médecins Le secret médical entre droit des patients et obligation déontologique Bulletin d information de l Ordre national des médecins

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1 médecins Numéro spécial Nov.-Déc Bulletin d information de l Ordre national des médecins Le secret médical entre droit des patients et obligation déontologique

2 Introduction du D r Piernick Cressard, président de la section Éthique et déontologie au conseil national de l Ordre des médecins. P. 4-5 Point de vue du P r Anne Laude, professeur à l université Paris-Descartes et codirecteur de l institut Droit et santé (Paris-Descartes). P. 6-7 Le secret médical et... les soins aux mineurs P les autorités judiciaires P les autres ACteurs de santé P l e-santé P Sommaire N spécial secret médical les sociétés d assurances P Jurispratique Les dérogations au secret professionnel P Bibliographie Les rapports et avis de l Ordre sur le secret médical P. 32 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : D r Walter Vorhauer - ORDRE DES MÉDECINS, 180, bd Haussmann, Paris Cedex 08. Tél. : conseil-national@cn.medecin.fr RÉDACTEUR EN CHEF : D r André Deseur COORDINATION : Évelyne Acchiardi CONCEPTION ET RéALISATION : 48, rue Vivienne, Paris RESPONSABLE D ÉDITION : Claire Peltier RÉDACTION : Éric Allermoz, Béatrice Bochet, Nathalie Da Cruz, Claire Peltier DIRECTION ARTISTIQUE : Marie-Laure Noel SECRéTARIAT DE RÉDACTION : Alexandra Roy FABRICATION : Sylvie Esquer ILLUSTRATIONS : Gionpaolo Pagni IMPRESSION : IGPM Tous les articles sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs DÉPÔT LÉGAL : novembre 2012 n ISSN : Ce numéro est joint au n 26 du Bulletin d information de l Ordre des médecins, daté de novembredécembre Ce document a été réalisé selon des procédés respectueux de l environnement. 2 I Numéro spécial secret médical I Médecins nov.-déc. 2012

3 édito Le secret médical, le premier droit du patient Le secret médical a un avenir, à condition qu IL soit BIen défendu.» Le secret médical est au cœur de la médecine. Il fonde la confiance du malade envers son médecin. C est un droit fondamental du patient. Le conseil national de l Ordre des médecins en est le gardien et l un de ses plus farouches défenseurs dans l intérêt des patients et de la société. Il faut souligner que ce secret n existe que dans les pays démocratiques. Aujourd hui, les entorses au secret médical sont de plus en plus nombreuses, souvent de façon abusive. Récemment, plusieurs textes législatifs ont porté atteinte à ce principe. Nous regrettons notamment que la loi du 28 juillet 2011 sur les maisons départementales des personnes handicapées ait autorisé l échange d informations à caractère secret entre professionnels médicaux et non médicaux. Nous regrettons aussi que la loi dite Fourcade du 10 août 2011 ait considéré que le secret professionnel était différent selon que le patient consulte en cabinet de groupe, dans un hôpital, ou encore dans une maison ou un centre de santé L Ordre n a pas une conception figée du secret médical. Nous sommes conscients que des dérogations peuvent être nécessaires pour des raisons de santé publique ou pour mieux assurer la continuité des soins. Nous avons d ailleurs actualisé les commentaires du code de déontologie pour tenir compte de ces évolutions 1. Ainsi, les parcours de soins sont de plus en plus complexes et nécessitent l intervention d un nombre croissant de professionnels médico-sociaux, notamment autour des personnes très âgées. Il est nécessaire que l information médicale soit diffusée au sein de ces équipes, mais pas dans n importe quelles conditions. Personne ne peut déroger au secret médical au nom du patient. En revanche, à la demande expresse de ce dernier, des informations sur sa santé peuvent être divulguées lorsqu elles sont indispensables à l optimisation par tous les intervenants de sa prise en charge. Ma conviction, c est que le secret médical a un avenir, à condition qu il soit bien défendu. C est une des missions les plus essentielles de celles qui nous sont confiées. Elle représente pour chacun d entre nous une liberté fondamentale devant être impérativement préservée, ce avec la plus extrême vigilance. 1. Lire sur espace Code de déontologie D r michel Legmann I président du conseil national de l Ordre des médecins Numéro spécial secret médical I Médecins nov.-déc I 3

4 Introduction Le secret médical protège le patient, pas le médecin D r PiernICk Cressard I président de la section Éthique et déontologie au conseil national de l Ordre des médecins Comment définissez-vous le secret médical? Il y a deux dimensions dans le secret médical : des éléments cliniques qui peuvent être partagés avec d autres professionnels de santé, sous certaines conditions bien entendu, et une partie intime. C est celle que le patient partage avec son médecin : ses liens familiaux, son histoire personnelle, amoureuse, ses conflits La plupart du temps, il n y a aucune raison que le médecin trahisse ces secrets-là. Cette distinction est fondamentale. Le patient doit savoir que les éléments intimes qu il confie à son médecin ne sortiront jamais du cabinet. Le secret médical est-il bien préservé? J ai envie de vous répondre sous la forme d une boutade! C est un fait : le secret médical a été institué dans l intérêt du patient, mais comme tout le monde partage cet intérêt pour le patient, tout le monde voudrait avoir accès au secret! C est une boutade, mais c est aussi malheureusement la réalité. Je considère que la dérogation au secret médical instituée dans le cadre des maisons départementales du handicap signe, par exemple, notre incapacité collective à préserver le secret médical. 4 I Numéro spécial secret médical I Médecins nov.-déc. 2012

