Enfants parrainés: que sont-ils devenus?



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Janvier 2005 N o 199 Enfants parrainés: que sont-ils devenus? Dans cette édition Donner sauve des vies Vivement la fin de mes études! Un séjour au CREN de l intérieur www.morija.org

Editorial: Les enfants, parent pauvre de l économie Sommaire De plus en plus de voix s élèvent pour ramener l enfance au centre des préoccupations des collectivités publiques, des ONG et des Eglises. L un de nos partenaires, de retour d Asie où il assistait à une conférence missionnaire internationale, rapporte: «Parmi les différents secteurs qui voulaient avoir voix au chapitre et attirer l attention des 1600 participants, ce sont les délégués à l enfance qui ont peut-être le plus marqué la conférence. Pour eux, les Eglises faillissaient à leur mission en ne consacrant qu une part minime de leur budget à l enfance, alors qu un tiers de la population mondiale actuelle a moins de 15 ans». Mais les Eglises sontelles les seules à blâmer, le cas échéant? Et vous, entendezvous cet appel? Les enfants ne constituent pas le monde de demain, selon une formule décidément mal consacrée, ils sont le monde d aujourd hui. Morija a mis l enfance en tête de ses priorités, forte qu elle est de ses centres de récupération nutritionnelle, de protection maternelle et infantile, de secours aux orphelins ou encore de ses écoles et centres de formation professionnelle. Comme les autres associations actives dans le parrainage, nous privilégions les actions de développement à long terme et insistons sur la formation. Nous avons opté pour un parrainage d action, plutôt que nominatif. En parrainant des enfants, vous permettez à nos partenaires locaux de travailler dans la durée, au service de tous les enfants de la communauté ou du village. Dans ce nouveau numéro de Morija, nous avons voulu laisser la place à des témoignages de vies transformées. Vous pourrez ainsi prendre la mesure, une fois encore, de l importance de votre soutien, et des fruits qu il porte. Déjà à partir de CHF 20. ( 13. ) par mois, vous devenez acteur d un projet humanitaire et offrez à un enfant les moyens de construire son avenir. «Nous n avons pas reçu le monde de nos parents, nous l avons emprunté à nos enfants», dit un proverbe africain. Joyeux Noël! L équipe de Morija Am a survécu (page 4) Je veux devenir infirmière (page 5) Nourrice à douze ans (page 6) ASSOCIATION HUMANITAIRE En Reutet 1868 COLLOMBEY-LE-GRAND Tél. 024/472.80.70 Fax 024/472.80.93 E-Mail: relat.publique@morija.org CCP 19-10365-8 Association sans but lucratif Fondée en 1979 selon les articles 60ss du Code civil Suisse MORIJA-FRANCE: Monsieur D. Barbuis Les Feuillantines, La Rouguière 13011 MARSEILLE Tél/Fax: 04.91.44.50.92 Compte bancaire: Crédit Mutuel, 13400 Aubagne 8972-253914-40 CCP 13.875-50 W 029, Marseille But: Aide aux plus déshérités d Afrique, du Sahel en particulier, sans distinction de race ou de religion. Les 3 piliers de l aide sont: le secours d urgence l amélioration des conditions de vie les projets de développement L esprit dans lequel notre aide est apportée prend ses racines dans l Evangile. Siège social: Collombey-le-Grand Vérificateur des comptes: Fiduciaire R. Künzlé SA Monthey Rédaction: Alliance Presse, Aubonne Mise en page: Jordi SA, Belp Impression: Jordi SA, Belp Mensuel d information Prix de l abonnement: CHF 25. / 15. Abonnement de soutien: CHF 50. / 30. Tout don supplémentaire est le bienvenu. MERCI

