Original : anglais N : ICC-01/04-01/07 OA 6 Date : 9 juin 2008 LA CHAMBRE D APPEL



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Transcription:

ICC-01/04-01/07-573-tFRA 24-07-2008 1/7 VW PT OA6 Original : anglais N : ICC-01/04-01/07 OA 6 Date : 9 juin 2008 LA CHAMBRE D APPEL Composée comme suit : M. le juge Georghios M. Pikis, juge président M. le juge Philippe Kirsch Mme la juge Navanethem Pillay M. le juge Sang-Hyun Song M. le juge Erkki Kourula SITUATION EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO LE PROCUREUR c. GERMAIN KATANGA ET MATHIEU NGUDJOLO CHUI Public Arrêt relatif à l appel interjeté contre la décision de jonction des affaires concernant Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui rendue le 10 mars 2008 par la Chambre préliminaire N ICC-01/04-01/07 OA 6 1/7 /paraphe/

ICC-01/04-01/07-573-tFRA 24-07-2008 2/7 VW PT OA6 Décision/ordonnance/jugement/arrêt à notifier, conformément à la norme 31 du Règlement de la Cour, aux destinataires suivants : Le Bureau du Procureur M. Luis Moreno-Ocampo, Procureur Mme Fatou Bensouda, procureur adjoint Le conseil de Germain Katanga M e David Hooper M. Goran Sluiter Le conseil de Mathieu Ngudjolo Chui M e Jean-Pierre Kilenda Kakengi Basila Mme Maryse Alié GREFFE Le Greffier Mme Silvana Arbia N ICC-01/04-01/07 OA 6 2/7 /paraphe/

ICC-01/04-01/07-573-tFRA 24-07-2008 3/7 VW PT OA6 La Chambre d appel de la Cour pénale internationale, Dans le cadre de l appel interjeté par Mathieu Ngudjolo Chui contre la Décision relative à la demande d autorisation d interjeter appel de la décision de jonction présentée par la Défense de Mathieu Ngudjolo Chui (ICC-01/04-01/07-384-tFRA), rendue par la Chambre préliminaire I le 9 avril 2008, Rend à l unanimité le présent ARRÊT 1. L appel est rejeté. 2. La Décision relative à la jonction des affaires concernant Germain KATANGA et Mathieu NGUDJOLO CHUI (ICC-01/04-01/07-307-tFRA) 1, rendue par la Chambre préliminaire I le 10 mars 2008, est confirmée. MOTIFS 1. Dans le cadre de la procédure qui a abouti à la confirmation des charges portées contre Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, le Procureur avait «demandé que les deux affaires soient jointes dès que possible au motif qu [il] avait toujours entendu poursuivre les suspects eu égard à leur coparticipation à la même attaque et qu [il] avait à cette fin initialement présenté une requête unique aux fins de délivrance de mandats d arrêt 2». Dans sa décision, la Chambre préliminaire a fait observer que les crimes qu auraient commis ces deux personnes découlent des mêmes faits, à savoir «l attaque conjointement menée par le FNI et [les] FRPI contre le village de Bogoro le 24 février 2003 3» et que le Procureur a demandé leur arrestation dans une requête unique. Prenant acte «des crimes qui auraient été commis pendant et après ladite attaque contre le village de Bogoro ; [du fait] que tous les éléments de preuve et toutes les pièces justificatives joints à la Requête de l Accusation se rapportent aux deux coauteurs présumés ; et [du fait] que l Accusation [lui] a demandé [ ] de joindre les affaires 4», la Chambre préliminaire a approuvé la jonction des instances dans un seul et même document présenté aux fins de l audience de confirmation des charges, en déclarant 1 Le mémoire d appel fait référence au document ICC-01/04-01/07-257 qui correspond au document ICC-01/04-01/07-307. 2 Le Procureur c. Mathieu Ngudjolo Chui, Décision relative à la jonction des affaires concernant Germain KATANGA et Mathieu NGUDJOLO CHUI, 10 mars 2008 (ICC-01/04-01/07-307-tFRA), p. 3 et 4. 3 Ibid., p. 6. 4 Id. N ICC-01/04-01/07 OA 6 3/7 /paraphe/

