L omble chevalier (Salvelinus Alpinus) ( A. Champigneulle, C. Gillet, G. Monet) Table des matières I. Omble chevalier: biologie et diagnose... 2 II. Omble chevalier: production des juvéniles... 2 A. Obtention des oeufs... 2 B. Maîtrise de la production d'estivaux... 3 III. Omble chevalier: impact du pacage... 3 IV. Extension du pacage lacustre d'omble... 5 Bibliographie... 7 Annexe : Restauration du stock d omble au Léman par pacage lacuste.8
I. Omble chevalier: biologie et diagnose L'omble chevalier se trouve en France en limite sud de son aire de répartition en Europe. Dans les lacs français, l'espèce boucle la totalité de son cycle de vie en lac. Le présent article traite uniquement des aspects du pacage pour ce type de population. Depuis le XIXème siècle, de nombreuses tentatives d'introduction d'omble ont été pratiquées dans des lacs français. L'omble est une espèce autochtone seulement dans le Léman (74) et le lac du Bourget (73); un doute subsiste dans le cas du lac de Paladru (38). Avant le programme pacage lacustre, dans le Léman et le lac du Bourget il y avait néanmoins eu quelques introductions ponctuelles de juvéniles d'ombles d'origine scandinave. Les pêcheries d'omble chevalier au Léman et au Bourget ont connu un important déclin au cours des années 1960-1970 au cours de la phase d'eutrophisation de ces lacs. Les analyses physico-chimiques suggéraient que la désoxygènation des zones profondes était une des causes probables de cette raréfaction de l'omble en provoquant de fortes mortalités des oeufs. Cette hypothèse a ensuite été vérifiée par des études suisses (RUBIN, 1990) menées en bathyscaphe sur les principales omblières du Léman. Ces travaux ont montré que dans la fin des années 80 et au début des années 90, malgré la réduction du phosphore, source de l'eutrophisation, les conditions physico-chimiques des omblières (oxygène et probablement mauvaise qualité du sédiment) n'étaient pas favorables à une forte survie des oeufs. Cette dernière a été évaluée à moins de 10%. Les premières décisions prises dans le cadre du programme pacage lacustre ont été de stopper tout projet d'introduction d'omble non autochtone et de réorganiser le repeuplement uniquement à partir d'oeufs récoltés sur des géniteurs capturés sur les omblières traditionnelles du Léman et du Bourget. L'élevage des juvéniles a été pratiqué jusqu'au stade d'estivaux, principal stade de relâcher dans les lacs étudiés. II. Omble chevalier: production des juvéniles A. Obtention des oeufs Plusieurs omblières sont connues au Léman, parmi lesquelles les omblières profondes (80 à 120 m) de la partie française du Léman, à Meillerie et au Locum qui sont reconnues (RUBIN, 1990) comme étant parmi les plus importantes. L'organisation de la récolte d'oeufs a été optimisée (utilisation de filets à mailles de 50 mm pour accroître la capture de femelles sans trop prendre de mâles, filets posés sur les omblières traditionnelles et relevés après une seule nuit, récolte des ovules mûrs sur les bateaux juste à la relève des filets, stabulation en pisciculture des femelles non ovulées et encore vivantes). Parmi ces dernières, celles qui ovulent dans la semaine suivant la capture sont fécondées, fournissant près de 30% du nombre total d'oeufs récoltés. 2/8
L'effort de pêche est réparti sur au moins trois semaines entre la fin novembre et Noël pour couvrir la majeure partie de la période de reproduction naturelle. Plusieurs milliers de géniteurs sont utilisés provenant des principales omblières connues du Léman. Cette nouvelle organisation permet, dans le cas du Léman, de recueillir plus des 2/3 des ovules potentiels et de maintenir un bon rendement, voisin de 1400 oeufs/femelle capturée et avec des oeufs de bonne qualité (CHAMPIGNEULLE et al., 1995). B. Maîtrise de la production d'estivaux Les principales caractéristiques de l'élevage de l'omble chevalier ont fait l'objet de synthèses récentes (GILLET et BRETON, 1992; GUILLARD et al., 1992). Les oeufs ont un diamètre moyen de 4,5-5 mm et la quantité d'oeufs égouttés est de 11 à 13000/l. Les alevins issus des oeufs de géniteurs capturés sur des omblières du Léman sont élevés en bacs sur aliment sec. A la pisciculture de Rives les alevins sont élevés dans de l'eau pompée au Léman à une profondeur de 28 m et ayant une température variant dans la gamme 5-15 C. Les phases d'incubation, de résorption et de début de nourrissage se déroulent bien entre 5 et 8 C dans des auges d'alevinage classiques en salmoniculture. Les ombles chevalier d'origine sauvage (Léman ou Bourget) acceptent dès le départ une alimentation sèche de type