Des dernières choses de la vie



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Transcription:

Des dernières choses de la vie Réflexions sur l attitude contemporaine à propos des obsèques et de la mort Tableau par Gustave Courbet : Un enterrement à Ornans, 1850, aujourd'hui au Musée d Orsay à Paris «Ne crains pas, car je t ai appelé par ton nom». (selon Esaïe 43,1) Lettre pastorale pour le Carême 2013 Harald Rein Evêque de l Eglise catholique-chrétienne de la Suisse 1

Aux paroisses catholiques-chrétiennes et à toutes les personnes catholiques-chrétiennes dans la diaspora Des dernières choses de la vie Réflexions sur l attitude contemporaine à propos des obsèques et de la mort «Ne crains pas, car je t ai appelé par ton nom». (selon Esaïe 43,1) Chères sœurs, chers frères, «La fin de toutes choses est proche. Montrez donc de la sagesse et soyez sobres afin de pouvoir prier». C est ce que dit la première épître de Pierre (1 P 4, 7) L auteur y parle de la proche fin du monde. Or, la première épître de Pierre date de 1900 ans, et la terre n a pas encore cessé de tourner. Néanmoins, la fin est proche, car la durée de notre vie personnelle est limitée. Personne ne sait quand viendra le Jugement dernier, mais tout le monde sait qu un jour nous allons mourir. Au cours des siècles, les conceptions de l au-delà, de la mort et la nature des rites funéraires ont été soumis à de profondes mutations, dues à la fois aux circonstances de la vie et de l époque, ainsi qu à l interprétation des conceptions bibliques. La pratique de l inhumation a connu un changement dynamique ces dernières années. Dans une grande partie de la Suisse, toutes ces questions ont longtemps été réglées par l État qui y a appliqué un procédé normalisé. Aujourd'hui en revanche les personnes peuvent choisir parmi toute une panoplie de rites de fin de vie. Il existe alors des formes tout à fait nouvelles comme par exemple les sites funéraires anonymes, la dispersion des cendres dans la nature, les «forêts de la paix» où sont déposées les cendres du défunt au pied d un arbre. Cette évolution connaît de multiples causes: la mobilité des populations, la migration, le déclin de la religiosité et le souhait d attribuer plus d importance à certains rites religieux ou à l idéologie personnelle. Il va sans dire qu il faut respecter ce désir, mais pour moi, il est de mon devoir pastoral de vous rappeler nos traditions, tout en les appliquant de façon moderne. C est ainsi que, dans ma lettre pastorale pour le Carême 2013, je veux aborder trois questions d actualité : la pratique de l inhumation, l assistance à la mort et l accompagnement des personnes en fin de vie et leurs proches. 2

Pour différentes raisons historiques, la sépulture en Suisse est un monopole de l État qui, de fait, est en train de disparaître. La justification de ces dispositions repose sur «l égalité de traitement de tous, aussi dans la mort». Cependant, les changements au sein de notre société ont poussé les services des pompes funèbres à offrir de plus en plus d options pour les rituels funéraires. Les Églises ont là un grand défi à relever. Cette nouvelle situation leur donne la chance de cultiver les valeurs chrétiennes et les rites chrétiens, de leur attribuer plus d importance dans le cadre d une culture funéraire chrétienne, tout en établissant un lien avec les célébrations liturgiques et la pastorale pour les personnes en deuil. Les Églises devraient reprendre, au moins partiellement, cette tâche clé dont l État s était emparé au 19 e siècle. 3

