Tourisme, culture et développement dans la région arabe



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Transcription:

Décennie mondiale du développement culturel Tourisme, culture et développement dans la région arabe Soutenir la culture pour développer le tourisme, développer le tourisme pour soutenir lu culture Mohamed Berriane UNESCO

Cette étude a été réalisée dans le cadre la Décennie mondiale du développement culturel (1988-1997), par M. Mohamed Berriane, Docteur ès Lettres et sciences humaines (Géographie), Professeur à l Université Mohammed V, Rabat (Maroc), e-mail : Berriane@fusion.net.ma. Monsieur M. Berriane s est largement inspiré des études suivantes: «Culture, tourisme et développement», le cas : - de l Égypte, par Mohamed Salah Derwy - de la Jordanie, par Leen A. Fakhoury - du Maroc, par Mohamed Berriane - d Oman, par Mohsin Bin Al-Balushi - de la Palestine, par Questandi Shomali - de la Syrie, par Samir Abdulac - de la Tunisie, par Jellah Abdelkajî - du Yémen, par Hussein Mohammed Abdulla Pour tout renseignement complémentaire, contacter M. Hervé Barré, Chef de l Unité Recherche et développement - Division du patrimoine culturel, Secteur de la culture - UNESCO (1, rue Miollis - 75732 Paris Cedex 15, France). L auteur est responsable du choix et de la présentation des faits figurants dans cet ouvrage, ainsi / que des opinions qui y sont exprimées, lesquelles ne sont pas nécessairement celles de l UNESCO et n engagent pas l Organisation. Publié en 1999 par l Organisation des Nations Unies pour l éducation, la science et la culture 7, Place de Fontenoy, 753.52 Paris 07 SP 0 UNESCO, 1999

PRÉFACE par Monsieur Hernh Crespo-Toral Sous-Directeur général pour la culture UNESCO / L es rives sud et orientales de la Méditerranée, le monde arabe en général, connaissent le tourisme, ou, si l on préfère, le voyage depuis fort longtemps, sous la forme en particulier des caravanes de commerce et des pèlerinages. A l occasion, le voyage de découverte pouvait se combiner à ces motivations, comme en témoignent les voyages extraordinaires de Sindbad le marin ou ceux du tangérois Ibn Battouta, le Marco Polo du monde arabe, qui, au Moyen Age, parti de la Mecque, alla jusqu en Chine, poussé par l esprit de découverte. Le tourisme est donc une pratique ancienne dans le monde arabe qui a vu ces dernières années, comme dans le reste du monde, l apparition des formes nouvelles du tourisme, qui ont modifié les relations entre les univers de la culture et du développement. En une quinzaine d années, grâce à une croissance régulière et forte, le tourisme est devenu un phénomène majeur, aux dimensions économique, sociale, et culturelle porteur de risques ou d opportunités pour la culture et pour le développement, selon la manière dont il est géré. L UNESCO, la «maison des cultures» doit s intéresser au tourisme, partenaire nécessaire de la culture, et à la complexité des relations entre ces deux secteurs. Le contexte de la mondialisation des communications et de l économie rendait urgente une réflexion sur le tourisme et sa dimension culturelle. Le monde arabe, associant une tradition ancienne du voyage et des échanges interculturels à un patrimoine bâti et de cultures vivantes particulièrement riches et variées était un choix particulièrement bienvenu pour une telle réflexion. Entreprises dans le cadre de la Décennie mondiale pour le développement culturel de l UNESCO, huit études d une grande qualité sur le thème «culture, tourisme et développement» ont ainsi été réalisées pour éclairer les relations entre la culture et le développement, à travers des cas précis, comme l artisanat, les musées, le tourisme de montagne, le tourisme urbain, les villages touristiques, l échange culturel ou le tourisme de découverte à thèmes culturels. Ces huit études ont servi de base au brillant travail de synthèse effectué par Mohamed Berriane qui a en outre su dégager les principes d une articulation positive entre la culture et le tourisme. Que ces «universitaires de terrain» soient remerciés pour la contribution qu ils ont apporté à l exploration des nouveaux territoires que la culture ouvre au développement. Mais ces études et le présent ouvrage qui en résulte seraient incomplets s ils se limitaient à une réflexion. Les propositions de projets innovant et stimulants qui figurent dans la dernière partie de l ouvrage sont un appel à l action de tous les acteurs publics et privés du tourisme culturel pour un tourisme maîtrisé respectueux du patrimoine et des identités culturelles, de l environnement et qui favorise le dialogue interculturel tout en permettant d apporter des solutions durables aux besoins de développement des communautés locales.

SOMMAIRE Introduction générale 7 1. Un tourisme international à ses débuts mais à forte composante culturelle Un tourisme international encore faible mais qui ne ccssc de s affrmel Des destinations pionnièrcs et de nouveaux venus : ib> FS pays pionniers es nouveaux venus Un tourisme j forte composante culturelle 11 11 13 14 15 16 II. Tourisme et culture dans les pays arabes : études de cas Tourisme et artisanat (a) Un artisanat riche, ancien mais dont l articulation avec le tourisme est difficile à évaluer : la Syrie (b) Richesse de l artisanat, action gouvernementale et articulations avec le tourisme : le Maroc Tourisme et patrimoine architectural (a) La richesse du patrimoine architectural arabe (b) La protection et la sauvegarde du patrimoine architectural (c) Le patrimoine architectural et le tourisme : un besoin mutuel l Les problèmes d aménagement l La réutilisation des anciens bâtiments l L organisation des festivals Tourisme et découvcrtc de 1 Autre (a) Le rôle joué par les musées (b) La réhabilitation des agglomérations rurales pour la découverte de la culture au quotidien (c) L émergence du tourisme rural au Maroc 19 19 20 22 25 26 29 30 31 34 36 36 38 39 III. Des projets concrets et innovants Des recommandations concrètes (a) Améliorer le potentiel touristique des produits existants l Dans le domaine de l artisanat l Dans le domaine du patrimoine architectural l La découverte de la vie quotidienne (b) Créer de nouveaux produits l Dans les pays nouvellement ouverts au tourisme, tout est à faire et les propositions sont ambitieuses 43 43 43 43 44 45 45 45