5 Le secret médical est LA somme des échanges recueillis DAns un contexte de confiance entre le médecin et son PAtient. Personne ne peut y déroger au nom du PAtient.» Pourquoi ces difficultés? Elles sont d abord liées à la multiplicité des professionnels qui interviennent dans la chaîne du soin, qu ils soient médecins ou non. Et à la multiplicité des situations qui permettent d échanger des informations sur un patient, implicitement ou non, légalement ou non. Le bon exemple, c est celui des établissements pour personnes âgées dépendantes Dans de nombreux cas, soignants, cadres administratifs, tous ont accès au dossier médical et, souvent, on ne cherche même pas à obtenir le consentement du patient. À quoi bon? La personne est tellement âgée, tellement dépendante Un autre exemple, c est l hôpital. On dit toujours que le partage des informations est implicite au sein du staff hospitalier. Mais pourquoi ne solliciterait-on pas d abord l accord du patient? Parfois aussi, dans les cabinets de groupe, les médecins partagent les dossiers médicaux de leurs patients, au risque de trahir le secret médical Comment communiquer les données médicales nécessaires à la poursuite des soins sans trahir le secret? La communication des données médicales entre confrères doit être la plus complète possible, avec l accord du patient. Cela pose inévitablement la question du contenu du dossier médical. Le médecin a tout intérêt à conserver des notes personnelles pour se souvenir de certains éléments transmis par le patient sans les inclure dans le dossier médical. C est une nécessité, d autant que l informatisation des dossiers médicaux rend plus difficile la protection des données médicales. Pour accéder à certaines informations, les autorités judiciaires veulent parfois saisir l intégralité d un dossier médical. C est plus simple pour eux, mais cela met en péril le secret médical si le médecin n a Aux fondements du secret médical Le code pénal de 1810 (art. 378) apporte pour la première fois une consécration légale au secret en citant au premier rang des personnes qui y sont astreintes les médecins et les professionnels de santé. L obligation au secret figure aujourd hui dans le code pénal sous les articles et Les codes de déontologie médicale successifs viendront en préciser la définition avant que n intervienne l article L du code de la santé publique, introduit par la loi n du 4 mars pas veillé à bien séparer ses notes personnelles des informations médicales. Les médecins eux-mêmes savent-ils comment protéger le secret médical? La loi est complexe et les pressions sont fortes Quand un officier de police judiciaire convoque un médecin pour lui demander de révéler des informations sur l un de ses patients, le médecin n a pas toujours le bon réflexe. Il croit, à tort, que sa responsabilité pourrait être engagée s il ne dit pas tout. Les pressions peuvent aussi émaner de l Assurance maladie, des mutuelles, des compagnies d assurances, de la médecine du travail La difficulté, pour le médecin, c est de respecter la déontologie tout en préservant les intérêts du patient : l équilibre n est pas facile. En résumé, le secret médical est la somme des échanges recueillis dans un contexte de confiance entre le médecin et son patient. Personne ne peut y déroger au nom du patient, mais des informations médicales peuvent être échangées entre professionnels dans le cadre de la coordination des soins, avec son consentement. Numéro spécial secret médical I Médecins nov.-déc I 5

6 Point de vue Depuis 2002, le secret médical est un droit du patient et non plus seulement une obligation déontologique» Le secret médical est-il un principe intangible ou doit-il s adapter aux évolutions du système de santé et de notre société? Interview du P r Anne Laude, professeur à l université Paris-Descartes et codirecteur de l institut Droit et santé (Paris-Descartes). BIO Anne LAUDE Agrégée des universités Professeur à l université Paris-Descartes Directeur de l École doctorale de la faculté de droit de l université Paris-Descartes Codirecteur de l institut droit et santé Historiquement, comment est née la distinction entre secret médical et secret professionnel? C est d abord le secret médical qui a été mentionné dans les textes. Le code pénal de 1810 sanctionne pour la première fois la violation du secret : il ne vise essentiellement que le corps médical. Depuis, le législateur a modifié le code pénal en ne visant plus seulement une liste de professionnels. Ainsi, la loi Badinter de 1992 introduit une infraction plus générale qui vise la violation du secret professionnel. Cette disposition permet d engager la responsabilité de tous La loi du 4 mars 2002 introduit de profondes modifications DAns notre conception du secret médical.» 6 I Numéro spécial secret médical I Médecins nov.-déc. 2012