aliment à truite de bonne qualité mais sous réserve d'une distribution fréquente par nourrisseur. Un débit minimal de 1,5 l/mm/kg est conseillé jusqu'au stade 1 g à 8 C. La suite de l'élevage se déroule bien entre 8 et 12 C mais quand la température dépasse 12 C, la pathologie devient difficile à contrôler. Après la phase de démarrage en auges, la production de juvéniles se poursuit à la pisciculture de Rives en bacs de 2-3 m³ munis chacun d'un distributeur d'aliment à tapis. Les juvéniles occupent toute la colonne d'eau dans les bacs protégés de la lumière solaire directe par un couvercle entrouvert. La mise en charge généralement pratiquée en phase finale d'élevage en été est de 8-9 préestivaux de 3-5 cm/litre avec un taux de renouvellement en eau voisin de 2 fois/heure et une hauteur d'eau de 60-70 cm. La biomasse finale est de 15-20 kg/m³. On manque de données comparatives rigoureuses sur l'usage des deux types de bacs (bacs rectangulaires ou bacs à courant circulaire) mais tous les deux peuvent être utilisés avec de bons résultats (GILLET et LAURENT, données non publiées). Le tri au stade de préestivaux de 3-5 cm permet d'accroître la proportion de grands estivaux (6-9 cm), plus homogènes en taille et ayant un bon coefficient de condition (CHAMPIGNEULLE et al., 1995). L'allongement de la durée d'alimentation journalière améliore la croissance et l'homogénéité des lots. III. Omble chevalier: impact du pacage La pêcherie d'omble au Léman a connu au cours des années 1960-70 un important déclin en grande partie lié à l'eutrophisation qui a entraîné de fortes mortalités sur les oeufs pondus dans le lac. 3/8
Après l'effondrement des prises annuelles à moins de 5t/an, sous l'effet du pacage, ces dernières sont remonté à 60-90t/an qui est le niveau des captures les plus élevées historiquement déclarées sur ce lac au début du sciècle. L'objectif de gestion actuellement fixé est de les soutenir à ce niveau et de mettre l'accent sur la valorisation de cette ressource retrouvée. Le programme s'est déroulé sur des lacs où il y avait des possibilités de récolte d'oeufs sur des géniteurs sauvages, ce qui est un cas favorable sur les plans génétique et économique (diminution du coût des oeufs). Les pêches sont réalisées avec la collaboration des pêcheurs professionnels sous la direction du Service Pêche de la DDAF et du CSP (Conseil Supérieur de la Pêche) et avec le suivi scientifique de l'inra. L'organisation de cette récolte d'oeufs a été optimisée au Léman où elle permet de recueillir plus des 2/3 des ovules potentiels. La survie dans l'écloserie dépassant 75 %, le taux de survie entre l'ovule potentiel et le stade estivaux dépasse 50% alors qu'il a été estimé à moins de 2% dans la situation actuelle des lacs. Les recaptures ont été évaluées à 40-50 kg/1000 estivaux relâchés. La bonne potentialité de l'omble pour le pacage mise en évidençe au Léman a été confirmée sur d'autres lacs (Bourget, Aiguebelette et Laffrey) où de bons résultats ont été régulièrement obtenus avec des relâchers de poissons âgés de 5 mois à 1 an. Au Bourget les captures, en relation avec le pacage lacustre, sont passé entre 1987 et 95 de 0.5 à 6 t/an, valeur supérieure à celles du début du siècle. Une campagne de marquage a montré un taux de recapture pondérale de 55-60 kg pour 1000 estivaux et numérique d'au moins 11% malgrè les petites tailles au relâcher (4-5 cm). Plus de 80 % des captures proviennnent du pacage. Des relâchers tests dans les lacs du Bourget, d'aiguebelette et de Laffrey ont également démontré la possibilité d'obtenir de bons résultats, y compris en petits lacs, avec des juvéniles d'un an (9-15 cm) d'origine lémanique domestiqués relâchés en automne-hiver et issus d'un stock de géniteurs constitué en pisciculture à partir d'ombles du Léman. 4/8
L'omble chevalier est une très bonne espèce pour le pacage lacustre lorsqu'il est réalisé avec des juvéniles nourris alors que les pratiques de relâchers massifs d'alevins vésiculés étaient le plus souvent inefficaces. Des trois espèces testées, c'est celle qui a donné les résultats les meilleurs et les plus réguliers dans les lacs suivis. A titre de comparaison, les prises actuelles dans les lacs étudiés sont du même ordre de grandeur que les captures annuelles d'omble chevalier déclarées sur l'ensemble des lacs suédois. Les effets sont bénéfiques à la fois pour pour les professionnels et les amateurs. L'omble chevalier du lac est réapparu sur les étales des poissonniers et à la carte de certains restaurants. Pour les pêcheurs amateurs il y a à la fois une augmentation du nombre de permis et de surcroit un