. Dans les pays pionniers, les propositions vont dans le sens d une amélioration de l existant, d une correction des erreurs et d une optimisation des produits l En Tunisie les montages de nouveaux produits posent le problème des rapports entre le culturel et le balnéaire (c) Des projets pilotes innovants l Le projet des «villages oubliés» en Syrie l La Route de l encens au Yémen l Le projet «Bethlehem 2000» en Palestine l La Tunisie ou la nécessité de construire un produit culturel original à côté d un tourisme balnéaire dominant l Au Maroc : le tourisme rural en complémentarité avec le tourisme balnéaire 46 47 48 48 51 51 52 55 IV. Des problèmes préoccupants Des risques de dkgradation du produit culturel (a) Dégradation de l artisanat (b) Détérioration des monuments (c) Désorganisation des structures socio-économiques des communautés rurales Le problème du fonctionnement institutionnel (a) La diversité des institutions que la relation tourisme-culture interpelle (b) La prise en compte de cette relation : vers une politique de partenariat (c) Les difficultés à concrétiser ce partenariat Le problème du financement (a) Les droits d entrée aux musées et sites historiques (b) Le mécénat 61 61 61 62 63 65 66 67 69 70 70 71 Conclusion générale 73

Introduction générak Parmi les questions posées par la Décennie mondiale du développement culturel, celle relative à la finalité du développement et à ses effets sur la spécificité et l identité socioculturelles concerne directement le phénomène touristique. Activité moderne et dynamique, ce secteur a des relations complexes avec la culture qui rejoignent la problématique plus vaste des interactions entre la culture et le développement. En fait la relation triangulaire «Tourisme - Culture - Développement» a marqué dès le départ l apparition du tourisme dans les pays en développement. En effet, lorsqu au milieu des années soixante le tourisme est arrivé dans les destinations méridionales, il fut proposé comme une activité économique pouvant aider ces pays à sortir de leur développement, d où la relation Tourisme - Développement. Mais en même temps l un des thèmes porteurs qui sous-tendait le développement du tourisme international dans ces pays a été la dimension culturelle, le tourisme étant proposé à l époque pour le rôle qu il était censé jouer dans le développement des relations inter - culturelles et dans la connaissance mutuelle des peuples. La culture intervenait déjà, bien que faiblement, dans les motivations des départs et venait appuyer le développement du tourisme, ce qui rejoignait la relation Tourisme - Culture. Il manquait néanmoins des rapports nets et explicites entre la Culture et le Développement pour que la relation triangulaire, dont il est question aujourd hui, soit complète. La finalité économique, voire commerciale, a prévalu et la dimension culturelle a été très vite occultée. On ne reparlera des aspects culturels que vers la fin des années soixante-dix lorsque, sur l initiative de l UNESCO et de la BIRD, fut organisé en décembre 1976 à Washington le séminaire sur «L impact du tourisme international sur les valeurs socioculturelles». Ecartant le thème des retombées économiques et financières du tourisme, le séminaire se préoccupait des seuls effets sociaux et culturels de la croissance économique. L une des questions à laquelle devaient répondre les participants était la suivante : Le tourisme estil un véhicule d effet de démonstration utile et source de revitalisation culturelle, ou au contraire, serait-il un facteur d érosion des valeurs indigènes et un vecteur de propagation d une culture artificielle 2. Si au cours des années quatre-vingt on ne reparle plus de culture - ou peu- à propos du tourisme international, celle-ci est devenue un des éléments essentiels du produit touristique offert par plusieurs pays. Le produit balnéaire largement commercialisé au cours des années soixante-dix, car recherché en priorité par les organisateurs de voyages et le tourisme de masse, donnait des signes de vieillissement. L apparition de nouveaux comportements dans les sociétés de consommation (tourisme alternatif, tourisme écologique, tourisme de découverte, tourisme sportif, tourisme doux, etc.), va être rapidement mise à profit par les voyagistes qui offrent de plus en plus un produit dit culturel. De ce fait, après plus de deux décennies de commercialisation de la culture par le tourisme, la question qui se pose en cette fin de siècle est la suivante: Cette demande touristique en produit culturel, devenue désormais incontournable, a-t-elle débouché sur une banalisation et une généralisation d un sousproduit culturel destiné à une consommation de masse? L articulation culture/tourisme peut-elle contribuer à la sauvegarde et à la protection du patrimoine culturel et, partant, participer à l effort général de développement? Ces questions $ se situent dans le prolongement direct de la nou- E FL velle approche de la culture telle qu elle s est ~ E- dégagée à la Conférence de Mexico. C est ainsi : qu on lit dans le document présentant la z Décennie mondiale du développement culturel 3 que «tout projet de développement économique u et social qui ne prend pas en compte en même -g temps le milieu naturel et culturel d une population donnée risque d être voué à l échec». Activité économique visant le développement, le tourisme est bien concerné par cette déclaration qui rappelle la condition nécessaire pour que ce développement par le tourisme soit un développement

