Pourquoi le toucher et le baiser annulent-ils les ablutions? L imam Ibn Abi Zayid Al Qayrawânî dit dans la Rissâla : «L ablution mineure est obligatoire suite à l attouchement fait en vue du plaisir, ainsi qu au contact direct par le corps ou le baiser, dans le même but.» (Chapitre 2, les obligations relatives aux ablutions mineure et majeure) Le fait que le toucher ou le baiser annulent les ablutions est rejeté par certaines écoles juridiques (hanafites et une partie des hanbalites) et certains savants contemporains vont même jusqu à dire qu il n existe aucune preuve dans le Coran ou dans la Sunnah de cela. Cet article a pour but de démontrer que, selon l école malikite, ceci est au contraire fondé sur le Coran et la Sunnah. Preuves: 1. Coran Allah dit dans les Sourates an-nisâ et al Maidah «ou si vous avez touché à des femmes». Dans la majorité des 10 lectures authentiques du Coran, le terme arabe qui est employé est «laamastoumou» ce qui indique le fait de toucher en général et peut être compris aussi bien comme le toucher par la main que comme le toucher dans le sens d avoir des rapports sexuels. Les malikites considèrent cependant qu il convient de considérer tout terme du Coran dans son sens littéral avant de considérer son sens métaphorique et
considèrent que nul ne peut privilégier le sens métaphorique au détriment du sens littéral, si ce n est en s appuyant sur une preuve établie, chose qui n existe pas selon eux. En outre, la position de ce fragment dans le verset indique qu il s agit d un élément annulant les petites ablutions (woudhou) et non les grandes ablutions (ghusl). En effet, le verset au complet est le suivant : «Ô vous qui croyez! N allez pas la prière en état d ivresse! Attendez de savoir ce que vous dites! Ne l accomplissez pas non plus en état d impureté majeure avant de laver tout votre corps, à moins que vous ne soyez en déplacement. Si vous êtes malades ou en voyage, si l un de vous revient des lieux d aisance, ou si vous avez touché aux femmes et que vous ne trouvez pas d eau pour vos ablutions, recourrez alors à la terre propre et passez-vous-en sur la figure et les mains. Allah est Indulgent et Pardonneur.» Ici, Allah a mentionné le toucher des femmes à côté du fait de revenir des lieux d aisance, ce qui indiquerait qu il s agierait ici d une impureté mineure. La même chose peut être dite quant au verset de la sourate al Maidah et même plus encore, car il est dit que si la personne est en état de grande impureté (janaba), elle se doit de se purifier. Outre cela, il est à noter que 3 lectures sur les 10 acceptées lisent ce terme dans ces deux versets d une autre manière, en l occurrence «lamastoumou» (sans élongation du premier «a»). Cette lecture se retrouve chez Hamza, al Kasai et Khalaf. Le terme qui nous intéresse, lorsqu il ne connaît pas l élongation du «a», ne peut que désigner le toucher par la main et non l acte sexuel. Ceci est confirmé entre autres par le célèbre hadith rapporté par al-boukhârî et Muslim et qui mentionne que «le zina de la main est le toucher (lams)» (cette version est rapportée par Ahmad et authentifiée par al Albani) et le hadith relatif à la
fornication de Maïz ibn Malik qui, après que le prophète sws se soit détourné de lui à plusieurs reprises, lui a finalement demandé : «Tu l as peut-être embrassée ou simplement touchée (lams)?» (rapporté par Ahmad et authentifié par al Albani). En conclusion, le fait que le toucher ou le baiser annulent l ablution se trouve donc explicitement mentionné dans 3 des 10 lectures unanimement reconnues par la communauté. 2. Sunnah a. Hadiths Il n existe aucun hadith mentionnant explicitement que le toucher annule les petites ablutions. Cependant, ceux qui sont d avis que le toucher ou le baiser n annule pas les ablutions se fondent sur deux récits pour justifier leur point de vue : Le premier est le hadith suivant : Âïcha rapporte que le prophète sws embrassait certaines de ses épouses puis sortait pour se rendre à la prière sans renouveler ses ablutions (rapporté par Abu Dawûd, At-Tirmidhi, An-Nasai et Ibn Mâjah). Ce hadith a fait l objet de grandes controverses entre les mouhaddithins, certains le considérant comme faible, et d autres le considérant comme authentique. Les malikites le considèrent cependant comme faible du fait que Sufyan ath Thawri, Yahya bin Said al Qattân, l imam Ahmad, l imâm al- Boukhârî, ad-daralqutni, al Bayhaqi, an-nawawi l ont considéré comme faible, de même qu At-Tirmidhi. Ce dernier a même mentionné à sa suite qu il n existe rien d authentique à ce sujet (sur le fait que le prophète sws ait embrassé ses femmes puis qu il ait accompli la salât sans avoir refait ses ablutions). Il rapporte également que Mâlik bin Anas, Al Awzâ î, Ach-Châfi î, Ahmad, et Ishâq ont dit que le fait d embrasser annulait les petites ablutions et que telle était la parole de plus d une personne parmi les Compagnons du prophète sws
