DOSSIER SOUMIS À AUTORISATION AU TITRE DE LA LOI SUR L EAU :
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- Emma Lefèvre
- il y a 7 ans
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1 DOSSIER SOUMIS À AUTORISATION AU TITRE DE LA LOI SUR L EAU : AMÉNAGEMENT D UNE ZONE D EXPANSION DE CRUE SUR LE COURS D EAU DU RUISSEAU DE SAINT PÈRE Document d analyse du dossier pour le bureau mixte de la CLE du 30 janvier 2017 Historique du dossier Le dossier d aménagement de la zone d expansion de crue de Pleurtuit a déjà fait l objet d un avis de la CLE en août 2014 (voir avis en annexe). Le dossier avait reçu un avis défavorable car le projet d aménagement entraînait la destruction de zones humides, destruction interdite par l article 3 du règlement du SAGE. Le pétitionnaire a donc repris le dossier en justifiant la destruction par la nécessité de diminuer l aléa inondation. En effet, en 2010, suite à des épisodes pluvieux exceptionnels, des inondations ont été constatées sur la commune (inondation du silo à boues de la station d épuration et débordement de ses lagunes). Le dossier a été renvoyé aux services de l État pour un nouvel avis loi sur l eau suite à cette justification. Les services de l État n ont pas saisi la CLE sur ce dossier car aucune modification significative n y avait été portée depuis l avis émis par la CLE en août Cependant, la CLE s est autosaisie du dossier dans l objectif de regarder ce dossier en prenant en compte la nouvelle justification. Éléments du dossier Quatre rubriques de la nomenclature du code de l environnement (article R 214-1) sont concernées par le dossier d aménagement de Pleurtuit : : rejet d eaux pluviales dans les eaux superficielles ou sur le sol ou dans le sous-sol superficie du projet supérieure ou égale à 20 hectares autorisation : IOTA conduisant à modifier le profil en long ou le profil en travers du lit mineur d un cours d eau ou conduisant à la dérivation d un cours d eau sur une longueur supérieure ou égale à 100 mètres autorisation : installation ou ouvrages ayant un impact sensible sur la luminosité nécessaire au maintien de la vie et de la circulation aquatique dans un cours d eau sur une longueur supérieure ou égale à 10 mètres et inférieures à 100 mètres déclaration : assèchement, mise en eau, imperméabilisation, remblais de zone humide ou de marais non concerné < 0,1 ha mais concerné par l article 3 du règlement du SAGE révisé. La commune de Pleurtuit a connu des inondations en 2010 et souhaite diminuer l aléa inondation sur le ruisseau de Saint Père. Pour ce faire, elle a cherché une zone d expansion des crues en aval de l exutoire du réseau d évacuation des eaux pluviales qui donne dans ce cours d eau (eaux pluviales de la moitié du bourg). Parallèlement, deux nouveaux lotissements sont en construction sur la commune, juste à l exutoire de ce réseau d eaux pluviales. Ces nouveaux lotissements entraînant de l imperméabilisation, un nouveau débit d eaux pluviales doit être géré par le cours d eau de Saint Père. De plus, la commune semble souhaiter mettre en place une liaison entre les deux rives du cours d eau de Saint Père. Ces trois problématiques amènent la commune à proposer un dossier qui permet : - La diminution des à-coups hydrauliques par la création d une zone d expansion de crues - La gestion des eaux pluviales des nouveaux lotissements dans la zone d expansion de crues - La création d une voie entre les deux rives du cours d eau en utilisant la digue comme voirie.