durable. Pour cela il faut abandonner la conception restrictive du développement, et veiller à ce que l être humain ne soit plus considéré comme l agent d un progrès sans qualités et surtout restituer aux valeurs culturelles et humaines leur place centrale dans le développement économique et technologiquel. Situé dans cette problématique générale, le tourisme est un secteur économique qui se prête bien à une réflexion le replaçant dans le contexte culturel du pays d accueil. La participation des habitants de ce pays d accueil au développement touristique ne se limite pas uniquement à l emploi ou à la vente de services et de biens, mais l identité culturelle de ces populations qui fonde leur vision du monde est également concernée. Mais contrairement aux relations qui peuvent naître entre la culture et d autres secteurs économiques, celles liant le tourisme à la culture sont à la fois complexes et essentielles. La promotion de la culture peut se faire par le biais du tourisme lorsque celui-ci la conforte par ses retombées financières et économiques. Le cas le plus évident est le secteur de l artisanat qui partout dans le monde arabe profite de la demande touristique. Mais le tourisme lui-même peut tirer de substantiels profits de la culture lorsque celle-ci rentre dans la composition du produit commercialisé. Le tourisme de la plupart des pays arabes est avant tout à composante culturelle. Mais le fait même que la culture se trouve placée, par le biais du tourisme en position de produit commercial, constitue un grand danger pour son authenticité. Le lancement par l UNESCO de ce nouveau concept dans le cadre de la Décennie mondiale du développement culturel vise avant tout la sensibilisation des Etats membres à cette relation fortement dialectique. Le but ultime pourrait être l engagement d actions concrètes au niveau national pour une sensibilisation de tous les acteurs intervenant dans le champs du tourisme et de la culture : populations, élus, administrations concernées, professionnels de I hébergement et voyagistes. Le choix de la Région arabe comme terrain d étude pour mener une analyse des rapports entre le tourisme, la culture et le développement est intéressant à plusieurs niveaux. Pétris d histoire, les pays et les sociétés de la région sont de véritables gisements culturels qu exploite une demande touristique, encore naissante, mais parfois assez bien développée. Certains de ces pays reçoivent déjà des flux non négligeables de touristes et ont déjà accumulé une expérience. D autres ne font que s ouvrir au tourisme et peuvent mettre à profit cette expérience pour ne pas répéter les mêmes erreurs. Pour ceux déjà bien installés sur le marché touristique, le vieillissement de leur produit touristique nécessite un renouvellement où la dimension culturelle occupe une place de choix. Il est donc judicieux d initier une réflexion sur le tourisme et la culture pour éviter les dérapages et assurer la durabilité du développement, le souhait de faire venir le maximum de touristes en vendant de la culture pouvant être préjudiciable aux identités culturelles. L association du terme culture à celui de tourisme donnant parfois naissance à une ambiguïté qui consiste à identifier souvent le culturel dans ce cas au terme de «patrimoine culturel» qui lui-même se réduit aux sites et monuments historiques, il est utile d insister sur le fait que la culture s entend ici dans son sens le plus large. En effet, dès le départ nous avons tenu à ce que l on entende par culture ce qui permet à l être humain de s élever au-dessus de la nature ou encore la manière dont une population vit en société. Il s agit donc d une définition assez large qui ne se limite pas au seul patrimoine et qui intègre également la culture du vécu quotidien des peuples. Le projet tourisme-culture-développement dans la Région arabe a formulé ses interrogations comme suit : - Existe-t-il des relations culture-tourismedéveloppement dans les pays concernés? - Si oui, quelles sont les formes de cet interface - tourisme-culture? Ces relations débouchaient-elles sur un développement durable? - Ce qu il faudrait envisager pour optimiser cette relation tout en préservant le patrimoine culturel des pays visités? La recherche des réponses à ces interrogations s est faite par l analyse des relations entre le 1. Guide pratique de lir Décennie mondiale du développement cultwel 1988-1997. Pa??s, Uh ESCO, 1988.

tourisme et la culture dans chacun des pays étudiés à travers des exemples précis. Cette analyse devait déboucher sur des propositions visant à favoriser la mise en place d un tourisme à but culturel qui contribue à protéger et à enrichir le patrimoine culturel et naturel et, prenant en compte les effets socioculturels sur les populations, qui puisse constituer une ressource Economique durable. Huit pays ont fait l objet d étude : ce sont le Maroc, la Tunisie, l Égypte, la Palestine, la Syrie, la Jordanie, le Yémen et le Sultanat d Oman. La démarche suivie est passée par différentes étapes : - Une première étude, dite étude pilote, a été réalisée pour le Maroc et a permis de tester la méthode. Ses résultats ont été présentés et discutés lors d un symposium qui a eu lieu à Chefchaouen (Maroc) et qui a réuni les experts devant réaliser la mcme Ctude pour sept autres pays arabes. - Huit études ont été réalisées sur le même modèle tout en tenant compte de la spécificité propre à chacun des pays. - Un symposium de clôture a eu lieu à Sana a au Yémen et a permis la présentation de toutes les études et leur discussion. Le présent essai est la synthèse de huit expertises se rapportant respectivement à l un des huit pays retenus. Plus qu une addition des apports et conclusions des huit études, cette svnthèsc cherche à dégager les principaux enseignements de l analyse des rapports tourisme-culture-développement en suivant de près lc contenu de chaque rapport. Elle s articule autour de quatre axes. Le premier introduit le thème CII presentant brievement la situation du tourisme dans les huit pays qui sont finalement assez rcprescntatifs de l ensemble du monde arabe. Il conclue a la prédomnance de la composante culturelle comme principal produit touristique. Le deuxième analyse cette composante en cherchant a mettre en Cvidence les articulations entre lc tourisme et la culture à travers les cas étudiés par les difffrents experts. Le troisième s attache a l analyse détaillée des propositions retenues pour expliciter davantage ces articulations. Lc quatrième, enfin, dégage les principaux problèmes a résoudre et les blocages les plus sérieux a lever pour ameliorer les relations entre le tourisme ct la culture et SC rapprocher davantage d un développement durable. 1. Les auteur des huit expertises sont : hlohamed Ben&e, Aln~oc, Jellal Al>delka,fî, Tunisie, Jlobamcd Snl rh D~IX~: Égypte, Qustandi Shomali, Palestine, Samiv Abdulac, Syne, Lcen A. Fakhoti,-, Jo,-d znle, Hussein,Ilob~rmnzcd Abdlrllu, Yémel~, blohsin Bin Khamrs Al-Balushi, Oman. 9

Bien que situé à proximité de l Europe, première tiques internationaux. Néanmoins ces flux sont zone d émission de touristes, et bénéficiant de en progression constante et la culture se trouve à fortes potentialités touristiques, l ensemble des la tête des motivations de départ vers les destinapays arabes ne reçoit que de faibles flux touris- tions arabes. L activité touristique dont la dynamique ne cesse de s affirmer est bien présente dans les pays arabes. Elle revêt plusieurs formes et ne se limite pas au seul tourisme international. La position de la Région arabe, ensemble géographique ensoleillé et à la culture riche et diversifiée, à proximité de la première zone d émission du tourisme mondial qu est l Europe a permis très tôt à certains pays arabes comme le Maroc ou la Tunisie de jouer un rôle pionnier comme destinations touristiques parmi les pays en développement. Ces deux pays, suivis de l Egypte, se sont positionnés sur le marché du tourisme mondial dès la deuxième moitié de la décennie soixante, lors de l arrivée des premières vagues de tourisme de masse sur le rivage sud de la Méditerranée. Néanmoins et malgré cette proximité du principal réservoir de tourisme mondial, le monde arabe ne reçoit aujourd hui qu entre 2 et 3 % des revenus de ce tourisme mondial. En effet, malgré leur richesse culturelle et leur climat se prêtant bien au tourisme balnéaire, les pays arabes du Maghreb et du Machrek, se trouvant en première ligne de contact entre l Europe et les civilisations orientales, sont l objet de tensions vives qui expliquent que le rythme des arrivées des étrangers dans ces pays est extrêmement irrégulier et saccadé. N empêche que le tourisme international, malgré sa faiblesse, constitue aujourd hui pour certains pays arabes une ressource économique majeure. C est le cas du Maroc et de la Tunisie (respectivement 3.000.000 et 4.000.000 arrivées et 11.OOO.OOO et 19.000.000 nuitées) et de l Égypte (17.OOO.000 nuitées). Pour d autres pays il est encore secondaire (700 à 800.000 arrivées par an pour la Syrie et la Jordanie et 40 à 70.000 arrivées pour le Yémen). Malgré cette faiblesse des arrivées de touristes étrangers dans la Région arabe, le tourisme en tant qu activité économique, mais aussi en tant que comportement social, y revêt une grande importance pour ces pays. Cette importance peut être soulignée à quatre niveaux : Les arrivées de touristes étrangers bien que relativement faibles sont en augmentation constante puisque, à part le Maroc1 où le secteur a traversé une conjoncture difficile, toutes les destinations pour lesquelles nous disposons de statistiques ont enregistré une évolution positive du chiffre des entrées comme le montre le tableau suivant : Tableau 1. Arrivées du tourisme international dans quelques pays arabes Pays 1993 1996 Maroc 4.027.000 Tunisie 3.656.000 %Y Pte 2.112.000 Bahrein 1.450.000 E.A.U 1.088.000 Jordanie 765.000 Syrie 703.000 Oman 344.000 Q atar 160.000 Koweit 73.000 Yémen 70.000 Liban 266.000 1. Une vepvise sensible est velevée depuis 1997. 2.693.000 3.885.000 3.675.000 2.669.000 1.763.000 1.103.000 888.000 435.000 263.000 75.000 75.000 419.000 Source: OMT

