Les éoliennes réduisent les émissions de CO 2 : réponse à ceux qui en doutent mai 2006 Par Xavier Desgain, Conseiller politique à Ecolo et chercheur-associé à étopia ²
6 Page 2 sur 6 1. Réponse rapide La production d électricité renouvelable est assurée par des sources stockables disponibles à tout moment (bois et biomasse, biogaz, réservoir hydraulique, géothermie) et par des sources intermittentes dépendant de la météo (éolien et photovoltaïque). Lorsque la production des sources intermittentes diminue, les sources renouvelables disponibles à tout moment peuvent prendre le relais pour satisfaire la demande d'électricité. Dans ce cas, il n y a pas d augmentation des émissions de CO2 lorsque les éoliennes s'arrêtent! Les éoliennes sont donc efficaces pour réduire les émissions de CO2 du secteur de l électricité. Et il n'est absolument pas indispensable de remettre en route une centrale au charbon ou au gaz naturel et d'émettre beaucoup de CO2 pour compenser la perte de production éolienne, contrairement à ce que déclarent les détracteurs de l'éolien. Et cela ne pose aucun problème important pour les gestionnaires de réseau. 2. Réponses plus longues 2.1. Pas de problème jusqu'à 20% d'électricité éolienne D après l Apere et l EWEA 1, l expérience européenne montre que la part d électricité de source éolienne injectée dans le réseau peut monter jusqu à 20% sans grands changements techniques. L ensemble du réseau fonctionne en effet de toute façon selon un principe de variabilité (le courant injecté et consommé varie en permanence). Le fait d ajouter une technologie variable comme l éolien permet de réduire efficacement les émissions de CO2 du service électrique, sans nuire à sa qualité. Notre scénario prévoit 15% d'électricité éolienne en 2030. Pas de gros problèmes donc. Pour rappel, en 2004, le parc éolien belge (102 MW) a produit 128,4 GWhe soit 0,5% de la consommation finale. Les objectifs du secteur à l échéance 2009 s élèvent à 3% de la consommation finale 2. Dans la pratique, le parc de production d'électricité comporte toujours une capacité de réserve pour faire face soit à des pointes de consommation exceptionnelles soit à la défaillance d'unités de production (centrales nucléaire ou TGV par exemple). L'intermittence de la production éolienne est intégrée dans le calcul de cette capacité de réserve. Idéalement, les unités qui devraient produire lorsque les éoliennes sont arrêtées et que la demande l impose doivent se situer pas trop loin du point d'injection de l'électricité éolienne sur le réseau. C'est dans ce cas que la gestion du réseau est la plus simple. Plus ces unités sont séparées et éloignées les unes des autres et des zones de consommation, plus la gestion du réseau est complexe et plus le réseau de transport doit être adapté, ce qui n'est pas toujours le cas. Par ailleurs, à l'échelle européenne, les régimes de vent sont suffisamment variés pour assurer une production d'électricité éolienne de base continue. Dans ce contexte, il est plausible que 1 Le rapportd EW EA : Large-scale integration ofwind energy in electricity system s,new industry study released -Distortions and institutionaldeficiencies in European electricity markets are main barriers faitle pointsur la question de l intégration des éoliennes surles réseaux électriques surbase de l exam en de plus de 180 sources récentes parues surle sujetém anantdu secteur académ ique,de l industrie etdu secteurélectrique en Europe.http://www.ew ea.org 2 (Renouvele n 14)
6 Page 3 sur 6 des échanges d électricité éolienne conduisent à un renforcement du réseau de transport entre les pays européens, surtout si les capacités nucléaires sont maintenues à des niveaux élevés (il faut alors additionner les transferts constants d électricité nucléaire au transfert variable de renouvelables). 2.2. Quelques critiques du doctorant de la KUL 3 Joris Soens, de la KUL, a rédigé une thèse de doctorat 4 mettant en cause l'efficacité des éoliennes à réduire les émissions de CO2 et minimisant très fortement le potentiel de production éolien en Belgique. Les mesures de vent utilisées dans ce doctorat sont réalisées à 10 mètres de hauteur, et seulement en trois endroits en Belgique. Les éoliennes actuelles sont beaucoup plus hautes (100m) et captent des vents plus constants que ceux mesurés à 10 mètres. L étude postule que les unités qui doivent pallier l éolien sont des turbo-jets très polluants, alors que ceux-ci sont progressivement démontés et remplacés par des turbines au gaz beaucoup plus performantes. Enfin, l étude considère que la Belgique n est pas interconnectée au réseau de transport international qui peut justement assurer des compensations moins émettrices en CO2, notamment par l'importation d'électricité éolienne de zones soumises à d'autres régimes de vent. Ce sont donc systématiquement les hypothèses les plus défavorables à l'éolien qui ont été retenues. 