7 les professionnels, quelle que soit leur activité. Cette évolution vers le secret professionnel n a pas eu d impact réel sur la définition du secret médical puisqu il est largement opéré par renvoi au code de déontologie médicale. Le secret médical a-t-il évolué dans sa conception? La loi du 4 mars 2002 introduit de profondes modifications dans notre conception du secret médical. D abord, elle en change la nature puisqu elle fait du secret médical un droit du patient et non plus seulement une obligation déontologique. Désormais, seul le patient peut délier le médecin de son obligation au secret médical. Toutefois, son consentement au partage des informations qui le concernent est présumé s il est pris en charge dans le cadre d un établissement de santé. Ensuite, la loi du 4 mars 2002 élargit la liste des personnes qui sont tenues au secret à l ensemble des intervenants de la chaîne de soins, y compris aux hébergeurs de données de santé. La loi de 2002 innove aussi dans la mesure où elle introduit le droit du mineur au secret vis-à-vis de ses parents. Le mineur peut demander au professionnel de santé de ne pas révéler certaines informations sur son état de santé à ses parents. Enfin, la loi de 2002 précise que les ayants droit peuvent obtenir des éléments du dossier médical du défunt couverts par le secret médical, sous certaines conditions : pour connaître les causes du décès, pour honorer la mémoire du défunt ou pour permettre aux ayants droit de faire valoir leurs droits. La mise en œuvre de cette disposition a d ailleurs pu entraîner des excès car la loi n autorise pas les médecins à divulguer l ensemble du dossier médical, mais uniquement certaines pièces qui permettent d assurer le respect des conditions précitées. Le secret médical vous semble-t-il remis en cause? Ce n est pas ce qu indique l étude de la jurisprudence. En revanche, il y a effectivement une méconnaissance par les médecins de leurs droits et de leurs devoirs. Elle conduit parfois à mettre en péril le secret médical. Quelles informations je peux transmettre à l avocat, à l employeur, à l assureur, aux services de justice, à l officier de police judiciaire? Les médecins sont confrontés à une exigence croissante de transparence, au «droit de savoir» du patient et il n est pas toujours simple de savoir réagir à toutes ces demandes. En réalité, la multiplication des personnes autour du patient (proches, personne de confiance, tuteur) et autour du médecin (paramédicaux, maison ou centre de santé, Ehpad, etc.) augmente nécessairement les risques de dilution du secret. Il serait préférable de n avoir qu un seul texte qui rassemble tous les droits de LA personne, quelle que soit LA nature de LA prise en charge.» Faut-il légiférer sur le secret médical? L état actuel du droit reflète le cloisonnement de notre système de santé entre les sphères sanitaire et sociale. Ainsi, le secret médical repose sur des textes et parfois des principes différents selon que le patient est pris en charge en libéral, à l hôpital, dans une maison de santé pluriprofessionnelle ou en secteur médico-social. Cette situation n est pas adaptée au mode de prise en charge du patient, qui devient de plus en plus global, avec des professionnels du soin, du médico-social, à domicile, en Ehpad Il serait préférable de n avoir qu un seul texte qui rassemble tous les droits de la personne, quelle que soit la nature de la prise en charge. Une telle évolution de la législation permettrait de simplifier le travail des médecins. Numéro spécial secret médical I Médecins nov.-déc I 7

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9 Le secret médical et les soins aux mineurs Entre parents et enfants mineurs, il n y a en principe pas de secret, puisque ce sont les parents qui reçoivent l information et consentent aux soins. Cependant, la loi a introduit plusieurs dérogations à ce principe, en matière de contraception et d IVG, et lorsque l enfant veut garder le secret. La spécificité de la pédiatrie et, plus largement, des soins prodigués aux mineurs, c est qu il n y a pas de colloque singulier entre médecin et patient, mais un colloque à trois, avec parents, enfant et médecin. Il n y a pas de secret médical entre un mineur et ses parents ou représentants légaux ; telle est la règle générale. Le mineur, non émancipé, est réputé incapable de donner valablement son consentement à un acte médical, lequel doit être recueilli auprès de ses représentants légaux. Deux exceptions sont prévues par la loi sur la contraception du 4 juillet 2001 (n ) : la prescription d une contraception et la réalisation d une interruption volontaire de grossesse (ivg). Dans ces deux cas-là, la jeune fille n a pas à obtenir le consentement des parents, et le secret médical doit être gardé. Concernant l ivg, la patiente doit être accompagnée d une personne majeure de son choix, tant pour les consultations que pour les actes médicaux. L identité et la qualité de cet accompagnant doivent être enregistrées au dossier médical. Dans les cas d urgence, également, le médecin peut se dispenser d obtenir le consentement des parents. Enfin, si l enfant ne souhaite pas que ses parents soient informés de son état de santé ni des soins qui vont être prodigués, cette volonté doit être respectée, comme le stipule la loi du 4 mars 2002 (loi n ) sur les droits des malades. Cependant, le médecin doit s efforcer le plus possible de convaincre l enfant de mettre ses parents au courant. La loi sur les droits des malades de 2002 a en effet introduit le secret de la consultation et des soins, demandé par le mineur. Elle ouvre aussi la possibilité pour l enfant de refuser que ses parents puissent être informés de son état de santé. En général, le secret médical dans les soins aux mineurs ne pose pas de problèmes particuliers aux praticiens. Les rares difficultés rencontrées par les médecins sont le fait de certaines familles, en particulier en cas de séparation difficile.» D r Irène kahn-bensaude I vice-présidente du conseil national de l Ordre des médecins Numéro spécial secret médical I Médecins nov.-déc I 9