- Le tourisme est un secteur économique qui prend de plus en plus d importance dans les économies nationales. Pour certains pays pionniers il est devenu une activité économique indispensable. Au Maroc l activité touristique constitue une source inestimable en devises qui contribue au rééquilibrage de la balance des paiements puisqu avec 11 milliards de DH en 1993 le tourisme arrive désormais en deuxième position comme source de devises après les transferts des ressortissants marocains à l étranger (17 milliards de DH). En 1990, le tourisme a participé pour 11 % dans les recettes en devises de l Etat, contre 6,6 % seulement en 1980. Pour la Tunisie, la dépendance de l économie nationale vis-à-vis du tourisme est encore plus nette. Les recettes touristiques en devises représentent 17% du total des exportations en biens et services et couvrent entre 40 et 50 % du déficit de la balance commerciale et l activité génère des emplois très importants puisque 61.000 personnes vivent directement du tourisme et 150.000 indirectement dont 40.000 pour le seul artisanat. - Si le nombre des visiteurs originaires des pays occidentaux est encore relativement faible, les flux régionaux interarabes sont parfois remarquables. En effet, la croissance économique des pays de cette aire -surtout ceux du Machrek - a entraîné un resserrement des liens entre ces pays et l augmentation de la coopération économique liant les pays arabes entre eux ou les pays arabes (Miossec, 1995) et des pays non arabes. Le résultat en est le développement d un tourisme d affaire sans précédent, dont une partie des flux est constituée de ressortissants de pays arabes. Par ailleurs, des motifs religieux et parfois culturels sous-tendant des déplacements entre pays arabes débouchent sur des comportements de type touristique. Le différentiel de revenu, 5 enfin, existant entre les pays pétroliers et les E autres pays arabes, initie des mouvements a, c touristiques importants. C est ainsi que les -$ ressortissants des pays arabes ont représenté 4 en 1993 53,3% de la totalité des arrivées toue; 2 ristiques en Syrie, que 65,5 des visiteurs de la 2 Jordanie en 1994 étaient originaires de la 0 région du Golfe et que les pays arabes ont r 5 constitué 36,1% des touristes ayant visité.z l Égypte la même année. :+ 0 - A côté de cette demande externe, celle des nationaux est encore plus importante mais ne se traduit pas par les statistiques officielles. 12 L importance des classes moyennes citadines dans le Monde arabe a très tôt généré une demande touristique interne ayant une forte spécificité et se traduisant entre autre par une redécouverte du patrimoine culturel par ces classes moyennes. Mais plus qu un mimétisme du monde occidental, les conduites touristiques des sociétés arabes trouvent leurs racines dans l histoire et la culture arabes. Les persistances de solidarités familiales maintenues entre les campagnes, lieux d origine d une importante frange de la société néocitadine, et les villes, réceptacles des flux de l exode rural, ajoutées à la tradition de mobilité de ces sociétés et à l intégration des anciens pôles de pèlerinage aux espaces de loisirs modernes favorisent des déplacements que l on peut définir aujourd hui comme des déplacements touristiques (Berriane, 1992). De ce fait les taux de départ en vacance des citadins arabes sont assez élevés et se situent selon les pays entre 40 et 50%. A ces flux internes viennent s ajouter ceux des résidents à l étranger dont les retours aux pays d origine deviennent de plus en plus des voyages de tourisme avec notamment le souhait de faire découvrir les pays aux enfants des secondes et troisièmes générations. Que ce soit au Maroc, en Tunisie, en Syrie ou dans les pays du Golfe, les observations et les mesures concordent pour relever la part majoritaire des touristes nationaux. L intérêt de souligner l importance de ces deux types de clientèle à côté de la clientèle occidentale plus classique et mieux connue est le lien intime qui existe entre l élaboration d un produit touristique et les comportements et attentes des touristes. Ces dernières ne sont pas homogènes et dépendent de l origine de la clientèle, d où la nécessité de typer cette clientèle. Or, dans les pays arabes il convient désormais de tenir compte de trois, voire quatre, catégories de touristes : - le tourisme national - le tourisme interarabe - le tourisme occidental - le tourisme iranien pour les pays du Machrek. Ces quatre types de flux que reçoivent les pays arabes sont spécifiques dans leurs comportements, mais se rejoignent dans l importance accordée dans les motivations de leurs déplacements à la dimension culturelle. Pour le touriste occidental, la motivation principale du voyage vers la région arabe, pétrie d histoire, foyer des grandes civilisations et origine des trois religions

