dans l UE, par nationalités, Irak 5% Afghanistan

REGLEMENT COMPLET Jeu «Gagnez un séjour Thalasso» Du 31 mars au 24 mai 2014

dans la poursuite pénale dirigée contre en présence du Ministère Public l arrêt qui suit :

Copie préliminaire du texte authentique. La copie certifiée par le Secrétaire général sera publiée ultérieurement.

Loi organique relative à la Haute Cour

RECUEIL DE LEGISLATION. A N août S o m m a i r e MISE SUR LE MARCHÉ DES DÉTERGENTS

Memo BATL : la nouvelle loi sur la régularisation fiscale


ACCORD ENTRE LA COMMISSION BANCAIRE ET LA BANQUE NATIONALE DE ROUMANIE

LOIS ET DECRETS PUBLIES DANS LA FEUILLE OFFICIELLE

Loi sur la sécurité privée

Transcription:

QUATRIÈME SECTION DÉCISION Requête n o 45618/09 Jesus Yesid SARRIA contre la Pologne La Cour européenne des droits de l homme (quatrième section), siégeant le 18 décembre 2012 en une chambre composée de : Ineta Ziemele, présidente, Päivi Hirvelä, George Nicolaou, Ledi Bianku, Zdravka Kalaydjieva, Krzysztof Wojtyczek, Faris Vehabović, juges, et de Lawrence Early, greffier de section, Vu la requête susmentionnée introduite le 12 août 2009, Après en avoir délibéré, rend la décision suivante : EN FAIT 1. Le requérant, M. Jesus Yesid Sarria, est un ressortissant vénézuélien et colombien, né en 1974, actuellement détenu à la maison d arrêt de Varsovie. 2. Le gouvernement polonais («le Gouvernement») a été représenté par son agent, M. J. Wołąsiewicz, succédé par Mme J. Chrzanowska, du ministère des Affaires étrangères.

2 DÉCISION SARRIA c. POLOGNE A. Les circonstances de l espèce 3. Les faits de la cause, tels qu ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit. 4. Le 18 février 2009, le requérant, soupçonné d appartenance à une organisation criminelle de trafic de stupéfiants depuis la Colombie vers l Europe, fut arrêté par les autorités polonaises. Son arrestation intervenait dans le cadre d une action concertée des autorités colombiennes, américaines et polonaises, au cours de laquelle les stupéfiants, destinés à la distribution ultérieure en Europe, furent saisis. Sans en être informés, le requérant et ses complices présumés s étaient rendus à l aéroport de Varsovie, apparemment dans le but de réceptionner la marchandise contenant les stupéfiants, mais ils furent appréhendés par les autorités. 5. Le 20 février 2009, une enquête fut ouverte en Pologne contre le requérant et les autres suspects pour tentative de distribution, en association des malfaiteurs, d environ mille kilogrammes de cocaïne en provenance de Colombie. 6. Le 22 février 2009, le tribunal de district de Varsovie ordonna la détention préventive du requérant, estimant que les éléments recueillis par les autorités permettaient de le soupçonner d avoir été l auteur des faits. 7. A une date non-précisée dans la requête, le parquet régional de Varsovie se vit notifier une demande des autorités américaines d arrêter et de détenir le requérant en vue de son extradition aux États-Unis. Ladite demande fut appuyée par un mandat d arrêt décerné le 22 avril 2009 par le tribunal de district de Michigan sur le fondement d un acte d accusation lui imputant les infractions suivantes : a) participation à une entente en vue de distribution de plus de cinq kilogrammes de cocaïne (conspiracy to distribute more than five kilograms of cocaine), stipulée au volume 21, chapitre 846 et 841 (b)(1)(a) du code pénal fédéral américain, punie d une peine maximale de réclusion criminelle à perpétuité ; b) participation à une entente en vue du blanchiment d argent ( conspiracy to launder money instruments), stipulée au volume 18, chapitre 1956(a)(2)(A) et 1956(h) du code fédéral américain, punie d une peine maximale de 20 années d emprisonnement; c) blanchiment d argent en association des malfaiteurs (laundering of money instruments in association with others), stipulé au volume 18, chapitre 1956(a)(2)(A) et 2 du code fédéral américain, puni d une peine maximale de 20 années d emprisonnement. Pour étayer les chefs d inculpation contre le requérant, les autorités américaines invoquèrent les éléments à charge contre lui, notamment les déclarations effectuées par un agent de leurs services spécialisés en matière de lutte contre les stupéfiants. 8. Le 31 août 2009, le tribunal régional de Varsovie émit un avis favorable à l extradition du requérant. Le 29 septembre 2009, la cour