accroissement et une régularisation des captures par pêcheur. Un point important est que les ombles déversés au stade de juvéniles sont également présents au stade de géniteurs sur les omblières traditionnellles profondes du Léman et du Bourget. Le pacage lacustre offre donc des possibilités de constituer ou de reconstituer des stocks de géniteurs sauvages. Cependant pour que le recrutement naturel puisse être effectif il faut qu'il y ait en plus la présence de sites de fraie en quantité et qualité (substrat propre et bien oxygéné) suffisantes. Il y a donc une priorité absolue à la réhabilitation du milieu si l'on souhaite à terme retrouver une ressource naturellement renouvelable dans les lacs subalpins. Les données de recaptures recueillies au Léman et au Bourget confirment la très grande efficacité du pacage lacustre d'omble avec des estivaux. A titre de comparaison le pacage marin d'omble ou de truite (JONSSON et al., 1994) avec des poissons plus âgés donne des taux de recapture inférieurs à 20 kg/1000 1+. Les taux de recaptures obtenus en lac avec des estivaux d'ombles sont supérieurs à tous ceux observés avec de la truite 0+ et même supérieurs à ceux observés dans de nombreux cas (y compris au Bourget) avec la truite de 1 an et plus. IV. Extension du pacage lacustre d'omble La pratique raisonnée du pacage lacustre d'omble est un bon outil de gestion et de valorisation halieutique. Des trois espèces testées c'est probablement l'omble chevalier qui peut donner les meilleurs résultats dans les plans d'eau profonds, froids et suffisamment oxygénés en profondeur. Il existe probablement, sous réserve d'une exploitation et d'une gestion piscicole bien adaptées, un potentiel de pacage lacustre d'omble à développer dans d'autres plans d'eau froids, profonds et/ou suffisamment oxygénés, y compris les barrages-réservoirs. L'utilité du pacage exige que le recrutement en juvéniles soit un facteur limitant majeur. Dans le cas par exemple de petits lacs d'altitude, si le recrutement en juvéniles n'est pas le facteur limitant, il est tout à fait déconseillé de pratiquer des déversements surdensitaires en juvéniles. Dans certains plans d'eau où l'espèce a déjà été introduite, c'est plutôt la mise en exploitation des stocks actuellement sous-exploités qui serait à développer pour améliorer la croissance des survivants. Il existe des plans d'eau comme celui de Paladru en Isère où la réintroduction de l'omble peut être envisagée. Ce lac est suspecté d'avoir eu une population d'omble ancienne à ponte littorale (MACHINO, 1991) qui aurait disparu avec l'eutrophisation du lac. 5/8
Dans les lacs français, la pratique du pacage lacustre d'ombles reste encore limitée du fait de la faible disponibilité en oeufs ou en juvéniles et elle fait parfois appel à des oeufs importés de Scandinavie. Les travaux menés à la Station INRA de Thonon par GILLET (1991) montrent qu'il est possible, en partant de géniteurs sauvages autochtones, de boucler le cycle d'élevage en pisciculture et d'avoir ainsi une production d'oeufs qui peut être étalée sur plusieurs mois grâce à la maîtrise de la température et de la photopériode pour les géniteurs. Il est probable que ces techniques permettront dans un proche avenir une extension du pacage lacustre. 6/8
Bibliographie CHAMPIGNEULLE A, GERDEAUX D. 1995 - Survey, management and recent rehabilitation of the Arctic charr (Salvelinus alpinus) fishery in the French-Swiss Lake Leman. Nordic J. Freshw. Res., 71, 173-182. GILLET C., BRETON B. 1992 - Research work on Arctic charr (Salvelinus alpinus) in France - broodstock management. Buvisindi Icel. Agr. Sci., 6, 25-45. GILLET C. 1991 a - Egg production in an artic charr (Salvelinus alpinus) brood stock : effects of temperature and photoperiod on the timing of spawning and on the quality of eggs. Aquat. Living Resour., 4, 109-116. GUILLARD J., GILLET C., CHAMPIGNEULLE A. 1992 - Revue bibliographique. Principales caractéristiques de l'élevage de l'omble chevalier (Salvelinus alpinus) en eau douce. Bull. Fr. Pêche Piscic., 325, 47-68. JONSSON N., JONSSON B., HANSEN L.P. 1994 - Sea ranching of brown trout (Salmo trutta). Fish. Mgmt and Ecology, 1, 67-76. MACHINO Y. 1991 - Répartition géographique de l'omble chevalier (Salvelinus alpinus) en France. Diplôme Supérieur de Recherches (Sciences Naturelles). Univ. J. Fourier, Grenoble 1, 1 vol., 438 p. RUBIN J.F. 1990 - Biologie de l'omble chevalier (Salvelinus alpinus L.) dans le Léman (Suisse). Thèse Docteur es Sciences en Biologie. Univ. de Lausanne, 1 vol., 169 p. 7/8
Annexe : Restauration du stock d'omble au Léman par pacage lacustre 8/8