Arrivée des touristes dans quelques pays arabes selon I OMT (1996) Mauritanie &; 0 1000 km I l 100000 "$ 500 @-Jo 0 1000000 Carte 1 : Arrivées des touristes internationaux dans les pays arabes monothéistes, est la découverte des lieux des avancées majeures de l humanité au cours des siècles passés. Pour le touriste interarabe et iranien, le déplacement est avant tout sous-tendu par le pèlerinage qui génère des flux importants de pèlerins-touristes (1 million chaque année vers la Mecque et Médine). Enfin les touristes internes, bien qu accordant une grande place à la recherche du plaisir balnéaire, ne sont pas insensibles à la redécouverte de leur patrimoine et des monuments historico-religieux. La primauté de la motivation culturelle dans les voyages touristiques cn direction ou au sein des pays arabes justifie amplement la programmation de cette étude. Il reste que les pays arabes, en général, et ceux retenus par le programme, en particulier, ne sont pas touchés par le tourisme avec la même intensité. Des destinations pionnières et de nouveaux venus Hormis les pays arabes qui se sont fermés été établies peuvent être regroupés en deux autrefois volontairement au tourisme interna- ensembles : tional comme l Algérie, la Libye (Jamahiriya - des pays pionniers et qui sont le Maroc, la arabe libyenne) ou l Arabie Saoudite ou qui, Tunisie et l Égypte malgré leur volonté de s ouvrir aujourd hui, ne - des pays qui s entrouvrent et qui sont la Syrie, 1 e peuvent pas comme la même Algérie ou la Jordanie, la Palestine, le Yémen et le l Irak, les pays pour lesquels les expertises ont Sultanat d Oman.

d) Les pays pionniers Au lendemain de son indépendance, le Maroc, avec quelque 200 hôtels totalisant 7.300 lits, est loin d être une destination touristique confirmée. Mais à partir du plan triennal 1965-l 967, le pays - à l instar de plusieurs autres pays en développement - inaugure une nouvelle politique économique insistant sur trois secteurs prioritaires : l agriculture, le tourisme et la formation des cadres. Le tourisme n est plus considéré comme un simple auxiliaire pour équilibrer la balance des paiements mais bel et bien comme un véritable moteur de développement. L État se dote de sociétés et d organismes dont il détient la majorité des capitaux et qui se consacrent à l emploi d investissements publics comme l office national marocain du tourisme qui ajoute à son rôle d animateur et d agent publicitaire, celui de promoteur et de gestionnaire ou la Caisse de dépôt et de gestion qui réalise des programmes touristiques pour ensuite les céder à d autres sociétés de gestion, ou enfin le Crédit immobilier et hôtelier qui accorde des crédits aux investisseurs. L État intervient aussi au niveau des opérations d aménagement de grande envergure dans le cadre des sociétés nationales d aménagement touristique comme celle de la Baie de Tanger (SNABT) ou celle de la baie d Agadir (SONABA). L intervention de l État se traduit également par les efforts consentis par les pouvoirs publics pour attirer les capitaux privés nationaux ou étrangers vers le secteur touristique et ce à coup de primes et d exonérations d impôts. L ensemble des mesures d incitation est contenu dans les différents codes des investissements touristiques de 1965, 1973 et 1983. L État intervient enfin pour réaliser les conditions générales nécessaires à l essor du tou- E risme: création d une législation hôtelière et tou- 2 w ristique, encadrement humain avec les écoles de & formation professionnelle, organisation du sec- -$ teur des agences de voyages, infrastructures de % transport, classement des hôtels, promotion tous z ristique à l étranger. 2 0 Avec le plan triennal 1978-1980, l État se E désengage de son effort d investissement direct.2 dans le secteur du tourisme tout en continuant H s à stimuler le secteur privé. Marquant l aboutissement de ce processus de désengagement, le mouvement de transfert du secteur public au secteur 1-F privé des participations détenues dans des sociétés par l État, commencé en 1990, touche également les hôtels appartenant en totalité à l État ou à des établissements publics. Malgré une conjoncture difficile qui s est traduite par une véritable chute des arrivées au début de la décennie quatre-vingt-dix, une nette reprise s est amorcée depuis 1997. Aujourd hui, avec une capacité hôtelière de plus de 90.000 lits classés, des entrées de touristes d environ 2 millions de visiteurs et un total des nuitées dépassant les 11 millions par an (1993), le Maroc est l une des principales destinations touristiques de la rive sud de la Méditerranée. En Tunisie, le tourisme est considéré comme un secteur économique et un facteur de développement dès le début des années soixante. Il reçoit une attention particulière par le biais du Secrétariat d Etat au plan et aux finances qui, par l intermédiaire de la Société hôtelière et touristique de Tunisie et la Cofitour (société de financement) lance de façon précoce les premières opérations hôtelières dans la région de Hammamet. En 1969 est créé un Ministère de l aménagement du territoire et du tourisme. Une multitude d organismes étatiques, privés ou mixtes conjuguent leurs efforts pour viabiliser, équiper et aménager des zones touristiques prioritaires surtout le long du littoral. Comme au Maroc, l État se désengage pour concentrer ses efforts sur la conquête des marchés extérieurs et dans une politique de contrôle et de sauvegarde. Un quart de siècle plus tard le tourisme est devenu en Tunisie une activité économique majeure, la capacité en lits étant passé de 4.000 lits en 1962 à 150.000 lits en 1994. Sur le plan commercial la réussite est indéniable, la Tunisie faisant figure aujourd hui d un pays récepteur offrant les forfaits les moins chers et les équipements en infrastructures les mieux adaptés à la demande occidentale. En Égypte l ouverture au tourisme international aurait suivi, selon certains auteurs, l expédition de Napoléon qui ouvrit le pays et donna une impulsion aux recherches sur l histoire et la civilisation pharaoniques. Sans remonter si loin dans le temps, on peut dire que l intérêt porté au patrimoine de l Égypte ancienne a sous-tendu un précoce flux touristique, d abord aristocratique, où les motivations culturelles étaient essentielles. Le pays reçoit aujourd hui et selon l OMT, plus de 44% des flux touristiques qui se dirigent vers les pays du Moyen-Orient (soit un peu plus de

