Introduction. XIII e siècles), Paris : Beauchesne, 1996 (Théologie historique, 103).



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Transcription:

Au point de départ du présent ouvrage est le projet d étudier la genèse du cimetière chrétien, dans l Antiquité tardive, avec l ambition d écrire les premiers chapitres manquants de l enquête de Philippe Ariès qui commence avec un homme déjà christianisé 1.Eneffet, si peu à peu, historiens et archéologues ont repris les dossiers des premiers siècles du Moyen Âge, précisé les étapes des transformations qui affectent les pratiques funéraires et renouvelé en partie les problématiques 2, l Antiquité tardive est comme restée à l écart, réduite à être une première étape sur la voie de transformations ultérieures ou marquée par le sceau des origines. C est ainsi que toute la tradition historiographique du christianisme ancien tient pour acquise l organisation par l Église de lieux de sépulture réservés aux chrétiens à partir du milieu du III e siècle quand les travaux des médiévistes ont montré que l institution du «cimetière chrétien» ne se fait qu au terme de transformations importantes qui affectent toute la société. Michel Lauwers a résumé récemment les caractéristiques de cette institution : il s agit d «espaces funéraires collectifs, destinés à l ensemble de la communauté des fidèles et réservés à eux seuls, plus ou moins strictement délimités retranchés de l espace ordinaire et consacrés rituellement par un 1. P. Ariès, L homme devant la mort, Paris : Seuil, 1977 (L Univers historique). 2. Pour m en tenir aux pratiques funéraires, je signalerais, pour l époque mérovingienne, la synthèse de B. Effros, Caring for Body and Soul : Burial and the Afterlife in the Merovingian World, Philadelphie : Pennsylvania State University Press, 2002 (je remercie l auteur de m avoir permis de lire son manuscrit avant publication) ; pour l époque carolingienne, C. Treffort, L Église carolingienne et la mort. Christianisme, rites funéraires et pratiques commémoratives, Lyon : Presses universitaires de Lyon, 1996 (Collection d histoire et d archéologie médiévales, 3) ; puis M. Lauwers, La mémoire des ancêtres, le souci des morts. Morts, rites et société au Moyen Aˆge (Diocèse de Liège, XI e - XIII e siècles), Paris : Beauchesne, 1996 (Théologie historique, 103).

6 Religion et sépulture représentant de l autorité ecclésiastique 3.»Or ce n est pas avant le tournant des XI e et XII e siècles que l Église a justifié l institution cimitériale, une fois que l abandon des nécropoles en plein champ, commencé aux VII e et VIII e siècles, est achevé et que s amorce le rassemblement de l habitat autour de l église et du cimetière 4.Sil Église a, dès les origines, pris en charge la sépulture des chrétiens, comment se fait-il que les législateurs ecclésiastiques du Moyen Âge n y fassent aucunement référence? Il paraît difficile d imaginer que les siècles obscurs ont effacé tout souvenir de l institution au point qu elle ait à être entièrement ré-inventée! Ce paradoxe historiographique, largement ignoré, m a poussé à rouvrir le dossier des origines du cimetière chrétien. L organisation par l Église de lieux de sépulture réservés aux chrétiens à partir du milieu du III e siècle n est pas aussi solidement établie que le veut la tradition historiographique. En réalité, les dossiers sont très lacunaires et leur interprétation repose souvent sur des idées préconçues ou sur des a priori apologétiques. Je ne reprendrai pas ici l examen détaillé des différentes pièces 5,sicen est pour souligner, dans le chapitre premier, l impasse dans laquelle se trouvent ces dossiers. Tournant donc le dos rapidement à une attitude négative, qui déconstruit la thèse de l existence de cimetières chrétiens, je m efforce de m engager dans une approche positive qui tente de comprendre le rôle revendiqué par l Église dans les relations des vivants et des morts dans l Antiquité tardive. Une préoccupation constante a été de replacer les pratiques des chrétiens dans le contexte des pratiques de leurs contemporains, juifs ou païens. Mais il ne faut pas préjuger non plus de la pertinence du critère de l appartenance religieuse. L élection de sépulture n est ainsi inscrite au programme d aucun des groupes dont la multiplication caractérise la vie religieuse dans l Empire à partir du III e siècle 6.Ceconstat 3. M. Lauwers, «Le cimetière dans le Moyen Âge latin : lieu sacré, saint et religieux», Annales. Histoire, sciences sociales, 54(5), 1999, p. 1047-1072, ici p. 1049. 4. Voir R. Fossier, Enfance de l Europe. 1, L Homme et son espace. X e -XII e siècle. Aspects économiques et sociaux, 2 e éd., Paris : Presses universitaires de France, 1989 (Nouvelle Clio, 17), p. 355-357 ; Archéologie du cimetière chrétien. Actes du 2 e colloque ARCHEA (Orléans, 29 septembre-1 er octobre 1994), textes réunis par H. Galinié et É. Zadora-Rio, Tours : Féracf/Simarre, 1996 (Revue archéologique du Centre de la France. Supplément, 11) ; M. Lauwers, art. cit. 5. J y ai consacré la première phase de mon travail : voir É. Rebillard, «KOIMHTHPION et COEMETERIUM : tombe, tombe sainte, nécropole», Mélanges de l École française de Rome. Antiquité, 105 (2), 1993, p. 975-1001 ; Id., «Les areae carthaginoises (Tertullien, Ad Scapulam 3, 1) : cimetières communautaires ou enclos funéraires de chrétiens?», Mélanges de l École française de Rome. Antiquité, 108 (1), 1996, p. 175-189 ; Id., «L Église de Rome et le développement des catacombes : à propos de l origine des cimetières chrétiens», Mélanges de l École française de Rome. Antiquité, 109 (2), 1997, p. 741-763. 6. Voir The Jews among Pagans and Christians in the Roman World, J.Lieu, J. North et T. Rajak (eds.), Londres ; New York : Routledge, 1992, et M. Beard, J. North, S. Price, Religions of Rome, Cambridge : Cambridge University Press, 1998.

