Prédication de la veillée de prière pour l unité des chrétiens Tours St Paul du Sanitas jeudi 22 janvier 2010 Commentaire de Luc 24, 1-52. La météo ou le climat? «Comme ils parlaient ainsi, Jésus fut présent au milieu d eux et leur dit : «la paix soit avec vous» Lc 24,36. Il est des scènes de l Evangile comme d un bon vin, d un plat savoureux ou d un beau morceau de musique, il faut prendre le temps de les accueillir, de les sentir, de les contempler, d en percevoir toutes les saveurs cachées, d en savourer par avance la promesse et d en découvrir l infinie richesse qui nous fait en parler avec émotion encore des semaines après qui nous laissent la trace d une présence qui se dit même dans l absence, dans l après, dans l éternelle présent de la mémoire vivante, de cette capacité à vivre aujourd hui ce qui nous vient d hier et qui nous émerveillera encore demain. C est bien cette attitude contemplative et reconnaissante que nous pouvons adopter ce soir en prenant conscience que cette présence du Seigneur Jésus au milieu de nous est offerte, que sa parole de paix est pour chacun de nous et que cette paix demeure offerte même dans les secousses de nos vies. Elle est pour Chacun de nous comme personne cheminant à côté de Cléophas sur les routes parfois obscurs de nos vies ; elle est pour chacun de nous comme communauté de croyants à qui le Christ ouvre l intelligence des Ecritures et se laisse reconnaître dans la fraction du pain ; elle est pour chacun de nous comme signe posé en ce monde et en ce temps de l actualité de Pâques car «de tout cela nous sommes les témoins» Lc 24,48. Oui soyons bien conscient de cette présence du Ressuscité an notre assemblée, goûtons l œuvre de l Esprit Saint qui nous fait prier le Père des toute tendresse pour ce monde où nous vivons, monde tellement secoué par les spasmes d une création encore en enfantement et par les conséquences parfois malheureuse d une liberté humaine souvent désorientée. 1
Le Christ est là au milieu de nous et cette assurance nous donne aussi de rendre compte de notre espérance avec respect et douceur à qui nous en demande compte comme le dit la première lettre de Pierre (1 P 3,15). Avec respect et avec douceur car notre témoignage n est pas la simple affirmation d une évidence qui s imposerait brutalement, mais bien l accueil d une Parole de témoins du Christ ressuscité, accueil qui fait de nous les témoins des témoins si j ose dire et qui nous redit l enracinement apostolique de notre foi, qui nous invite à la confiance mais aussi à l humilité car nous portons cette annonce dans les vases fragiles de nos vies personnelles et ecclésiales. Nous sommes témoins des témoins en ce sens que nous portons le témoignage que nous avons reçu d une nuée de témoins depuis le clair obscur du matin de Pâques. Témoins de ces femmes qui allaient oindre un mort et qui s entendent dire : «pourquoi cherchez vous le vivant parmi les morts» Lc 24,5. Témoins de l incrédulité initiale des apôtres, signe de la conversion nécessaire pour accueillir dans la foi celui qui dit à Madeleine : «ne me touche pas»! Car on ne met pas la main sur lui, tout comme on ne peut le retenir lorsqu à l auberge d Emmaüs le signe de la fraction du pain devient pour tous les temps le don de sa vie et de sa présence. Témoins du rude chemin de Cléophas et de son compagnon inconnu, dans lequel nous pouvons nous reconnaître, dans le dépouillement de leurs illusions perdues, dans la lente ouverture du cœur, de l intelligence, à cette Parole de feu qui les brûle avant même qu ils puissent croire que sont bien accomplies les promesses de la loi et des prophètes. Témoins de cette fraction du pain qui manifeste au plus haut point une présence accueillie dans l absence des sens et pourtant offerte à ce sens vital qu est le fait de manger. Cette fraction du pain qui est notre joie profonde et en même temps la source de notre souffrance en oecuménisme de ne pouvoir encore la partager dans la pleine vérité d une communion encore imparfaite. Témoins de cet étonnant face à face entre le Seigneur et ses apôtres, du réalisme d une résurrection qui transcende le temps mais qui concerne tellement toute sa personne qu il demande à manger. 2