2 millions de touristes) et offre une capacité hôtelière de 62.000 chambres hôtelières. Plus que tout autre pays arabe, le motif principal du voyage touristique vers l Égypte demeure la culture avec 23% des touristes venus pour visiter uniquement.. le patrimome architectural. Les troubles internes qui ont pris comme cible privilégiée les touristes occidentaux expliquent la chute vertigineuse des arrivées au cours des dernières années. b) L es nouveaux venus La Jordanie offre une grande variété de centres d intérêts touristiques et a ouvert ses portes aux visiteurs étrangers depuis bien longtemps. Mais le nombre de touristes étrangers demeure en deçà des potentialités et ce en raison de la situation conflictuelle de la région. De ce fait le rayonnement touristique de la Jordanie reste régional puisque sur les 700.000 touristes ayant séjourné dans le pays en 1993, 66% étaient originaires des pays du Golfe et 23% seulement venaient de l Europe. La capacité d hébergement est encore limitée et ne dépasse pas 7.730 chambres. Un effort de concertation et de réflexion a été mené ces dernières années avec l appui du FMI et de I USAID et des conclusions tirées pour donner une impulsion à l activité touristique. La Syrie est l un des pays arabes qui s était fermé au tourisme occidental et qui fait preuve depuis quelques années d une volonté bien affirmée pour développer le tourisme international dans le cadre de sa politique d ouverture économique engagée en 1992. La Syrie recevait, par contre, un important flux de touristes originaires des pays arabes attirés par son climat, son authenticité, ses souks, sa gastronomie et le souvenir de l âge d or de la civilisation arabo-musulmane, ainsi que de touristespèlerins d Iran. Aujourd hui encore les Jordaniens (157.734 nuitées) et les Libanais (135.330 nuitées) représentent les deux groupes arabes les plus importants, alors que les Iraniens fournissent à eux seuls 39% du total des nuitées (1991). Mais ce sont les touristes occidentaux qui sont visés par la politique touristique récente de la Syrie. En fait, la démarche d ouverture économique en matière de tourisme a commencé plutôt puisque dès juillet 1985 le Conseil supérieur du tourisme a décrété des exemptions fiscales concernant les investissements dans le secteur touristique (taxes sur la construction, droits de douane, fiscalité des entreprises, impôts sur les revenus etc.). Ces exemptions ne seront généralisées aux autres secteurs économiques que quelques années plus tard. Des efforts en matière de moyens d hébergement furent également accomplis avec la construction d établissements hôteliers de 5 étoiles, la création d une société mixte pour les établissements touristiques (SYRI- TEL) et le lancement de la chaîne CHAM. Aujourd hui la capacité hôtelière totale (toutes catégories confondues) est de 60.000 lits dont 19.352 sont de catégories classées. Les 11 établissements de la chaîne CHAM couvrent l ensemble du territoire national en se localisant dans les grandes villes, sur les principaux sites balnéaires et à proximité des grands sites du patrimoine culturel comme à Safita (Krak des Chevaliers), Hama (Apamée), Bosra, Palmyre et Deir ez Zor (sites de 1 Euphrate). L ouverture économique et les efforts consentis en faveur du tourisme font aujourd hui de la Syrie une destination du tourisme culturel de bon niveau. A l instar des émirats du Golfe, le Sultanat d Oman reçoit un tourisme d affaire depuis 1987, date des premières autorisations officielles délivrées à ce type de visiteurs. Ce n est qu en 1989 qu un Département du tourisme est créé. Quelques années auparavant (1983), une stratégie de développement de ce tourisme a été préparée et l essentiel des établissements hôteliers était regroupé à Muscat. La décision de s ouvrir à un tourisme international plus large (autre que les voyages d affaires) n est prise qu en 1990, année au cours de laquelle une étude fut commandée à un bureau d étude international pour la conception d une stratégie nationale de développement touristique basé sur les ressources naturelles et les richesses culturelles. Aujourd hui le pays est doté de 37 établissements hôteliers classés dont 19 sont concentrés à Muscat. Il reçoit quelques 200.000 visiteurs dont $ 34% sont des visiteurs effectuant des voyages E d affaires et seulement 17% considérés comme 3 des touristes vrais par les services de contrôle de 5 l immigration qui délivrent les visas à cet effet. % 0 2 La partie nord du Yémen qui était programmée pendant les décennies soixante-dix et quatre-vingt était visitée par un flux non négligeable de touristes pionniers européens : en 1974, 33% des 7.800 touristes reçus étaient des visiteurs 8 européens. Malgré ses richesses culturelles, notamment sur le plan architectural, le sud était jusqu à la réunification complètement fermé au I S

tourisme international. Aujourd hui et après sa réunification, le pavs s ouvre lentement au tourisme international et a reçu en 1994 39.929 touristes dont 67% étaient des touristes occidentaux. Mais cette reprise est très timide, l évolution du nombre des arrivées ayant même chuté depuis 1992, année qui a enregistré un chiffre record de 72.169. Pour appuyer la reprise l effort à accomplir est considérable. Outre le fait que les 5.480 chambres qui sont concentrées à 60% à Sana a et Aden ne s alignent pas sur les standards internationaux de l hôtellerie classée, les autres infrastructures d accompagnement (restauration, animation, transport etc.) font encore largement défaut. Cela est également le cas de la Palestine. Gaza et la Cisjordanie sont des régions riches en sites historiques auxquels se réfèrent les croyants des trois religions monothéistes, et en sites naturels relativement variés. L Autorité Nationale Palestinienne souhaite développer un tourisme international à composante surtout culturelle et les Accords d Oslo de 1993 ont consacré un paragraphe au tourisme. A cet effet, un Ministère du tourisme et un Conseil supérieur du tourisme ont Cté créés. Pour réaliser cette politique tout reste à faire que ce soit au niveau de la formation, des infrastructures de base et d hébergement ou de la publicité. Mais outre les moyens financiers et techniques qu il faut mobiliser, c est la modification de l image de la région que véhicule les média et l évolution de l application des accords de paix qui décideront en fin de compte du lancement ou non du tourisme en Palestine. Un tourisme à forte composante culturelle Sauf au Maroc, en Tunisie et dans une moindre mesure en Egypte où s est développé un tourisme balnéaire de masse, les arrivées de touristes occidentaux sont surtout à composante culturelle. On peut de ce fait opposer trois types de destinations : - Des pays où le produit touristique est à base culturelle et accorde au tourisme de circuit une grande place : Il s agit essentiellement des pays nouvellement ouverts au tourisme et où l intensité du tourisme international est encore assez faible. La durée de séjour en un lieu est réduite et limitée souvent à une nuitée. Ce type d espace touristique comprend un point d entrée, et de sortie et des circuits en boucles jalonnés de villes d étapes et de sites à visiter ct durant en moyenne 10 à 15 jours. La Syrie, le Yémen, la Jordanie et la Palestine constituent ce groupe. L accès à la Syrie s est fait jusqu à ces dernières années par l aéroport de Damas et depuis peu, par Alcp et le pays a fait l objet d un véritable quadrillage par les hôtels de la chaîne privée CHAM qui sont implantés partout où il y a des sites intéressants à visiter : Damas, Bassora, Tadmor, Deir ez Zor, Alep, Jebel el Ala, ruines d Ebla, Hama, Lattakié, etc. Cela permet désormais aux tours opérateurs européens d organiser des circuits fournissant un aperçu complet de la richesse culturelle de la Syrie. La Jordanie (accès par Amman) et le Yémen (accès par Sana a) organisent également des circuits joignant Petra en Jordanie et Marib au Yémen. L entrée en Palestine se fait par l aéroport de Tel Aviv et les circuits proposés passent par Jérusalem, Bethlehem, Hébron, Jericho et Naplouse : - Des pays où le produit touristique est basé sur le séjour et où la composante culturelle est fortement réduite : C est essentiellement le cas de la Tunisie. Installé sur le marché du tourisme mondial dès la deuxième moitié de la décennie soixante, ce pays a dès le départ misé sur le tourisme balnéaire de masse. Il a de ce fait travaillé à son désenclavement aérien, et investi les marchés germaniques, d où une capacité en lits élevée et des résultats satisfaisants. Le littoral concentre désormais plus de 86% de la capacité hôtelière laissant une partie infime aux destinations à composantes culturelles comme Tunis ou les oasis du Nefzaoua et du Jerid où le tourisme saharien a été dernièrement lancé : - Des pays où le produit touristique est composé d un tourisme itinérant à composante culturelle et d un tourisme de séjour à dominance balnéaire : Le Maroc et l Égypte ont tous les deux placé leur arrivée sur le marché du tourisme international sous le signe du tourisme de circuit. Le Maroc a longtemps vécu sur le succès de circuits