7 résultant de l enquête présentée dans le chapitre deux ouvre la voie à d autres questions, en particulier celle de la participation des chrétiens à une des formes de pratiques sociales les plus courantes dans l Empire : l association, dont la fonction funéraire a pu être réévaluée, à la lumière de travaux récents, dans le chapitre trois. Tout regroupement de sépultures de chrétiens ne peut donc pas être interprété comme le noyau ou même une partie d un cimetière chrétien. Cela invite à procéder à une nouvelle lecture des données archéologiques, en particulier celles des catacombes romaines, mais ce ne peut être que l objet d un autre travail qui doit commencer par une enquête de terrain 7. Quittant les formes de sépulture collective, je m attache ensuite aux enjeux mêmes de la sépulture. Là encore, pour ne pas préjuger de la spécificité des chrétiens, je pars de l étude des représentations attachées à la violation de sépulture (chapitre quatre) dans la législation impériale et dans les mesures privées de protection des tombes (amendes funéraires et malédictions dans les épitaphes). Le corps semble être l objet d un souci nouveau, qui se traduit dans la définition du crime de profanation des corps par opposition aux atteintes au tombeau lui-même, seules prises en compte avant la fin du III e siècle. Ce souci se retrouve dans les nombreuses discussions sur le meilleur mode de disposition des corps qui ont lieu à un moment où, dans l Empire, on assiste à un lent passage de l incinération à l inhumation comme rite funéraire dominant. Il est à peu près admis aujourd hui que les croyances religieuses sont loin d être premières dans ce changement, et je m efforce de montrer que, contrairement à une opinion très répandue, la croyance chrétienne en la résurrection ne fait pas de la sépulture une nécessité religieuse. Au chapitre cinq est reprise la question posée par l empereur Julien de «la prévoyance des chrétiens pour l enterrement des morts» ou, selon une traduction qui me paraît être plus exacte, «le soin mis à enterrer les cadavres» 8. Cette difficulté de traduction souligne dès l abord combien la piété chrétienne à l égard des morts a pu être surévaluée, en partie parce que le devoir de sépulture a joué un rôle non négligeable, de façon bien compréhensible à propos des dépouilles des martyrs, dans la construction d une identité chrétienne tout au long du III e et au début du IV e siècle. Par la suite, toutefois, le discours pastoral n accorde plus que peu de place au devoir 7. Il faudrait notamment chercher à délimiter des unités à l intérieur des catacombes, non plus seulement dans une perspective diachronique, pour retracer leur développement, mais dans la synchronie, pour comprendre leur utilisation. 8. Je donne une première approche de cette question dans É. Rebillard, «Les formes de l assistance funéraire dans l Empire romain et leur évolution dans l Antiquité tardive», Antiquité tardive, 7, 1999, p. 269-282 ; cf. Id., «Église et sépulture dans l Antiquité tardive (Occident latin, 3 e -6 e siècles)», Annales. Histoire, sciences sociales, 54(5), 1999, p. 1027-1046, en part. p. 1032-1039 pour la sépulture des pauvres.