10 Cas pratiques avec le D r Irène kahn-bensaude I «un mineur séropositif ne veut pas que ses parents soient informés de sa maladie. Dois-je les en informer malgré tout?» «un père veut consulter le dossier médical de ses deux filles mineures, dont il n a pas la garde. Est-ce possible?» Conformément à la loi du 4 mars 2002 (article L du code de la santé publique), le droit d accès aux informations concernant un mineur est exercé par les parents. Selon l article R du code de la santé publique, les parents d un enfant mineur, à condition qu ils ne soient pas privés de l autorité parentale, peuvent demander au médecin à consulter le dossier médical et obtenir communication d une copie de ce dossier. Toutefois, aux termes de l article L du code de la santé publique (à la suite de la loi du 4 mars 2002), un mineur qui a refusé que ses parents soient informés pour garder le secret sur son état de santé peut s opposer à la communication des informations le concernant. Dans ce cas, le médecin consigne par écrit cette opposition, si les parents font une demande de communication du dossier, mais il doit auparavant s efforcer d obtenir le consentement de la personne mineure à la communication (art. R du code de la santé publique). Dans le cas de soins itératifs du mineur (par exemple pour le vih, ou en cas de toxicomanie), si le mineur ne veut pas que ses parents soient informés, cette volonté doit être respectée. Il faut prodiguer les soins normalement, après avoir tout fait pour convaincre l enfant de tenir ses parents informés. L article L du code de la santé publique indique en effet : «Le médecin peut se dispenser d obtenir le consentement du ou des titulaires de l autorité parentale afin de garder secret son état de santé. Toutefois, [ ] le médecin doit dans un premier temps s efforcer d obtenir le consentement du mineur à cette consultation. Dans le cas où le mineur maintient son opposition, le médecin peut mettre en œuvre le traitement ou l intervention.» Dans ce cas, le mineur doit donc être accompagné d un adulte lors de la consultation et des soins. «une jeune fille mineure vient en consultation pour demander la prescription d une contraception. Puis-je la lui prescrire sans le consentement des parents?» Oui. La prescription de la contraception fait partie des actes pour lesquels le consentement des parents n est pas requis. Rappelons qu une mineure peut obtenir la contraception d urgence en pharmacie, sans ordonnance, de manière anonyme et gratuite. 10 I Numéro spécial secret médical I Médecins nov.-déc. 2012

11 Le secret médical et les soins aux mineurs «j ai repéré des stigmates sur le corps d un enfant que j ai reçu en consultation, et je soupçonne fortement une situation de maltraitance. Que dois-je faire?» L article 44 du code de déontologie sur les sévices stipule : «Lorsqu il s agit d un mineur ou d une personne qui n est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, [le médecin] alerte les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstances particulières qu il apprécie en conscience.» Dès que le médecin estime que les faits dont il a été témoin, ou qui lui ont été rapportés, revêtent un caractère de gravité relevant de la juridiction pénale, il avertit le procureur de la République auprès du tribunal de grande instance du lieu de résidence habituel du mineur. L Ordre a créé une fiche type de signalement d enfant en danger, téléchargeable sur medecin.fr. Elle doit être remplie en fonction de ce que le médecin a constaté uniquement, et ne doit en aucun cas mettre en cause un tiers. Après avoir rapporté aussi fidèlement que possible les paroles de l enfant recueillies au cours de l entretien et citées entre guillemets, le praticien décrit les signes relevés à l examen clinique. En cas de suspicion de mauvais traitements (lorsque l enfant risque d être en danger), le médecin informe la cellule départementale de recueil et d évaluation de l information préoccupante (Crip), qui est rattachée au président du conseil général. La Crip a été créée par la loi de mars 2007 réformant la protection de l enfance. Dans les deux cas le signalement au procureur ou information transmise à la crip, le partage d informations concernant «les mineurs en danger ou risquant de l être» font partie des dérogations au secret professionnel. Ce qui met les médecins à l abri de toute poursuite pour violation du secret médical (art du code pénal et L du code de l action sociale et des familles), à la condition expresse de ne dénoncer que les faits et non des auteurs allégués. ChACun des deux PArents est réputé agir avec l ACCord de l autre, quand IL fait seul un ACte usuel de l autorité PArentALe. Cette présomption s APPLIque pour une intervention médicale bénigne. Dans les autres CAs, le consentement des deux PArents est requis.» «Dans le cas de parents divorcés, une mère veut pratiquer des soins sans en avertir le père. Est-ce risqué?» L autorité parentale est exercée en commun par les parents mariés ou vivant en commun. Il en va de même en cas de divorce, sauf décision contraire du juge. «Chacun des parents est réputé agir avec l accord de l autre, quand il fait seul un acte usuel de l autorité parentale relativement à la personne de l enfant» (art du code civil) : cette présomption s applique pour une intervention médicale bénigne. Dans les autres cas, le consentement des deux parents est requis. Il est déjà arrivé, dans le cas d un couple séparé, qu un père porte plainte contre un médecin qui avait circoncis son fils à la demande de la mère de l enfant, sans que lui, le père, n en ait été averti En cas d acte sérieux, si les deux parents ne s informent pas mutuellement, c est au médecin de mettre l autre parent au courant. Dans la majorité des cas, le consentement des parents présents est recueilli oralement. La loi exige toutefois que pour certaines interventions, par exemple prélèvement et greffe d organes ou de tissus sur un mineur, le consentement soit donné par écrit. Il est habituellement recueilli sous cette forme pour toute hospitalisation ou intervention chirurgicale sur un mineur. Numéro spécial secret médical I Médecins nov.-déc I 11