Don en espèces, ou don en nature? Au fil du temps, Morija a réussi à mettre à profit les compétences locales Je n avais jamais fait de don financier à une quelconque association. Sachant l ampleur des besoins, me suis-je toujours dit, qu est-ce qu un modeste don de ma part changera? Et, comment être sûr que ce peu d argent que je donnerai soit utilisé à bon escient? Par contre, l idée de me mettre à disposition d une organisation pendant un mois m intéressait. A la faveur d un tour du monde, nous avons fait halte avec deux amis au Burkina Faso, où nous avons contacté Morija pour leur proposer nos services en tant que bénévoles. Nous avons ainsi passé le mois d octobre à Ouagadougou. Joa et moi donnions des cours d informatique aux enseignants et aux élèves de l école Paalga. Quant à Monica, (photo en couverture) elle a mis ses compétences d infirmière au service du centre de récupération nutritionnelle (CREN), un des projets de Morija. Ce dernier accueille des enfants en bas âge souffrant de malnutrition grave. Ce sont surtout les familles démunies qui ont recours au CREN. Les enfants ne disposant pas d une alimentation adéquate, faute de moyens et de connaissances, ont souvent un retard de croissance et résistent mal à la maladie. Quand ces enfants tombent malades, leur état de santé général nécessite un séjour au CREN, où ils sont pris en charge par un personnel burkinabè compétent en matière de nutrition et de santé. Les familles peuvent accéder à ce type de soins moyennant une participation financière symbolique. Cet arrangement est rendu possible par des associations comme Morija qui couvrent une large partie des frais. Les personnes référentes sont toutes des Burkinabè. Au fil du temps, Morija a réussi à mettre à profit les compétences locales. Je me suis rendu compte qu il existe sur place des gens motivés, ayant le savoir-faire nécessaire pour mener à bien les différents projets. Ce qui manque, ce sont les ressources financières. Un don, aussi modeste soit-il, non seulement aide directement un enfant mais, dans bien des cas, lui sauve la vie. Les soins médicaux et la nutrition d un enfant au CREN pendant un mois coûtent moins cher qu un Une infirmière du CREN de Ouaga pose une sonde naso-gastrique CD Cela donne à réfléchir, surtout si la vie d un enfant est à ce (dérisoire) prix. Americo Pastore Pour un enfant un parrainage de CHF 50. ( 33. ) par mois, c est la possibilité: ü d être nourri et logé ü de recevoir les soins médicaux nécessaires ü de bénéficier d une bonne scolarité et d une formation professionnelle adéquate ü d être aimé et de s épanouir dans un contexte familial approprié Un enfant nourri à la seringue par sa mère

Tchad Que sont-ils devenus? Janvier 1998, en pleine saison froide. Plusieurs enfants prématurés sont hospitalisés dans notre pouponnière d Abéché avec leur maman. Parmi eux, la petite Am Kalssoum. Am Kalssoum ne pesait que 1 kg 100 à la naissance; on ne sait trop si elle va survivre. Sa maman craint pour elle. Elle Am Kalssoum (5 ans) en famille avec ses petits frères et sa mère tient aussi particulièrement à sa fille, car elle n a qu un autre fils de 7 ans. Dans la pouponnière, on peut toujours apercevoir un petit bout de son couteau qui dépasse de sous la natte. Lorsque la maman sort pour prendre une douche, elle emmène toujours son couteau: elle espère ainsi se protéger des mauvais esprits, et protéger son enfant. Sa voisine de chambre, également mère d une petite prématurée, lui dit toujours: «Tu sais, ce n est pas le couteau qui va te protéger, c est Dieu qui te protège. Il n a pas besoin de couteau!» «C est vrai», répond la maman d Am Kalssoum, sans pour autant abandonner son ustensile. Au fil des jours, Am Kalssoum grandit cependant et prend du poids. Au bout d un mois, elle peut rentrer à la maison avec sa maman. Le développement psycho-moteur des prématurés est souvent retardé Nous la revoyons régulièrement pour la pesée. Son poids évolue normalement, au contraire de son développement psycho-moteur, insuffisant. Ce qui n est pas rare chez les prématurés, du moins durant les premières années. Mais ensuite, lorsqu elle ne tient toujours pas assise à deux, ni à trois ans, nous réalisons qu elle gardera probablement des séquelles de sa prématurité. Une collègue