ICC-01/04-01/07-573-tFRA 24-07-2008 4/7 VW PT OA6 qu elle y était habilitée par le Statut de Rome 5 et le Règlement de procédure et de preuve 6 et que, ce faisant, elle agissait dans l intérêt de la justice en évitant des procédures répétitives. 2. La Chambre préliminaire I 7 a certifié le présent appel 8, interjeté concernant la question pertinente de savoir si «la Chambre a commis une erreur d interprétation de l article 64-5 du Statut et de la règle 136 du Règlement qui enfreint le principe de légalité 9». Dans la décision attaquée, la Chambre préliminaire a déclaré que «le sens ordinaire à attribuer à l article 64-5 du Statut et à la règle 136 du Règlement est que les accusés dont les charges ont été jointes doivent être jugés ensemble, et établit une présomption favorable à la jonction des affaires concernant les personnes poursuivies conjointement 10». L appelant conteste le bien-fondé de cette décision au motif qu elle serait contraire au principe de légalité, décrit comme le fondement de la justice pénale. Selon lui, la légalité implique «l antériorité définitionnelle des règles de fond et de forme fixées par le législateur en raison de l enjeu du procès pénal qui tend à réprimer les atteintes aux valeurs fondamentales de la société tout en veillant au respect des droits des personnes soupçonnées d avoir enfreint les lois pénales. La légalité pénale est la clé de voûte du droit pénal. Elle suppose que la nomenclature des infractions et des peines soit limitativement déterminée par la loi. Celle-ci est l auteur des infractions et des peines. 11» L appelant conteste l applicabilité de la Convention de Vienne sur le droit des traités 12, dont il considère qu elle ne revêt aucun intérêt pour l interprétation du Statut ou, au mieux, qu elle est secondaire par rapport au principe de légalité. 3. En somme, l appelant affirme que seule la Chambre de première instance a le pouvoir d autoriser la jonction des instances concernant deux personnes ou plus, poursuivies pour les mêmes charges ou des charges connexes. L article 64-5 du Statut et la règle 136 du Règlement ne disent pas autre chose. De l avis de l appelant, la Chambre préliminaire ne jouit pas d autres pouvoirs que ceux énoncés à l article 57 du Statut, et la réunion de criminels dans un même contexte, à savoir le document exposant les charges, aux fins de l audience de confirmation des charges n en fait pas partie. La Chambre préliminaire ne saurait s arroger un 5 «Le Statut». 6 «Le Règlement». 7 «La Chambre préliminaire». 8 En application de l article 82-1-d du Statut. 9 Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, Décision relative à la demande d autorisation d interjeter appel de la décision de jonction présentée par la Défense de Mathieu Ngudjolo Chui, 9 avril 2008 (ICC-01/04-01/07-384-tFRA), p. 8. 10 Le Procureur c. Mathieu Ngudjolo Chui, Décision relative à la jonction des affaires concernant Germain KATANGA et Mathieu NGUDJOLO CHUI, 10 mars 2008 (ICC-01/04-01/07-307-tFRA), p. 7 et 8. 11 Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, Acte d appel de la décision de jonction rendue par la Chambre préliminaire dans les causes Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo en date du 10 mars 2008, 21 avril 2008 (ICC-01/04-01/07-421), par. 15. 12 Convention de Vienne sur le droit des traités, Recueil des traités des Nations Unies, n 18232, volume 1155, p. 331 ; signée le 23 mai 1969 et entrée en vigueur le 27 janvier 1980 («la Convention de Vienne»). N ICC-01/04-01/07 OA 6 4/7 /paraphe/

ICC-01/04-01/07-573-tFRA 24-07-2008 5/7 VW PT OA6 tel pouvoir. Logiquement, elle n aurait donc la latitude ni de réunir deux personnes ou plus dans le même document ni de tenir une audience consacrée à la confirmation des charges portées contre ces personnes, et ce, même lorsque les charges sont communes et que les personnes sont accusées des mêmes crimes en tant que coauteurs. L appelant avance qu il ne serait «ni logique, ni efficace dans le cadre des procédures devant la Cour pénale internationale 13» de procéder ainsi. Ce que justifie la logique en la matière reste obscur, tout comme la source dont elle émane. La jonction d instances est une question de fond qui, de l avis de l appelant, est «soumise au principe de légalité 14». 4. Dans sa réponse 15, le Procureur rappelle que le coaccusé de l appelant, également visé par les charges qui doivent être confirmées à leur encontre, ne s est pas opposé à la jonction des affaires. Selon lui, quelle que soit la règle d interprétation qu on leur applique, l article 64-5 du Statut et la règle 136 du Règlement aboutissent inévitablement à la conclusion qu il est acceptable de réunir deux personnes ou plus dans un même document exposant les charges pour se prononcer sur la confirmation de celles-ci. RÈGLEMENT DE LA QUESTION POSÉE À LA CHAMBRE D APPEL 5. Contrairement à ce qu affirme l appelant, la Convention de Vienne indique bien comment interpréter le Statut et le Règlement. C est ce qui ressort de l Arrêt relatif à la Requête du Procureur aux fins d obtenir l examen extraordinaire de la décision rendue le 31 mars 2006 par laquelle la Chambre préliminaire I rejetait une demande d autorisation d interjeter appel : «L interprétation des traités, et le Statut de Rome n échappe pas à la règle, est régie par la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, et plus particulièrement par les dispositions des articles 31 et 32. La principale règle en matière d interprétation figure à l article 31 1, selon lequel : Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. 16» 13 Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, Acte d appel de la décision de jonction rendue par la Chambre préliminaire dans les causes Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo en date du 10 mars 2008, 21 avril 2008 (ICC-01/04-01/07-421), par. 23. 14 Ibid., par. 23-5. 15 Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, Decision on Prosecution Response to the Defence Document in Support of Appeal against Decision on the Joinder of Cases, 28 avril 2008 (ICC-01/04-01/07-455). 16 Situation en République démocratique du Congo, Arrêt relatif à la Requête du Procureur aux fins d obtenir l examen extraordinaire de la décision rendue le 31 mars 2006 par laquelle la Chambre préliminaire I rejetait une demande d autorisation d interjeter appel, 13 juillet 2006 (ICC-01/04-168-tFR), par. 33. N ICC-01/04-01/07 OA 6 5/7 /paraphe/