Sur la pratique de l inhumation Selon notre tradition de foi catholique, l Église constitue la communauté des vivants et des morts. Ces deux états se distinguent seulement par le fait que les uns vivent encore dans le présent, tandis que les autres sont déjà auprès de Dieu dans l éternité. C est pourquoi on a autrefois aménagé les cimetières autour de l église, là, où cela était possible. Après la messe, les fidèles allaient au cimetière, sur les tombes de leurs proches. Aujourd'hui, ce n est malheureusement plus possible en beaucoup d endroits. Cependant un aspect plus important que le lien direct entre l église et le cimetière est l inhumation proprement dite (d un cercueil ou d une urne), à savoir l enterrement dans un lieu permanent, désigné par un nom qui lui est propre. La dispersion des cendres dans la nature (forêt, montagne, mer, rivière, etc.) ou dans des sites anonymes ou encore la conservation de l urne funéraire à la maison, ne correspondent pas, à mon avis, aux traditions chrétiennes. Selon la compréhension biblique, chaque être humain est unique - et à l image de Dieu, chaque être a un nom qui «figure au livre de vie» (Philippiens 4,3). Et dans Ésaïe, il est écrit : «Ne crains pas, car je t ai racheté, je t ai appelé par ton nom, tu es à moi» (Esaïe 43,1). Le lieu permanent se fonde sur l espoir chrétien de la résurrection lors du Jugement dernier, quand ce monde terrestre touchera à sa fin, quand Dieu les fera tous remonter de leurs tombeaux (Ézéchiel 37) et qu Il rétablira l unité de l âme et du corps selon d autres critères (ceux de Dieu et non les nôtres). L apôtre Paul l exprime dans sa première lettre aux Corinthiens (15, 44) de la façon suivante : «semé corps animal, on ressuscite corps spirituel». Ce pilier fondamental ne contredit pas d autres passages de la Bible qui soutiennent que l âme ou l esprit d une personne décédée aille directement auprès de Dieu au ciel (comparer avec Luc 9, 30 ss). Les deux affirmations appartiennent au même mystère. Cependant, la conception proprement chrétienne de l au-delà n est pas la perpétuation de l âme, mais le nouvel être humain, ressuscité en communion avec Dieu. Certes, je me rends compte que la foi chrétienne en la résurrection, au regard de la miséricorde et de la toute-puissance de Dieu, peut aussi se passer d une «fixation» en un lieu et un nom, surtout dans les cas de catastrophes naturelles. Pourtant, le «cas normal» s inscrit dans la logique d une Église en tant que communauté des vivants et des morts. Pour les personnes qui professent leur appartenance à la communauté de l Église, il s agit de donner la priorité, dans leurs actes, à une attitude globale plutôt qu à leurs désirs ponctuels et individuels. La question de l inhumation dans l intimité en est un bon exemple. L enterrement d un membre de l Église est une affaire publique, de même que le baptême et le mariage. Les obsèques dans la stricte intimité familiale peuvent déranger des amis ou des voisins, car il s agit d un changement important dans la vie collective d une communauté chrétienne! Là, où il n y a pas de famille, la paroisse peut remplir une fonction importante d amour du prochain en assistant aux obsèques, et en rendant les derniers honneurs à la personne défunte. Néanmoins, il faut aussi respecter fidèlement la dernière volonté du défunt, ou de sa famille, par rapport à la manière dont se déroule l inhumation. C est pourquoi nos rites concernant la mort et les obsèques ont une grande signification (cf. les rites du livre de prière et de cantiques suisse-allemand : CG 274 à 283, pas encore édités en français). J aimerais mettre en évidence les prières les plus importantes en ce qui concerne l inhumation (peu importe si elles sont faites à l église ou dans la chapelle d un Centre funéraire) : 4

La demande de pardon mutuel et du «lâcher prise» Le cierge baptismal ainsi que le cierge pascal (ou un autre qui a joué un rôle important dans l accompagnement du mourant) sont allumés et placés près du cercueil ou de l urne. Le cercueil ou l urne est aspergée d eau bénite, rappelant le baptême («Que le Seigneur achève en toi, ce qu il a commencé dans le baptême») Le cercueil ou l urne est encensée. L encens honore le corps qui, par le baptême et l onction du chrême (également lors de la confirmation) est devenu le temple du Saint Esprit. La bénédiction par le signe de croix. La reconnaissance de tout le bien que la personne défunte a fait dans sa vie et la prière pour celui ou celle qui, le premier, le suivra pour paraître devant la face de Dieu. S il n y a pas de messe de requiem avant ou après l inhumation, la famille est invitée à assister à la messe du dimanche suivant ainsi qu au requiem du jour des défunts où l on fait habituellement une visite au cimetière - et où sont nommés, à haute voix, les défunts de l année. Si c est possible, le requiem devrait avoir lieu à l église paroissiale en présence du cercueil ou de l urne avant l inhumation L annonce du message de la mort et de la résurrection de Jésus Christ et l accompagnement pastoral par l Église et la paroisse ne sont pas terminés avec les obsèques. L Église est comme je l ai souligné la communauté des vivants et des morts. C est une question dont j aimerais m occuper dans le dernier chapitre «L accompagnement des personnes en fin de vie et de leurs proches». Conformément à nos propos, une inhumation catholique-chrétienne n est possible que si la personne décédée a été membre de l Église catholique-chrétienne. Dans des cas exceptionnels, cela peut être appliqué à leurs proches. Après les rites funéraires, l Église, en l occurrence la paroisse, continue d entourer la famille de son attention pastorale et liturgique. L Église cherche à préserver son propre profil face aux évolutions séculaires. Il semble que, dans ce contexte, les columbariums sont en train de gagner en importance. Leur existence remonte à l époque de la Rome antique où on a organisé et superposé des rangées de niches funéraires pour les urnes. À cause d une similarité d apparence, on les a appelés «columbarium» signifiant à l origine «niche de pigeon». Dès le début du Moyen Âge, l enterrement s est imposé dans l Europe christianisée. L incinération des corps, et par conséquent l inhumation d urnes, ont été interdites. C est ainsi que dans les régions germanophones, les columbariums ne sont réapparus qu à partir de 1892 ; en général sous forme de murs d urnes dans les cimetières publics. Par ailleurs, ces dix dernières années en Allemagne, on a commencé à installer des columbariums dans des églises vieille-catholiques, catholiques-romaines ou protestantes dont on n a plus d usage. Quelquefois ces églises ont gardé parallèlement une utilisation pour des célébrations liturgiques. Elles disposent ainsi de deux fonctions dans un même lieu : la dernière demeure pour des urnes, tout en étant la maison du Seigneur. Cette discussion est venue aussi en Suisse, surtout dans le 5