classiques comme celui des villes impériales ou celui de la route des kasbahs à forte composante culturelle. CÉgypte a pour sa part commercialisé ses sites pharaoniques par le biais de circuits le long de la vallée du Nil. Dans un deuxième temps, ce tourisme itinérant a été complété par des séjours balnéaires. Au Maroc c est l aménagement des stations balnéaires le long de la côte méditerranéenne et c est surtout le lancement et l affirmation de la station balnéaire d Agadir qui concentre aujourd hui presque le quart de la capacité hôtelière du pays. En Égypte, ce tourisme est représenté à Hurghada sur la mer rouge et à el Arish sur la côte méditerranéenne du Sinaï. Bien que faiblement présente sur le marché du tourisme international, la Région arabe fait face à une demande touristique non négligeable. Quelle soit liée à l arrivée, tardive, du tourisme occidental ou aux flux internes ou interarabes, cette demande est sous-tendue avant tout par les motivations culturelles et réagit à un potentiel culturel riche et varié. Des rapports s établissent de ce fait entre le tourisme et la culture et leur analyse met en évidence une complexité et une richesse insoupçonnées.

II Tourisme et culture 0 dans les pays arabes : études dë cas Que ce soit dans les destinations basées sur le seul produit culturel ou dans celles combinant le centre d intérêt culturel et le tropisme balnéaire, les produits qui articulent ou qui pourraient davantage articuler tourisme et culture dans les pays arabes sont divers et multiples. Se référant à la méthodologie mise au point par l étude pilote ayant porté sur le Maroc présentée et discutée lors du séminaire de Chefchaouen, les sept études réalisées dans le cadre du programme se sont appuyées sur la description de ces produits tout en évitant de tomber dans le travers du catalogue systématique. Elles ont sélectionné quelques cas, souvent trois par pays, pour mettre en évidence les rapports entre le tourisme et la culture. Citons parmi de nombreux cas : Au Maroc et au-delà des domaines classiques tel que les musées ou l image forte des villes impériales, c est la richesse de l artisanat et le rôle des coopératives, des expositions et des festivals dans la promotion de cet artisanat qui ont été mis en valeur ; c est également la valorisation de l architecture en terre pré-saharienne ; c est aussi le développement du tourisme de montagne conçu comme un axe privilégié d un développement intégré de la montagne en aidant une communauté montagnarde en difficulté à diversifier ses revenus, à se maintenir sur place et à consolider de ce fait son originalité culturelle. En Syrie se sont les souks de l artisanat et le réseau de musées qu abritent des bâtiments récents ou restaurés. Au Yémen les opérations de réhabilitation des villes de Sana a et de Shibam (UNESCO) et la création du Centre national pour le développement de l artisanat (PNUD). En Egypte, les projets de spectacles son et lumière des monuments de Gizeh, Assouan et Louxor. En Jordanie, ce sont les projets de transformation du village de Dana en village touristique. Dans les pays voisins que sont la Palestine, la Jordanie, le Liban et la Syrie, ce sont les projets de circuits conjoints joignant des sites culturels divers et recréant l unité de Bilad ach Cham. Enfin, en Palestine, ce sont diverses initiatives de création de musées d arts traditionnels qui cherchent à reconstituer la mémoire perdue d un peuple. Dans l analyse de ces rapports nous avons également préféré regrouper les cas les plus significatifs et qui reviennent le plus souvent. C est ainsi qu en dernière analyse, les différents cas étudiés peuvent être rassemblés en trois thèmes majeurs : - le tourisme et l artisanat - le tourisme et le patrimoine architectural - le tourisme et la vie quotidienne des peuples. S il y a un secteur dont le sort est intimement lié à celui du tourisme c est bien celui de l artisanat. En effet, quel que soit le type de tourisme pratiqué (tourisme de séjour balnéaire ou tourisme de circuit), le visiteur étranger ne manque pas de ramener avec lui l indispensable souvenir. La majorité des expertises réalisées font référence ou détaillent le secteur de l artisanat et ses relations avec le tourisme. Il faut dire que les pays arabes se distinguent par un artisanat de qualité et qui puise son authenticité dans les siècles passés. Dans la Tourisme et artisanat f E & 0 langue française, les mots damas, damasser, -$ damasquiner ainsi que maroquinerie tirent leur : origine de la forte influence qu a eu cet artisanat? par le passé. Mais de tous les pays expertisés, c est 2 la Syrie, le Maroc et l Égypte qui sont les plus 2 ^ grands foyers de l artisanat traditionnel arabe et $ ce dans la continuité d un passé glorieux. Les ana- 5 lyses des cas du Maroc et de la Syrie ont été très g détaillées et peuvent être retenues ici comme exemples. Leur comparaison est par ailleurs très intéressante dans la mesure où le pays maghrébin 19

