Parcours n 1 Les douze étapes du pardon authentique (d après Jean Monbourquette, " Comment pardonner? " Bayard 2001) Jean Monbourquette, prêtre et psychologue canadien, a développé les douze étapes qui permettent à la personne blessée et offensée de pardonner. Donner le pardon, c est possible. Mais le pardon est un chemin. 1 e étape : ne pas se venger et faire cesser les gestes offensants Pas de pardon possible tant qu on laisse l offenseur continuer ses gestes offensants. Pas de pardon possible tant que le désir de vengeance continue à ronger le coeur. Quels chemins trouver pour atténuer l agressivité, quels chemins trouver pour interpeller l offenseur? 2 e étape : reconnaître sa blessure et sa pauvreté Le psychisme humain met en place des mécanismes de protection contre la souffrance et contre la honte. Les reconnaître et les accepter permet cependant d avancer vers un pardon authentique. 3 e étape : partager sa blessure avec quelqu un Pour sortir de la solitude, prendre distance, se sentir compris. 4 e étape : bien identifier sa perte pour en faire le deuil Pour lui donner sa pleine importance, ni plus, ni moins. 5 e étape : accepter la colère et l envie de se venger car ils expriment des valeurs qui tiennent à cœur. Sans acceptation, on risque de les retourner contre un autre ou contre soi. 6 e étape : se pardonner à soi-même Se pardonner d avoir eu besoin de l autre, de s être montré vulnérable, de ne pas avoir su quoi dire, quoi faire. Pour retrouver la tolérance, la compréhension et la compassion pour soi-même. 7 e étape : comprendre son offenseur Pour distinguer la personne de l acte qu elle a posé. En acceptant aussi de ne pas tout comprendre 8 e étape : trouver dans sa vie un sens à l offense La blessure peut être l occasion d une croissance intérieure personnelle, et m apprendre à mieux connaître qui je suis. 9 e étape : se savoir digne de pardon et déjà pardonné Laisser tomber ses résistances intérieures à être aimé d un Amour inconditionnel. 10 e étape : cesser de s acharner à vouloir pardonner Le pardon n est pas une affaire qui se règle à coups de volonté. On touche aux limites personnelles du pouvoir de pardonner. Le croyant pourra s appuyer sur l aide d un Autre, le Dieu de l amour et du pardon.
11 e étape : s ouvrir à la grâce de pardonner S ouvrir à la présence d un Dieu d amour et de miséricorde, pour se laisser transformer et animer par Lui. 12 e étape : décider de mettre fin à la relation ou de la renouveler Le pardon n implique pas nécessairement la réconciliation, qui est parfois impossible ou imprudente. Celui qui pardonne peut simplement adopter une attitude de bienveillance envers l offenseur. Renouveler la relation demandera à l offensé comme à l offenseur de trouver de nouveaux points d appui. Document partagé par l UP Kerkebeek (Schaerbeek). Merci!
Parcours n 2 A partir du livre de Régine du Charlat : La Réconciliation, pierre de touche du christianisme, paru en 1997 aux Editions Desclée de Brouwer. 1. La déchirure «Vraiment ce que je fais, je ne le comprends pas : car je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais. (Rm 7,15). Nous sommes tous pris dans cette immense ambiguïté humaine qui nous emprisonne. En nous, une division fondamentale, une déchirure, au cœur de chacun, comme au cœur du monde. 2. A la racine Au commencement, il n y a pas le mal et le péché ; il y a le geste créateur de Dieu qui met l homme au monde et le lui confie. Ce serait pratique d être Dieu c est ce à quoi ont aspiré Adam et Eve, dans leur folie -, d avoir la main sur tout, d être sa propre origine, d avoir toute la connaissance Mais la véritable connaissance, Dieu seul en est capable, puisqu il est à l origine de tout. La vérité est de reconnaître que nous sommes avant tout disciples, invités à écouter. Nous ne sommes pas Dieu : là commence la foi, là commence l écoute. Il n y a pas à se lamenter sur la fondamentale ambiguïté humaine, il y a à se réjouir, car c est dans cette ambiguïté même que Dieu nous rejoint. Il ne nous demande pas de la fuir. Il nous demande au contraire de l accueillir. Il nous faut sortir progressivement de son désir de réussite propre, et entrer dans la vérité essentielle : Dieu nous aime tel que nous sommes. 3. La relation blessée Du premier mensonge «Vous serez comme des dieux, dit le serpent à Eve» - naît la chaîne de tous nos malheurs : ne plus être en paix avec soi-même et avoir mauvaise conscience. De la mauvaise conscience naît la rivalité. Pas capables d accueillir les autres dans un amour sans faille, dans un respect entier. Il s y mêle toujours de la recherche de soi : le besoin de dominer, le besoin d avoir raison, d être plus beau, plus intelligent etc. 4. Veux-tu guérir? Avons-nous vraiment le désir d une libération, d une transformation? Vouloir guérir de nos blessures suppose au moins trois dispositions : 1) Se reconnaître malade. Cela ne va pas de soi. Reconnaître sa division intérieure, ne pas faire l économie de la complexité ni du combat. Il s agit d être vrai. 2) Vouloir guérir suppose aussi d accepter de ne pas pouvoir s en sortir seul. Vouloir guérir, c est reconnaître qu on a besoin de soin. 3) «Veux-tu?» Nous sommes questionnés sur notre volonté, notre capacité à vouloir vraiment. Nous pouvons refuser d être guéris. Mais tel n est pas notre désir véritable. Encore faut-il que nous disions oui à ce désir, librement, volontairement, humainement.