canton de Bâle-Ville. La société change ; nous devrions bien réfléchir si cette forme d obsèques, à la fois ancienne et nouvelle, ne pourrait pas apaiser les craintes (comme de savoir «qui s occupera de l entretien de ma tombe, qui viendra la visiter?») et prendre au sérieux les questions de nos contemporains. En même temps, cette solution établirait un lien entre le présent et les débuts de la chrétienté. Les lieux d inhumation sont des lieux de mémoire et de prière. Ils soutiennent ainsi le travail de deuil et permettent de garder le contact avec les personnes décédées. Les chrétiennes et les chrétiens commémorent les morts parce qu ils vivent, et non pour qu ils vivent! Les columbariums ecclésiaux surtout dans les villes peuvent apporter une contribution importante en montrant une attitude respectueuse envers la dignité des morts tout en permettant aux vivants de trouver un lieu de calme, de repos et de recueillement qui soit aussi un lieu de célébrations liturgiques. 6

Sur l assistance à la mort De nos jours bien des personnes souhaitent une mort facile, sans souffrance. Même si je comprends les raisons à savoir mener une vie autonome et pouvoir mourir dans la dignité et sans douleurs dès que cette autonomie est perdue je ne peux pas donner mon appui actif à la personne souhaitant mourir. Ce que je peux faire, c est l accompagner d une manière passive. Cependant, ce qui est valide et ce qui a déjà été expliqué : l Église catholique-chrétienne a toujours attaché la plus haute importance à la dignité humaine qui s exprime par la responsabilité propre et la liberté de choix. Cela implique de croire en la capacité d une personne d agir en toute responsabilité. Il ne faut pas la décharger des décisions qu elle doit défendre devant elle-même et devant Dieu. Vu sous l angle biblique et théologique il est clair que Dieu seul est le Maître de la vie et de la mort. Ainsi la vie mérite d être protégée dans sa globalité. Vu sous l angle de la pastorale, il faut toutefois comprendre les personnes concernées. Les ecclésiastiques, les médecins et d autres personnes de confiance peuvent et doivent accompagner une personne souhaitant mourir vers une décision personnelle. Ils doivent aussi lui montrer les alternatives au suicide, mais l aspect essentiel est de rendre capable la personne concernée de mener sa vie d une manière responsable, de prendre des décisions et de résoudre ses conflits. Dans le meilleur des cas, la personne apprend, par l accompagnement, à voir sa vie comme un cadeau de Dieu, à l accepter comme précieuse, et à la supporter même dans les plus grandes crises. Je voudrais donc mentionner explicitement la possibilité des soins palliatifs, qui sont à prodiguer sous contrôle médical, avec l attention pastorale. Et j ajouterais sous dans un climat de bienveillance et de prières. Finalement l accompagnement signifie aussi qu on accepte la personne désirant mourir avec respect, au cas où celle-ci décide de mettre fin à sa vie. L accompagnement empathique et spirituel d une personne souffrante ou mourante, et de ses proches, s inscrit dans un contexte profondément chrétien et revêt une grande importance. 7