DÉCISION SARRIA c. POLOGNE 3 d appel de Varsovie annula cette décision et renvoya le dossier pour complément d examen. 9. Le 19 novembre 2009, le tribunal régional de Varsovie émit un avis favorable à l extradition du requérant aux États-Unis et ordonna sa détention en vue de l application de cette mesure. Le tribunal nota que les infractions imputées au requérant par les autorités américaines n avaient pas de connotation politique ou militaire et qu en cas de son extradition aux États-Unis il ne risquait ni une condamnation à la peine capitale ni les tortures. Le tribunal observa qu aucune infraction parmi celles imputées au requérant dans la demande d extradition n était passible de la peine capitale ; par ailleurs, l État de Michigan était abolitionniste. Le 12 janvier 2010, la cour d appel confirma la décision du 19 novembre. 10. Entretemps, l instruction conduite en Pologne à l encontre du requérant et ses complices présumés se poursuivit. Le 2 novembre 2010, un acte d accusation, lui imputant une tentative de distribution d une quantité considérable de stupéfiants (environ mille kilogrammes de cocaïne), fut introduit auprès du tribunal de district de Varsovie. 11. Le 6 octobre 2010, le ministre de la Justice autorisa l extradition du requérant aux États-Unis au titre des infractions stipulées sous les points b) et c) de l acte d accusation américain. En même temps, il ajourna l application de cette mesure jusqu à la clôture de la procédure pénale à son encontre en Pologne. Le ministre ajourna également, jusqu à cette même date, l examen de la demande d extradition relative à l infraction stipulée sous le point a) de l acte d accusation américain. Il nota que ladite infraction était, dans une large mesure, identique à celle imputée au requérant dans le cadre de la procédure conduite contre lui en Pologne. Ainsi, compte tenu de l article 16 de l accord polono- américain sur l extradition (voir, le droit interne ci-dessous), l examen de la demande d extradition, dans la mesure où elle concernait l infraction en question, était prématurée. 12. Le 13 octobre 2010, le tribunal régional de Varsovie remplaça la détention du requérant en vue de son extradition par l arrestation préventive dans le cadre des poursuites en Pologne. Cette mesure fut régulièrement reconduite par les autorités. La dernière décision en la matière intervint le 14 juin 2012. 13. En mai 2011, la cour d appel de Varsovie demanda au tribunal de district de se dessaisir de l affaire pénale du requérant en faveur du tribunal régional de Varsovie, au motif de la complexité du dossier. 14. La procédure est en cours. B. Le droit interne pertinent 15. Les dispositions pertinentes du droit interne sont amplement citées aux paragraphes 27-29 de la décision Atilla Gokalp et Jaime Eduardo

4 DÉCISION SARRIA c. POLOGNE Cardona Giraldo c. Pologne, n o 37286/09 et 2352/11, du 11 septembre 2012. GRIEFS 16. Citant l article 2 de la Convention, le requérant se plaint que son éventuelle extradition aux États-Unis l expose au risque d une condamnation à la peine capitale. 17. Sous l angle de l article 6 de la Convention, le requérant se plaint que la procédure ayant donné lieu à la décision autorisant son extradition n a pas été équitable, en particulier une demande par laquelle il sollicitait l attribution d un avocat d office aurait été négligée par les autorités. Ainsi, il n a pu disposer ni de temps ni de facilités nécessaires pour préparer sa «défense». 18. Le requérant se plaint que le fait pour lui d être poursuivi en Pologne et ensuite extradé aux États-Unis pour être jugé au titre de ces mêmes faits serait contraire à l article 4 du Protocole n o 7 à la Convention. EN DROIT 19. Le premier grief du requérant concerne le risque de sa condamnation à la peine capitale, en cas de son éventuelle extradition aux États-Unis. 20. D emblée, la Cour relève que dans l affaire Gokalp référée ci-dessus, elle a rejeté le grief du coaccusé du requérant essentiellement identique à celui formulé en l espèce. A l instar de son approche dans l affaire concernée, la Cour renvoi aux principes pertinents exposés dans l affaire Al-Saadoon et Mufdhi c. Royaume-Uni, n o 61498/08, 115-128, 2 mars 2010. Il en ressort que l expulsion par un État contractant peut soulever un problème au regard de l article 3, et donc engager la responsabilité de l État en cause au titre de la Convention, lorsqu il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l intéressé, si on l expulse vers le pays de destination, y courra un risque réel d être soumis à un traitement contraire à l article 3. Dans ce cas, l article 3 implique l obligation de ne pas expulser la personne en question vers ce pays (Saadi c. Italie [GC], n o 37201/06, 125, CEDH-(...)). De même, l article 2 de la Convention et l article 1 du Protocole n o 13 interdisent l extradition et le refoulement vers un autre État lorsqu il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l intéressé courra, dans le pays de destination, un risque réel d être soumis à la peine de mort (voir Hakizimana c. Suède (déc.), n o 37913/05, 27 mars 2008, et, mutatis mutandis, Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, série A n o 161, p. 35, 111, S.R. c. Suède (déc.), n o 62806/00, 23 avril 2002, Ismaili

