G. Chayer récit
Je veux souligner que je ne suis qu une femme très ordinaire avec une fille extraordinaire. Par ses réactions, ses pleurs, sa rage, ses sourires, ses yeux moqueurs, sa passion pour la vie, j ai dû changer. J ai choisi de changer car elle continuait à m aimer malgré tout. La seule qui me parlait autrement qu avec des mots. Elle a su toucher mon âme. Elle a su défoncer ce mur que je lui présentais et elle a continué à croire en moi. Elle est toujours là. Si elle en avait été capable, je suis certaine que plusieurs fois, elle serait partie. Très égoïstement, je sais que la VIE arrange bien les choses. J ai dû aller à la rencontre de ce monstre qui sommeillait à l intérieur de moi pour le comprendre et l accepter. Vous verrez dans ces lignes à quel point je suis une femme ordinaire. Peut-être me jugerez-vous? Ce n est pas important. Si vous vous retrouvez à la lecture de nos moments les plus sombres, j espère que vous vous pardonnerez. Si vous vous retrouvez dans nos moments les plus tendres, je souhaite que vous preniez le temps de vous aimer. Marie m a pris la main pour que je découvre les qualités de mon cœur. J y ai mis beaucoup de temps, mais j y arrive tout doucement.
Qu est-ce que ça veut dire ce mot? Végétatif comme un légume? Non pas ma fille, pas toi! De plus, ce gentil médecin nous a confirmé que ton espérance de vie était de 13 ans : «Elle ne passera pas à travers la puberté, une étape très difficile pour un enfant!» Des mots que nous avions déjà entendus à ta sortie de l hôpital Ste- Justine de la part du jeune neurologue qui te suivait à ce moment-là et maintenant, de cet autre médecin de l hôpital Marie-Enfant et pourtant, le temps a prouvé le contraire. Tu as fait comme le Dr. Lafontaine nous avait dit. C est toi qui a décidé et à 41 ans, tu es toujours avec nous, débrouillarde et très vivante! WOW Marie! Je crois que les enfants, même les bébés, entendent ce qui est dit autour d eux. Comment as-tu compris ce que les savants médecins disaient à ton sujet Marie? On parlait de toi comme si tu n avais pas d avenir, comme si tu ne pouvais rien faire et tout ça devant toi, sans ménagement. As-tu ressenti ces paroles? Ou peut-être qu elles t ont poussée à aller au bout de toi-même. Qui sait. Souvent, j ai pensé à leur rendre visite et à t amener avec moi Juste pour leur démontrer que tu n as jamais vécu à l état végétatif et à quel point tu es charmante. Tu as triplé ton espérance de vie, tu marches, tu es autonome quant à ton habillement et à ton alimentation. Tu fais la vaisselle, tu dresses la table et tu es capable de montrer ce que tu veux à l aide de signes ou en pointant du doigt et j en passe. TOUT CELA, POURQUOI NE NOUS A-T-ON PAS DIT QUE ÇA FAISAIT PARTIE AUSSI DE CE QUI POUVAIT ARRIVER? Nous étions deux parents ébranlés par ce nouveau constat. Quel beau discours pour tes neuf mois, n est-ce pas, Marie? 56
Je crois que ça s est bien passé pour toi. Enfin, je veux le croire, car je n ai jamais eu tes commentaires. Je te répétais souvent que tu n étais pas la cause de ce divorce et que je t aimerais toujours. Avec du recul, je peux te dire qu à ton arrivée, j ai rapidement trop rapidement, arrêté de rêver. La détresse, trop souvent présente, m en empêchait. Je vivais en mode pilote automatique. Suite à des décisions marquantes comme le placement, la honte, la culpabilité et la tristesse se sont installées chez moi en permanence. Où étaient ma légèreté, ma joie de vivre? J étais heureuse quand tu l étais. Je ne me donnais pas le droit d avoir du fun dans la vie : ma fille était malade! Et si je le faisais, c était pour de courtes périodes, pour m étourdir. Mes inquiétudes prenaient le dessus sur tout le reste. De toute façon, comment pouvais-je vivre autrement? Je ne le savais pas. J avais décidé de te placer et je ne pouvais pas en parler. La douleur a été constante très longtemps. D ailleurs, je ne disais à personne l âge que tu avais lors de ton placement. Je me sentais beaucoup trop coupable. «Plains-toi pas.» Peux-tu croire que je t en ai même voulu d être malade et différente? Ma raison comprenait, mon cœur refusait. Je déteste toujours la maladie, mais je t aime à la folie. À ce moment-là, je l ignorais.