5. Le Christ a tout réconcilié Nous arrêter aux pieds de Jésus, écouter sa parole, scruter sa vie ; là seulement nous découvrirons, émerveillés, le don de réconciliation qui nous est fait, au-delà de tout ce que nous pourrions imaginer. Jésus est notre réconciliation : «Dieu a tant aimé le monde qu il a donné son Fils» (Jn 3,16). On découvre un amour si grand qu il renverse nos façons de voir. Dieu n a pas besoin de notre vertu ni de notre perfection pour nous aimer et se rendre solidaire de nous. Il n y a pas de condition à son amour. Jésus se laissera broyer par le mensonge. N aurait-il pas pu l éviter? Son amour lui interdit toute domination sur autrui : «la puissance se déploie dans la faiblesse» (2 Cor 12,9). Le plein consentement à la logique de cet amour-là et de cette vérité-là. Il est lui-même cet amour et cette vérité-là, et il ne faiblit pas dans le consentement à ce qui le constitue lui-même. C est pourquoi sa mort est une victoire : non pas la mort elle-même, mais la mort comme conséquence du consentement sans faille, de l amour sans faille. Alors, tout est retourné. La Résurrection est le retournement de toutes choses, c est le rétablissement de toutes choses dans leur vérité, qui est d être tournées vers Dieu. Tout est réconcilié. Là se manifeste que le péché n est pas et n a jamais été le premier mot ni le dernier. Car la Résurrection montre l impuissance du péché à mettre en défaut l amour de Dieu. Le Pardon est un des noms de la Résurrection. Il est l amour qui rend la vie, là où le péché avait meurtri l amour. 6. Morts au péché Le cœur de l Evangile est dans cette libération définitive des forces du mal, dans le pardon offert, le salut, la joie de savoir jusqu où va la tendresse de Dieu. Lorsque nous donnons au péché la première place, nous nions de fait la résurrection du Christ et ses effets en nous. C est souvent notre tendance spontanée. Nous sommes au contraire invités à entrer dans le bouleversement de nos perspectives en commençant par accueillir le don de la réconciliation, par nous recevoir nous-mêmes comme «des vivants déjà revenus d entre les morts» (Rm 6, 13). Le paradoxe est que nous ayons à entrer progressivement dans ce qui est donné dès le commencement. Car nous marchons vers le commencement : nous sommes déjà ressuscités, mais la Résurrection doit encore s accomplir en nous, atteindre toutes les fibres de notre être, transformer tous les moments de notre histoire. La réconciliation nous est donnée, mais elle doit faire son chemin, petit à petit, en nous. 7. J irai «J irai vers mon père» : c est la décision que prend le «fils retrouvé» de la parabole de l Evangile, lorsqu il mesure à quelle impasse effrayante l ont mené sa volonté d indépendance et sa vie de désordre. Il se lève et il va. Il retourne chez lui, il se retourne. Ainsi pour nous : lorsque nous connaissons, dans la douleur, nos refus et nos défaillances, notre péché, se lève en nous le désir d un geste, d une parole de réconciliation avec l autre ou avec Dieu. C est le fondement tout simple du sacrement : trouver un lieu, un geste, une parole qui nous fasse entrer, concrètement, par notre corps, dans la réconciliation offerte par Dieu.
8. Je dirai La réconciliation passe par l aveu, par une parole. Avant, nous sommes dans la germination, la rumination. L aveu, comme toute parole, est d abord relation. Avouer, c est aller vers quelqu un d autre que soi pour dire. L aveu est aussi un acte libérateur qui fait le tri entre la mauvaise culpabilité, la mauvaise conscience et la véritable faute. La mauvaise conscience est signe de confusion : quelque chose de diffus, de pas net, nous laisse tourmenté. L aveu nous fait sortir de cette confusion. L aveu nous libère encore parce qu il nous met à notre juste place. Par l aveu, nous posons un acte de liberté responsable qui nous rend à notre vérité essentielle. Il y a bien des formes d aveux ; celui du sacrement n est pas le seul. On peut aussi le pratiquer en famille, en couple, avec les enfants, dans le travail, dans la communauté chrétienne, entre amis etc. 9. Connaître son péché Comment connaître son péché vis-à-vis de Dieu, sinon en le regardant, lui, et en nous laissant regarder par lui? «il m a aimé et s est livré pour moi» (Gal 2,20). En levant les yeux sur le visage de Jésus crucifié, nous commençons à comprendre l ampleur de son amour pour nous, et dans le même temps, l ampleur de notre péché. Nous ne savions pas. «Pourquoi me persécutes-tu?» dit le Seigneur à saint Paul qui ne savait pas non plus ce qu il faisait. Et Jésus, juste avant de mourir : «Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu ils font». Ainsi, avant même de savoir, ou en même temps que nous savons, nous sommes pardonnés. 10. S ajuster à Dieu pas à pas A quoi bon, puisque cela ne change rien? Nous étions vraiment sincères, animés d un vrai désir. Et pourtant, nous récidivons, souvent. Notre volonté peut être réelle, mais encore fragile, insuffisamment affermie. C est tout un travail d accéder au véritable vouloir, c est toute une vie pour ajuster notre désir de Dieu, pour entendre de lui ce que nous sommes en vérité et pour y consentir. Nous pouvons interpréter la répétition incessante de nos fautes comme un échec et une impuissance à vouloir. Nous pouvons aussi y voir les pas d une laborieuse progression vers une volonté plus ferme, vers un ajustement plus grand de la Parole de Dieu. Nous n accédons que progressivement à nousmêmes. 11. Je te pardonne Le pardon de Dieu nous ressuscite chaque fois à la vraie vie. Il est une révélation sur Dieu : «Dieu de tendresse et de miséricorde, lent à la colère, plein d amour».