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13 Le secret médical et les autorités judiciaires Fréquemment les autorités judiciaires souhaitent obtenir des pièces issues du dossier médical. Parfois, le médecin est cité comme témoin dans le cadre d un procès mettant en cause l un de ses patients Comment le médecin doit-il réagir face aux demandes des services de la justice ou de la police judiciaire? Les praticiens se sentent parfois démunis face aux demandes des autorités judiciaires ou des services de la police judiciaire. Devant ce qui est souvent ressenti comme une pression, le médecin se trouve confronté à un dilemme : doit-il communiquer des informations sur son patient, au risque d enfreindre le secret médical, ou se taire, au risque d être menacé d une mise en examen (le plus souvent abusive, parfois irrégulière). De son côté, le droit a essayé de trouver un équilibre entre les différents intérêts en présence : celui du patient, celui de la famille, celui de la société Soyons clairs : pour le médecin, le secret médical est la règle. Il s impose dans la plupart des cas de figure, y compris en cas de réquisition et a fortiori en cas de demande orale de la part des services judiciaires. La saisie est la seule procédure d accès au dossier médical qui s impose au médecin. Cette procédure légale s effectue sous l œil attentif d un représentant du conseil de l ordre. Une dérogation légale au secret médical a cependant été prévue pour permettre au médecin de signaler au procureur de la République des sévices ou des maltraitances qu il a constatés dans l exercice de sa profession. Si la victime est mineure, si elle n est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, de son incapacité physique ou psychique, son accord n est pas nécessaire. Si elle est majeure ou si elle n est pas considérée comme vulnérable, le médecin doit avoir son accord avant d effectuer le signalement. Le médecin est également autorisé à délivrer des informations couvertes par le secret s il est lui-même mis en cause pour pouvoir se défendre, en ne dévoilant que les informations strictement nécessaires à sa défense et concernant exclusivement l auteur de la plainte. La limite est parfois délicate à tracer. Reste que dans de nombreux cas la loi n est pas précise. Ce flou juridique entretient les interrogations, nourrit les pressions D r WALter Vorhauer I secrétaire général du conseil national de l Ordre des médecins Numéro spécial secret médical I Médecins nov.-déc I 13

14 Cas pratiques avec le D r WALter Vorhauer I Je suis convoqué comme témoin dans le cadre d une procédure judiciaire contre un patient. Comment réagir? Tout témoin cité à comparaître se doit de répondre aux convocations des services de la justice. Dans le cas où le témoin est médecin et le prévenu son patient, le principe du secret médical prévaut. Le médecin n a pas à répondre aux questions relatives aux informations couvertes par le secret médical. Ni le patient, ni le juge ne peuvent le délivrer de son obligation de respecter le secret médical. Si le patient ou son avocat demande au médecin un certificat attestant qu il est soigné pour des troubles physiques ou psychologiques susceptibles d atténuer sa responsabilité, le médecin pourra affirmer qu il a effectivement soigné le prévenu sans autre indication. Charge au juge de faire procéder à une expertise médicale pour approfondir la question. En tant que citoyen, le médecin peut également être amené à témoigner dans le cadre d une instruction judiciaire, en dehors de son cadre professionnel. Dans ce cas, il doit s assurer qu il n a jamais rencontré la personne impliquée au cours de son exercice, ni comme médecin traitant, ni même au cours d une garde Le cas échéant, il vaut mieux garder le silence. Au cours de ma pratique, j ai été averti d un crime commis par mon patient. Dois-je avertir les autorités? Le médecin n est pas tenu de dénoncer le crime qu un patient lui révèle. En revanche, il a l obligation de porter assistance aux personnes confrontées à un péril grave et imminent. Reste que cette situation est très délicate, en particulier face à des patients atteints de maladies psychiques, dont la crédibilité peut être sujette à caution. Je suis poursuivi en justice par une patiente. Pour me défendre, puis-je révéler des informations couvertes par le secret médical? Un médecin dont la responsabilité professionnelle est mise en cause et qui fait l objet d une plainte, a le droit de se défendre, c est un droit fondamental. Si besoin, il peut alors, pour se justifier ou prouver sa bonne foi, révéler des informations originellement couvertes par le secret médical, concernant exclusivement l auteur de la plainte. Le respect du secret professionnel n est pas opposable à l organisation de sa défense. Attention : l usage prévaut actuellement que les affaires en responsabilité médicale soient initiées par la voie pénale, avec les règles de procédure évoquées, les éventuelles indemnisations étant ultérieurement appréciées en procédure civile. Cela dit, le médecin doit sans cesse s interroger, dans son argumentation, pour que cette défense soit strictement limitée à ce qui est nécessaire pour se justifier. Ma patiente est impliquée dans un délit grave. Que dois-je faire? Le secret médical couvre non seulement l état de santé du patient mais aussi son nom. Un praticien n a pas à dévoiler à des tiers l identité des personnes qu il a soignées. Si les services agissent sur simple réquisition, le médecin n a pas à répondre. En revanche, s ils agissent dans le cadre d une saisie judiciaire, le médecin devra fournir les informations exigées par l enquête, et uniquement celles-là. Dans ce cas, un magistrat instructeur ou un officier de police judiciaire, sur commission rogatoire et en présence d un membre du conseil de l ordre, peut perquisitionner le cabinet du médecin. Le conseiller ordinal est chargé de trier les documents nécessaires à l enquête de ceux qui ne le sont pas et qui restent couverts par le secret. Les scellés sont alors apposés sur les documents saisis. En dehors de cette procédure de saisie, le médecin ne doit remettre aucun document médical à des tiers. 14 I Numéro spécial secret médical I Médecins nov.-déc. 2012