montre alors à la maman des exercices de physiothérapie à faire pratiquer à sa fille. Un apprentissage laborieux, sans résultats apparents. Par la suite, sa maman déménage et nous perdons la famille de vue. Il y a trois semaines, par hasard, alors que j effectuais une visite à l hôpital, voici que surgit devant moi une femme qui me demande si je la reconnais. Bien sûr, c est la maman d Am Kalssoum. Après les salutations d usage, je m enquiers de la santé de sa fille. Elle va bien, maintenant. Je suis un peu sceptique et lui demande des précisions: «Tient-elle assise? A-t-elle appris à marcher?». Un grand sourire éclaire alors le visage de sa maman, qui me promet de m amener sa fille le lendemain. Quelle surprise de découvrir alors une belle petite fille de cinq ans en pleine forme, pareille aux enfants de son âge. C est une joie pour nous de voir qu elle a rattrapé son retard et qu elle ne garde aucune séquelle. Un régal pour les petits Le lait est très apprécié par nos petits du préscolaire. Dès que notre aide de classe arrive avec le précieux liquide, les enfants vont tout de suite se laver les mains et viennent s asseoir sur la natte, avides de recevoir leur ration Pour quelques-uns, elle fera office de petit-déjeuner. Quand il y a des absents, c est bien volontiers que les enfants en reprennent un peu. Ainsi fortifiés, ils s élancent à la découverte des chiffres et des lettres. Agathe Burrus et Carmen Weise 4 Les enfants du préscolaire se régalent

Je veux devenir infirmière Virginie: une belle jeune fille de 17 ans Je m appelle Virginie. J ai été recueillie à l orphelinat Betsaleel de Koumra étant bébé. Mon père vit dans un petit village à 35 km de Koumra. Après mes études primaires, j ai rejoint l orphelinat Eben-Ezer. Depuis 6 ans, je bénéficie ainsi, grâce à Morija, de tout ce dont j ai besoin pour mon épanouisse- ment et mes études (fournitures scolaires, habits, nourriture, suivi sanitaire, apprentissage, etc.). Dans un an, je passerai mon baccalauréat et mon ambition est de suivre une formation d infirmière. En plus de mes études au collège, j aime le tressage, le tricotage et la cuisine tchadienne. J adresse ma reconnaissance à tous ceux qui, à travers Morija, me soutiennent afin que je vive heureuse. Virginie Motoromé Coût du soutien mensuel de Virginie: CHF 80. / 53. Cameroun Vivement la fin de mes études! Je suis actuellement en troisième année à l école d infirmiers de Garoua, au Nord du Cameroun. Je me réjouis de terminer mes études, et de pouvoir débuter mon travail à la Protection Maternelle et Infantile de Koumra, un centre de Morija. Comme je suis moi-même orphelin depuis l âge de deux ans, je suis très sensible aux problèmes des enfants malnutris et sans famille. J aimerais partager avec vous les cas de deux enfants dont je me suis occupé dans le cadre d un stage au Centre de Santé de Morija à Guider. J étais dans un quartier de la ville avec le délégué de Morija, Samuel Ndoninga, pour une enquête. Une femme s approche de nous et nous présente son enfant, Mustapha. Il est âgé de 2 ans, il est très maigre, la peau collée sur les os, les cheveux marrons clairs, les yeux sortant des orbites, les fontanelles creuses, les lèvres sèches et des plaies sur la face. Il respire difficilement. C est un cas de marasme avancé, doublé de kwashiorkor (deux maladies liées à la malnutrition). Mon cœur se serre en le voyant. Je conseille à sa mère de le conduire rapidement au Centre de santé. Lorsqu elle arrive le lendemain, le cas est confirmé en consultation. La mère reçoit alors du lait et une formation en nutrition. L enfant est suivi jusqu à ce qu il reprenne son poids normal. Depuis, la femme revient régulièrement au Centre pour des contrôles et nous la visitons aussi dans le quartier. Maïramou a 33 ans. Comme beaucoup de femmes de la région, elle a accouché à domicile. Cela s est mal passé, et elle