L accompagnement de personnes en fin de vie et de leurs proches L invitation de Jésus comme elle est écrite dans l évangile de Matthieu (8, 22) «Laisse les morts enterrer leurs morts» est souvent mal comprise. Elle ne signifie pas la négation des thèmes comme l agonie, la mort et l enterrement. Au contraire, elle signifie une vie consciente au présent, une vie qui ne se laisse pas dominer par les ombres du passé. Il est alors important pour tous les chrétiens et chrétiennes qu ils puissent participer à la décision de savoir comment, lors de leur décès, l accompagnement et les obsèques seront pratiqués, car les «mourants» sont encore des «vivants». En cela s exprime notre foi en Jésus Christ dans sa globalité. Le souci pour les mourants et les défunts et leurs proches est une tâche de chaque paroisse et revêt une importance aussi grande que les baptêmes, les mariages, etc. Chaque personne mourante est une créature unique de Dieu qui suit son chemin de vie jusqu au bout. Elle constitue alors une unicité qui devrait aussi se manifester quand on prend congé d elle. Nous tous, nous devrions prendre le temps d accompagner cette personne et ses proches sur son chemin vers la mort. Le plus important est d accompagner en permanence les personnes gravement malades ou mourantes par des visites et des soins spirituels à l hôpital ou à domicile, par la communion apportée aux malades, comme viatique et par la fortifiante onction des malades qui est signe de l amour de Dieu. Quand notre pèlerinage terrestre touche à sa fin, un accompagnement direct de la personne mourante s impose (cf. livre de prière suisse-allemand, CG 275 : Paroles pour l accompagnement des mourants). Cet accompagnement est très exigeant, car la mort est un sujet tabou dans notre société axée davantage sur le plaisir. Par conséquent beaucoup ont du mal à en parler, et la mort est reléguée dans les hôpitaux ou les EMS. Même face à la mort, nous ne sommes pas capables de l appeler par son nom. Cela s applique aux mourants de la même manière qu à leurs proches. Les conversations ouvertes se bloquent à ce sujet par respect et amour du mourant. On a l impression que la mort est souvent prise pour une maladie qu on surmontera un jour. Cependant, il est dangereux de refouler la mort car elle fait partie de l existence humaine. Dans l idéal chrétien, le mourant peut dire à sa famille : «J ai vécu et maintenant je vais vers Dieu, là d où je suis venu et je vous remercie pour le temps que nous avons passé ensemble et je me réjouis de vous revoir dans le nouveau monde». Pour son entourage il est très difficile d accepter l inaccessibilité d une personne gravement malade ou mourante. Pourtant les proches devraient tout simplement être là en espérant qu une communication sera néanmoins possible. Les grands malades ou les mourants ne sont pas inaccessibles en soi, mais souvent c est leur état qui rend insaisissable leurs relations avec les autres. C est là que je vois la tâche de l Église qui peut offrir un accompagnement pastoral pour établir un pont entre la personne mourante, ses proches et Dieu. Cela exige beaucoup de temps et une grande capacité d empathie, mais si l Église n en a plus le temps, qui aura encore le temps d apporter cette contribution? Avoir le temps pour les personnes compte parmi les tâches clés de l Église. Elle a le temps pour toutes celles et ceux qui ont besoin d elle. L Église peut aider ses membres à redécouvrir les rites chrétiens dont ils se sont éloignés du 8

fait de la sécularisation et à cause de la distance générale qui s est établie entre la société et les Églises. Autrefois, on avait l habitude de faire la toilette la personne décédée à la maison, de l habiller ou au moins d assister à ces gestes. Toucher la personne défunte et aller la voir dans la chapelle funéraire font partie intégrante de l éternel adieu, seul ou accompagné d un ecclésiastique. Les enfants et les adolescents ne devraient pas être exclus de cette démarche par fausse délicatesse ou égards déplacés. Souvent, les jeunes ont une attitude plus naturelle envers la mort que les adultes. Les jeunes ont le droit d être en deuil et de faire leurs adieux dans une atmosphère appropriée. L annonce du message chrétien de la mort et de la résurrection est la tâche fondamentale de l Église dans tous les domaines de la vie. Les chrétiens et chrétiennes l expriment par leur comportement face aux personnes mourantes, à la mort et aux défunts. Cela est également exprimé par notre prière eucharistique : «Nous proclamons la mort du Seigneur ; nous célébrons sa résurrection jusqu à ce qu il revienne en gloire». + Harald Rein 9

L évêque Harald Rein (photo : Matthias Wassermann) 10