8 Religion et sépulture de sépulture parmi les bonnes œuvres. Quant à la sépulture des pauvres, elle fait bien partie de la stratégie des évêques pour promouvoir «cette autre cité» qu a si bien décrite Peter Brown 9, mais le rôle de l État, à travers l empereur pour Rome et Constantinople, à travers la cité pour le reste de l Empire, explique que ce thème soit si peu présent dans le discours et que les mesures concrètes soient relativement limitées 10. Les chapitres six et sept abordent deux aspects d une même question : le rôle que l Église revendique dans le soin et la mémoire des morts dans l Antiquité tardive, l un à travers la question de l existence d une liturgie chrétienne des funérailles, l autre à propos de la commémoration des défunts. Les premiers documents sur une liturgie des funérailles datent des VIII e -IX e siècles, comme d ailleurs les premiers rituels de bénédiction de l espace d inhumation 11, et, s il est possible de trouver l origine de plusieurs éléments de ces rituels dans l Antiquité, il est vain de vouloir reconstruire la plus ancienne liturgie de la mort. L Église n impose, ni ne propose, aucun rituel pour les funérailles d un chrétien aux IV e et V e siècles. La présence du clergé aux funérailles ainsi que la célébration de l eucharistie à un moment ou un autre reposent sur la seule initiative de la famille. C est la famille aussi à qui, en dernier ressort, l Église laisse la responsabilité de la mémoire des morts. La commémoration des défunts par l Église universelle, au cours de la liturgie eucharistique, est générale et anonyme, ne concerne que les baptisés et n offre pas d assurance de salut pour les pécheurs. Or les documents issus de la pastorale montrent des attentes un peu différentes de la part des chrétiens. L Église, dans l Antiquité tardive, semble plus soucieuse de fixer des limites strictes aux relations des vivants et des morts que de prendre en charge la mémoire des morts, ce qui peut expliquer non seulement que les chrétiens continuent les pratiques traditionnelles, mais aussi que l Église ne cherche pas à les interdire. Faut-il conclure avec Ramsay MacMullen que «pendant des siècles, le culte païen des morts fut un élément commun du christianisme»? Je ne pense pas que 9. P. Brown, Pouvoir et persuasion dans l Antiquité tardive. Vers un empire chrétien, trad. par P. Chuvin, Paris : Seuil, 1998 (Des travaux) ; cf. É. Rebillard, «La conversion de l Empire romain selon Peter Brown (note critique)», Annales. Histoire, sciences sociales, 54(4), 1999, p. 813-823. 10. Voir maintenant P. Brown, Poverty and Leadership in the Later Roman Empire, Hanover, NH : University Press of New England, 2001 (The Menahem Stern Jerusalem lectures). Je remercie l auteur de m avoir communiqué son manuscrit quand je rédigeais ces pages. 11. Sur ce point, voir D. Bullough, «Burial community and belief in the early medieval West», dans Ideal and Reality in Frankish and Anglo-Saxon Society : Studies Presented to J. M. Wallace- Hadrill, P. Wormald, D. Bullough et R. Collins (eds.), Oxford : Blackwell, 1983, p. 177-201, et C. Treffort, L Église carolingienne et la mort, op. cit., p. 141-143.

9 cela soit épistémologiquement très satisfaisant 12.Enrevanche, essayer de situer les pratiques liées au soin et à la mémoire des morts sur le spectre du profane au religieux, comme il suggère de le faire pour d autres pratiques, s avère, j espère le montrer, très fructueux. Le livre d Ulrich VOLP, Tod und Ritual in den christlichen Gemeinden der Antike, Leyde : Brill, 2002 (Supplements to Vigiliae christianae, 65) est paru après la rédaction du présent ouvrage. Nos deux livres ont le même sujet, mais des points de vue, semble-t-il, tout différents. U. Volp note dans le résumé anglais : «The universal and totalising claim that Christianity exercised on the life of the believers was not compatible with leaving death, burial, and the commemoration of the dead simply to the families and professional undertakers. The holy Christian texts demanded intervention in this sphere -given for example the centrality of the resurrection in the New Testament! (p. 270)». Je montre au contraire que l Église, dans l Antiquité tardive, n a pas la prétention à contrôler tous les aspects de la vie des chrétiens qui caractérise la chrétienté médiévale, et que, loin d avoir institué des «cimetières chrétiens», elle laisse à la famille le soin des morts. Ce livre a été écrit en grande partie à Princeton, à l Institute for Advanced Study, où j ai séjourné pendant l année universitaire 2000-2001 grâce à l invitation de la School for Historical Studies et au détachement accordé par le Département des Sciences de l Homme du CNRS. Pendant la phase de recherche, j ai pu bénéficier de nombreux échanges et de fructueuses discussions, en particulier avec Michel Lauwers et dans le cadre des rencontres organisées par Dominique Iogna-Prat sur la spatialisation du sacré à Auxerre en 1997. Pour leurs lectures et leurs commentaires à différentes phases de mon travail, je tiens à remercier Peter Brown, Martine Dulaey, Jean Guyon, Robert Markus et Claire Sotinel. 12. R. MacMullen, Christianisme et paganisme du IV e au VIII e siècle, trad. par F. Regnot, Paris : Les Belles Lettres, 1998 (Histoire), p. 155. Il est vrai que le partage entre le religieux et le profane ne relève pas du domaine de compétence exclusif de l Église, mais d une interaction complexe entre différents acteurs. Toutefois appeler christianisme l ensemble des croyances et des pratiques des chrétiens ne peut qu être source de confusions et relève de surcroît de l anachronisme. MacMullen emprunte en effet à Clifford Geertz la définition de la religion comme culture, sans noter cependant qu elle perd quelque peu de sa pertinence pour une société caractérisée d une part par le pluralisme religieux et où d autre part le christianisme, sans être culturellement hétérogène, est une religion «organisée» dont la transformation en religion «locale» est tout l enjeu de la christianisation. Cf. W. E. Klingshirn, Caesarius of Arles : The Making of a Christian Community in Late Antique Gaul, Cambridge : Cambridge University Press, 1994 (Cambridge studies in medieval life and thought, 22), p. 1-2 pour une discussion de ces notions.