15 Le secret médical et les autorités judiciaires Les autorités peuvent-elles exiger d obtenir l identité des personnes hospitalisées, dans les suites de violences volontaires ou involontaires? Selon l article R du code de la santé publique, les personnes hospitalisées peuvent demander à ce qu aucune indication ne soit donnée sur leur présence dans l établissement ou sur leur état de santé, à l exception des mineurs soumis à l autorité parentale. On ne devrait donc pas, par téléphone, confirmer la présence de tel patient dans l établissement, y compris si le patient a été admis en urgence. Selon l article L du code de la santé publique, ce secret n est pas limité au strict domaine médical, mais à toutes les informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel (y compris, donc, son horaire d admission dans l établissement). Le secret médical est opposable aux tiers, mais aussi à l établissement, uniquement dans deux circonstances : l accouchement sous X et l admission d un toxicomane. Cependant, il convient de préciser que les autorités peuvent accéder au registre des admissions en présence du directeur de l établissement ou de son représentant. Quid du secret médical en milieu pénitentiaire? Le secret médical est valable en milieu pénitentiaire comme ailleurs. Les soignants des unités de consultations et de soins ambulatoires (Ucsa) n ont pas à révéler l état de santé d une personne détenue. Ce point est d autant plus important que, pour certains détenus, les informations médicales revêtent une importance capitale et peuvent être sources de traitements discriminatoires, voire stigmatisants. Le médecin doit donc s assurer du parfait respect du secret médical, notamment parmi ses collaborateurs. Lorsqu il participe à une commission pluridisciplinaire unique (cpu), il ne doit révéler que les informations nécessaires, par exemple pour préparer la sortie d un détenu (circulaire interministérielle du 21 juin 2012). J ai soigné une personne blessée par arme à feu ou arme blanche. Dois-je le signaler aux autorités? Le médecin n a pas à signaler la présence d un blessé par arme à feu ou arme blanche que le patient soit auteur ou victime. Vous devez faire un signalement au Procureur des sévices constatés s il s agit d un mineur blessé. Expert dans le cadre d une instruction, je dois évaluer l état psychologique d une personne impliquée dans un meurtre. Puis-je avoir accès à son dossier médical? Désigné comme expert par le magistrat, le médecin ne peut accéder au(x) dossier(s) médical(aux) du mis en examen directement ou à sa demande que dans le seul cas d un dossier saisi et mis sous scellé. Le médecin expert ne peut faire état que des éléments susceptibles d éclairer le magistrat et dans la limite de la mission qui lui a été donnée. Il doit taire tout ce qui ne saurait entrer dans le cadre de l expertise. Le médecin expert doit reconstituer l intégralité du scellé. Tout échange direct entre médecins est à proscrire. Le médecin expert ne peut divulguer son rapport à aucun tiers en dehors du juge, et surtout pas à la presse! De manière différente, dans le cadre des procédures civiles, les dossiers médicaux sont donnés par chaque médecin ou établissement au patient, qui les remet lui-même à l expert. Les éléments ainsi portés à la connaissance de l expert sont obligatoirement communiqués aux parties présentes à l instance. Toutefois, dans son rapport, le médecin expert ne retiendra que les éléments médicaux en rapport avec les faits générateurs de l instance. Numéro spécial secret médical I Médecins nov.-déc I 15

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17 Le secret médical et les autres acteurs de santé D Hippocrate à la loi du 4 mars 2002, le secret professionnel du médecin est une règle intangible de l exercice médical. Mais aujourd hui l exercice n est plus isolé, et de nombreux acteurs du soin interviennent dans la prise en charge d un patient. Quelles informations le médecin est-il autorisé à partager avec eux? Quelles sont les limites de ces échanges? L article 4 du code de déontologie le rappelle : le respect du secret médical est le fondement de l exercice médical (sauf cas de dérogations prévues par la loi). Mais dans l intérêt des patients sont apparus de nombreux cas dans lesquels le secret médical peut être «partagé» avec d autres personnes que le médecin et son patient. Cette tendance risque d ailleurs de s accentuer avec le développement des équipes de soins pluridisciplinaires ou de la télémédecine. La notion de partage des informations à caractère secret a été définie pour la première fois par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Selon l article L du code de la santé publique (csp), le partage d informations entre professionnels de santé ne se justifie que s il permet une meilleure prise en charge et une meilleure continuité des soins, et sauf opposition du patient. Le texte précise que les informations médicales confiées par le patient à une équipe hospitalière sont réputées confiées à l ensemble de l équipe (consentement présumé sans droit d opposition, al. 3, 2 e phrase). Plus récemment, la loi Fourcade du 11 août 2011 a donné des limites différentes au secret médical au sein des maisons et des centres de santé : consentement exprès du patient et droit d opposition à tout moment à un ou plusieurs professionnels de santé. Rien de précis en revanche concernant les soins de ville (généralistes, kinésithérapeutes, infirmiers, etc.). Pourtant, les professionnels libéraux forment eux aussi une équipe de soins, certes morcelée mais cohérente. On ne peut que regretter que la loi reste évasive sur ce point. Au conseil national de l Ordre des médecins, nous souhaitons que le législateur définisse mieux les limites du partage des informations à caractère secret en médecine de ville, afin de protéger les professionnels libéraux. De même, nous souhaitons qu une loi précise les limites du partage d informations entre professionnels du secteur médical et ceux du secteur social au sein de structures multidisciplinaires (Maia, Ehpad), actuellement en plein essor.» D r PatrICk Bouet I conseiller national de l Ordre et délégué aux relations internes du Cnom Numéro spécial secret médical I Médecins nov.-déc I 17

