6. La salive La salive est la première sécrétion digestive. Elle est sécrétée par les glandes salivaires. Elle joue un rôle essentiel de par ses propriétés lubrifiantes. Pour les ruminants, les glandes salivaires sont les "glandes du rumen" dont elles contrôlent le contenu hydrique et le ph du réticulo-rumen. 6.1. Formation et production de salive La salive est formée par différentes glandes salivaires : parotides, sous-maxillaires (ou mandibulaires), sous-mandibulaires et sublinguales (fig. 6.1.). Chez les bovins, le mufle possède des glandes salivaires ce qui explique son humidité permanente (fig. 6.2.). Les parotides qui sécrètent une salive séreuse produisent les 2/3 de la salive chez l'homme. Figure 6.1. : Les glandes salivaires du chien Zygomatique Parotide Sublinguale Mandibulaire Figure 6.2. : Le mufle des bovins. Le mufle chez les bovins est humidifié par des sécrétions salivaires. Le mufle devient très sec en cas d'hyperthermie fébrile car ces sécrétions salivaires sont diminuées ou supprimées. Glandes salivaires du planum labiale 47
Selon leurs structures histologiques on reconnaît des glandes séreuses (parotides), des glandes muqueuses et des glandes mixtes (sous-maxillaires). L'unité fonctionnelle de la glande salivaire est nommée salivon (par analogie au néphron du rein) (fig. 6.3.). La structure histologique du salivon est donnée dans la figure 6.4. La formation de la salive est assurée par une sécrétion primaire des acini (sécrétion de protéines, d'eau et d'électrolytes). La sécrétion active du Cl - est à l'origine de la production de salive. Cette sécrétion est une ultrafiltration plasmatique primaire. Elle va subir des modifications ductulaires (salive secondaire) avec une réabsorption du Na + et de K + (figure 6.5.). La salive devient hypotonique (100 mosm). La nature hypotonique de la salive facilite son rôle de solvant dans la fonction gustative (goût salé). Cette double étape dans la formation de la salive explique l'existence d'un double réseau capillaire (fig. 6.6.). Ce réseau capillaire est dilaté par la bradykinine et le VIP ce qui est nécessaire pour assurer un flux important de salive (la sécrétion salivaire maximale excède le débit sanguin basal). La production quotidienne de salive est de 1 L/j chez l'homme, 10L chez le porc, 40L chez le cheval et 200L chez les bovins. Figure 6.3. : Le salivon est l'unité fonctionnelle des glandes salivaires. Les glandes salivaires sont formées par des bouquets d acini reliés au canal excréteur. L unité fonctionnelle est appelée salivon (par analogie au néphron pour le rein). Canal excréteur sang Acini 48
Figure 6.4. : Structure histologique des glandes salivaires. Cellule à mucus Cellules séreuses : sécrétion d un liquide filant riche en amylase Possibilité d acinus mixte 49
Figure 6.5. : Formation de la salive. Les cellules acineuses sécrètent l amylase, les mucines et les électrolytes (en concentration identique au plasma). Comme pour la plupart des glandes exocrines, la sécrétion primaire est modifiée dans le canal excréteur. Les cellules canalaires réabsorbent activement le sodium (contre du K+) et sécrètent du bicarbonate. Formation de la salive secondaire Production de salive primaire Acini Canal Figure 6.6.: Formation de la salive : double réseau de capillaires Capillaires des cellules acineuses Capillaires des tubules 50
6.2. Régulation de la sécrétion salivaire La régulation de la sécrétion salivaire est essentiellement nerveuse. La prise de nourriture stimule la sécrétion salivaire : stimulation à partir des récepteurs de la zone buccale pour les monogastriques mais également de l'œsophage et du réticulo-rumen chez les ruminants. C'est ainsi que "l'amer" entraîne une hypersialorrhée. La transmission de l'information vers le système nerveux central est assurée par le nerf lingual (V) et le glosso-pharyngien (figure 6.7.). La stimulation centrifuge est assurée par le facial et le glosso-pharyngien qui sont les nerfs sécrétoires des glandes salivaires. L'acetycholine est le neuromédiateur impliqué. Les récepteurs muscariques de type M1 sont responsables de la sécrétion hydroélectrolytique. Les récepteurs muscariques de type M3 sont impliqués dans la contraction des cellules myoépithéliales des acini. Le système sympathique (via les récepteurs β2) entraîne la production d'une salive épaisse (muqueuse) (notion de bouche sèche). On notera la possibilité de réflexe conditionné. Chez les ruminants, le débit salivaire (parotides) est continu avec des modulations de la sécrétion basale par la rumination et la prise de nourriture. L'atropine ne bloque pas les sécrétions salivaires parotidiennes. La sécrétion salivaire est limitée ou supprimée pendant la fièvre (mufle sec des ruminants). Figure 6.7. Innervation des glandes salivaires. Les voies sensitives (via le glossopharyngien pour le tiers postérieur de la langue et le facial pour les 2/3 antérieurs de la langue) font synapse dans les noyaux du tractus solitaire (formation réticulée). Les voies sécrétrices sont représentées par le facial (glande sous-maxillaire et sublinguale) et par le glosso-pharyngien (parotide) Tractus solitaire Facial 51
6.3. Composition de la salive La salive est essentiellement composée d'eau, d'électrolytes, de mucine (mucopolysaccharides et glycoprotéines) et de produits antibactériens. Le tableau 6.1. précise la nature des principaux éléments formant la salive. La composition de la salive varie avec son débit de production. Tableau 6.1. Composition de la salive 1- Eau 97%-99.5% Humidification du bol Assure la flottaison de l herbe Donne un milieu liquide au rumen qui est dépourvu de glandes sécrétoires Solubilise les substances (goût) 2- Mucine (glycoprotéine) lubrification pour la déglutition 3- Bicarbonates (Na)-tampon pour le rumen 4- Enzymes Amylase salivaire chez quelques espèces (porc; oiseaux) 5- Produits antibactériens IgA, Lactoferrine, lysozyme 6.4. Les rôles de la salive Tableau 6.2. Principaux rôles de la salive Lubrification du bol Flottaison de l herbe Déglutition/rinçage de la bouche Contrôle de la flore buccale o Propriétés antivirales, antibactériennes & antifongiques Activité enzymatique o Porc, oiseaux Thermorégulation Cicatrisation des plaies Entretien de la fourrure, du poil La salive est très riche en eau (97-99%) ce qui joue un rôle essentiel chez les herbivores dans la mastication et la déglutition. L'eau salivaire est nécessaire au "transport" de l'herbe par l'œsophage qui se fait par "flottaison" ce qui explique l'abondance du flux salivaire chez les herbivores. 52
Chez les omnivores, l'eau salivaire humidifie le bol et facilite sa déglutition par la présence de mucines. Chez les carnivores, le rôle de la salive est plus limité compte tenu de la riche teneur en eau de la viande (tableau 6.2.). L'eau salivaire permet de solubiliser les produits ingérés et participe au goût. L'eau salivaire donne le milieu liquide du rumen qui ne contient pas de glande sécrétoire chez les ruminants. Chez les ruminants (tableau 6.3.), la salive a un rôle antimoussant (elle diminue la tensio-activité du contenu ruminal ce qui prévient le risque de météorisation). Elle joue également un rôle tampon (contrôle du ph ruminal) car le ph ruminal s'acidifie avec la production des acides gras volatiles (AGV). La salive des ruminants est riche en HCO 3 - et en PO 4 - (ph = 8.1) qui ont des propriétés tampon. La salive des ruminants contient de l'urée qui représente une source significative d'azote pour la synthèse protéique dans le rumen. Chez les monogastriques, le rôle tampon de la salive (riche en bicarbonate) est vu lors de reflux gastriques ou lors de vomissements (hyper-sialorrhée protectrice de la bouche et des dents). Tableau 6.3.: Les rôles spécifiques de la salive des ruminants Rôle tampon o Produits acides de la fermentation Recyclage de nutriments o Na, Cl, K, P, N (cycle de l urée) Propriété Anti-moussante (tensionaction) o Météorisation La salive contient de l'amylase et un certain rôle dans la digestion des glucides a été mis en évidence chez le porc et les oiseaux. La salive a un rôle thermorégulateur (le chat lèche sa fourrure, et la langue du chien en polypnée thermique est humidifiée par une hyper-sialorrhée pour augmenter la thermolyse insensible). La salive a un rôle antiseptique avec la présence dans la salive de nombreux produits antibactériens (IgA, lactoferrine, lysozyme ) et l'animal "se lèche les plaies". La salive est nécessaire au maintien de l'hygiène buccale. Les ruminants ont un comportement social de léchage important (auto et hétéroléchage). Lors de fièvre ce comportement est stoppé et le "poil devient sec". 53
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