2 Le projet propose donc trois aménagements principaux : 1. La création d un ouvrage de gestion des crues par mise en place d une digue Cette digue a pour objectif de retenir les eaux lors des phénomènes de crues en ne laissant passer qu un débit de régulation de 1900 L/sec (dimensionnement pour une pluie de retour décennal). Ce débit de régulation passera par deux ouvrages : un busage de Ø700 posé dans le lit actuel du cours d eau et un pont cadre de 600x400mm posé dans le cours d eau qui sera créé. Les dimensions de la digue sont : 9m de large en haut de digue, 14,5m de large en pied de digue, 40m de long et 1,1 à 1,5 de haut. La digue permettra la création d un bassin de crue avec un volume de stockage minimal de 2100m². L usage de cette digue n a pas encore été arrêté. Cette décision sera prise dans le cadre de la révision du PLU qui est en cours. Les 2 usages envisagés sont : création d une liaison douce type chemin piéton et piste cyclable avec belvédère sur la coulée verte ou voirie. Le dimensionnement proposé de la digue concerne l usage entraînant la plus grande emprise (la voirie). La création de cette digue entraîne la destruction 360 m² de zones humides sous l emprise de la digue. Elle entraîne également le busage de l ancien lit du cours d eau sur 15 mètres et du nouveau lit sur 13 mètres. Pour compenser la destruction des zones humides, le pétitionnaire propose de recréer 460 m² de zones humides en amont du projet, entre l exutoire du réseau d eaux pluviales et le by-pass. Cette recréation se fera par décaissement du terrain, rehaussement du cours d eau et apport d eau pluviales lors d épisodes importants. 2. La remise dans son talweg du cours d eau pour créer une coulée verte Le cours d eau actuel est incisé mais présente tout de même de beaux méandres. Son incision est certainement due aux à-coups hydrauliques qu il doit gérer lors des évènements pluvieux importants. Le projet propose de déplacer le cours d eau dans son lit naturel (suspecté). Pour permettre la création d un nouveau cours d eau de faible profondeur, le cours d eau en amont sera rechargé jusqu à 1m de hauteur. Pour limiter les à-coups hydrauliques dans le nouveau cours d eau, le projet propose d installer un by-pass. Les débits inférieurs à 210 L/s iront dans le nouveau lit et les débits supérieurs partiront dans le lit actuel du cours d eau qui sera donc conservé pour servir de bras de décharge. 3. La gestion des eaux pluviales des deux nouveaux lotissements Les deux nouveaux lotissements permettent l implantation de 40 nouveaux logements (la plupart de ces logements sont déjà construits). Cela engendre de nouvelles surfaces imperméabilisées, ce qui entraîne une gestion nécessaire des eaux pluviales. Pour gérer les eaux pluviales des lotissements, le projet propose de les intégrer dans le bassin de crue construit, en construisant toutefois un bassin de prétraitement en amont du bassin de crue pour filtrer les eaux. Deux parcelles ne peuvent pas être rattachées au bassin de crue car elles sont situées plus en aval. Pour ces parcelles, le projet préconise une gestion à la parcelle des eaux pluviales par tranchée drainante qui permet l infiltration. 1. Bassin de prétraitement déjà construit
3 Analyse du dossier Vis-à-vis de la réglementation du SAGE révisé, le projet concerne : - (indirectement) La disposition n 14 : Reconquérir les zones d expansion de crues et les zones tampons en bordure de cours d eau : [...] les volets milieux aquatiques des contrats territoriaux intègrent systématiquement [...] des mesures visant la reconquête des zones tampons et des zones d expansion des crues en bordure de cours d eau. Le projet vise la reconquête de la zone d expansion de crues du cours d eau de Saint Père. Il est donc compatible avec la disposition n La disposition n 25 : Lutter contre les surfaces imperméabilisées et développer des techniques alternatives de gestion des eaux pluviales (voir ci-dessous) - L orientation de gestion n 13 : «les zones naturelles tampons (haies / talus, bois, forêts, zones humides) sont des atouts pour gérer les eaux pluviales. Les zones humides peuvent servir à diminuer les à-coups hydrauliques ; toutefois, elles ne doivent pas être considérées comme des bassins de rétention». Pour savoir si le projet prend en compte cette orientation de gestion, il faudrait savoir si les eaux qui débouchent du réseau sont uniquement des eaux pluviales ou si le cours d eau y est intégré. Le dossier précise que le cours d eau «prend sa source à l exutoire»... Le bassin de crue a été dimensionné pour gérer uniquement les à-coups hydrauliques, de ce fait, cette orientation de gestion est a priori bien prise en compte. - L article 3 du règlement qui interdit la destruction des zones humides dont une des exceptions est «l existence d enjeux liés à la sécurité des personnes, des habitations, des bâtiments d activités et des infrastructures de transports existants». Les inondations relatées dans le dossier ont entraînées l inondation d un silo à boues et le débordement de lagunes. Une lecture stricte de l exception de l article amène à conclure que le projet est non-conforme à de l article 3 puisque ce ne sont pas personnes, habitations (...) qui sont concernées par les inondations. Le projet est