2.3. La production et la consommation varient déjà constamment La consommation d électricité varie fortement sur la journée et sur l année. La production suit ce même mouvement. Des unités sont mises en service et arrêtées régulièrement pour suivre au mieux la demande d'électricité, les plus grosses unités assurent les plus grosses variations, saisonnières par exemple, et de plus petites, plus souples, assurent les variations quotidiennes, comme les pointes du matin et du soir. Ces centrales souples ont de très bonnes caractéristiques de démarrage et arrivent à leur rendement optimum et leur niveau de pollution minimum dans des délais excessivement courts. La production éolienne ne fait qu ajouter une variable supplémentaire qui doit être prise en compte pour la gestion du réseau. C est pour faciliter cette gestion que des logiciels de prédictibilité de la production des champs d éoliennes sont élaborés et utilisés. Notons que des entreprises wallonnes se spécialisent dans la prédictibilité de la production des parcs éoliens. C est un outil pour renforcer le soutien à la gestion des réseaux. Donc, pas de surprises pour les grosses variations de production éolienne. Nous soutenons par ailleurs la production décentralisée d électricité dans des centrales plus petites. Ces petites centrales apportent justement beaucoup plus de souplesse de production que les très grosses centrales. Elles facilitent la gestion des réseaux sur lesquels sont connectées les éoliennes. Cela constitue aussi un atout, mais il est évident que ce le développement de ces sources d'énergie nécessitera de nouvelles techniques de gestion des réseaux d électricité. Nous assistons donc aussi, derrière la critique des éoliennes, à une offensive du lobby des gros producteurs centralisés contre les petits producteurs décentralisés. 2.4. Comparaison des émissions de CO 2 de chaque source de production d'électricité Les détracteurs de l'éolien choisissent souvent comme source de rem placem ent de l'électricité éolienne les sources quiém ettentle plus de CO 2,comme le charbon,etconsidèrentque l'électricité 3 Eoliennes :un avantage écologique indiscutable,n en déplaise à la KUL,Edora,dans L écho,23.12.2005. 4 Joris Soens,Im pactofwind energy in a future powergrid,kul,décem bre 2005.
6 Page 4 sur 6 nucléaire ne produitpas de CO 2,ce quiest tout à faitfaux,com m e indiqué dans le tableau cidessous.ilfautparaileurs noter que d'autres études évaluentles ém issions de CO 2 du nucléaire à des niveaux plus élevés (130 g CO 2/kW he). Em issions de CO2 des principales sources d'électricité Source E m issions gco 2/K w he Eolien en mer 9 Biogaz 10 Hydraulique 10 Pom page 20 Eolien surterre 25 Nucléaire 30 Cogénération biom asse 55 Photovoltaïque 60 Com bustion biom asse 80 Cogenération 342 Gaz naturel 492 Autres 500 Com bustibles fossiles liquides 818 Gaz divers 900 Com bustibles fossiles solides 1090 2.5. Un réseau de distribution vétuste pose problème Dans certaines zones, les réseaux de distribution et les transformateurs sont assez vétustes et peuvent donc poser des problèmes lorsque des sources de production décentralisées y sont installées. Cela explique parfois le refus du distributeur d injecter le courant éolien à tel ou tel endroit du réseau. Mais cela vaut pour toutes les sources décentralisées! Une des difficultés pour la gestion des réseaux de distribution est liée au fait qu actuellement, ces réseaux fonctionnent à sens unique (de la grosse centrale vers les consommateurs, comme dans la télédistribution) et que les réseaux de distribution futurs devront pouvoir fonctionner à double sens. Les solutions techniques existent et sont déjà mises en œuvre chez certains de nos voisins. Cela bouscule toutefois le confort de certains gestionnaires de réseau de distribution. Le réseau n est donc pas suffisamment préparé à cette situation. 3. Le réseau de transport d électricité connaît d autres problèmes bien plus sérieux En effet,la libéralisation du marché de l électricité permetmaintenantà un producteurde vendre à n im porte quelclienten Europe sans préciser obligatoirem entle chem in physique em prunté par l électricité.ilen résulte des em bouteilages surle réseau internationalde transport.sicette question n est pas m ieux gérée au niveau européen dans les années quiviennent,on peuts attendre à des pannes réseaux im portantes. Dans la pratique, les transporteurs sont confrontés à des surcharges de courant non program m ées, voire non prévisibles. D ans certaines situations, ces surcharges m enacent directem ent la stabilité du réseau et le bon fonctionnem ent de certains transformateurs ou disjoncteurs.les lignes e les-mêmes peuventchaufferanormalem ent.ilestdéjà arrivé à Electrabel d être obligé d interrom pre la fourniture de courant à l un de ses gros clients pour réduire l intensité du courantsur le réseau de transporteten maintenirla stabilité. Cela a un coût,etcela m ontre que les problèm es actuels de stabilité du réseau ne sontpas dus aux éoliennes,mais bien à une libéralisation conçue sans régulation satisfaisante.