a perdu beaucoup de sang. Lorsqu elle est arrivée au centre, elle était très faible et n arrivait plus à parler ni à manger. Elle n avait bien sûr pas de lait pour son enfant. Grâce à de bons soins, elle a repris petit à petit des forces. L enfant a été nourri avec du Un enfant malnutri; Joël a connu cette situation lait en poudre et il a ainsi survécu. Ce ne sont que deux cas parmi tant d autres, mais deux enfants sauvés d une mort certaine. Les besoins sont grands dans nos régions, où les gens sont bien trop pauvres pour se faire soigner. Je me réjouis de finir mes études, afin de pouvoir pleinement me consacrer à les aider. Je remercie tous les donateurs qui, par leur générosité et leur amour, me permettent de suivre ma formation. Joël Donoyambaye Coût de la formation de Joël: CHF 200. / 134. par mois

Burkina Faso Nourrice à douze ans Paul, un petit orphelin de mère, avec sa nourrice Awa Je m appelle Awa, j ai douze ans. Orpheline de père et de mère, je suis issue d une famille très pauvre, d un village nommé Komkaga, à 45 km à l est de Ouagadougou la capitale. Après le décès de mon père puis de ma mère, le conseil de famille s est réuni et a décidé de nous confier, mes quatre frères et moi, à différentes familles. Nous avons donc été séparés les uns des autres. Puisque j étais l aînée, je devais rester dans la grande famille. Là, je suis devenue la fille à tout faire. 6 Quelques temps plus tard, en décembre 2003, un des oncles paternels de ma famille d accueil a perdu sa femme, laissant un bébé de six mois. Comme j étais à disposition pour toutes sortes de travaux, ce bébé appelé Paul Sawadogo m a été confié. Les orphelins sont mal vus chez nous parce qu on les tient pour responsables non seulement du décès de leurs parents, mais aussi des malheurs des autres. Etant moi-même orpheline, j étais donc la personne la mieux indiquée pour m occuper de lui. Je me suis ainsi retrouvée, à l âge de onze ans, responsable de ce bébé. Je devais en assurer la propreté, le nourrir (sans lait), le bercer, bref, m en occuper comme sa mère. Cela n était facile ni pour moi ni pour le bébé. Il était souvent malade. Son état de santé se dégradait de jour en jour et finalement, le 17 février 2004, j ai été conduite avec lui à la pouponnière Joschéba quand il avait 8 mois. De là, nous avons été envoyés au CREN de Ouagadougou pour une prise en charge parce qu il était atteint de malnutrition sévère. Nous y sommes restés 29 jours, presque délaissés par la famille. En effet, nous ne recevions que de rares visites. C est le CREN qui a pourvu à tous les besoins du bébé ainsi qu à ma nourriture. Nous avons même reçu quelques habits. Durant notre séjour au CREN, le bébé a bien grossi et tout le monde est émerveillé devant l exploit réalisé en collaboration avec le personnel de santé. J ai acquis un peu d expérience dans mon nouveau rôle de nourrice, et les autres mères au CREN m ont beaucoup aidée. Avec les causeries éducatives, je sais maintenant quels aliments lui donner pour éviter une rechute: ce sont des aliments locaux tels que le soumbala, les tourteaux d arachide, les poissons séchés ou les fruits, que je peux trouver facilement. De plus, Paul viendra tous les mois pendant un an à la pouponnière pour le suivi de sa santé et pour sa dotation de lait. Le jour où le CREN nous a laissés partir, je n ai trouvé personne pour nous ramener chez nous. Je suis restée 6 jours à attendre que quelqu un de ma famille vienne nous chercher. J ai passé un très bon séjour au CREN, heureuse d avoir pour un temps connu la paix, la tranquillité, l amour pour le bébé et pour moi, une certaine chaleur familiale un luxe pour une orpheline comme moi. Je tiens à remercier tous ceux et celles qui ont contribué à nous rendre la joie de vivre, à moi et à «mon bébé» qui a maintenant 14 mois. Propos recueillis par Yvonne Zouétaba Les mères du CREN préparent ensemble la bouillie Les autres mères m ont beaucoup aidée