par son ouverture précoce sur le monde occidental a accumulé une certaine expérience dans I organisation du secteur artisanal et son intégration dans le produit touristique, expérience qui pourrait être mise à profit par la Syrie. Dans les développements qui suivent nous laisserons de côté les aspects concernant les problèmes et les difficultés qui seront traités dans le dernier chapitre. a) Un artisanat riche, ancien mais dont l articulation avec le tourisme est difficile à évaluer : la Syrie L ancienneté de l artisanat syrien n est plus à démontrer. Ces produits tels que les métaux ouvragés, les verres et les tissus étaient déjà recherchés par les cours européennes au temps des croisades. Le travail du bois de valeur a rayonné aux IXe et Xe siècles jusqu au Maroc et en Andalousie à l ouest et cn Iran et l Inde vers l est. La situation du pays au carrefour des grandes routes commerciales telle que la Route de la soie, tout en facilitant les exportations, impliquait également une grande compétitivité et une spécialisation dans le travail de certains métaux. Des centres de production hiérarchisés et spécialisés comme Alep et Damas et secondairement Hama, Homs ez Deir ez Zor fournissaient en productions diverses les besoins des citadins, des villageois mais aussi des nomades. Aujourd hui, l image de l artisanat syrien paraît assez contrastée : dans certains secteurs, des savoir-faire immémoriaux semblent devoir inexorablement disparaître, alors que certains autres font preuve de surprenantes facultés d adaptation et mènent même avec succès des offensives commerciales sur les marchés étrangers. Le mobilier en bois incrusté en nacre ou mossaddaf, et les coffrets et petits meubles en marqueterie de bois de noyer et de noisetier avec incrustations de nacre, d ivoire et d os sont recherchés et font preuve d adaptations remarquables à la vie moderne. La fabrication du verre, ancienne de quelque 4000 ans, connaît une véritable renaissance et la production s accroît pour répondre aux besoins d acheteurs nationaux et étrangers. En matière de tissage par contre les évolutions sont contrastées. Le brocart* a du mal à s imposer dans le prêt-à-porter, et malgré les essais d adaptation du damas2 les opinions quant à sa survie sont pessimistes, alors que l aghabani3 est largement vendu à l intérieur et exporté dans le Proche-Orient et même en Europe et que les toiles de Hama qui servaient à fabriquer les anciens sacs d avoine servent à réaliser des sacs de plage, des dessus de lits et des rideaux destinés aux visiteurs et aux résidents étrangers. Élément fondamental du patrimoine vivant et de la culture de manière générale, l artisanat et sa survie sont vitaux pour le maintien de cette culture. Cet artisanat a longtemps résisté aux produits de l industrie moderne et ce tant que sa clientèle restait attachée à ses modes de vie traditionnels. Aujourd hui avec la modernisation de la société, une adaptation de l artisanat est indispensable. La demande des pays voisins et celle des touristes en produits artisanaux dans le sens d un changement de l usage des produits a permis d assurer la permanence dans certains secteurs. La politique des musées et expositions poursuivie de façon continue par les pouvoirs publics en faveur de l artisanat (Musée des arts et des traditions populaires à Damas, puis à Alep, sections spécialisées sur les arts et traditions populaires dans les autres musées, exposition tournante sur l artisanat syrien dans les pays européens, stands de l artisanat dans les festivals de Lattaquié et de Palmyre et à la foire internationale de Damas) permet de faire connaître cet artisanat. 1. Étoffe 2 base de sole incorporant des fils d or ou d ar-gent. 2. ÉJtoffc tissée, dont les rnotzfs apparaissent 2 l endroit en satin smr fond tissé et à l envers en tissé sur fond de satin. 3. TISSU brodé avvcc- des fils JC soir suivant des-fi)rrncs végétales et géométriques.

L intégration du secteur de l artisanat dans. la politique touristique se fait par le biais d une formule de promotion initiée par le Ministère du tourisme. Les souks de l artisanat sont des concessions accordées par lc Ministère à des exploitants qui occupent des locaux moyennant une location symbolique où ils produisent, exposent et commercialisent des produits de l artisanat. Installés dans des monuments historiques, ces souks permettent au visiteur désirant aller à la rencontre de 1 Autre d observer les artisans en plein travail et à celui pressé d effectuer des achats de produits regroupés, ce qui évite la recherche des lieux de production et de vente dispersés dans la vieille ville et pas toujours d accès facile. Deux souks de l artisanat existent à Damas et à Alep et un troisième est en cours d installation à Hama. Suite à tous ces efforts, l artisanat occupe sans doute aujourd hui une place importante dans l économie nationale que ce soit au niveau de l emploi ou du commerce ou enfin de l apport des devises. Des élements statistiques manquent néanmoins pour que l on puisse cerner avec précision l incidence économique du tourisme sur l artisanat. Appréciés et même recherchés par les visiteurs qui les découvrent à l occasion d un voyage en Syrie, les produits de l artisanat sont méconnus en Europe. Mais la notoriété de cet artisanat est mieux établie à l intérieur du monde arabe et la clientèle des pays voisins semble Otre la plus intéressante. Les articles les mieux appréciés sont la mosaïque, les aghabani, les brocarts, les cuivres, les bijoux et les savons d Alep à l huile d olive. À côté des souks de l artisanat, les ateliers et les commerces les plus frcqucntés par les touristes se rencontrent surtout dans les vieux quartiers et dans les souks de Damas et d Alep. Comme partout ailleurs, les grands hôtels ont aussi leurs boutiques spécialisées dans les articles de l artisanat. Il faut enfin ajouter lc fait que les articles produits en Syrie sont également commercialisés auprès des touristes qui visitent les pay.s voisins. Reste le problème de la transmission du savoir-faire qui demeure entier. Comme partout dans les pays arabes, les métiers artisanaux se structurent de façon traditionnelle avec la hiérarchie maître, ouvrier et apprenti, le savoir-faire comportant une part de secret professionnel et se transmettant de père en fils. L État intervient dans le secteur du tapis et de la broderie florale et des centres artisanaux sont organisés en unités de production par le Ministère des affaires sociales. Le risque que certains métiers aux secrets détenus par une seule personne et dont la relève n est pas assurée disparaissent est réel. Indispensable pour I sauvegarder ces métiers, l intervention de l Etat n est pas toujours aisée dans un contexte marqué de plus en plus par le libéralisme. Mais la création