6 Page 5 sur 6 4. La réponse de la bergère verte à André Berger Le calcul utilisé par André Berger pour démontrer que les éoliennes contribuent à émettre beaucoup de CO2 se base sur l hypothèse que la compensation de la réduction de production d électricité éolienne est assurée par des centrales thermiques utilisant des énergies fossiles. Cela le conduit au raisonnement suivant : «A cause de l intermittence des éoliennes, il est absolument nécessaire que chaque MW de puissance installée en éolienne soit "couvert" par un MW qui peut être, lui, fourni sur demande immédiate pour suppléer au démarrage et à l'arrêt sporadique des éoliennes. Cette réponse immédiate à la carence des éoliennes est donnée par les centrales thermiques. Dans un tel cas, la production conjointe d'électricité par une éolienne de un MW et par une centrale thermique de un MW se monte annuellement (si l on suppose une disponibilité quotidienne moyenne de l éolien de 6h30) : (MW x 6,5 + MW x 17,5) x 365 = 8,76 GWhe dont 6,39 à partir de la centrale thermique. Celle-ci émettant quelque 800 gco2 par kwhe produit, elle rejette : 6,39 x 10 6 x 0,8 = 5,1 ktco2 L'installation conjointe de un MW éolien et un MW thermique conduit donc à une moyenne d'émission de : 5,1 x 10 9 /8,76 x 10 6 = 582 gco2/kwhe. La moyenne actuelle d'émission de CO2 en Belgique par le secteur de production d'électricité est de 323 gco2/kwhe L'installation d'éoliennes contribue donc à augmenter les émissions de CO2 de 80 % par kwhe produit» 5. Première critique, André Berger postule que ce sont des centrales thermiques qui produisent l électricité en cas d absence de vent en Belgique, et que ces centrales produisent 800 gco2/kwhe. Il considère donc que ce sont les centrales les plus polluantes (au charbon) qui pallient à l éolien. Il aurait pu prendre le gaz, plus rapide au démarrage, ou la biomasse, moins émettrice de CO2, ou encore le pompage, utilisable comme réserve d'appoint. Si, dans le calcul de A. Berger, on remplace le charbon par le gaz naturel, on obtient 332gCO2/kWhe, et si on remplace par la combustion de la biomasse, on obtient 58gCO2/kWhe, soit 5 fois moins que la moyenne d émissions de CO2/kWhe en Belgique. Si on remplace la source par le biogaz, on obtient entre 10 et 20gCO2/kWhe, soit 30 fois moins que la moyenne d émissions par kwhe, et si la source de remplacement est l'éolien d'une autre région, il n'y a alors aucune émission de CO2 supplémentaire. Deuxième critique, A.Berger raisonne comme si l électricité éolienne ne se substituait pas à une source d énergie! Or, évidemment, tout kwhe produit par éolien ne l est pas par une autre source. Ainsi, si l on considère que l éolien vient remplacer une production fossile, le raisonnement d A. Berger se retourne et devient : Lorsque les éoliennes produisent de l électricité, les centrales thermiques peuvent être arrêtées. Il en ressort une économie d émissions de CO2 qui se calcule de la façon suivante : 5 Eoliennes,énergie etco 2 en Belgique,A ndré Berger,Louvain-La-neuve,le 21 décem bre 2005
6 Page 6 sur 6 1Mwe produit sur toute une année : MW*24*365=8,76GWhe Produit totalement par la centrale thermique émettant 800 CO2/kWhe émet 8,76x10 6 x0,8=7ktco2 Si la production éolienne se substitue à la production de la centrale thermique fossile, alors on obtient le calcul suivant (en reprenant le calcul d après A. Berger) : «(MW x 6,5 + MW x 17,5) x 365 = 8,76 GWhe dont 6,39 à partir de la centrale thermique. Celle-ci émettant quelque 800 gco2 / kwhe produit, elle rejette : 6,39 x 10 6 x 0,8 = 5,1 ktco2 L'installation conjointe de un MW éolien et un MW thermique conduit donc à une moyenne d'émission de : 5,1 x 10 9 /8,76 x 10 6 = 582 gco2/kwhe» ce qui conduit donc à une diminution des émissions de CO2 par cette formule de 800-582=218 gco2/kwhe produit conjointement, ou encore à une diminution des émissions de CO2 de 1,9kT par an pour un MW produit conjointement. Les éoliennes contribuent donc bien à diminuer les émissions de CO2, même lorsque l on considère que ce sont des sources fossiles qui remplacent les éoliennes lorsqu elles ne produisent pas.