DÉCISION SARRIA c. POLOGNE 5 c. Allemagne (déc.), n o 58128/00, 15 mars 2001, et Kaboulov c. Ukraine, n o 41015/04, 99, 19 novembre 2009). 21. La Cour estime qu en l espèce, tout comme dans l affaire Gokalp, l existence de tels motifs sérieux et avérés de croire que s il était extradé et condamné aux États-Unis, le requérant pourrait être condamné à la peine capitale, n a pas été établie. L exposé des chefs d inculpation dans l acte d accusation américain à son encontre, présenté à l appui de la demande d extradition, ne fait apparaître aucune infraction susceptible d être punie par une telle peine. La Cour note que l article 604 1.6 du code polonais de procédure pénale comporte l interdiction explicite pour les autorités d extrader quiconque vers un pays où il courrait un risque réel d une condamnation à la peine capitale. Le tribunal qui statue sur la recevabilité d une demande d extradition est tenu d examiner d office la question de l éventuelle présence d un tel risque, dont l établissement rend la demande d extradition irrecevable de droit. En l espèce, les juridictions internes qui ont statué sur la recevabilité de la demande d extrader le requérant aux États-Unis ont exclu de manière catégorique tout risque de condamnation à la peine capitale. La Cour note également que le principe de spécialité, inscrit dans l accord polono-américain sur l extradition, garantit au requérant que dans le cas où il serait remis aux autorités américaines, celles-ci ne pourront le poursuivre que pour les seules infractions à l égard desquelles les autorités polonaises auraient consenti à l extrader. 22. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que le grief du requérant portant sur le risque d une condamnation à la peine capitale en cas de son éventuelle extradition est manifestement mal fondé. Partant, elle le rejette en application de l article 35 3 et 4 de la Convention. 23. Pour autant que le requérant, citant l article 6 de la Convention, se plaigne de l iniquité de la procédure ayant abouti à l adoption par les tribunaux polonais d une décision favorable à son éventuelle extradition, la Cour rappelle que les procédures relatives à l extradition et à l éloignement des étrangers échappent au champ d application de l article 6 de la Convention (Mamatkoulov et Askarov c. Turquie [GC], nos 46827/99 et 46951/99, 83, CEDH 2005-I). Partant, elle rejette ce grief, en tant qu incompatible ratione materiae, en application de l article 35 3 et 4 de la Convention. 24. Dans la mesure où le requérant, en invoquant l article 4 du Protocole n o 7 à la Convention, se plaint que son extradition porterait atteinte au principe ne bis in idem, la Cour rappelle que l article 4 du Protocole n o 7, qui consacre le principe concerné, ne s applique que dans le cas où une personne a été poursuivie ou punie pénalement deux fois pour les mêmes faits par les juridictions du même État (Ipsilanti c. Grèce (déc.), n o 56599/00, 29.3.2001, et Gestra c. Italie, n o 21072/92). Or, le requérant n allègue pas avoir été poursuivi ou puni pénalement deux fois pour les mêmes faits par les autorités polonaises. Par conséquent, la Cour juge ce

6 DÉCISION SARRIA c. POLOGNE grief manifestement mal fondé, et le rejette en application de l article 35 3 et 4 de la Convention. Par ces motifs, la Cour, à l unanimité, Déclare la requête irrecevable. Lawrence Early Greffier Ineta Ziemele Présidente