Un séjour au CREN de l intérieur La petite Inès Bonjour, je m appèle Inès et je suis née il y a une année à Ouagadougou. Je suis le cinquième enfant d une famille très modeste. Mes parents sont cultivateurs et n ont que de très petits revenus. Ils ne parviennent pas toujours à nourrir tout le monde. Ma maman fait de son mieux, mais son lait ne suffit pas à me faire grandir, alors je suis bien petite pour mon âge. Il y a quelques semaines, je suis tombée malade. Ce qui m a fait perdre du poids et m a beaucoup affaiblie. Ma maman m a emmenée au dispensaire et là, on m a pesée: 5,2 kg pour 66,5 cm. Le médecin a dit que je souffrais d une malnutrition grave. Je dois être hospitalisée en urgence au CREN avec ma maman pour pouvoir être soignée et réalimentée. Les infirmières ont montré à ma maman comment préparer des bouillies équilibrées avec des aliments pas très chers du marché. Au début c était difficile. Ils m ont posé une sonde gastrique qui passe par mon nez pour aller dans l estomac. Cette sonde servait à m alimenter. Ça me faisait peur, et comme j ai essayé plusieurs fois de l enlever, ma maman à dû me mettre des gants pour que je ne puisse pas l attraper. Mon premier repas est à 6 heures, puis on me donne les médicaments avec mon deuxième repas à 10 heures. En tout, ma maman me donne 5 repas par jour. Je mange bien, mais je suis trop faible pour tout finir, alors elle m aide en me les injectant par la sonde. Il m a fallu 20 jours pour ne plus être malade et enfin Les enfants malnutris sont souvent trop faibles pour manger eux-mêmes prendre un kilo. Mon état est désormais stable, et mes jours ne sont plus en danger. Mais la meilleure nouvelle, c est Il m a fallu vingt jours pour guérir et enfin prendre un kilo qu on m a enlevé la sonde qui me dérangeait tant. Maintenant, je dois prendre mes repas et mes médicaments par la bouche; je fais de mon mieux mais ce n est pas toujours évident. Aujourd hui, je pèse 6,5 kg, et je mange bien. Ma maman a bien compris comment préparer les bouillies dont j ai besoin. On lui a aussi expliqué les différentes maladies que je peux attraper et ce qu elle devait faire. Comme elle a été une bonne élève, les infirmières nous laissent rentrer à la maison. Je suis encore trop petite pour mon âge: je devrais peser 8,5 kg. Les infirmières veulent donc me voir une fois par semaine pour contrôler mon poids. Si tout va bien, elles ne me pèseront plus qu une fois par mois. Elles continueront à me surveiller pendant une année pour être sûres que je ne tombe plus malade. Pour qu elle puisse bien me nourrir, le CREN offre à ma maman un peu de vivres chaque mois, le jour de la pesée. Ce jour-là, je retrouve plein d enfants qui, comme moi, ont été sauvés ici et qui sourient à tout le monde. J ai eu de la chance, je remercie ceux qui nous ont aidés. Monica (photo en couverture) 7

Sèche tes larmes Sèche vraiment toutes tes larmes MORIJA Tes enfants malades reprennent vie Tes malnutris espèrent en la vie Tes orphelins te prennent pour vraie mère Sèche vraiment toutes tes larmes MORIJA Tes enfants aspirent tous à ton sein Tes malnutris, eux te tendent les mains Tes orphelins attendent ton secours Sèche vraiment toutes tes larmes MORIJA Tes enfants malades t embrassent très fort Tes malnutris t oublieraient à tort Tes orphelins t acclament vivement Sèche vraiment toutes tes larmes MORIJA Tes enfants malades qui se régalent Tes malnutris du lait qu ils dégustent Tes orphelins tous, te félicitent Oumarou Toumba, CSI de Guider Un grand merci Tout au long de cette année, nous avons cheminé ensemble dans les larmes, comme dans la joie, donnant chacun à sa manière une parcelle de nous-mêmes. Ce journal, telle une gerbe, témoigne de ceux qui ont retrouvé le sourire et l espoir en une vie meilleure et qui vous disent: Joyeux Noël et bonne année!