18 Cas pratiques «à la suite du décès de mon patient, suis-je autorisé à évoquer ses antécédents avec sa famille?» Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées aux ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour connaître les causes de la mort, défendre le mémoire du défunt ou faire valoir leur droit (sauf volonté contraire exprimée par le patient avant son décès). Par ailleurs, en cas de diagnostic ou de pronostic grave, et sauf opposition du malade, la famille et les proches peuvent recevoir du médecin responsable les informations leur permettant de soutenir leur proche directement (art. L du code de la santé publique et L A du code de sécurité sociale). D r Jean-François Cerfon I «j adresse un patient chez un cardiologue pour une suspicion d angiome cardiaque. Dois-je le prévenir que ce patient est par ailleurs diabétique?» «Deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent, sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, afin d assurer la continuité des soins ou déterminer la meilleure prise en charge». À condition, comme le prévoit la loi, que le patient soit informé des échanges d informations entre soignants et que ces échanges se limitent aux données «nécessaires, pertinentes et non excessives». Les médecins doivent ainsi être informés des médicaments que le patient prend afin d éviter d éventuelles interactions médicamenteuses, défavorables ou même néfastes, voire dangereuses Autre exemple : on pourra informer un confrère que le patient est porteur du vih, mais sans lui préciser comment il a contracté cette maladie. D r Jean-François Cerfon I conseiller national de l Ordre «Puis-je remplir un certificat médical en vue de l inscription de mon patient dans une maison départementale des personnes handicapées (MDPH), alors même que l équipe de cette structure est composée de professionnels des secteurs médicaux et sociaux?» La demande d inscription sera évaluée par une équipe technique pluridisciplinaire (médecin, infirmier, ergothérapeute, psychologue, spécialiste du travail social, de l accueil scolaire ) mais vous ne devez adresser les renseignements médicaux qu au seul médecin de ladite équipe, qui est chargé de communiquer les informations pertinentes et nécessaires aux différents membres de l équipe dans les limites de leurs attributions respectives et pour l exercice de leur mission. L équipe devra veiller à ce que la synthèse de l évaluation ne mentionne pas les raisons médicales qui motivent les orientations dans l établissement. D r Bernard Le Douarin I conseiller national et membre de la section Éthique et déontologie du cnom 18 I Numéro spécial secret médical I Médecins nov.-déc. 2012

19 Le secret médical les autres acteurs de santé «Le secret est-il réputé partagé avec les assistantes sociales d un hôpital?» Lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations qui la concernent sont réputées confiées par le malade à l ensemble de l équipe. Le consentement de la personne en tant que tel n est pas donc nécessaire, mais en revanche il convient de s assurer qu elle n est pas opposée à ce partage d informations. Le secret partagé s entend uniquement entre personnes chargées d assurer les soins. Cela peut concerner le partage des données du médecin avec l infirmière, avec un confrère de garde qui prend le relais de la prise en charge, voire l aide-soignante. En revanche, rien n autorise le personnel administratif, la secrétaire médicale ou encore l assistante sociale à partager les données médicales concernant un patient. D r PatrICk Bouet I conseiller national de l Ordre et délégué aux relations internes «mon patient âgé de 8 ans est atteint d un trouble envahissant du développement. Faut-il en informer son enseignant?» Il serait faux de croire que le médecin peut partager les informations qu il détient avec une personne elle-même tenue au secret professionnel (c est le cas des fonctionnaires). Le partage d informations médicales avec les assistantes sociales, éducateurs sociaux ou encore les enseignants n est pas permis par la loi. Il peut pourtant y avoir certaines dérogations. Par exemple, la circulaire n du 8 septembre 2003 évoque le partage de certaines informations entre les équipes médicales et éducatives. Il doit s effectuer avec l accord de la famille dans des conditions précises et doit avoir pour seule finalité une meilleure prise en charge de l enfant malade ou handicapé. L enseignant référent au cœur du dispositif doit donc être particulièrement vigilant au respect de la vie privée des élèves. D r Bernard Le Douarin I «mon patient s apprête à intégrer une maison pour l autonomie et l intégration des malades d Alzheimer (Maia). Puis-je communiquer des informations médicales à son gestionnaire de cas?» Le gestionnaire de cas est un professionnel du secteur social. Il est certes tenu au secret professionnel, mais l article L du code de santé publique stipule que seuls des professionnels de santé peuvent échanger des informations relatives à un patient. Par ailleurs, le réseau Maia n est pas un «réseau de santé» car il ne se limite pas à la prise en charge sanitaire de la personne, mais gère également sa situation sociale et financière. Il n existe pas de dérogation légale permettant un secret médical partagé au sein des Maia, alors que des échanges professionnels sont évoqués dans le cadre du réseau pluridisciplinaire des maisons départementales des personnes handicapées (art. L du code de l action sociale et des familles). Le Cnom considère que la multiplicité des acteurs intervenant au sein des Maia (médecins, infirmiers, acteurs de réseaux gérontologiques, conseil général, etc.), ainsi que l essor de ces structures médico-sociales nécessitent un outil législatif adapté. C est-à-dire une loi permettant d autoriser le partage d informations dès lors qu il est justifié par les missions des intervenants. Et pour davantage de clarté, pourquoi ne pas créer un répertoire des acteurs sanitaires et sociaux habilités à partager le secret médical, ou une liste des informations susceptibles d être échangées? D r Bernard Le Douarin I Numéro spécial secret médical I Médecins nov.-déc I 19