Témoins du retour au Père et du don de l Esprit qui depuis 2000 ans nous pousse à annoncer «Christ est ressuscité» dans la diversité des témoignages et des charismes. En cela nous sommes bien aussi témoins des témoins car on devine que la manière de témoigner de Marie Madeleine, de Pierre ou des deux disciples d Emmaüs ne sera pas identique. Et pourtant, c est bien la victoire de Jésus sur la mort que tous mettront au cœur de leur témoignage. Dans ce qu elle a d unique pour chacun d eux, la rencontre personnelle avec le Ressuscité a radicalement changé leur vie et une même évidence s impose à eux : de tout cela, il nous faut être témoins. Leur récit aura des accents différents, parfois même des dissensions pourront naître entre eux sur ce que requiert la fidélité au Christ, et pourtant tous oeuvreront à l annonce de la Bonne Nouvelle. En cette année où nous fêtons le centenaire de la conférence d Edimbourg qui est une étape importante de l histoire œcuménique, nous pouvons nous aussi regarder le chemin parcouru. Par certains aspects nous pourrions être un petit peu déçus, comme les deux comparses d Emmaüs car nous pensions sans doute que les choses iraient plus vite. Il nous faut alors laisser le Christ nous rejoindre, nous ouvrir les yeux afin que nous comprenions qu en ce petit temps qu est un siècle dans l histoire de l Eglise, il s est passé tellement de choses impensables à vue humaine et compte tenu des blessures de l histoire. Notre prière de ce soir en est un signe! Prière où les différentes sensibilités du christianisme sont présentes, depuis l orient orthodoxe, jusqu aux courants évangéliques, baptistes, pentecôtistes, et adventistes en passant bien sur par les églises catholiques et reformées. Cela était-il ne serait qu imaginable voici même pas 50 ans pour certains, 20 ans pour d autres? Soyons bien conscient de cette grâce car cela est fruit de la grâce qui réalise l œuvre de Dieu envers et contre tous et parfois envers contre nous parfois aussi par nous et avec nous. Nous pouvons aussi faire mémoire de quelque événements majeurs comme la traduction commune de la Bible, comme nombreux accords théologiques : l accord christologique avec certaines églises que l on disait jadis «monophysites», comme la déclaration commune sur la justification entre catholiques et Luthériens en 1999! Plus récemment les catholiques et les baptistes ont été capable d écrire ensemble un texte sur Marie c est vous dire! 3
Nous savons bien que le temps de réception de tout ce travail théologique est long mais Dieu a son temps qui n est pas le nôtre! Comment ne pas mentionner également les exemples d un chemin œcuménique fécond à travers des communautés de type monastique comme Taizé, Granchamp, Bose ou Pomeyrol. Elles sont parfois des poils à gratter mais les contemplatifs portent souvent leur regard si loin devant nous Nous pouvons aussi accueillir avec reconnaissance les rencontres que des grands rassemblements charismatiques donnent de vivre à tant de jeunes chrétiens. Finalement Si je prenais une comparaison dans l actualité pour faire comme une relecture de ces 100 ans je ferai bien dialoguer un climatologue et un météorologue. En effet, les climatologues qui étudient l évolution sur des décennies voir des siècles, sur l ensemble de la terre, nous disent à temps et à contre temps que le climat se réchauffe. Les météorologues qui eux travaillent sur quelques jours et sur un pays donné, nous ont expliqué que le climat certes se réchauffait peut-être mais qu on allait tout de même avoir très froid et qu il neigeait en hiver. Ce soir, si vous le voulez bien, nous pourrions plutôt poser sur la vie œcuménique le regard du climatologue qui constate l inéducable réchauffement des relations depuis 100 ans, plutôt que celui du météorologue qui constate quelques refroidissements conjoncturels ou géographiquement situés parce qu ainsi sont les hommes et leur difficile histoire! En posant le regard du climatologue nous sommes encore et toujours témoins du ressuscité qui vient ouvrir des chemins nouveaux et le dernier verset de l Evangile est ce soir notre lot : «Après s êtres prosternés devant lui, ils retournèrent à Jérusalem pleins de joie, et ils étaient sans cesse dans le temple à bénir Dieu» Alors Bénissons Dieu et que Dieu nous bénisse! Amen! P. Gilles Lubineau Délégué diocésain à l oecuménisme 4
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