Formerie dans l'oise,15 Mai 1942 Hier, Max et moi nous sommes fait arrêter. C'était des miliciens français, je me suis posée beaucoup de questions : que vont-ils me faire? Pourquoi Max et moi et pas d'autres? Qu'avais-je fait? Max devait se poser les mêmes questions que moi. Après une heure de route, je suis arrivée avec Max dans un endroit inconnu. On nous a regroupé avec d'autres personnes qui ont elles aussi été arrêtées. Nous sommes passés un à un devant plusieurs policiers qui nous ont posé des questions : notre nom et notre prénom, notre âge, notre métier. Nous avons tous un point en commun : nous sommes tous juifs. On nous a placés dans des baraquements rudimentaires, je suis séparée de Max car les hommes et les femmes n'ont pas le droit d'être ensemble. Pour que je puisse essayer de me nourrir, je fais la cuisine pour la Milice avec d'autres femmes. Les hommes, eux, doivent travailler dehors même par temps pluvieux, nous sommes surveillés toute la journée. Ce que nous mangeons n'est pas fameux, tout ce que nous préparons n'est que pour les miliciens. Mes journées se ressemblent, je ne fais rien de mes journées, le seul moment qui est un peu moins triste est le midi car je me retrouve avec les autres femmes. Elles ont toutes une histoire similaire à la mienne et voir que je ne suis pas la seule dans ce malheur me réconforte un peu. 29 mai 1942, Formerie dans l'oise Je ne sais pas comment je fais pour écrire. J'ai les doigts en sang.
Aujourd'hui, j'ai dû coudre l'étoile jaune avec la mention «juif» dessus sur tous les vêtements. C'est la dernière loi du régime de Vichy. Comme ça, on est facilement reconnaissable dans la rue. Du moins quand on peut sortir, cela fait maintenant deux semaines aujourd'hui qu'avec Max, nous sommes assignés à résidence. J'ai envie de partir loin d'ici, mais cela relève du rêve. Je pense à Max, j'espère que lui s'en sortira, il est encore relativement jeune. Avec ça dans la rue, on nous reconnaîtra encore plus facilement. On nous insultera, on nous regardera de travers. Moi, on me le fait déjà, car on sait qui est «différent». Je vais cesser d'écrire pour aujourd'hui. Je prie pour que demain soit un jour meilleur. 19 Juillet 1942, Drancy Je viens d'être arrêtée. La police est venue tôt ce matin à la maison. Les policiers ont frappé à la porte et ont vérifié que nous étions bien les bons juifs qu'ils devaient arrêter. Ensuite ils nous ont demandés de faire une valise avec de quoi survivre quelques jours, de la nourriture et des vêtements. J'ai bien dit survivre car maintenant c'est mon but. Je n'ai pas fermé les yeux de la nuit. Ces odeurs, cette chaleur, ces cris, ces pleurs, ma peur. La peur d'être emmenée, de mourir, de ne jamais revoir mon fils, Max. Cette peur qui me ronge de l'intérieur, qui m empêche de vivre, de survivre. Maintenant je ne suis plus qu'une juive, je ne suis plus une femme. Je suis comme déjà morte. Je suis pourtant rassurée que Max ait pu s'enfuir. Je suis heureuse car je sais qu'il aura une vie, une belle vie. Celle que je lui ai donné. Il vivra pour lui, pour moi, pour nous. Tous nos souvenirs me reviennent
en tête mais je sais qu'il y a de l espoir. Tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir. Je me souviens, cette phrase est la phrase de Max, de mon Max. Il l'a dit quand il a dû rendre son vélo. Il l'adorait, il m'a dit «L'espoir fait vivre alors, je vivrais dans l'espoir de revoir un jour mon vélo.». J'ai trouvé ça beau pour un jeune garçon. Il a 17 ans désormais et il sait se sortir des situations difficiles. Je suis sûre qu'il s'en est sorti. Je dois arrêter là, je ne veux pas qu'on sache que j'ai un journal,sinon on me le prendra et je n'en aurais pas d'autres. Drancy 12 novembre 1942 Ce matin, une triste nouvelle est arrivée, les allemands ont encore augmenté leurs pouvoirs sur la France en envahissant la zone libre. L'espoir que notre pays soit un jour sauvé vient de reculer. J'ai perdu tout espoir d'être libéré de ces oppresseurs. J'ai entendu dire que les allemands ont franchi la ligne de démarcation la veille, maintenant ils dirigent entièrement la France, la peur s'est installée dans le cœur de tous les français. 4 décembre 1942, Drancy Aujourd'hui, c'est l'hanoucca 1. Je ne l'ai pas fêtée en famille malheureusement. Même si je garde espoir de revoir Max car c'est bien connu quand il y a de la vie, il y a de l'espoir. J'aurais préféré être avec lui mais je n'étais pas seule. On ne peut pas 1Hanoucca commémore la protection de Dieu aux Israélites et les miracles qui se sont produits à la même époque de l'année, il y a des siècles et des siècles. La fête célèbre le triomphe de la foi et du courage sur la puissance militaire,
faire l'hanoucca dans le camp, c'est triste. On doit rester enfermé dans nos chambre, on sort juste pour aller manger et faire ce que les nazis nous demandent de faire. Le camp est gris, personne ne sourit, personne ne rit, il n'y a plus de joie. Cette fête est normalement un moment de bonheur et ici ce n'est plus le cas, la peur et l'emprisonnement ont pris le dessus. Avant, on faisait un grand repas avec des petites friandises à base d'huile, enfin après on prenait le chandelier à neuf branches et on l'allumait pour le laisser brûler pendant huit jours. Je vais arrêter d'écrire aujourd hui, j'entends les gardes arriver pour vérifier que tout le monde est bien dans sa chambre. 11 décembre 1942 Aujourd'hui, les miliciens nous ont obligé à écrire notre appartenance à la religion juive sur notre carte d'identité, encore une autre de leur manière de nous distinguer des autres, comme l'étoile jaune sur nos vêtements qu'ils avaient déjà instaurée. On doit passer devant le bureau des miliciens pour qu'ils vérifient que nous sommes honnêtes en l'ayant noté. Je pense qu'il font ça pour identifier ceux encore en liberté. Le 18 février 1943, train direction Auschwitz Ça y est je suis dans le train pour aller à Auschwitz-Birkenau. C'est sûr je vais mourir, j'en ai entendu parlé et apparemment c'est un endroit horrible où les juifs sont martyrisés. J'ai entendu
dire des soldats nazis qu'ils avaient brûlé des personnes dans ce camps, qu'ils les avaient enfermées dans des chambres à gaz. Làbas, je n'aurais aucune chance, mais je vais me battre. Je vais tout faire pour rester en vie le plus longtemps possible et continuer à écrire autant que je le pourrais. Ils ne peuvent pas m empêcher d'écrire, j'ai le droit. Pour que le monde sache ce que nous avons subi. On ne peut pas ignorer une telle chose. Je ne serais pas une juive comme tout le reste non. Mon nom restera gravé dans toutes les mémoires. Je sais ce qui m'attend mais tant qu'il y a de la vie, il y a...