Chérie, je crois que j'ai fait une bêtise...j ai acheté une maison à Port Grimaud! René POUZIN René POUZIN Juillet 2007
C'était un jour de printemps, vers la fin des années 60. Je reçois une revue dont j'ai oublié le nom qui publie un article d'anticipation sur un projet de cité lacustre dans le golfe de Saint Tropez. Les dessins montrent des maisons dont la salle de séjour donne sur un quai privé ou est amarré le bateau. Plaisancier, propriétaire d'un bateau confronté aux difficultés d'amarrage en Méditerranée, fils de marin, mon sang ne fait qu'un tour, après avoir consulté le Paternel qui comme moi est tout de suite conquit, je pars dés le lendemain matin ( à 5 heures ) pour Saint Trop afin d'en savoir un peu plus. A tout hasard je prends mon carnet de chèques. J'arrive à 8h ¼ sur la route de la Foux à St Tropez. Un premier arrêt chez John Taylor agence immobilière à coté de l'oasis; ils n'ont entendu parler de rien! Je poursuis ma route vers la cité du Bailli et, à l'entrée du village, je m'arrête devant l'agence Bernardi boulevard Louis Blanc. Il n'est pas 9 heures l'agence est fermée mais un Monsieur, les bras chargés d'un volumineux courrier arrive, - bonjour! vous cherchez quelque chose, puis-je vous aider? - j'ai entendu parler d'un projet de cité lacustre qui doit voir le jour au fond du golfe êtes-vous au courant - en effet j'ai été contacté mais je n'en sais pas beaucoup plus. Je crois justement avoir quelque chose dans ce courrier, nous pouvons le découvrir ensemble si vous voulez. Nous entrons, il ouvre une grande enveloppe contenant tout un dossier, des dessins, des plans. - il s'agit donc apparemment d'un lotissement situé au bord de l'eau avec des maisons de pêcheur, des bungalows et des maison plus grandes. Il y a d'après ce que je vois sur ce plan, des maisons de pêcheur des bungalows et des grandes maisons libres à la vente. Les maisons de pêcheur sont à 137 000 Frs, les bungalows à 90 000 frs. Ces deux maisons de pêcheur, la P37 et la P38 me paraissent bien situées près de la plage, elles sont libres. - Comment peut-on réserver? - Pour les réservations je peux m'en occuper, il faut d'après le dossier, verser un acompte de 7130 Frs. Les plans de la cité confirment ce qui était dit dans la revue, je revois un dessin de la maison dont la pièce principale donne accès au quai privé avec un bateau amarré en toile de fond. Je ne peux résister, va pour la P37. Je signe un chèque au nom du promoteur. Affaire conclue.
- Bien! Je viens de réserver une maison à Port Grimaud, j'aimerais voir ou elle va se construire pouvez-vous m'indiquer le lieu de la construction? - Alors là Monsieur vous m'en demandez trop, je ne sais pas, je sais simplement que c'est au fond du golfe, après le carrefour de la Foux, vous pouvez peut-être vous renseigner sur place??!! - OK j'y vais. Au revoir! et merci. Il est 9 h ½, je repars en direction du fond du golfe, je passe, après la Foux, devant le chantier naval du père Chesnaux ( ce qui sera par la suite Port Cogolin ) je n'ai pas déjeuné; il y a, à mi-chemin entre le carrefour de la Foux et celui menant au plan de la tour, un restaurant "Routier". De l'autre coté de la route, des joncs des marais, de l'eau croupissante. Je m'arrête au Bar et commande un café et un croissant. Le patron est sympa, nous bavardons. Je lui demande si il a entendu parlé de Port Grimaud?. Il éclate de rire?? Jeannine! un monsieur vient de se faire avoir avec leur cité lacustre!!! - Pourquoi riez-vous? - Mon brave Monsieur, cette cité ne verra jamais le jour, ou alors ça sera réservé à des milliardaires j'espère pour vous que vous n'avez pas versé d'argent? - Justement si, je viens de le faire. - Alors votre argent est perdu! Je sors du resto, mon croissant ne passe pas reprenant la route j'aperçois un chemin qui s'enfonce dans le marais, je m'engage à tout hasard, au bout de 100 mètres je suis arrêté par une flaque d'eau et de boue fort peu engageante des roseaux à droite et à gauche. Je descends de voiture en prenant soin de ne pas mettre mes pieds dans la boue. A ce moment, un cavalier se faufile à travers la végétation et viens vers moi, - Bonjour Monsieur, je suis le gardien du domaine, vous cherchez quelque chose? - Oui, je cherche l'emplacement de Port Grimaud ou je viens de réserver une maison de pécheur! - Et bien Monsieur vous êtes chez vous! - Ici! vous plaisantez? - Non pas du tout mais ne vous inquiétez pas. Les roseaux seront coupés, les trous d'eau seront bouchés au grand désespoir des tortues qui sont nombreuses dans ces flaques, les moustiques qui pullulent aujourd'hui seront détruits. - Ha bon! merci
Je ne peux pas faire demi-tour dans ce chemin, que dis-je ce sentier je fais donc marche arrière jusqu a la route. Le croissant n'est toujours pas passé je reprends la route du retour en passant par Sainte Maxime. C'est plus long que par la Garde Freinet mais ça va plus vite et j'ai hâte de rentrer chez moi. Arrivé à Romans, il est 17 h, je me précipite chez mon ami Notaire. - Jean Marie, je viens de réserver une maison dans un projet de cité lacustre prés de St Tropez, voilà les papiers que j'ai signés, peux-tu me dire ce que tu en pense? - Apparemment il s'agit d'une Société immobilière Loi de 38 (??!!) il faut espérer que c'est sérieux car tu es indéfiniment et solidairement responsable des comptes de la Société! Le croissant n'est toujours pas passé, il remonte à présent! Je rentre, dépité, à mon domicile, ma femme est là, - Chérie je crois que je viens de faire une bêtise, j'ai acheté une maison à Port Grimaud! - Ca ne m'étonne pas de toi, tu t'emballes, tu t'emballes!. Et puis le temps a passé, le projet s'est réalisé, et pendant 30 ans nous avons passé ma famille et moi nos vacances dans la Grande Rue à Port Grimaud. Nous y avons connu de bons amis, nous avons parlé au cours des soirées d'été de nos exploits maritimes ( améliorés pour la circonstance ) nous avons discuté fermement des moulins à vents qu'on nous avait volés nous avons eu des mariages, des naissances et nous avons entendu le soir dans la grande rue, La première année : - Chéri tu m'invites à dîner ce soir chez DA LOLO? ( en général je disais oui car c'était moins onéreux qu'une "petite robe" chez WEBER place des 6 Canons ou qu'une encoignure provençale chez cette chère Madame MABILEAU qui tenait boutique à l'époque Grande Rue, à 20 mètres de chez nous ) 15 ans après : - Papa tu m'inscris pour la régate de planche à voile de demain?
15 ans plus tard : - Papi, tu me «paye» une glace chez GEO!... Cette histoire est une histoire vraie, Monette et Georges, Suzanne et Marc, Patricia et Jean peuvent en témoigner.