et les Tâbi în. Abou Dawûd a dit quant à lui que ce hadith est mursal, car Ibrâhîm at-taymi ne l a pas entendu de Âïcha et donc le considère comme faible. L imâm An-Nasai a rapporté suite à ce hadith qu il n existe pas de texte plus fort que ce hadith mursal pour justifier le fait que le toucher n annule pas l ablution, qu At-Tirmidhi et Al-Boukhârî l ont affaibli et que de nombreux autres houffâdh et Ulémas ont affaibli des récits similaires. Quant aux ahadiths authentiques de Âïcha rapportant que le prophète sws a touché sa jambe pendant qu il priait au cours de la nuit (rapportés dans une version par l imâm Al Boukhârî, dans une autre version par l imâm An-Nasai), les malikites en tirent la preuve que seul le toucher volontaire et avec désir annule la petite ablution et ne voient pas, comme ceux qui considèrent que cela ne l annule pas, que ces textes sont une preuve évidente que le toucher n annule pas les petites ablutions. A titre informatif, les Châfi-îtes considèrent que ces hadiths sont soit abrogés, soit spécifiques au prophète sws (comme le fait de jeûner plusieurs jours d affilées ou le fait que son cœur ne dort pas pendant que ses yeux sont fermés).
Selon l imâm Mâlik, l homme qui embrasse sa femme doit refaire ses ablutions b. Athars Nous allons citer ici trois athars rapportés par l imâm Mâlik dans son Mouwatta (chapitre 16, un homme qui embrasse sa femme doit faire ses ablutions). Abdullah ibn Omar disait souvent : «Un baiser qu un homme fait à sa femme ou le fait de la caresser, constitue un attouchement. Celui qui embrasse sa femme ou qui la caresse avec sa main doit faire ses ablutions.» (Cette tradition est également rapportée par l imâm Ach-Châfi î dans l ouvrage al Umm et par l imâm Al Bayhaqi) On fît savoir à Mâlik que Abdullah ibn Mas oûd disait : «Lorsqu un homme embrasse sa femme, il doit faire ses ablutions.» Ibn Chihâb disait : «Lorsqu un homme embrasse sa femme,
il doit faire ses ablutions.» Après la mention de ces trois athars, il est indiqué : Mâlik a dit : «C est ce que j ai entendu de mieux à ce sujet.» De plus, Ibn Abi Chaibah rapporte dans son Mousannaf dans deux chapitres distincts la liste suivante de Compagnons et Tâbi în qui considéraient que le toucher annulait les ablutions (il s agit des chapitres 56 et 58) : Ibrâhîm An-nakhai Ach-Chaa bi Al Hakim Hamad Al Hassan Al Basri Ibn Abi Leïla Ibn Omar Az-zuhri et il est mentionné que quand on l a interrogé à propos du fait d embrasser la femme, il a dit : «Les Ulémas ont dit : «Cela nécessite les petites ablutions.».» (athar n 500) L imâm ibn Abdalbarr mentionne dans son ouvrage «Al Kafi fi fiqh ahl al madina al maliki» que l obligation du woudhou pour le toucher et l embrassement sans conditions de désir était le madh-hab de Omar. Ibn Abdelbarr rapporte dans le même ouvrage que tel était l avis également d Ibn Wahb, de Âïcha, de Sayyid ibn Al Mousayyib, d Ibn Chihâb, de Yahya ibn Said, de Râbi, de Zayid ibn Aslam, de Mâlik, d Al Layth et de Abdel Azîz ibn abi Salama. L imâm Al Bayhaqi rapporte également une tradition d Ibn Boukayr qui dit que si l homme embrasse ou touche la femme, le woudhou lui est obligatoire. L imâm Al Bayhaqi rapporte dans al Kubra qu Ibn Mas oûd a dit : «Embrasser fait partie du laams et cela implique les petites ablutions et le laams est tout ce qui est moindre que
le coït.» L imâm Al Bayhaqi rapporte qu Ibn Omar a dit que son père ( Omar ibn al Khattâb) a dit : «Certes le baiser fait partie du toucher, accomplissez donc le woudhou en sa présence.» c. La coutume de Médine L imâm ibn Abdalbarr mentionne dans son ouvrage «Al Kafi fi fiqh ahl al madina al maliki» que l obligation du woudhou pour le toucher et l embrassement sans conditions de désir était connu des gens de Médine et des gens de l Irak.