20 20 I Numéro spécial secret médical I Médecins nov.-déc. 2012

21 Le secret médical et L e-santé Informatisation des systèmes de santé et partage d informations : tout est affaire de conduite du médecin pour garantir la confidentialité et protéger les informations à caractère secret. L informatisation altérera-t-elle la préservation du secret médical? Cette interrogation est essentielle, mais elle ne doit cependant pas venir alimenter un préjugé sur les usages du numérique en médecine. Souvenons-nous. Dans l oralité, les données couvertes par le secret ne sont inscrites nulle part, sauf dans une oublieuse mémoire. Lorsque des notes sont prises se profile déjà le risque que celles-ci soient égarées, divulguées, lues, exploitées par des tiers non autorisés, surtout lorsque les dossiers ne sont guère protégés comme nous sommes familiers avec cela, aujourd hui nous n y voyons plus de risques L informatisation ne représente pas un danger supplémentaire. Ce peut être tout le contraire : bien conduite, l informatisation est un puissant moyen pour protéger les informations à caractère secret. Bien sûr, le risque d intrusion, curieuse ou malveillante, dans les systèmes d information existe. Ce risque doit être identifié et combattu par les outils de sécurité informatique. La lutte contre les cyberdélits et la cybercriminalité est une fonction régalienne, dans des domaines tout aussi sensibles que le domaine de la santé. Mais la plus grande faille est souvent liée à une négligence humaine. Début 2012, des résultats d analyses d un groupe de laboratoires étaient accessibles sur Internet, comportant l identité des patients Les procédures de sécurité informatique n avaient pas été respectées. Un peu comme une armoire contenant des dossiers qui ne serait pas fermée à clé. À clé informatique en l occurrence. Dans l oralité ellemême, Hippocrate avait souligné un risque, puisque le serment qui lui est prêté dit : «Ma langue taira les secrets qui me seront confiés.» N invoquons donc pas Hippocrate sans cesse! Qu enseignerait-il aujourd hui? Le Cnom affirme que la sécurité physique et informatique des systèmes d information est une exigence déontologique : cela repose sur l identification et la traçabilité des accès aux bases de données et le chiffrement de celles-ci. C est le sens donné à l engagement concret du Cnom dans la production et la diffusion de la cps 3. En reconnaissant que des dispositifs équivalents, prévus par la loi, sont aujourd hui indispensables. La cps 3 portant le logo de l Ordre comme carte ordinale est une carte unique d identification, d authentification et de signature électronique, clé d accès aux différents systèmes d information, et non contrainte à seule transmission des Fse par les médecins libéraux. Elle sert de clé d accès aux bases de données dans les cabinets médicaux, tous les établissements de soins, les Ehpad, d une manière générale toutes les structures de regroupement des professionnels de santé 1. Elle n autorise les accès qu en fonction du paramétrage de la base et elle garantit une protection du secret plus grande que les «transmissions papier» très souvent exposées au vu et au su de tous 1. À propos de cette nouvelle carte de professionnel de santé (cps), lire l article paru dans Médecins n 24 - juillet p. 7. D r jacques LuCAs I Vice-président du cnom, Délégué général aux systèmes d information en santé. Numéro spécial secret médical I Médecins nov.-déc I 21

22 Cas pratiques avec le D r jacques LuCAs I «je voudrais protéger les dossiers médicaux de mon cabinet en les confiant à un hébergeur de données de santé. Comment dois-je procéder?» «on me propose de participer à un site Internet qui donne des conseils par téléphone à des patients. Ce type de services peut-il porter atteinte au secret médical?» Tout d abord, le Cnom a exprimé ses mises en garde médicales vis-à-vis des conseils téléphoniques généraux, sauf lorsqu ils peuvent être organisés comme une éducation à la santé. Il est évident que les personnes qui sollicitent ces conseils donnent des informations à caractère personnel. Elles doivent le savoir. C est un droit de l usager et, en ce sens, nous avons engagé un partenariat avec la dgccrf. En ce qui concerne les médecins, l Ordre rappelle que le praticien qui aurait une activité de ce type doit avoir un contrat avec l opérateur de la plate-forme et que ce contrat doit être transmis pour visa au conseil départemental. Il en existe un modèle type sur le site du Cnom, car il s agit clairement d une prestation médicale. Celle-ci engage totalement la responsabilité civile et déontologique du praticien. Quant au «téléconseil personnalisé», le Cnom considère qu il s agit tout simplement d une forme de téléconsultation. Cette activité ne peut donc être mise en œuvre que conformément aux dispositions du décret «télémédecine» (décret n du 19 octobre 2010) à la confection duquel le Cnom avait participé, en particulier sur les garanties du respect du secret médical. Le Cnom a d ailleurs demandé aux pouvoirs publics une clarification juridique. Notre note d analyse juridique est sur notre site Web. Avant de répondre directement, il faut rappeler que le Cnom a demandé aux pouvoirs publics un débat public national sous la forme d une conférence de consensus pour définir très clairement dans une réglementation devenue confuse les conditions de recueil des données, de consentement du patient, du traitement informatisé des données personnelles de santé, et de leur hébergement. Ces données personnelles des patients peuvent se trouver sur le serveur du cabinet médical. C est la transposition informatique des «armoires à dossier». Le choix peut aussi être fait, notamment dans le cadre de regroupements de médecins et d autres professionnels de santé, de faire héberger les dossiers informatisés à l extérieur. C est votre question. La loi impose que ces hébergeurs soient agréés par le ministre en charge de la Santé, au terme d une procédure rigoureuse dans laquelle interviennent la Cnil et le Comité d agrément des hébergeurs, dont le Cnom est membre. Cet agrément est attribué pour une durée limitée, renouvelable. La Cnil effectue des audits aléatoires de contrôle. La liste des hébergeurs de données de santé agréés est disponible sur le site de l asip Santé ( L hébergeur doit fournir son attestation d agrément pour un type d application. Un contrat peut alors être signé, sans risque pour le médecin. Sa responsabilité pénale, civile ou déontologique ne saurait être engagée, en cas de faille dans le système de protection, dès lors qu il aura respecté les procédures attachées à la sécurité. Ce sujet peut paraître complexe dans l exposé théorique, alors qu il est très simple dans l usage concret. 22 I Numéro spécial secret médical I Médecins nov.-déc. 2012

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