intéressant car il propose d intégrer la renaturation d une zone dans un projet de gestion des eaux pluviales. Le projet cherche en effet à réalimenter la zone humide du lit majeur du cours d eau et à remettre le cours d eau dans son talweg pour lui redonner une meilleure morphologie. Intégrer les milieux naturels dans un contexte urbain en conservant une vallée verte est très intéressant. La concertation est également au cœur du projet : la commune a intégré à ce projet communal de gestion des eaux pluviales les deux lotisseurs des projets de lotissements adjacents au projet. Décloisonner les projets permet une gestion plus intégrée et efficace des eaux et ne peut être qu encouragé. Cependant, dans la mesure où le cours d eau subit déjà de forts à-coups hydrauliques dus au pluvial, il est étonnant que la commune n ait pas imposé dans le règlement du lotissement une gestion des eaux pluviales à la parcelle par infiltration. Ceci d autant plus que l infiltration est possible puisqu imposée sur deux lots qui ne pouvaient pas être reliés au bassin de rétention. Il est donc regrettable que la démarche de gestion des eaux pluviales n ait pas été poussée pour utiliser les techniques douces de gestion des eaux pluviales dans les lotissements. Le SAGE révisé demande d ailleurs la mobilisation de ces techniques par sa disposition n 25 (disposition n 25 : Lutter contre les surfaces imperméabilisées et développer des techniques alternatives de gestion des eaux pluviales). De plus, d un point de vue technique, la remise dans son talweg est une démarche intéressante. CEPENDANT, TEL QUE PRÉSENTÉ DANS LE PROJET, LE SYSTÈME NE FONCTIONNERA PAS (A PRIORI) POUR PLUSIEURS RAISONS : - Pour ce type de travaux, il est nécessaire de reboucher l ancien lit pour éviter un effet de drainage. Cet effet est d autant plus à craindre dans le présent dossier du fait de la proximité des deux lits (au plus large, environ 6 mètres sépareront les 2 lits) et de la forte incision de l ancien lit. Il est fort probable que l ancien lit provoque un effet drainant sur la nappe de la zone humide quand il n est pas eau. - Le cours d eau est un cours d eau de tête de bassin versant, donc soumis à une intermittence des écoulements. Pour ces cours d eau et pour qu une biodiversité s y installe, il est absolument nécessaire que la connexion avec la zone humide se fasse bien. Dans le cas du dossier, le nouveau lit ne sera pas connecté à la nappe puisque celle-ci sera interceptée par l ancien lit. Le nouveau cours d eau ne sera en eau que par les apports d eau pluviale. - Le nouveau cours d eau présente une forte pente et une sinuosité presque nulle (l ancien cours d eau présente une sinuosité bien meilleure). Avec ce faciès, si des enrochements sont prévus dans le nouveau cours d eau, ils seront évacués dès la première crue.
4 D un point de vue paysager, il semble d ailleurs plus intéressant d avoir un lit fonctionnel avec une belle biodiversité que 2 lits dont 1 très incisé. Pour ce type de projet, une démarche intéressante aurait été d axer la gestion des eaux pluviales sur un lit majeur fonctionnel. Par exemple, il aurait été intéressant de créer un nouveau lit dans le talweg avec un petit gabarit, une bonne rugosité (=un bon méandrage) pour diminuer l effet pente et un lit pouvant déborder des 2 côtés. Ce nouveau lit aurait été conçu avec un lit emboité peu profond (voir photo) qui aurait permis en basses eaux d avoir toujours un lit mineur intéressant et un lit de crues qui aurait permis le débordement vers la zone humide. Ce type de projet a déjà été mis en œuvre avec de très bons résultats, bien meilleurs que la gestion «bassin» envisagée. Par ailleurs, la création de la digue engendre la destruction de 360 m² de zones humides. Pour compenser cette destruction, le projet prévoit la recréation de 460 m² en amont. Très peu d éléments techniques sur cette recréation sont présentés dans le dossier ce qui ne permet pas de donner un avis technique. De plus, aucun élément n est donné sur la gestion future des zones humides (l actuelle et celles recréées). D ailleurs, il existe un réel conflit d usage sur la création de la digue. Si celle-ci est créée dans un unique objectif de gestion des eaux pluviales, son emprise pourrait être bien inférieure. Par exemple, dans le dossier de la renaturation de la vallée de l Adria à Pleslin Trigavou qui avait un objectif de gestion des eaux pluviales, ce même type d ouvrage a été construit en installant des gabions qui n avaient aucun impact sur la zone humide, puisque perméables à l eau. Le fait que cet ouvrage de gestion des eaux soit aussi utilisé comme voirie entraîne une augmentation de la surface de zones humides dégradées et un busage des 2 cours d eau sur une quinzaine de mètres. La lecture technique du dossier entraînerait donc à conclure que le projet ne serait conforme à l article 3 que pour une emprise de la digue correspondant à celle nécessaire à l installation d un ouvrage de gestion des eaux pluviales, donc non conforme en l état actuel du dossier. D autant plus que techniquement, l existence même de cette digue pour une gestion des eaux pluviales pourrait être évitée avec une gestion plus intégrée du cours d eau...
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