ICC-01/04-01/07-573-tFRA 24-07-2008 6/7 VW PT OA6 Dans ce même arrêt, la Chambre d appel poursuivait ainsi : «On obtient le contexte d une disposition législative donnée en considérant la sous section visée comme un tout à la lumière de la section de la loi considérée dans sa totalité. Ses objets peuvent être déduits du chapitre de la loi dont fait partie la section visée et ses buts, des objectifs plus larges de la loi, qui peuvent être déduits de son préambule et de la teneur générale du traité. 17» 6. Le principe de légalité commande de suivre les dispositions du Statut. La Chambre d appel va donc s y employer immédiatement. L article 64-5 est ainsi libellé : «La Chambre de première instance peut, en le notifiant aux parties, ordonner la jonction ou la disjonction, selon le cas, des charges portées contre plusieurs accusés.» 7. Le pouvoir de dissocier des charges portées contre plusieurs accusés présuppose qu elles se rapportent à une même accusation. Se pose alors la question de savoir qui approuve les charges exposées dans le document contenant les charges. Or c est la Chambre préliminaire, lors de l audience de confirmation. L idée que des charges peuvent être jointes est renforcée par la phrase introductive de la règle 136 du Règlement, aux termes de laquelle «[l]es accusés dont les charges ont été jointes sont jugés ensemble» à moins que la Chambre de première instance n en décide autrement 18. L expression «les accusés dont les charges ont été jointes sont jugés ensemble» repose sur l idée qu il est normal de réunir plusieurs personnes dans le même document contenant les charges. Dans le Statut ou le Règlement, personne n est considéré comme «l accusé» ni qualifié ainsi avant la confirmation des charges. Jusqu à ce stade, les personnes visées par les charges sont les personnes qui font l objet des enquêtes. 8. L interprétation qui est faite de l article 64-5 du Statut et de la règle 136 du Règlement s accorde avec l objet du Statut, qui, à cet égard, reste l efficacité de la procédure pénale, et défend son but, à savoir le déroulement rapide des procédures. Ce but est d ailleurs compatible avec les droits de l accusé tels qu énoncés à l article 67-1-c du Statut, et ceux de la personne visée par des charges lors de l audience de confirmation (règle 121-1 du Règlement). Voilà ce qui sous-tend les dispositions pertinentes du Statut et du Règlement, ainsi que la logique justifiant la jonction des instances. 17 Ibid. 18 La règle 136 est ainsi libellée : «1. Les accusés dont les charges ont été jointes sont jugés ensemble, à moins que la Chambre de première instance n ordonne, d office ou à la demande du Procureur ou de la Défense, des procès séparés pour éviter de causer un préjudice grave aux accusés, dans l intérêt de la justice ou parce qu un accusé, dont les charges avaient été jointes à d autres, a fait un aveu de culpabilité et peut être poursuivi conformément au paragraphe 2 de l article 65. 2. Lorsque les accusés sont jugés ensemble, chacun d eux a les mêmes droits que s il était jugé séparément.» N ICC-01/04-01/07 OA 6 6/7 /paraphe/

ICC-01/04-01/07-573-tFRA 24-07-2008 7/7 VW PT OA6 9. La Chambre d appel estime que l interprétation que la Chambre préliminaire a faite de l article 64-5 du Statut et de la règle 136 du Règlement ne viole en rien le principe de légalité, mais qu elle lui donne corps, une conclusion qui, selon elle, justifie de confirmer la décision attaquée et, par voie de conséquence, de rejeter l appel. 10. Dans le mémoire d appel 19, l appelant a demandé à la Chambre d appel d ordonner que le recours ait un effet suspensif, comme elle a le pouvoir de le faire en application de l article 82-3 du Statut. Ayant conjointement examiné, quant au fond, la question de la suspension et l appel, dont elle a décidé l issue, la Chambre d appel a jugé que la suspension serait une mesure superflue et ne devrait donc pas faire l objet d une ordonnance. En conclusion, la décision attaquée est confirmée et l appel rejeté. Fait en anglais et en français, la version anglaise faisant foi. Fait le 9 juin 2008 À La Haye (Pays-Bas) /signé/ M. le juge Georghios M. Pikis Juge président 19 Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, Acte d appel de la décision de jonction rendue par la Chambre préliminaire dans les causes Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo en date du 10 mars 2008, 21 avril 2008 (ICC-01/04-01/07-421). N ICC-01/04-01/07 OA 6 7/7 /paraphe/